Un article de Daphnée Dion-Viens, dans Le Soleil du 26 décembre.
***
(Québec) Au primaire, les résultats des élèves en français continuent de se détériorer, confirmant la tendance observée depuis la mise en place de la réforme en 2000.
Le taux de réussite des élèves de sixième année à l'épreuve d'écriture a encore chuté entre 2005 et 2006, passant de 83 % à 81 %. En 2000, ils étaient pourtant 90 % à réussir cet examen.
Les chiffres de 2006 sont les résultats les plus récents compilés par le ministère de l'Éducation. Le document de travail remis au Soleil fait aussi état d'un écart grandissant entre filles et garçons : 89 % des écolières ont réussi l'épreuve de français, contre 74 % pour leurs camarades de classe. En 2005, 78 % des garçons obtenaient la note de passage, contre... 89 % en 2000.
Ces résultats confirment la tendance observée entre 2000 et 2005, qui a fait l'objet d'un rapport remis il y a deux ans à la Table de pilotage sur le renouveau pédagogique. À la lumière de ces résultats décevants, Québec avait alors annoncé un important virage afin de «réformer la réforme».
Depuis, la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, a aussi présenté en février un plan d'action pour l'amélioration de l'enseignement du français, qui a reçu un accueil plutôt favorable. La plupart des 22 mesures comprises dans ce plan sont en vigueur depuis septembre.
Les résultats détaillés de l'année 2006 nous apprennent que c'est l'orthographe qui a donné le plus de fil à retordre aux élèves : 77 % ont réussi ce critère en 2005 contre 68 % en 2006. Les erreurs les plus fréquentes sont d'ordre grammatical, peut-on lire dans le document. Pour réussir cet examen, l'élève doit faire moins de 10?% de fautes dans un texte.
Parmi les cinq éléments évalués (vocabulaire, syntaxe et ponctuation, pertinence et suffisance des idées, organisation du texte, orthographe), la syntaxe et la ponctuation est le seul critère qui a été mieux réussi qu'en 2005, même si le score reste inférieur à celui de 2000. Le rapport du ministère stipule que «les taux de réussite constituent une base valable de comparaison pour les trois années retenues étant donné que les conditions d'échantillonnage et de correction sont les mêmes». Il recommande «d'apporter des correctifs nécessaires pour favoriser une meilleure réussite chez les élèves».
Résultats décevants
À la Fédération des syndicats de l'enseignement, on juge ces résultats décevants. La porte-parole, Sylvie Lemieux, a réitéré «l'urgence de poursuivre la réforme de la réforme en cours», notamment en revoyant les programmes de français afin de mettre l'accent sur l'acquisition de connaissances.
Fin octobre, le ministère publiait un premier document précisant les connaissances à acquérir en orthographe et en conjugaison au primaire. D'autres documents du même genre suivront au cours des prochains mois.
Parmi les mesures comprises dans le plan d'action de la ministre Courchesne, on trouve aussi des séances de lecture quotidienne, la rédaction d'un texte par semaine de même que l'embauche de nouveaux bibliothécaires et de conseillers pédagogiques en français. Les exigences de réussite à l'épreuve d'écriture de sixième année seront aussi rehaussées, notamment en orthographe.
vendredi, décembre 26, 2008
mardi, décembre 23, 2008
INTERNET COMME MIRAGE PÉDAGOGIQUE
[Article paru dans le dernier numéro de la revue À Bâbord]
Je suis très loin d’être un technophobe et j’utilise au contraire beaucoup et apprécie énormément l’ordinateur, Internet, de nombreux logiciels et des tas d’innovations de l’ère numérique. Tout cela, je le reconnais, a souvent rendu ma vie et certaines des tâches que j’accomplis plus faciles.
Pourtant, ce n’est pas sans un grand malaise que j’entends certaines personnes vanter les bienfaits pédagogiques qu’il faut attendre de toutes ces innovations. Je l’avoue : j’ai très souvent de sérieux doutes et de grandes réserves devant les promesses que me font tous ces technophiles.
L’expérience m’a montré que ces doutes sont sains, à la fois sur un plan pédagogique et sur un plan économique, puisque ces technologies coûtent typiquement très cher. Sans nier qu’on trouvera des avantages à certains modestes usages faits en classe de ces nouvelles technologies, je pense que bien souvent les promesses qu’on nous fait miroiter, spécialement pour l’enseignement primaire et secondaire, sont des mirages pour lesquels on dépense des sommes importantes qui seraient mieux investies ailleurs.
Mais c’est là un vaste sujet et c’est pourquoi je voudrais m’attarder ici à une seule idée, bien précise, qui est avancée par certains de ces technophiles. Je pense que si on examine cette idée de près, en particulier à la lumière de ce que nos savons en psychologie cognitive, de très sérieux bémols s’imposent.
***
Cette idée est que l’existence d’Internet comme source quasi illimitée d’informations forcerait à complètement réévaluer l’importance qui était autrefois accordée en éducation à la transmission de connaissances, de faits et d’informations. «Internet», dit en ce sens Michel serres, «nous force à être intelligent».
Après tout, vous expliquera-t-on, il sera toujours possible d’aller sur Internet chercher une information qui vous manque, de sorte que c’est perdre un précieux temps scolaire et pédagogique que de vouloir enseigner aux enfants des faits aisément accessibles et qui risquent, de surcroît, d’être vite périmés. Le plus sage et le plus efficace est plutôt d’apprendre aux enfants à raisonner, à synthétiser, à être créatif, à faire preuve d’esprit critique, à questionner, bref de développer chez eux ces habiletés cognitives de haut niveau qui sont celles des experts — sans oublier bien entendu celle qui consiste à chercher de l’information, notamment sur Internet.
En somme, et on invoquera ici Montaigne, une tête bien faite est le but que doit viser l’éducateur : et le moyen de faire une telle tête n’est surtout pas de la remplir de connaissances, d’informations et de «simples faits» vite périmés, mais de développer, par la pratique, ces indispensables habiletés de haut niveau que l’élève pourra ensuite utiliser dans différents contextes — c’est-à-dire transférer — et cela tout au long de sa vie.
Donnons un exemple : dans une discussion sur la possibilité de la vie extra-terrestre, qui ignore ce qu’est une planète, mais sait penser de manière critique, pourra toujours consulter Internet et lire la définition; par contre, qui sait ce qu’est une planète mais ne sait pas penser de manière critique, celui-là ne l’apprendra pas sur Internet et ce «simple fait» qu’il connaît, outre qu’il est toujours révisable (ne vient-on d’ailleurs pas justement d’exclure Pluton du nombre des planètes?) ne lui sera d’aucun secours.
***
Si ces idées sont aussi répandues, c’est qu’elles sont terriblement séductrices et à première vue plausibles. Quelle efficacité et quelle économie de temps ne promettent-elles pas au pédagogue dont le temps est si limité! Et quelle joie de pouvoir contourner ce pénible obstacle de faits, de dates, de noms et de définitions, qu’il faut toutes péniblement apprendre, pour aussitôt accéder à la joie de comprendre, de résoudre des problèmes et de penser par soi-même.
En me fondant sur divers écrits de E.D. Hirsch, je voudrais avancer quelques arguments qui suggèrent que ces idées sont un mirage pédagogique d’autant dangereux qu’il est séduisant.
***
Pour commencer, et cela semblera un formidable paradoxe, le fait est qu’il faut du savoir pour apprendre et ce n’est que parce qu’on sait déjà beaucoup qu’on peut apprendre. En établissant cela, la psychologie cognitive a confirmé ce que soupçonnait Platon. Ce point est capital. Il implique en pratique qu’une définition qu’on consulte ne peut être comprise que si on connait déjà une très grande part de ce qu’on y lira et que c’est l’expert, , qui sait déjà beaucoup de choses, et non le novice, qui en apprendra plus, plus vite et mieux.
La psychologie cognitive suggère aussi pourquoi il en est ainsi. Nous accédons au monde à travers une sorte de fenêtre à travers laquelle un nombre limité d’items peut être traité. On estime en fait à 7 plus ou moins deux le nombre de ces items que peut contenir ce qu’on appelle notre mémoire de travail: après quoi, nous sommes intellectuellement débordés. Cette limitation est cependant surmontée par un processus qui permet de regrouper des items pour en faire un seul. Or ce qui permet cette synthèse, ce sont justement des savoirs, de «simples faits», mémorisés et connus.
Enfin, lorsque nos habiletés cognitives supérieures peuvent se mettre en œuvre parce que des savoirs préalables existent et ont permis de surmonter les limitations de notre mémoire de travail, ces habiletés sont spécifiques à un domaine de savoir. Ce qui signifie qu’elles ne seront transférables qu’à proportion que là où on les transpose des savoirs qu’on possède sont pertinents.
Ces trois séries d’arguments convergent et ils sont décisifs contre l’idée qu’il existerait des capacités intellectuelles de haut niveau transversales qu’on pourrait exercer et développer pour elles-mêmes. Les experts sont toujours savants et leur expertise, qui dépend de leur savoir, est spécifique à un domaine donné.
Considérez la célèbre expérience menée dans les années 60 par A.D. van De Groot, qui était lui-même un joueur d’échecs et s’intéressait justement à l’expertise dans ce domaine.
On montre à des joueurs d’échec, durant un bref moment (entre 5 et 10 secondes), un échiquier comprenant 25 pièces du jeu placées selon une configuration possible d’une partie. On leur demande ensuite de reconstituer de mémoire ce qu’ils ont vu.
Il se trouve que les différents taux de succès à cet exercice sont parfaitement corrélés avec le statut du joueur. C’est ainsi que les grands maîtres ne se trompent pour ainsi dire jamais dans leur reconstitution de la partie; que les joueurs un peu moins bien classés font quelques erreurs; et ainsi de suite, jusqu’aux novices qui ne placent correctement que quelques pièces.
On pourrait penser que les grands maîtres ont des facultés intellectuelles extraordinaires — et que c’est ce qui fait d’eux de grands maîtres. Mais il n’en est rien. La mémoire de travail des grands maîtres, en particulier, est la même que la nôtre. Ils ont cependant accès à un très riche répertoire de savoirs — et connaissent un très très grand nombre de positions possibles des pièces durant une partie — qui leur permet de mémoriser une partie donnée en un bref coup d’œil. Et les novices, quant à eux, ne replacent correctement … eh oui : qu’entre 5 et 9 pièces.
De Groot a ensuite montré à ses sujets des positions aléatoires de pièces, i.e. ne constituant pas une configuration possible d’une partie : comme on pouvait s’y attendre, les grands maîtres eux-mêmes ne plaçaient plus correctement que quelques pièces. (Combien? Entre 5 et 9, mais vous l’aviez deviné).
Ce type d’expérience a été reproduite un grand nombre de fois et dans de nombreux domaines (médecine, physique, musique etc.) avec, à chaque fois, le même résultat.
***
Revenons à notre discussion sur la vie extra-terrestre. Notre penseur critique formé aux hautes habiletés cognitives ignore ce qu’est une planète. Il va donc sur Internet et trouve :
«Une planète se distingue d'une étoile essentiellement par le fait qu'elle n'a pas de source d'énergie interne durable sur des milliards d'années. Une telle source durable d'énergie ne peut être que d'origine nucléaire. Une planète est donc un corps sans énergie nucléaire interne. Les calculs montrent que les réactions thermonucléaires ne peuvent s'amorcer qu'au-dessus d’environ 13 fois la masse de Jupiter. Cette valeur fixe donc la limite au-dessus de laquelle une astre ne peut plus, selon la présente définition, être appelé "planète".»(Exemple de Hirsch, traduction libre: N. Baillargeon)
Sans de nombreuses connaissances de toutes sortes et notamment de «simples faits» et des «briques de connaissances», cette définition est incompréhensible.
La morale pédagogique de tout cela est limpide: il y a en éducation de supposés raccourcis qui donnent du retard et qui sont autant de séduisants mirages auxquels il faut, avec fermeté, savoir résister. Un riche bagage de connaissances générales, un riche vocabulaire qui en témoigne : loin d’être de «simples faits», ces précieuses possessions sont d’indispensables préalables au développement des capacités intellectuelles de haut niveau et constituent un des meilleurs garants de la réussite scolaire.
Pour finir : contrairement à ce qu’on lui fait souvent dire, Montaigne, qui était sage, n’a jamais bêtement opposé tête bien faite à tête bien pleine et il savait parfaitement que la seconde est indispensable si on veut la première.
Une lecture
HIRSCH, E.D. Jr, The Schools we Need and Why we don’t have them, Doubleday, New York, 1999.
«You Can Always Look It Up — Or Can You?», Common Knowledge, Volume 13, #2/3, Spring/Summer 2000.
Je suis très loin d’être un technophobe et j’utilise au contraire beaucoup et apprécie énormément l’ordinateur, Internet, de nombreux logiciels et des tas d’innovations de l’ère numérique. Tout cela, je le reconnais, a souvent rendu ma vie et certaines des tâches que j’accomplis plus faciles.
Pourtant, ce n’est pas sans un grand malaise que j’entends certaines personnes vanter les bienfaits pédagogiques qu’il faut attendre de toutes ces innovations. Je l’avoue : j’ai très souvent de sérieux doutes et de grandes réserves devant les promesses que me font tous ces technophiles.
L’expérience m’a montré que ces doutes sont sains, à la fois sur un plan pédagogique et sur un plan économique, puisque ces technologies coûtent typiquement très cher. Sans nier qu’on trouvera des avantages à certains modestes usages faits en classe de ces nouvelles technologies, je pense que bien souvent les promesses qu’on nous fait miroiter, spécialement pour l’enseignement primaire et secondaire, sont des mirages pour lesquels on dépense des sommes importantes qui seraient mieux investies ailleurs.
Mais c’est là un vaste sujet et c’est pourquoi je voudrais m’attarder ici à une seule idée, bien précise, qui est avancée par certains de ces technophiles. Je pense que si on examine cette idée de près, en particulier à la lumière de ce que nos savons en psychologie cognitive, de très sérieux bémols s’imposent.
***
Cette idée est que l’existence d’Internet comme source quasi illimitée d’informations forcerait à complètement réévaluer l’importance qui était autrefois accordée en éducation à la transmission de connaissances, de faits et d’informations. «Internet», dit en ce sens Michel serres, «nous force à être intelligent».
Après tout, vous expliquera-t-on, il sera toujours possible d’aller sur Internet chercher une information qui vous manque, de sorte que c’est perdre un précieux temps scolaire et pédagogique que de vouloir enseigner aux enfants des faits aisément accessibles et qui risquent, de surcroît, d’être vite périmés. Le plus sage et le plus efficace est plutôt d’apprendre aux enfants à raisonner, à synthétiser, à être créatif, à faire preuve d’esprit critique, à questionner, bref de développer chez eux ces habiletés cognitives de haut niveau qui sont celles des experts — sans oublier bien entendu celle qui consiste à chercher de l’information, notamment sur Internet.
En somme, et on invoquera ici Montaigne, une tête bien faite est le but que doit viser l’éducateur : et le moyen de faire une telle tête n’est surtout pas de la remplir de connaissances, d’informations et de «simples faits» vite périmés, mais de développer, par la pratique, ces indispensables habiletés de haut niveau que l’élève pourra ensuite utiliser dans différents contextes — c’est-à-dire transférer — et cela tout au long de sa vie.
Donnons un exemple : dans une discussion sur la possibilité de la vie extra-terrestre, qui ignore ce qu’est une planète, mais sait penser de manière critique, pourra toujours consulter Internet et lire la définition; par contre, qui sait ce qu’est une planète mais ne sait pas penser de manière critique, celui-là ne l’apprendra pas sur Internet et ce «simple fait» qu’il connaît, outre qu’il est toujours révisable (ne vient-on d’ailleurs pas justement d’exclure Pluton du nombre des planètes?) ne lui sera d’aucun secours.
***
Si ces idées sont aussi répandues, c’est qu’elles sont terriblement séductrices et à première vue plausibles. Quelle efficacité et quelle économie de temps ne promettent-elles pas au pédagogue dont le temps est si limité! Et quelle joie de pouvoir contourner ce pénible obstacle de faits, de dates, de noms et de définitions, qu’il faut toutes péniblement apprendre, pour aussitôt accéder à la joie de comprendre, de résoudre des problèmes et de penser par soi-même.
En me fondant sur divers écrits de E.D. Hirsch, je voudrais avancer quelques arguments qui suggèrent que ces idées sont un mirage pédagogique d’autant dangereux qu’il est séduisant.
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Pour commencer, et cela semblera un formidable paradoxe, le fait est qu’il faut du savoir pour apprendre et ce n’est que parce qu’on sait déjà beaucoup qu’on peut apprendre. En établissant cela, la psychologie cognitive a confirmé ce que soupçonnait Platon. Ce point est capital. Il implique en pratique qu’une définition qu’on consulte ne peut être comprise que si on connait déjà une très grande part de ce qu’on y lira et que c’est l’expert, , qui sait déjà beaucoup de choses, et non le novice, qui en apprendra plus, plus vite et mieux.
La psychologie cognitive suggère aussi pourquoi il en est ainsi. Nous accédons au monde à travers une sorte de fenêtre à travers laquelle un nombre limité d’items peut être traité. On estime en fait à 7 plus ou moins deux le nombre de ces items que peut contenir ce qu’on appelle notre mémoire de travail: après quoi, nous sommes intellectuellement débordés. Cette limitation est cependant surmontée par un processus qui permet de regrouper des items pour en faire un seul. Or ce qui permet cette synthèse, ce sont justement des savoirs, de «simples faits», mémorisés et connus.
Enfin, lorsque nos habiletés cognitives supérieures peuvent se mettre en œuvre parce que des savoirs préalables existent et ont permis de surmonter les limitations de notre mémoire de travail, ces habiletés sont spécifiques à un domaine de savoir. Ce qui signifie qu’elles ne seront transférables qu’à proportion que là où on les transpose des savoirs qu’on possède sont pertinents.
Ces trois séries d’arguments convergent et ils sont décisifs contre l’idée qu’il existerait des capacités intellectuelles de haut niveau transversales qu’on pourrait exercer et développer pour elles-mêmes. Les experts sont toujours savants et leur expertise, qui dépend de leur savoir, est spécifique à un domaine donné.
Considérez la célèbre expérience menée dans les années 60 par A.D. van De Groot, qui était lui-même un joueur d’échecs et s’intéressait justement à l’expertise dans ce domaine.
On montre à des joueurs d’échec, durant un bref moment (entre 5 et 10 secondes), un échiquier comprenant 25 pièces du jeu placées selon une configuration possible d’une partie. On leur demande ensuite de reconstituer de mémoire ce qu’ils ont vu.
Il se trouve que les différents taux de succès à cet exercice sont parfaitement corrélés avec le statut du joueur. C’est ainsi que les grands maîtres ne se trompent pour ainsi dire jamais dans leur reconstitution de la partie; que les joueurs un peu moins bien classés font quelques erreurs; et ainsi de suite, jusqu’aux novices qui ne placent correctement que quelques pièces.
On pourrait penser que les grands maîtres ont des facultés intellectuelles extraordinaires — et que c’est ce qui fait d’eux de grands maîtres. Mais il n’en est rien. La mémoire de travail des grands maîtres, en particulier, est la même que la nôtre. Ils ont cependant accès à un très riche répertoire de savoirs — et connaissent un très très grand nombre de positions possibles des pièces durant une partie — qui leur permet de mémoriser une partie donnée en un bref coup d’œil. Et les novices, quant à eux, ne replacent correctement … eh oui : qu’entre 5 et 9 pièces.
De Groot a ensuite montré à ses sujets des positions aléatoires de pièces, i.e. ne constituant pas une configuration possible d’une partie : comme on pouvait s’y attendre, les grands maîtres eux-mêmes ne plaçaient plus correctement que quelques pièces. (Combien? Entre 5 et 9, mais vous l’aviez deviné).
Ce type d’expérience a été reproduite un grand nombre de fois et dans de nombreux domaines (médecine, physique, musique etc.) avec, à chaque fois, le même résultat.
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Revenons à notre discussion sur la vie extra-terrestre. Notre penseur critique formé aux hautes habiletés cognitives ignore ce qu’est une planète. Il va donc sur Internet et trouve :
«Une planète se distingue d'une étoile essentiellement par le fait qu'elle n'a pas de source d'énergie interne durable sur des milliards d'années. Une telle source durable d'énergie ne peut être que d'origine nucléaire. Une planète est donc un corps sans énergie nucléaire interne. Les calculs montrent que les réactions thermonucléaires ne peuvent s'amorcer qu'au-dessus d’environ 13 fois la masse de Jupiter. Cette valeur fixe donc la limite au-dessus de laquelle une astre ne peut plus, selon la présente définition, être appelé "planète".»(Exemple de Hirsch, traduction libre: N. Baillargeon)
Sans de nombreuses connaissances de toutes sortes et notamment de «simples faits» et des «briques de connaissances», cette définition est incompréhensible.
La morale pédagogique de tout cela est limpide: il y a en éducation de supposés raccourcis qui donnent du retard et qui sont autant de séduisants mirages auxquels il faut, avec fermeté, savoir résister. Un riche bagage de connaissances générales, un riche vocabulaire qui en témoigne : loin d’être de «simples faits», ces précieuses possessions sont d’indispensables préalables au développement des capacités intellectuelles de haut niveau et constituent un des meilleurs garants de la réussite scolaire.
Pour finir : contrairement à ce qu’on lui fait souvent dire, Montaigne, qui était sage, n’a jamais bêtement opposé tête bien faite à tête bien pleine et il savait parfaitement que la seconde est indispensable si on veut la première.
Une lecture
HIRSCH, E.D. Jr, The Schools we Need and Why we don’t have them, Doubleday, New York, 1999.
«You Can Always Look It Up — Or Can You?», Common Knowledge, Volume 13, #2/3, Spring/Summer 2000.
Libellés :
éducation,
Internet,
Normand Baillargeon
MICHAEL SHERMER DÉMONTRE COMMENT S'Y PRENNENT DES CHARLATANS (1/2)
Amusant et instructif!
dimanche, décembre 21, 2008
DÉCÈS DE CAROL CHOMSKY
Carol Chomsky, l'épouse de Noam, est décédée vendredi.
Une notice nécrologique se trouve ici.
Elle était elle aussi linguiste et a fait de la recherche sur l'apprentissage de la lecture.
Ils formaient un couple très uni et je suis bien triste pour Noam.
Une notice nécrologique se trouve ici.
Elle était elle aussi linguiste et a fait de la recherche sur l'apprentissage de la lecture.
Ils formaient un couple très uni et je suis bien triste pour Noam.
UNE MINUTE DE SILENCE
[Billet Amère Amérique, pour Siné-Hebdo]
«Ces gens-là n’ont jamais entendu de Heavy Metal : alors ils ne peuvent pas le supporter».
C’était en mai 2003 et le Sergent Mark Hadsell expliquait au magazine Newsweek le nouvel instrument de torture imaginé par des psys travaillant pour la CIA et utilisé en Irak, en Afghanistan, à Cuba et ailleurs.
Eh oui : il s’agit de la musique.
La révélation a quelque chose d’un peu surréaliste, qui invite d’abord à la rigolade, du genre : «Moi aussi, forcé d’écouter Chantal Goya durant plus de trente secondes, j’avoue tout ce qu’on veut et même le reste.» Ou encore : «Si on veut me torturer de la sorte, au moins que ce soit avec du Coltrane, qui est comme chacun sait le plus grand musicien de tous les temps : j’en redemanderai.»
Mais la réalité est terrifiante et il n’y a vraiment pas de quoi rire. Le sergent Hadsell continuait : «Vous leur faites jouer de la musique pendant 24 heures : le cerveau et le corps deviennent alors dysfonctionnels, la pensée ralentit, la volonté se brise. C’est à ce moment là qu’on arrive et qu’on leur parle».
Ces programmes de «bombardement acoustique» ont été développés par la CIA en complicité avec la Grande Bretagne et le Canada — en partie à Montréal même. On les appelle «No touch torture», la torture sans toucher. Ceux qui ont goûté à ces heures interminables durant lesquelles, privés de sommeil, ils ont dû écouter de la musique jouée à fond la caisse, disent que c’est pire que tout. Binyam Mohamed, par exemple, trouvait moins pénible de se faire couper le pénis avec une lame de rasoir.
Certains musiciens dont les œuvres sont utilisées de la sorte s’en félicitent. Pour un peu ils attendraient la compil : Ze Best of the CIA, en s’inquiétant de savoir si leurs droits d’auteur ont bien été payés.
D’autres se taisent, lâchement.
Mais d’autres, heureusement, protestent. En attendant de trouver un band punk progressiste irakien dont on pourrait jouer l’album à tue-tête devant la Maison Blanche ou d’avoir la chance de lancer une chaussure sur un psy mélomane ou un tortionnaire, il est possible de joindre sa signature à celles des nombreux protestataires qui ont déjà signé une pétition qui a été mis en ligne. Ça se trouve à : http://www.zerodb.org/
Les musiciens sensibles à cette cause peuvent aussi faire observer une minute de silence en concert.
Il reste que réussir à faire une pince à arracher le cerveau avec de la musique, c’est un peu comme transformer la pluie en acide, la planète en serre, les océans en dépotoir et des civils vivants en soldats morts.
Hélas : on sait faire tout ça.
«Ces gens-là n’ont jamais entendu de Heavy Metal : alors ils ne peuvent pas le supporter».
C’était en mai 2003 et le Sergent Mark Hadsell expliquait au magazine Newsweek le nouvel instrument de torture imaginé par des psys travaillant pour la CIA et utilisé en Irak, en Afghanistan, à Cuba et ailleurs.
Eh oui : il s’agit de la musique.
La révélation a quelque chose d’un peu surréaliste, qui invite d’abord à la rigolade, du genre : «Moi aussi, forcé d’écouter Chantal Goya durant plus de trente secondes, j’avoue tout ce qu’on veut et même le reste.» Ou encore : «Si on veut me torturer de la sorte, au moins que ce soit avec du Coltrane, qui est comme chacun sait le plus grand musicien de tous les temps : j’en redemanderai.»
Mais la réalité est terrifiante et il n’y a vraiment pas de quoi rire. Le sergent Hadsell continuait : «Vous leur faites jouer de la musique pendant 24 heures : le cerveau et le corps deviennent alors dysfonctionnels, la pensée ralentit, la volonté se brise. C’est à ce moment là qu’on arrive et qu’on leur parle».
Ces programmes de «bombardement acoustique» ont été développés par la CIA en complicité avec la Grande Bretagne et le Canada — en partie à Montréal même. On les appelle «No touch torture», la torture sans toucher. Ceux qui ont goûté à ces heures interminables durant lesquelles, privés de sommeil, ils ont dû écouter de la musique jouée à fond la caisse, disent que c’est pire que tout. Binyam Mohamed, par exemple, trouvait moins pénible de se faire couper le pénis avec une lame de rasoir.
Certains musiciens dont les œuvres sont utilisées de la sorte s’en félicitent. Pour un peu ils attendraient la compil : Ze Best of the CIA, en s’inquiétant de savoir si leurs droits d’auteur ont bien été payés.
D’autres se taisent, lâchement.
Mais d’autres, heureusement, protestent. En attendant de trouver un band punk progressiste irakien dont on pourrait jouer l’album à tue-tête devant la Maison Blanche ou d’avoir la chance de lancer une chaussure sur un psy mélomane ou un tortionnaire, il est possible de joindre sa signature à celles des nombreux protestataires qui ont déjà signé une pétition qui a été mis en ligne. Ça se trouve à : http://www.zerodb.org/
Les musiciens sensibles à cette cause peuvent aussi faire observer une minute de silence en concert.
Il reste que réussir à faire une pince à arracher le cerveau avec de la musique, c’est un peu comme transformer la pluie en acide, la planète en serre, les océans en dépotoir et des civils vivants en soldats morts.
Hélas : on sait faire tout ça.
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siné hebdo,
torture
mardi, décembre 16, 2008
«GITMO»
[Texte pour le prochain Hors Série du Monde Libertaire.]
«GITMO»
Quand on a demandé à Ghandi ce qu’il pensait de la civilisation occidentale, il aurait répondu que ce serait une bonne idée. Le spectacle de ce que l’Association américaine de défense des libertés civiles (ACLU) appelle la « mascarade juridique » qui se déroule depuis janvier 2002 à la prison de Guantánamo, familièrement appelé Gitmo, l’aurait conforté dans cette conviction.
Tout le monde a peu ou prou entendu parler de cette effroyable prison et des échos des horribles traitements infligés aux prisonniers sont parvenus jusque dans les grands médias. C’est tout particulièrement le cas ces jours-ci, alors que Gitmo est au coeur de l’actualité d’une part en raison de la décision de cinq accusés notables de plaider coupables aux accusations pesant contre eux (il s’agit du cerveau présumé des attentats du 11 septembre, Khaled Cheikh Mohammed, et de quatre coaccusés), d’autre part en raison de l’intention annoncée d’Obama de fermer Guantánamo.
Les deux événements, on peut le présumer, sont liés : les autorités américaines souhaitent en effet vraisemblablement en finir avec ces cinq prisonniers avant l’arrivée d’Obama au pouvoir, espérant en outre que ces aveux militeront dans l’opinion contre la fermeture de la sinistre prison.
L’heure est donc particulièrement propice à un retour sur l’histoire de Guantánamo et à un rappel des raisons qui militent pour sa fermeture, certes, mais aussi pour la restitution de ce territoire à Cuba. C’est que la prison de Guantánamo, on ne le dit pas assez, est logée sur une base militaire navale américaine située sur l’île de Cuba où elle se trouve de manière aussi illégitime que les actions qui s’y déroulent sont illégales.
Un peu d’histoire
Rappeler comment s’explique l’étonnante présence de cette base militaire à cet endroit devrait être la toile de fond de toute discussion sérieuse de Gitmo et, on le verra, devrait aussi orienter les actions militantes entreprises contre cette sordide prison.
Tout remonte à 1898, alors les Etats-Unis interviennent dans la Guerre d’indépendance cubaine. Ces «libérateurs» occupent l’île durant les années qui suivent et la transforment ensuite en cette sorte de terrain de jeu pour touristes qu’elle restera jusqu’à la révolution.
Dès 1898, les Etats-Unis étaient partis de Guantánamo, une ville située sur une baie comprenant un port, pour envahir Porto Rico. En 1903, un document que l’on voudra faire passer pour un traité est signé entre les occupants et des «représentants» des occupés : selon cette «entente» Cuba cède aux Etats-Unis la Baie de Guantánamo, et lui accorde, en échange de quelque 3000 euros par an — toujours scrupuleusement payés depuis par les Etats-Unis, mais pas encaissés par Cuba depuis 1960 — la pleine souveraineté sur ce territoire de quelque 120 km2 .
À la fin 2001, dans cet après 11 septembre durant lequel le Gouvernement américain jouissait encore d’un certain capital de sympathie dans l’opinion et alors qu’il mettait en branle sa «guerre conte le terrorisme» qui a eu pour prévisible effet d’accroître le terrorisme, l’administration Bush prend des mesures qui vont aboutir au Military Commission Act de 2006 et permettre de détenir et d’interroger des prisonniers soupçonnés de terrorisme. C’est dans ce cadre qu’un centre de détention est mis en place à Guantánamo.
Le système fonctionne physiquement hors des Etats-Unis, mais aussi et surtout en dehors du système juridique américain et des conventions de droit international. Cela signifie que dans les tribunaux de ces commissions militaires, qui ne sont ni des tribunaux civils ni des tribunaux militaires, aucune procédure légale usuelle n’est respectée et la règle du droit est ignorée.
C’est ainsi que les prisonniers n’ont pas droit à des enquêtes et à des audiences préliminaires; qu’on n’y applique pas la présomption d’innocence, mais plutôt la présomption de culpabilité; que ce qu’on peut y admettre en preuve est beaucoup plus large et radicalement différent de ce qu’on accepte dans les tribunaux usuels : par exemple, des ouï-dire et même des ouï-dire de ouï-dire pourront être acceptés en preuve, (autrement dit : j’ai entendu dire de X que Y aurait dit…); que des éléments de preuve pourront être retenus même si les sources et les moyens ayant permis de les obtenir ne sont pas dévoilés; c’est ainsi encore que les prisonniers ignorent typiquement la preuve retenue contre eux, voire les charges qui pèsent contre eux; et que, pour finir, certaines informations pourront être transmises à la poursuite, mais pas à la défense.
Il faut encore rappeler que des aveux obtenus par la force sont admissibles en preuve à Gitmo: la notion de torture a d’ailleurs été revue afin de permettre de retenir en preuve des aveux obtenus par des interrogatoires dits « musclés » : la douleur que cause la torture, mais pas l’interrogatoire, suggère-t-on sans rire, entraîne soit une mort appréhendée, soit la défaillance d’un organe. Les méthodes employées à Gitmo ont été spécifiquement conçues par le Pentagone et leur utilisation encouragée avec garantie de protection légale aux bourreaux par le Justice Department, cela dans deux mémorandums aujourd’hui répudiés par lui.
Un large consensus des observateurs est désormais acquis sur le fait qu’à côté de ces nombreux innocents avérés ou présumés, on trouve à Guantànamo une poignée de terroristes présumés contre lesquels des accusations sérieuses pourraient être portées et que ceux-là devraient être jugés devant des tribunaux civils, le seul lieu où ils auraient droit à un procès minimalement équitable. En ce sens, les aveux des cinq évoqués plus haut sont sans valeur.
***
Quelques chiffres
La cellule type à Guantánamo fait 2 mètres X 2, 4 mètres
En date du 11 janvier 2008, des personnes étaient emprisonnées depuis 2 190 jours à Guantánamo sans que des accusations n’aient été portées contre elles
Mohammed Ismail Agha avait 13 ans à son arrivée à Guantánamo en 2002. Il a été relâché et renvoyé en Afghanistan en 2004. Il est la plus jeune personne à avoir été emprisonnée à Guantánamo. La plus âgée avait 98 ans.
Depuis son ouverture le 11 janvier 2002, 775 personnes ont été détenues à Guantánamo
Plus de 500 détenus ont été relâchés
255 personnes s’y trouvent toujours
5 sont mortes alors qu’elles s’y trouvaient
10 ont été accusées d’un quelconque crime
2 procès seulement ont été menés à terme
5% des détenus de Guantánamo ont été arrêtés par les Etats-Unis; 86% ont été livrés aux Etats-Unis par des citoyens agfhans ou pakistanais, en échange de fortes primes qu’on leur avait promises.
****
En attendant, ce système de non-droit a été toléré par bien des pays tandis que d’autres pouvaient dans le même souffle tenter de s’en distancer et encourager leurs services secrets à profiter de l’occasion pour tenter de recueillir des informations.
Un cas particulièrement traite le montre parfaitement, à savoir celui d’Omar Khadr, qu’on peut voir interrogé sur le film suivant par deux agents du Service canadien du renseignement de sécurité en février 2003: [http://ca.youtube.com/watch?v=UfdwfjlkZqY]
Le cas Khadr
Khadr avait alors … 16 ans; il est arrivé à Gitmo à 15 ans. Et comme il est citoyen canadien, son cas fait du Canada le dernier pays occidental à abandonner un de ses citoyens à Guantanamo, où sont allégrement violées toutes les lois qu’on peut nommer, y compris les conventions de Genève et le Pacte International relatif aux droit civils et politiques.
Son histoire mérite d’être rappelée.
Son père, réputé proche de Ben Laden, l’aurait élevé pour être un martyr du Jihad. En 2002, il est en Afghanistan dans un bâtiment que bombarde l’armée américaine. Quand tout est fini, un soldat y pénètre et est accueilli par une grenade. On découvre l’enfant vivant.
Il est sérieusement blessé et supplie, sans succès, qu’on l’achève. On le soigne plutôt et on l’interroge. Voilà la version officielle.
Mais on y a récemment ouvert de sérieuses brèches. Pour commencer, Khadr a toujours soutenu avoir été torturé en Afghanistan. Or cet automne, Damien Corcetti, le soldat qui l’a « interrogé », a confirmé les propos de l’enfant.
De plus, les autorités ont toujours soutenu que Khadr était le dernier survivant dans l’édifice bombardé et que c’est donc nécessairement lui qui a lancé la grenade qui a tué le soldat qui y pénétrait. Or un rapport militaire exhumé par la télé canadienne indique qu’un autre homme vivait encore et que c’est lui qui aurait lancé la grenade.
Reste que l’enfer de Khadr ne faisait que commencer. On aurait dû le traiter comme un enfant soldat. Il sera plutôt, comme je l’ai dit, transféré à la prison de Guantanamo, où il est depuis 2002. Comme tant d’autres, il a été torturé, privé de sommeil, psychologiquement et physiquement supplicié, privé d’assistance juridique.
La cause est pourtant entendue : le droit international aurait voulu qu’il soit traité en mineur et donc ou rapatrié dans son pays pour y être jugé ou libéré. Le Canada, par lâcheté devant son puissant voisin du Sud, par aveuglement volontaire devant ses assurances répétées que Khadr est traité humainement n’a, depuis six ans, rien fait pour faire respecter le droit international.
Une nécessaire mobilisation
L’occupation de la Baie de Guantánamo par les Etats-Unis, puisque c’est bien de cela dont il s’agit, cette occupation qui leur permet de contrôler un important port de Cuba et, partant, un crucial point de contact avec le monde extérieur, est illégitime et illégale.
Elle l’est d’abord parce que le présumé traité qui l’autoriserait ne saurait être sérieusement considéré comme tel; elle l’est ensuite parce que cette supposée entente n’a de toute façon jamais signifié que ce territoire pouvait être utilisé pour contrevenir au droit international et pour servir de lieu de détention illégale et de torture.
L’action contre Gitmo devrait donc en ce moment figurer très haut sur la liste des priorités des militantes et des militants. Les actions entreprises devraient, à mon avis, s’orienter dans deux directions.
La première est d’exercer, par tous les moyens et notamment via nos gouvernements respectifs, une pression assez forte sur Obama et son entourage pour assurer que les agissements et tractations de dernière minute de l’administration Bush ne feront pas en sorte que le nouveau président revienne sur sa promesse de fermer Guantánamo. Il y a des raisons d’espérer gagner ce combat et la dénonciation de Gitmo a déjà permis de nombreuses percées en ce sens : c’est ainsi que le mois dernier, un juge américain a, pour la première fois, reconnu que des détenus y étaient illégalement enfermés et ordonné leur libération.
La deuxième visée de l’action militante devrait être de profiter de cette mobilisation pour rappeler ce qu’est vraiment Guantánamo, comment il se fait que les États-Unis s’y trouvent et, partant, pourquoi il est souhaitable et légitime d’exiger que ce territoire soit rendu à son légitime propriétaire, le peuple cubain.
C’est là un énorme travail, sans doute : mais il ne comprend rien que des personnes déterminées ne peuvent accomplir.
Comme toujours, les premiers gestes à poser sont d’informer afin de mobiliser.
Des ressources :
Le Blog du Collectif Guantánamo France : [ http://chroniquedeGuantánamo.blogspot.com/]
Des textes et actions d’Amnesty International :[ http://asiapacific.amnesty.org/pages/Guantánamobay-index-fra ]
Le site de Human Rights Watch sur Guantánamo : [http://www.hrw.org/en/category/topic/counterterrorism/Guantánamo]
WORTHINGTON, Andy, The Guantánamo Files. The Stories of the 774 Detainees in America’s Illegal Prison, Pluto Press, 2007.
«GITMO»
Quand on a demandé à Ghandi ce qu’il pensait de la civilisation occidentale, il aurait répondu que ce serait une bonne idée. Le spectacle de ce que l’Association américaine de défense des libertés civiles (ACLU) appelle la « mascarade juridique » qui se déroule depuis janvier 2002 à la prison de Guantánamo, familièrement appelé Gitmo, l’aurait conforté dans cette conviction.
Tout le monde a peu ou prou entendu parler de cette effroyable prison et des échos des horribles traitements infligés aux prisonniers sont parvenus jusque dans les grands médias. C’est tout particulièrement le cas ces jours-ci, alors que Gitmo est au coeur de l’actualité d’une part en raison de la décision de cinq accusés notables de plaider coupables aux accusations pesant contre eux (il s’agit du cerveau présumé des attentats du 11 septembre, Khaled Cheikh Mohammed, et de quatre coaccusés), d’autre part en raison de l’intention annoncée d’Obama de fermer Guantánamo.
Les deux événements, on peut le présumer, sont liés : les autorités américaines souhaitent en effet vraisemblablement en finir avec ces cinq prisonniers avant l’arrivée d’Obama au pouvoir, espérant en outre que ces aveux militeront dans l’opinion contre la fermeture de la sinistre prison.
L’heure est donc particulièrement propice à un retour sur l’histoire de Guantánamo et à un rappel des raisons qui militent pour sa fermeture, certes, mais aussi pour la restitution de ce territoire à Cuba. C’est que la prison de Guantánamo, on ne le dit pas assez, est logée sur une base militaire navale américaine située sur l’île de Cuba où elle se trouve de manière aussi illégitime que les actions qui s’y déroulent sont illégales.
Un peu d’histoire
Rappeler comment s’explique l’étonnante présence de cette base militaire à cet endroit devrait être la toile de fond de toute discussion sérieuse de Gitmo et, on le verra, devrait aussi orienter les actions militantes entreprises contre cette sordide prison.
Tout remonte à 1898, alors les Etats-Unis interviennent dans la Guerre d’indépendance cubaine. Ces «libérateurs» occupent l’île durant les années qui suivent et la transforment ensuite en cette sorte de terrain de jeu pour touristes qu’elle restera jusqu’à la révolution.
Dès 1898, les Etats-Unis étaient partis de Guantánamo, une ville située sur une baie comprenant un port, pour envahir Porto Rico. En 1903, un document que l’on voudra faire passer pour un traité est signé entre les occupants et des «représentants» des occupés : selon cette «entente» Cuba cède aux Etats-Unis la Baie de Guantánamo, et lui accorde, en échange de quelque 3000 euros par an — toujours scrupuleusement payés depuis par les Etats-Unis, mais pas encaissés par Cuba depuis 1960 — la pleine souveraineté sur ce territoire de quelque 120 km2 .
À la fin 2001, dans cet après 11 septembre durant lequel le Gouvernement américain jouissait encore d’un certain capital de sympathie dans l’opinion et alors qu’il mettait en branle sa «guerre conte le terrorisme» qui a eu pour prévisible effet d’accroître le terrorisme, l’administration Bush prend des mesures qui vont aboutir au Military Commission Act de 2006 et permettre de détenir et d’interroger des prisonniers soupçonnés de terrorisme. C’est dans ce cadre qu’un centre de détention est mis en place à Guantánamo.
Le système fonctionne physiquement hors des Etats-Unis, mais aussi et surtout en dehors du système juridique américain et des conventions de droit international. Cela signifie que dans les tribunaux de ces commissions militaires, qui ne sont ni des tribunaux civils ni des tribunaux militaires, aucune procédure légale usuelle n’est respectée et la règle du droit est ignorée.
C’est ainsi que les prisonniers n’ont pas droit à des enquêtes et à des audiences préliminaires; qu’on n’y applique pas la présomption d’innocence, mais plutôt la présomption de culpabilité; que ce qu’on peut y admettre en preuve est beaucoup plus large et radicalement différent de ce qu’on accepte dans les tribunaux usuels : par exemple, des ouï-dire et même des ouï-dire de ouï-dire pourront être acceptés en preuve, (autrement dit : j’ai entendu dire de X que Y aurait dit…); que des éléments de preuve pourront être retenus même si les sources et les moyens ayant permis de les obtenir ne sont pas dévoilés; c’est ainsi encore que les prisonniers ignorent typiquement la preuve retenue contre eux, voire les charges qui pèsent contre eux; et que, pour finir, certaines informations pourront être transmises à la poursuite, mais pas à la défense.
Il faut encore rappeler que des aveux obtenus par la force sont admissibles en preuve à Gitmo: la notion de torture a d’ailleurs été revue afin de permettre de retenir en preuve des aveux obtenus par des interrogatoires dits « musclés » : la douleur que cause la torture, mais pas l’interrogatoire, suggère-t-on sans rire, entraîne soit une mort appréhendée, soit la défaillance d’un organe. Les méthodes employées à Gitmo ont été spécifiquement conçues par le Pentagone et leur utilisation encouragée avec garantie de protection légale aux bourreaux par le Justice Department, cela dans deux mémorandums aujourd’hui répudiés par lui.
Un large consensus des observateurs est désormais acquis sur le fait qu’à côté de ces nombreux innocents avérés ou présumés, on trouve à Guantànamo une poignée de terroristes présumés contre lesquels des accusations sérieuses pourraient être portées et que ceux-là devraient être jugés devant des tribunaux civils, le seul lieu où ils auraient droit à un procès minimalement équitable. En ce sens, les aveux des cinq évoqués plus haut sont sans valeur.
***
Quelques chiffres
La cellule type à Guantánamo fait 2 mètres X 2, 4 mètres
En date du 11 janvier 2008, des personnes étaient emprisonnées depuis 2 190 jours à Guantánamo sans que des accusations n’aient été portées contre elles
Mohammed Ismail Agha avait 13 ans à son arrivée à Guantánamo en 2002. Il a été relâché et renvoyé en Afghanistan en 2004. Il est la plus jeune personne à avoir été emprisonnée à Guantánamo. La plus âgée avait 98 ans.
Depuis son ouverture le 11 janvier 2002, 775 personnes ont été détenues à Guantánamo
Plus de 500 détenus ont été relâchés
255 personnes s’y trouvent toujours
5 sont mortes alors qu’elles s’y trouvaient
10 ont été accusées d’un quelconque crime
2 procès seulement ont été menés à terme
5% des détenus de Guantánamo ont été arrêtés par les Etats-Unis; 86% ont été livrés aux Etats-Unis par des citoyens agfhans ou pakistanais, en échange de fortes primes qu’on leur avait promises.
****
En attendant, ce système de non-droit a été toléré par bien des pays tandis que d’autres pouvaient dans le même souffle tenter de s’en distancer et encourager leurs services secrets à profiter de l’occasion pour tenter de recueillir des informations.
Un cas particulièrement traite le montre parfaitement, à savoir celui d’Omar Khadr, qu’on peut voir interrogé sur le film suivant par deux agents du Service canadien du renseignement de sécurité en février 2003: [http://ca.youtube.com/watch?v=UfdwfjlkZqY]
Le cas Khadr
Khadr avait alors … 16 ans; il est arrivé à Gitmo à 15 ans. Et comme il est citoyen canadien, son cas fait du Canada le dernier pays occidental à abandonner un de ses citoyens à Guantanamo, où sont allégrement violées toutes les lois qu’on peut nommer, y compris les conventions de Genève et le Pacte International relatif aux droit civils et politiques.
Son histoire mérite d’être rappelée.
Son père, réputé proche de Ben Laden, l’aurait élevé pour être un martyr du Jihad. En 2002, il est en Afghanistan dans un bâtiment que bombarde l’armée américaine. Quand tout est fini, un soldat y pénètre et est accueilli par une grenade. On découvre l’enfant vivant.
Il est sérieusement blessé et supplie, sans succès, qu’on l’achève. On le soigne plutôt et on l’interroge. Voilà la version officielle.
Mais on y a récemment ouvert de sérieuses brèches. Pour commencer, Khadr a toujours soutenu avoir été torturé en Afghanistan. Or cet automne, Damien Corcetti, le soldat qui l’a « interrogé », a confirmé les propos de l’enfant.
De plus, les autorités ont toujours soutenu que Khadr était le dernier survivant dans l’édifice bombardé et que c’est donc nécessairement lui qui a lancé la grenade qui a tué le soldat qui y pénétrait. Or un rapport militaire exhumé par la télé canadienne indique qu’un autre homme vivait encore et que c’est lui qui aurait lancé la grenade.
Reste que l’enfer de Khadr ne faisait que commencer. On aurait dû le traiter comme un enfant soldat. Il sera plutôt, comme je l’ai dit, transféré à la prison de Guantanamo, où il est depuis 2002. Comme tant d’autres, il a été torturé, privé de sommeil, psychologiquement et physiquement supplicié, privé d’assistance juridique.
La cause est pourtant entendue : le droit international aurait voulu qu’il soit traité en mineur et donc ou rapatrié dans son pays pour y être jugé ou libéré. Le Canada, par lâcheté devant son puissant voisin du Sud, par aveuglement volontaire devant ses assurances répétées que Khadr est traité humainement n’a, depuis six ans, rien fait pour faire respecter le droit international.
Une nécessaire mobilisation
L’occupation de la Baie de Guantánamo par les Etats-Unis, puisque c’est bien de cela dont il s’agit, cette occupation qui leur permet de contrôler un important port de Cuba et, partant, un crucial point de contact avec le monde extérieur, est illégitime et illégale.
Elle l’est d’abord parce que le présumé traité qui l’autoriserait ne saurait être sérieusement considéré comme tel; elle l’est ensuite parce que cette supposée entente n’a de toute façon jamais signifié que ce territoire pouvait être utilisé pour contrevenir au droit international et pour servir de lieu de détention illégale et de torture.
L’action contre Gitmo devrait donc en ce moment figurer très haut sur la liste des priorités des militantes et des militants. Les actions entreprises devraient, à mon avis, s’orienter dans deux directions.
La première est d’exercer, par tous les moyens et notamment via nos gouvernements respectifs, une pression assez forte sur Obama et son entourage pour assurer que les agissements et tractations de dernière minute de l’administration Bush ne feront pas en sorte que le nouveau président revienne sur sa promesse de fermer Guantánamo. Il y a des raisons d’espérer gagner ce combat et la dénonciation de Gitmo a déjà permis de nombreuses percées en ce sens : c’est ainsi que le mois dernier, un juge américain a, pour la première fois, reconnu que des détenus y étaient illégalement enfermés et ordonné leur libération.
La deuxième visée de l’action militante devrait être de profiter de cette mobilisation pour rappeler ce qu’est vraiment Guantánamo, comment il se fait que les États-Unis s’y trouvent et, partant, pourquoi il est souhaitable et légitime d’exiger que ce territoire soit rendu à son légitime propriétaire, le peuple cubain.
C’est là un énorme travail, sans doute : mais il ne comprend rien que des personnes déterminées ne peuvent accomplir.
Comme toujours, les premiers gestes à poser sont d’informer afin de mobiliser.
Des ressources :
Le Blog du Collectif Guantánamo France : [ http://chroniquedeGuantánamo.blogspot.com/]
Des textes et actions d’Amnesty International :[ http://asiapacific.amnesty.org/pages/Guantánamobay-index-fra ]
Le site de Human Rights Watch sur Guantánamo : [http://www.hrw.org/en/category/topic/counterterrorism/Guantánamo]
WORTHINGTON, Andy, The Guantánamo Files. The Stories of the 774 Detainees in America’s Illegal Prison, Pluto Press, 2007.
Libellés :
Guantanamo,
Monde ibertaire,
Normand Baillargeon
lundi, décembre 15, 2008
LE GÉNIE DE DARWIN, AVEC R. DAWKINS
Superbe émission.
Libellés :
Charles Darwin,
Normand Baillargeon,
Richard Dawkins
dimanche, décembre 14, 2008
LA RÉFORME DE L'ÉDUCATION: ARTICLE DU DEVOIR
Résultats québécois aux tests internationaux en sciences et mathématiques - Il faut continuer à réformer la réforme, disent les enseignants
Stéphane Baillargeon
Édition du vendredi 12 décembre 2008
Mots clés : Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ), Réforme scolaire, Éducation, Québec (province)
La Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) ne se dit pas surpris par la dégringolade des élèves québécois du secondaire aux tests internationaux en sciences et en mathématiques, et l'attribue à un autre effet pervers de la réforme des programmes scolaires. Le syndicat lie aussi la légère remontée du côté du primaire aux correctifs apportés depuis quelque temps à la même refonte générale des balises programmatiques.
«Après avoir insisté pendant plusieurs années sur les redressements nécessaires à apporter, nous ne pouvons que demander une fois de plus au gouvernement qu'il poursuive les travaux amorcés pour réformer la réforme, dit le communiqué émis hier. Par ailleurs, le ministère de l'Éducation devra mieux baliser l'intégration des élèves en difficulté dans les classes ordinaires et en établir les limites, diminuer le nombre des élèves par classe et revoir la politique d'évaluation des apprentissages.»
L'enquête internationale sur les mathématiques et les sciences (TEIMS 2007), dont les résultats viennent de paraître, permet de comparer les résultats des élèves du deuxième secondaire de
49 pays. En sciences, les jeunes adolescents québécois (une des premières de la réforme) tombent du 10e au 19e rang et obtiennent leur plus bas score provincial depuis 1995. En mathématiques, le recul fait passer le groupe de la sixième à la huitième place.
La tendance se renverse avec les petits Québécois de quatrième année, qui réussissent mieux que leur aînés du test mondial de 2003. Cette cohorte du primaire gagne quelques points en maths (de 506 à 519) et en sciences (de 500 à 517), sans atteindre les scores de 1995. Les résultats se situant entre 475 et 549 sont considérés par les enquêteurs comme intermédiaires, sur une échelle prévoyant aussi un rendement inférieur (bas) et deux niveaux supérieurs (élevé et avancé).
Les chercheurs Normand Péladeau et Steve Bissonnette, cités hier dans Le Soleil, estiment qu'effectivement les modifications apportées à la réforme québécoise au cours des dernières années pourraient expliquer le renversement de tendance. Des changements permettent par exemple maintenant aux enseignants de choisir plus librement la matière transmise.
Fait à noter, par contraste, le rendement des élèves de 4e et de 8e année de l'Ontario n'a pratiquement pas bougé depuis 1995. Les scores de ces jeunes voisins s'avèrent d'ailleurs généralement similaires à ceux du Québec en mathématiques au primaire, mais inférieurs au secondaire. En sciences, les Ontariens obtiennent de meilleurs résultats que les Québécois. Dans tous les cas, quelques pays asiatiques (Hong Kong, Singapour, Japon, Corée, Chine-Taipei) occupent les positions de tête.
L'Alberta et la Colombie-Britannique ont également participé à l'étude. Le projet Tendances de l'enquête internationale sur les mathématiques et les sciences découle d'une enquête mondiale coordonnée par l'Association internationale l'évaluation des acquis scolaires (IEA).
Le ministère de l'Éducation n'a émis aucun commentaire.
Stéphane Baillargeon
Édition du vendredi 12 décembre 2008
Mots clés : Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ), Réforme scolaire, Éducation, Québec (province)
La Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ) ne se dit pas surpris par la dégringolade des élèves québécois du secondaire aux tests internationaux en sciences et en mathématiques, et l'attribue à un autre effet pervers de la réforme des programmes scolaires. Le syndicat lie aussi la légère remontée du côté du primaire aux correctifs apportés depuis quelque temps à la même refonte générale des balises programmatiques.
«Après avoir insisté pendant plusieurs années sur les redressements nécessaires à apporter, nous ne pouvons que demander une fois de plus au gouvernement qu'il poursuive les travaux amorcés pour réformer la réforme, dit le communiqué émis hier. Par ailleurs, le ministère de l'Éducation devra mieux baliser l'intégration des élèves en difficulté dans les classes ordinaires et en établir les limites, diminuer le nombre des élèves par classe et revoir la politique d'évaluation des apprentissages.»
L'enquête internationale sur les mathématiques et les sciences (TEIMS 2007), dont les résultats viennent de paraître, permet de comparer les résultats des élèves du deuxième secondaire de
49 pays. En sciences, les jeunes adolescents québécois (une des premières de la réforme) tombent du 10e au 19e rang et obtiennent leur plus bas score provincial depuis 1995. En mathématiques, le recul fait passer le groupe de la sixième à la huitième place.
La tendance se renverse avec les petits Québécois de quatrième année, qui réussissent mieux que leur aînés du test mondial de 2003. Cette cohorte du primaire gagne quelques points en maths (de 506 à 519) et en sciences (de 500 à 517), sans atteindre les scores de 1995. Les résultats se situant entre 475 et 549 sont considérés par les enquêteurs comme intermédiaires, sur une échelle prévoyant aussi un rendement inférieur (bas) et deux niveaux supérieurs (élevé et avancé).
Les chercheurs Normand Péladeau et Steve Bissonnette, cités hier dans Le Soleil, estiment qu'effectivement les modifications apportées à la réforme québécoise au cours des dernières années pourraient expliquer le renversement de tendance. Des changements permettent par exemple maintenant aux enseignants de choisir plus librement la matière transmise.
Fait à noter, par contraste, le rendement des élèves de 4e et de 8e année de l'Ontario n'a pratiquement pas bougé depuis 1995. Les scores de ces jeunes voisins s'avèrent d'ailleurs généralement similaires à ceux du Québec en mathématiques au primaire, mais inférieurs au secondaire. En sciences, les Ontariens obtiennent de meilleurs résultats que les Québécois. Dans tous les cas, quelques pays asiatiques (Hong Kong, Singapour, Japon, Corée, Chine-Taipei) occupent les positions de tête.
L'Alberta et la Colombie-Britannique ont également participé à l'étude. Le projet Tendances de l'enquête internationale sur les mathématiques et les sciences découle d'une enquête mondiale coordonnée par l'Association internationale l'évaluation des acquis scolaires (IEA).
Le ministère de l'Éducation n'a émis aucun commentaire.
Libellés :
le Devoir,
réforme de l'éducation (québec),
Stéphane Baillargeon
PETIT QUESTIONNAIRE SUR LA BIBLE POUR CÉLÉBRER DIGNEMENT NOËL
Nowel, le Petit Jésus, le joyeux temps de fêtes, les cadeaux et tout ça et tout ça.
Mais connaissez-vous bien La Bible sur quoi se fonde le christianisme?
Ce petit questionnaire vous aidera à le savoir.
1. Nowell est un moment propice au rappel des commandements que Dieu nous a données et auxquels nos actions doivent se conformer. Dans Exode 34, on s’en souviendra, Dieu fait venir Moïse et lui ordonne de tailler deux tables de pierre pour qu’il puisse y graver ses dix commandements: «L'Éternel dit à Moïse: Écris ces paroles; car c'est conformément à ces paroles que je traite alliance avec toi et avec Israël.», Exode 34 : 27.
Justement : quel est le dixième de ces commandements?
A. Tu ne tueras point
B. Tu ne convoiteras point la voiture de ton voisin
C. Tu ne déroberas point.
D. Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère
E. Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain
Réponse : D
Non? Si. Répétons donc et apprenons par cœur la parole de Dieu : «Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère.»
Ce qui est terriblement utile à savoir de nos jours, on en conviendra, et qui constitue un conseil dont la grande sagesse morale n’échappera à personne, sinon aux mécréants avec lesquels, de toute façon, il ne faut pas perdre son temps.
«Mais les autres réponses, alors?», dites-vous, curieux galopins.
J’avoue d’abord une innocente facétie: la réponse B n’apparaît nulle part dans la Bible, et je l’ai inventé de toutes pièces. Si, si : juré craché. Amusant, non?
Les réponses A, C et E, par contre, apparaissent bien dans la Bible: elle sont dans Exode 20.13, qui donne une autre (comment est-ce possible? Dieu se trompe-t-il dans un cas ou un autre? Fichtre! À l’aide, à moi, au secours, théologiens!) liste de dix commandements, une liste que les protestants et les catholiques citent de préférence à Exode 34, on se demande pourquoi.
D’autant, on va le voir, qu’Exode 34 est la liste qui devrait être considérée comme «officielle». J’y viens. En attendant, notez que, dans le commandement E, la femme, le serviteur et la servante de notre prochain, au même titre que son bœuf ou son âne, font partie des choses qui lui appartiennent. Cela aussi, c’est très bon à savoir, même si certaines femmes sont du mal à l’admettre.
À présent les commandements.
Moïse va d’abord (Exode 20 : 2-17) sur le Mont Sinaï et en redescend pour réciter de mémoire une liste de dix commandements, parmi lesquels la réponse E. Puis, plus tard, il reçoit de Dieu des tablettes comprenant les commandements («Lorsque l'Éternel eut achevé de parler à Moïse sur la montagne de Sinaï, il lui donna les deux tables du témoignage, tables de pierre, écrites du doigt de Dieu», Exode 31 :18) .
Mais, coup de théâtre et manque de bol pour ce texte écrit du doigt même de dieu, en redescendant du Mont, Moïse aperçoit ses ouailles en pleine bamboula, se fâche et brise les tablettes écrites du doigt de Dieu. C’est écrit : «Et, comme il approchait du camp, il vit le veau et les danses. La colère de Moïse s'enflamma; il jeta de ses mains les tables, et les brisa au pied de la montagne». Exode 32 : 19).
Quel sale caractère, ce Moïse, tout de même!
Bref : on n’a toujours pas les authentiques et définitifs commandements de Dieu écrits de son doigt et tout est donc à recommencer pour Dieu, qui n’a pas que ça à faire.
Moïse repart donc sur le mont Sinaï. Là, Dieu lui dit: « Taille deux tables de pierre comme les premières, et j'y écrirai les paroles qui étaient sur les premières tables que tu as brisées.», Exode 34-1). La bonne liste! Enfin! Du doigt même de Dieu! Alléluia! Pourvu que Moïse se pique pas encore une fois uen de ses colères. Mais non. Ouf! Et paf : on trouve sur cette liste définitive le dixième commandement. Rappelez-vous en bien, c’est très précieux : «Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère.»
Quand on songe qu’il y a de nos jours des impies qui ne font pas cuire de chevreaux dans le lait de leur mère parce qu’ils ne font pas cuire de chevreaux du tout, cela sous le fallacieux prétexte qu’ils refusent de faire souffrir des animaux et sont donc végétariens. Mécréants. Immoraux. Abjects personnages.
Qu’on se décide enfin à respecter les dix commandements et on va voir ce qu’on va voir.
2. Les jeunes font souvent des excès durant le temps des fêtes. Supposons donc un fils indocile et rebelle, qui n’écoute ni père ni mère, chenapan qui ne s’amende pas même après avoir été châtié. Que faire? La sagesse de la Bible est ici précieuse, car elle nous le dit très exactement.
Que recommande-t-elle, selon vous?
A. De lui faire consulter un psychothérapeute d’obédience rogérienne
B. De le faire lapider jusqu’à ce que mort s’ensuive
C. De faire lancer sur lui des cailloux par la foule jusqu’à ce qu’il meure
D. De demander à un groupe de gens assemblés à cette fin de projeter sur ce jeune homme des pierres certes lourdes mais qu’on peut néanmoins tenir dans la main et cela jusqu’à ce qu’on puisse constater qu’il est bel et bien décédé, bien fait pour lui, l’avait qu’à faire un peu attention et c’est tout
E. Qu’on le trucide en projetant sur lui de cette matière minérale solide, dure, qui se rencontre à l’intérieur ou à la surface de l’écorce terrestre en masses compactes.
Réponse : Il faut le lapider.
Mais partant de là, les plus éminents spécialistes de l’herméneutique biblique ont sur le sujet des avis quelque peu divergents, qui feront que certains d’entre eux inclinent à accepter B comme seule bonne réponse, tandis que d’autres accepteraient volontiers C ou encore D, voire même, pour certains exégètes particulièrement pointilleux, E et seulement E. Mais il s’agit là de savants débats qu’il vaut mieux, pour le croyant, laisser aux seuls spécialistes. Le texte dont ils discutent, quoiqu’il en soit, est le suivant:
«Si un homme a un fils indocile et rebelle, n'écoutant ni la voix de son père, ni la voix de sa mère, et ne leur obéissant pas même après qu'ils l'ont châtié, le père et la mère le prendront, et le mèneront vers les anciens de sa ville et à la porte du lieu qu'il habite. Ils diront aux anciens de sa ville: Voici notre fils qui est indocile et rebelle, qui n'écoute pas notre voix, et qui se livre à des excès et à l'ivrognerie. Et tous les hommes de sa ville le lapideront, et il mourra.» (Deutéronome 21 : 18-21)
Même le profane mesurera l’extraordinaire complexité que pose l’interprétation de ce passage.
Quant à la réponse A, il s’agit, cette fois encore, d’une innocente facétie de votre serviteur.
3. Le temps des fêtes est aussi, hélas, celui où bien des gens s’endettent plus que de raison. Heureusement, La Bible nous indique une manière commode et facile de renflouer nos coffres. Saurez vous la reconnaître :
A. En vendant sa fille comme esclave
B. En militant pour obtenir un meilleur salaire
C. En faisant du temp^s supplémentaire
D. En priant
E. En mendiant
La bonne réponse est A, avec une précision cependant : «Si un homme vend sa fille pour être esclave, elle ne sortira point comme sortent les esclaves.» ( Exode 21 : 7)
Dire qu’il y a des gens quoi vendent leur fille comme esclave et qui la laissent néanmoins sortir comme les esclaves!
On déplorera seulement que La Bible néglige de préciser le prix juste et raisonnable que l’on peut demander pour sa fille que l’on vend en esclavage. Mais des théologiens travaillent sur la question, du moins je suppose.
4. En cette période de bombance , d’agapes et de festins, le croyant sera soucieux de se nourrir conformément à la parole de dieu. Quel aliment parmi les suivants est-il autorisé à consommer :
A. Du porc
B. Des coquillages
C. Du lièvre
D. Des sauterelles
E. Aucune de ces réponses
Réponse : D
Du moins si l’on juge raisonnable de suivre l’exemple de Jean, tel que nous le rapporte Matthieu (3 : 4) : «Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.»
Le porc est défendu : «Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas: vous le regarderez comme impur.» (Lévitique 11 : 7)
Les coquillages aussi : «Mais vous aurez en abomination tous ceux qui n'ont pas des nageoires et des écailles, parmi tout ce qui se meut dans les eaux et tout ce qui est vivant dans les eaux, soit dans les mers, soit dans les rivières. Vous les aurez en abomination, vous ne mangerez pas de leur chair, et vous aurez en abomination leurs corps morts.» (Lévitique 11 : 10-11)
Quant au lièvre, n’en parlons pas : «Vous ne mangerez pas le lièvre, qui rumine, mais qui n'a pas la corne fendue: vous le regarderez comme impur.» (Lévitique 11 : 6)
Sauterelles grillées au réveillon : Youppi! Un délice. Et la satisfaction de suivre la parole de Dieu. Mais on les trouve où, au Québec, en décembre?
5. Les excès de sauterelles rendent malades certaines personnes. Heureusement, cette fois encore, La Bible est là pour nous indiquer quoi faire en cas de maladie. Si vous avez une indigestion de sauterelles ou quelque maladie que ce soit, vous devez :
A. Consulter un médecin compétent
B. Aller à l’hôpital le plus proche
C. Vous faire examiner
D. Vous faire enduire d’huile par les anciens qui prieront pour vous
E. Prendre les médicaments appropriés
La bonne réponse est D, évidemment, comme nous l’enseigne Jacques 5 : 14;15 : « Quelqu'un parmi vous est-il malade ? Qu'il appelle les anciens de l'Eglise, et que les anciens prient pour lui, en l'oignant d'huile au nom du Seigneur; la prière de la foi sauvera le malade , et le Seigneur le relèvera ; et s'il a commis des péchés, il lui sera pardonné .» Je me demande si de l’huile synthétique est acceptable.
6. Le temps de fêtes est un période durant laquelle ont lieu de nombreuses réceptions. Est-il acceptable pour un croyant de recevoir chez lui un non croyant?
A. Oui
B. Non
La réponse est évidemment non, selon 2 Jean 10-11 : «Si quelqu'un vient à vous et n'apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, et ne lui dites pas: Salut! car celui qui lui dit: Salut! participe à ses mauvaises oeuvres.»
[ Ce questionnaire reprend des questions et des réponses proposées par la Freedom from religion Foundation, que j’ai adaptées]
Mais connaissez-vous bien La Bible sur quoi se fonde le christianisme?
Ce petit questionnaire vous aidera à le savoir.
1. Nowell est un moment propice au rappel des commandements que Dieu nous a données et auxquels nos actions doivent se conformer. Dans Exode 34, on s’en souviendra, Dieu fait venir Moïse et lui ordonne de tailler deux tables de pierre pour qu’il puisse y graver ses dix commandements: «L'Éternel dit à Moïse: Écris ces paroles; car c'est conformément à ces paroles que je traite alliance avec toi et avec Israël.», Exode 34 : 27.
Justement : quel est le dixième de ces commandements?
A. Tu ne tueras point
B. Tu ne convoiteras point la voiture de ton voisin
C. Tu ne déroberas point.
D. Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère
E. Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain
Réponse : D
Non? Si. Répétons donc et apprenons par cœur la parole de Dieu : «Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère.»
Ce qui est terriblement utile à savoir de nos jours, on en conviendra, et qui constitue un conseil dont la grande sagesse morale n’échappera à personne, sinon aux mécréants avec lesquels, de toute façon, il ne faut pas perdre son temps.
«Mais les autres réponses, alors?», dites-vous, curieux galopins.
J’avoue d’abord une innocente facétie: la réponse B n’apparaît nulle part dans la Bible, et je l’ai inventé de toutes pièces. Si, si : juré craché. Amusant, non?
Les réponses A, C et E, par contre, apparaissent bien dans la Bible: elle sont dans Exode 20.13, qui donne une autre (comment est-ce possible? Dieu se trompe-t-il dans un cas ou un autre? Fichtre! À l’aide, à moi, au secours, théologiens!) liste de dix commandements, une liste que les protestants et les catholiques citent de préférence à Exode 34, on se demande pourquoi.
D’autant, on va le voir, qu’Exode 34 est la liste qui devrait être considérée comme «officielle». J’y viens. En attendant, notez que, dans le commandement E, la femme, le serviteur et la servante de notre prochain, au même titre que son bœuf ou son âne, font partie des choses qui lui appartiennent. Cela aussi, c’est très bon à savoir, même si certaines femmes sont du mal à l’admettre.
À présent les commandements.
Moïse va d’abord (Exode 20 : 2-17) sur le Mont Sinaï et en redescend pour réciter de mémoire une liste de dix commandements, parmi lesquels la réponse E. Puis, plus tard, il reçoit de Dieu des tablettes comprenant les commandements («Lorsque l'Éternel eut achevé de parler à Moïse sur la montagne de Sinaï, il lui donna les deux tables du témoignage, tables de pierre, écrites du doigt de Dieu», Exode 31 :18) .
Mais, coup de théâtre et manque de bol pour ce texte écrit du doigt même de dieu, en redescendant du Mont, Moïse aperçoit ses ouailles en pleine bamboula, se fâche et brise les tablettes écrites du doigt de Dieu. C’est écrit : «Et, comme il approchait du camp, il vit le veau et les danses. La colère de Moïse s'enflamma; il jeta de ses mains les tables, et les brisa au pied de la montagne». Exode 32 : 19).
Quel sale caractère, ce Moïse, tout de même!
Bref : on n’a toujours pas les authentiques et définitifs commandements de Dieu écrits de son doigt et tout est donc à recommencer pour Dieu, qui n’a pas que ça à faire.
Moïse repart donc sur le mont Sinaï. Là, Dieu lui dit: « Taille deux tables de pierre comme les premières, et j'y écrirai les paroles qui étaient sur les premières tables que tu as brisées.», Exode 34-1). La bonne liste! Enfin! Du doigt même de Dieu! Alléluia! Pourvu que Moïse se pique pas encore une fois uen de ses colères. Mais non. Ouf! Et paf : on trouve sur cette liste définitive le dixième commandement. Rappelez-vous en bien, c’est très précieux : «Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère.»
Quand on songe qu’il y a de nos jours des impies qui ne font pas cuire de chevreaux dans le lait de leur mère parce qu’ils ne font pas cuire de chevreaux du tout, cela sous le fallacieux prétexte qu’ils refusent de faire souffrir des animaux et sont donc végétariens. Mécréants. Immoraux. Abjects personnages.
Qu’on se décide enfin à respecter les dix commandements et on va voir ce qu’on va voir.
2. Les jeunes font souvent des excès durant le temps des fêtes. Supposons donc un fils indocile et rebelle, qui n’écoute ni père ni mère, chenapan qui ne s’amende pas même après avoir été châtié. Que faire? La sagesse de la Bible est ici précieuse, car elle nous le dit très exactement.
Que recommande-t-elle, selon vous?
A. De lui faire consulter un psychothérapeute d’obédience rogérienne
B. De le faire lapider jusqu’à ce que mort s’ensuive
C. De faire lancer sur lui des cailloux par la foule jusqu’à ce qu’il meure
D. De demander à un groupe de gens assemblés à cette fin de projeter sur ce jeune homme des pierres certes lourdes mais qu’on peut néanmoins tenir dans la main et cela jusqu’à ce qu’on puisse constater qu’il est bel et bien décédé, bien fait pour lui, l’avait qu’à faire un peu attention et c’est tout
E. Qu’on le trucide en projetant sur lui de cette matière minérale solide, dure, qui se rencontre à l’intérieur ou à la surface de l’écorce terrestre en masses compactes.
Réponse : Il faut le lapider.
Mais partant de là, les plus éminents spécialistes de l’herméneutique biblique ont sur le sujet des avis quelque peu divergents, qui feront que certains d’entre eux inclinent à accepter B comme seule bonne réponse, tandis que d’autres accepteraient volontiers C ou encore D, voire même, pour certains exégètes particulièrement pointilleux, E et seulement E. Mais il s’agit là de savants débats qu’il vaut mieux, pour le croyant, laisser aux seuls spécialistes. Le texte dont ils discutent, quoiqu’il en soit, est le suivant:
«Si un homme a un fils indocile et rebelle, n'écoutant ni la voix de son père, ni la voix de sa mère, et ne leur obéissant pas même après qu'ils l'ont châtié, le père et la mère le prendront, et le mèneront vers les anciens de sa ville et à la porte du lieu qu'il habite. Ils diront aux anciens de sa ville: Voici notre fils qui est indocile et rebelle, qui n'écoute pas notre voix, et qui se livre à des excès et à l'ivrognerie. Et tous les hommes de sa ville le lapideront, et il mourra.» (Deutéronome 21 : 18-21)
Même le profane mesurera l’extraordinaire complexité que pose l’interprétation de ce passage.
Quant à la réponse A, il s’agit, cette fois encore, d’une innocente facétie de votre serviteur.
3. Le temps des fêtes est aussi, hélas, celui où bien des gens s’endettent plus que de raison. Heureusement, La Bible nous indique une manière commode et facile de renflouer nos coffres. Saurez vous la reconnaître :
A. En vendant sa fille comme esclave
B. En militant pour obtenir un meilleur salaire
C. En faisant du temp^s supplémentaire
D. En priant
E. En mendiant
La bonne réponse est A, avec une précision cependant : «Si un homme vend sa fille pour être esclave, elle ne sortira point comme sortent les esclaves.» ( Exode 21 : 7)
Dire qu’il y a des gens quoi vendent leur fille comme esclave et qui la laissent néanmoins sortir comme les esclaves!
On déplorera seulement que La Bible néglige de préciser le prix juste et raisonnable que l’on peut demander pour sa fille que l’on vend en esclavage. Mais des théologiens travaillent sur la question, du moins je suppose.
4. En cette période de bombance , d’agapes et de festins, le croyant sera soucieux de se nourrir conformément à la parole de dieu. Quel aliment parmi les suivants est-il autorisé à consommer :
A. Du porc
B. Des coquillages
C. Du lièvre
D. Des sauterelles
E. Aucune de ces réponses
Réponse : D
Du moins si l’on juge raisonnable de suivre l’exemple de Jean, tel que nous le rapporte Matthieu (3 : 4) : «Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.»
Le porc est défendu : «Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas: vous le regarderez comme impur.» (Lévitique 11 : 7)
Les coquillages aussi : «Mais vous aurez en abomination tous ceux qui n'ont pas des nageoires et des écailles, parmi tout ce qui se meut dans les eaux et tout ce qui est vivant dans les eaux, soit dans les mers, soit dans les rivières. Vous les aurez en abomination, vous ne mangerez pas de leur chair, et vous aurez en abomination leurs corps morts.» (Lévitique 11 : 10-11)
Quant au lièvre, n’en parlons pas : «Vous ne mangerez pas le lièvre, qui rumine, mais qui n'a pas la corne fendue: vous le regarderez comme impur.» (Lévitique 11 : 6)
Sauterelles grillées au réveillon : Youppi! Un délice. Et la satisfaction de suivre la parole de Dieu. Mais on les trouve où, au Québec, en décembre?
5. Les excès de sauterelles rendent malades certaines personnes. Heureusement, cette fois encore, La Bible est là pour nous indiquer quoi faire en cas de maladie. Si vous avez une indigestion de sauterelles ou quelque maladie que ce soit, vous devez :
A. Consulter un médecin compétent
B. Aller à l’hôpital le plus proche
C. Vous faire examiner
D. Vous faire enduire d’huile par les anciens qui prieront pour vous
E. Prendre les médicaments appropriés
La bonne réponse est D, évidemment, comme nous l’enseigne Jacques 5 : 14;15 : « Quelqu'un parmi vous est-il malade ? Qu'il appelle les anciens de l'Eglise, et que les anciens prient pour lui, en l'oignant d'huile au nom du Seigneur; la prière de la foi sauvera le malade , et le Seigneur le relèvera ; et s'il a commis des péchés, il lui sera pardonné .» Je me demande si de l’huile synthétique est acceptable.
6. Le temps de fêtes est un période durant laquelle ont lieu de nombreuses réceptions. Est-il acceptable pour un croyant de recevoir chez lui un non croyant?
A. Oui
B. Non
La réponse est évidemment non, selon 2 Jean 10-11 : «Si quelqu'un vient à vous et n'apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, et ne lui dites pas: Salut! car celui qui lui dit: Salut! participe à ses mauvaises oeuvres.»
[ Ce questionnaire reprend des questions et des réponses proposées par la Freedom from religion Foundation, que j’ai adaptées]
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jeudi, décembre 11, 2008
ENTRETIEN AVEC PACO SUR CHOMSKY ET CIE ET SUR L'ANARCHISME
Il se trouve ici.
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anarchisme,
Chomsky et cie,
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Jean Bricmont,
Normand Baillargeon
lundi, décembre 08, 2008
KHADR À GUANTANAMO
[Chronique Amère Amérique pour Siné Hebdo]
Quel est le dernier pays occidental à abandonner un de ses citoyens au système illégal de Guantanamo où sont allégrement violées les conventions de Genève?
Si vous avez répondu le Canada, vous gagnez un costume d’enfant Afghan. C’est que le prisonnier en question est un canadien né de parents afghans, arrivé à Guantanamo à … 15 ans!
Il s’appelle Omar Khadr. Son père, réputé proche de Ben Laden, l’aurait élevé pour être un martyr du Jihad. En 2002, il est en Afghanistan dans un bâtiment que bombarde l’armée américaine. Quand tout est fini, un soldat y pénètre et est accueilli par une grenade. On découvre l’enfant vivant.
Il est sérieusement blessé et supplie, sans succès, qu’on l’achève. On le soigne plutôt et on l’interroge. Voilà la version officielle.
Mais on y a récemment ouvert de sérieuses brèches. Pour commencer, Khadr a toujours soutenuavoir été torturé en Afghanistan. Or cet automne, Damien Corcetti, le soldat qui l’a « interrogé », a confirmé les propos de l’enfant.
Il faut dire que la notion de torture est bien élastique chez les Ricains. On vient même, Guantanamo oblige, de la re-peaufiner pour permettre de retenir en preuve des aveux obtenus par des interrogatoires dits musclés. La douleur que cause la torture, mais pas l’interrogatoire, entraîne soit une mort appréhendée, soit la défaillance d’un organe. Sic.
Deuxio, les autorités ont toujours soutenu que Khadr était le dernier survivant dans l’édifice bombardé et que c’est donc nécessairement lui qui a lancé la grenade qui a tué le soldait qui y pénétrait. Or un rapport militaire exhumé par la télé canadienne indique qu’un autre homme vivait encore et que c’est lui qui aurait lancé la grenade
Reste que l’enfer de Khadr ne faisait que commencer. On aurait dû le traiter comme un enfant soldat. Il est plutôt transféré à la prison de Guantanamo, à Cuba. Il y est depuis 2002. Il a aujourd’hui 22 ans. Il a été torturé, privé de sommeil, psychologiquement et physiquement supplicié, privé d’assistance juridique, comme en fait foi une terrifiante vidéo rendue publique cet été. Khadr avait 16 ans lors de son tournage.
La cause est pourtant entendue : le droit international aurait voulu qu’il soit traité en mineur et donc ou rapatrié dans son pays pour y être jugé ou libéré. Le Canada, par lâcheté devant son puissant voisin du Sud, par aveuglement volontaire devant ses assurances répétées que Khadr est traité humainement n’a, depuis six ans, rien fait pour faire respecter le droit international.
Amnistie International mène en ce moment une importante campagne pour faire rapatrier Khadr. Le temps presse. Vous pouvez aider.
En attendant, si Obama ferme Guantanamo en janvier, comme il dit vouloir le faire, le Canada aura l’air malin avec ce jeune homme qui, sortant de là mais n’ayant nulle part où aller, demandera l’asile politique à Cuba.
Quel est le dernier pays occidental à abandonner un de ses citoyens au système illégal de Guantanamo où sont allégrement violées les conventions de Genève?
Si vous avez répondu le Canada, vous gagnez un costume d’enfant Afghan. C’est que le prisonnier en question est un canadien né de parents afghans, arrivé à Guantanamo à … 15 ans!
Il s’appelle Omar Khadr. Son père, réputé proche de Ben Laden, l’aurait élevé pour être un martyr du Jihad. En 2002, il est en Afghanistan dans un bâtiment que bombarde l’armée américaine. Quand tout est fini, un soldat y pénètre et est accueilli par une grenade. On découvre l’enfant vivant.
Il est sérieusement blessé et supplie, sans succès, qu’on l’achève. On le soigne plutôt et on l’interroge. Voilà la version officielle.
Mais on y a récemment ouvert de sérieuses brèches. Pour commencer, Khadr a toujours soutenuavoir été torturé en Afghanistan. Or cet automne, Damien Corcetti, le soldat qui l’a « interrogé », a confirmé les propos de l’enfant.
Il faut dire que la notion de torture est bien élastique chez les Ricains. On vient même, Guantanamo oblige, de la re-peaufiner pour permettre de retenir en preuve des aveux obtenus par des interrogatoires dits musclés. La douleur que cause la torture, mais pas l’interrogatoire, entraîne soit une mort appréhendée, soit la défaillance d’un organe. Sic.
Deuxio, les autorités ont toujours soutenu que Khadr était le dernier survivant dans l’édifice bombardé et que c’est donc nécessairement lui qui a lancé la grenade qui a tué le soldait qui y pénétrait. Or un rapport militaire exhumé par la télé canadienne indique qu’un autre homme vivait encore et que c’est lui qui aurait lancé la grenade
Reste que l’enfer de Khadr ne faisait que commencer. On aurait dû le traiter comme un enfant soldat. Il est plutôt transféré à la prison de Guantanamo, à Cuba. Il y est depuis 2002. Il a aujourd’hui 22 ans. Il a été torturé, privé de sommeil, psychologiquement et physiquement supplicié, privé d’assistance juridique, comme en fait foi une terrifiante vidéo rendue publique cet été. Khadr avait 16 ans lors de son tournage.
La cause est pourtant entendue : le droit international aurait voulu qu’il soit traité en mineur et donc ou rapatrié dans son pays pour y être jugé ou libéré. Le Canada, par lâcheté devant son puissant voisin du Sud, par aveuglement volontaire devant ses assurances répétées que Khadr est traité humainement n’a, depuis six ans, rien fait pour faire respecter le droit international.
Amnistie International mène en ce moment une importante campagne pour faire rapatrier Khadr. Le temps presse. Vous pouvez aider.
En attendant, si Obama ferme Guantanamo en janvier, comme il dit vouloir le faire, le Canada aura l’air malin avec ce jeune homme qui, sortant de là mais n’ayant nulle part où aller, demandera l’asile politique à Cuba.
Libellés :
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siné hebdo
samedi, décembre 06, 2008
CHOMSKY SUR LES RÉCENTES ÉLECTIONS AMÉRICAINES
Une contribution à la discussion, parfois enflammée, qui se poursuit ici.
Libellés :
Élections,
Noam Chomsky,
Obama
vendredi, décembre 05, 2008
LE PRINCIPE DES TIROIRS
[Texte en cours pour une chronique de jeux mathématiques à paraître]
Imaginez que vous vouliez ranger des objets dans des tiroirs, en plaçant un seul objet par tiroir. Vous avez 9 objets et neuf tiroirs : tout va bien. Mais si vous avez 10 objets à placer et toujours neuf tiroirs, vous n’y arriverez pas puisqu’un tiroir contiendra deux objets.
Le mathématicien allemand Peter-Gustav Lejeune-Dirichlet (1805-1859) a fait cette observation en 1834 et aussitôt remarqué tout ce qu’on pouvait tirer ce qu’on appelle désormais le principe de Dirichlet — en anglais le pigeon hole principle.
Pour vous convaincre de la puissance de ce principe, considérez la question suivante : y a-t-il à Montréal deux personnes qui ont exactement le même nombre de cheveux?
La question peut à première vue sembler impossible à résoudre sans de longs et fastidieux comptages. Mais grâce aux tiroirs de Dirichlet, on peut prouver que la réponse est nécessairement oui.
Commençons par estimer le nombre maximal de cheveux qu’une personne peut avoir. Pour nous aider — on pourrait compter, mais ce serait long! — rappelons qu’on a, selon la région du cuir chevelu, entre 200 et 300 cheveux par cm². Partant de là et de la surface de cuir chevelu que nous avons en moyenne, on pourra estimer entre 120 000 à 150 000 le nombre de cheveux qui composent une chevelure. Mais soyons excessifs et prudents et doublons ce dernier nombre : disons donc qu’une personne peut avoir entre 1 et 300 000 cheveux — nous mettons de côté les chauves.
Disons qu’on estime, et c’est un nombre ridiculement minimal, qu’il y a un million de personnes à Montréal. Avec ces seules données, grâce au principe des tiroirs, on peut être certain que deux personnes habitant Montréal ont exactement le même nombre de cheveux.
Voici pourquoi.
Ces personnes sont les objets à placer dans les tiroirs; les tiroirs sont les diverses possibilités de nombres de cheveux. Il y a donc 300 000 tiroirs (de 1 à 300 000 cheveux possibles) et un million d’objets (les personnes qui habitent Montréal). La conclusion s’impose d’elle-même.
Voici comment.
Considérons une première personne. Elle a, disons, 3 cheveux et on la range donc dans le tiroir correspondant. Une deuxième personne a 124 566 cheveux : elle va donc dans ce tiroir, différent du précédent. On place de la sorte les 300 000 premières personnes — qui, manque de chance, ont toutes un nombre différent de cheveux — dans les 300 000 tiroirs qui, dès lors, sont tous occupés. MAIS il reste des personnes à placer (il en reste même 700 000!) : de sorte que, nécessairement, la personne suivante va être rangée dans un tiroir déjà occupé. Elle aura donc le même nombre de cheveux qu’une autre personne. Il y a donc, nécessairement, deux — et même bien plus que deux — personnes qui ont le même nombre de cheveux à Montréal.
Si on y pense, c’est un résultat vraiment spectaculaire, obtenu par le seul raisonnement. Il donne une idée de la puissance du principe des tiroirs. On peut ainsi être d’avance certain que, dans des conditions que vous formulerez aisément, nous arriverons au travail à la même minute plus d’une fois durant notre vie; que plusieurs sapins dans les Laurentides ont exactement le même nombre d’épines; que, toujours sous certaines conditions usuelles (relatives au nombre de candidats et au total des points qu’on peut obtenir), plusieurs élèves auront les même résultat à un examen donné.
Quand on connaît le principe des tiroirs, on le voit à l’œuvre partout!
[à suivre...]
Imaginez que vous vouliez ranger des objets dans des tiroirs, en plaçant un seul objet par tiroir. Vous avez 9 objets et neuf tiroirs : tout va bien. Mais si vous avez 10 objets à placer et toujours neuf tiroirs, vous n’y arriverez pas puisqu’un tiroir contiendra deux objets.
Le mathématicien allemand Peter-Gustav Lejeune-Dirichlet (1805-1859) a fait cette observation en 1834 et aussitôt remarqué tout ce qu’on pouvait tirer ce qu’on appelle désormais le principe de Dirichlet — en anglais le pigeon hole principle.
Pour vous convaincre de la puissance de ce principe, considérez la question suivante : y a-t-il à Montréal deux personnes qui ont exactement le même nombre de cheveux?
La question peut à première vue sembler impossible à résoudre sans de longs et fastidieux comptages. Mais grâce aux tiroirs de Dirichlet, on peut prouver que la réponse est nécessairement oui.
Commençons par estimer le nombre maximal de cheveux qu’une personne peut avoir. Pour nous aider — on pourrait compter, mais ce serait long! — rappelons qu’on a, selon la région du cuir chevelu, entre 200 et 300 cheveux par cm². Partant de là et de la surface de cuir chevelu que nous avons en moyenne, on pourra estimer entre 120 000 à 150 000 le nombre de cheveux qui composent une chevelure. Mais soyons excessifs et prudents et doublons ce dernier nombre : disons donc qu’une personne peut avoir entre 1 et 300 000 cheveux — nous mettons de côté les chauves.
Disons qu’on estime, et c’est un nombre ridiculement minimal, qu’il y a un million de personnes à Montréal. Avec ces seules données, grâce au principe des tiroirs, on peut être certain que deux personnes habitant Montréal ont exactement le même nombre de cheveux.
Voici pourquoi.
Ces personnes sont les objets à placer dans les tiroirs; les tiroirs sont les diverses possibilités de nombres de cheveux. Il y a donc 300 000 tiroirs (de 1 à 300 000 cheveux possibles) et un million d’objets (les personnes qui habitent Montréal). La conclusion s’impose d’elle-même.
Voici comment.
Considérons une première personne. Elle a, disons, 3 cheveux et on la range donc dans le tiroir correspondant. Une deuxième personne a 124 566 cheveux : elle va donc dans ce tiroir, différent du précédent. On place de la sorte les 300 000 premières personnes — qui, manque de chance, ont toutes un nombre différent de cheveux — dans les 300 000 tiroirs qui, dès lors, sont tous occupés. MAIS il reste des personnes à placer (il en reste même 700 000!) : de sorte que, nécessairement, la personne suivante va être rangée dans un tiroir déjà occupé. Elle aura donc le même nombre de cheveux qu’une autre personne. Il y a donc, nécessairement, deux — et même bien plus que deux — personnes qui ont le même nombre de cheveux à Montréal.
Si on y pense, c’est un résultat vraiment spectaculaire, obtenu par le seul raisonnement. Il donne une idée de la puissance du principe des tiroirs. On peut ainsi être d’avance certain que, dans des conditions que vous formulerez aisément, nous arriverons au travail à la même minute plus d’une fois durant notre vie; que plusieurs sapins dans les Laurentides ont exactement le même nombre d’épines; que, toujours sous certaines conditions usuelles (relatives au nombre de candidats et au total des points qu’on peut obtenir), plusieurs élèves auront les même résultat à un examen donné.
Quand on connaît le principe des tiroirs, on le voit à l’œuvre partout!
[à suivre...]
mardi, décembre 02, 2008
FRANCE-QUÉBEC : LA «TOTAL»
[C'est paru dans Siné-Hebdo]
Cousins français, jusqu’à Montréal, dans nos médias, on nous inflige presque quotidiennement Sarkozy et Carla : permettez, retour des choses, que je vous parle de Paul Desmarais et de Power Corporation, histoire que vous compreniez un peu ce qu’on endure.
D’autant que ceux-là sont copains comme cochons, au point où Nicolas dit devoir en partie sa présidence à Paul. C’est-y pas beau, ça, comme amitié France-Québec?
Flash-back.
Au bord du découragement pour cause de carrière politique stagnante, Sarko se voit un jour offrir de voyager sur l’avion privé de Paul. Il fait alors la connaissance du créateur de Power, l’homme le plus riche du Québec.
Paul l’incite à ne pas lâcher, le conseille, l’invite à son domaine de Sagard, qu’il aime à décrire à son copain Albert Frère comme «à peine plus petit que la Belgique».
On y trouve de la grande bouffe, des spectacles privés d’artistes comme ceux du Cirque du Soleil ou Robert Charlebois, on y pratique (salauds!) la chasse à l’ours et à l’orignal: Sarko s’y refait un moral d’enfer et repart guilleret vers la présidence.
Celle-ci acquise, il n’oubliera pas son nouvel ami : Paul est présent à la réception au Fouquet’s en mai 2007 et reçoit en 2008 de Nicolas la Grand-Croix de la Légion d’honneur, un de ces affreux bout de tissu affublé d’une médaille dont ces gens-là raffolent.
Ce n’est qu’un début et Sarko aura bien d’autres occasions de prouver sa reconnaissance. Power est en effet, et entre autres, actionnaire de la pétrolière française Total, de la cimenterie Lafarge et du Groupe Suez.
Ces jours-ci, Power et Total font du tourisme pétrolifère au Soudan. En soudanais, tourisme et pétrole se disent d’un même mot : morts — prononcer : morts.
On a une idée de ce dont sont capables Total et Power en regardant ce qu’ils font en Birmanie — en birman, Birmanie se dit : Myanmar, et droits de l’homme : gégène. Ou en se rappelant que si le chemin de fer qui relie Qinghai au Tibet est doté de trains, c’est notamment grâce à Power Coporation. En mandarin, droit de l’homme se dit : balle dans la tête.
Une bien belle amitié et une bien belle histoire, je trouve et qui vaut bien celle de Sarko et Carla. Pas vous? Ah bon.
Tous gens-là, qu’on imagine sans trop en souffrir étouffées en avalant leurs médailles, étaient faits pour bien s’entendre, sous la bannière du profit et de l’exploitation. Unissez-vous? Il y a déjà longtemps que les capitalistes de tous les pays l’ont fait.
Oh, j’oubliais de vous dire: Paul est aussi un magnat de la presse au Québec, où il possède des tas de médias… ceux-là même où on nous parle inlassablement de Sarko et Carla. Mais jamais de Total et de Power.
Cousins français, jusqu’à Montréal, dans nos médias, on nous inflige presque quotidiennement Sarkozy et Carla : permettez, retour des choses, que je vous parle de Paul Desmarais et de Power Corporation, histoire que vous compreniez un peu ce qu’on endure.
D’autant que ceux-là sont copains comme cochons, au point où Nicolas dit devoir en partie sa présidence à Paul. C’est-y pas beau, ça, comme amitié France-Québec?
Flash-back.
Au bord du découragement pour cause de carrière politique stagnante, Sarko se voit un jour offrir de voyager sur l’avion privé de Paul. Il fait alors la connaissance du créateur de Power, l’homme le plus riche du Québec.
Paul l’incite à ne pas lâcher, le conseille, l’invite à son domaine de Sagard, qu’il aime à décrire à son copain Albert Frère comme «à peine plus petit que la Belgique».
On y trouve de la grande bouffe, des spectacles privés d’artistes comme ceux du Cirque du Soleil ou Robert Charlebois, on y pratique (salauds!) la chasse à l’ours et à l’orignal: Sarko s’y refait un moral d’enfer et repart guilleret vers la présidence.
Celle-ci acquise, il n’oubliera pas son nouvel ami : Paul est présent à la réception au Fouquet’s en mai 2007 et reçoit en 2008 de Nicolas la Grand-Croix de la Légion d’honneur, un de ces affreux bout de tissu affublé d’une médaille dont ces gens-là raffolent.
Ce n’est qu’un début et Sarko aura bien d’autres occasions de prouver sa reconnaissance. Power est en effet, et entre autres, actionnaire de la pétrolière française Total, de la cimenterie Lafarge et du Groupe Suez.
Ces jours-ci, Power et Total font du tourisme pétrolifère au Soudan. En soudanais, tourisme et pétrole se disent d’un même mot : morts — prononcer : morts.
On a une idée de ce dont sont capables Total et Power en regardant ce qu’ils font en Birmanie — en birman, Birmanie se dit : Myanmar, et droits de l’homme : gégène. Ou en se rappelant que si le chemin de fer qui relie Qinghai au Tibet est doté de trains, c’est notamment grâce à Power Coporation. En mandarin, droit de l’homme se dit : balle dans la tête.
Une bien belle amitié et une bien belle histoire, je trouve et qui vaut bien celle de Sarko et Carla. Pas vous? Ah bon.
Tous gens-là, qu’on imagine sans trop en souffrir étouffées en avalant leurs médailles, étaient faits pour bien s’entendre, sous la bannière du profit et de l’exploitation. Unissez-vous? Il y a déjà longtemps que les capitalistes de tous les pays l’ont fait.
Oh, j’oubliais de vous dire: Paul est aussi un magnat de la presse au Québec, où il possède des tas de médias… ceux-là même où on nous parle inlassablement de Sarko et Carla. Mais jamais de Total et de Power.
lundi, décembre 01, 2008
CHOMSKY: 80 BALAIS !
Noam Chomsky, qui a énormément compté pour tant de gens dont moi, aura 80 ans le 7 décembre prochain.
Un site permet de lui laisser un mot et de lui souhaiter un joyeux anniversaire.
Rebel without a pause...
Un site permet de lui laisser un mot et de lui souhaiter un joyeux anniversaire.
Rebel without a pause...
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Normand Baillargeon
JE VAIS ALLER VOTER! NON? SI!...
...et ça va me faire tout drôle, je dois l'avouer.
Je dois dire que je ne suis pas un anti-votard systématique et qu'il m'est arrivé de voter — à des référendums, par exemple, ou lorsque je pensais que mon vote pouvait faire une différence. Ce ne m'est toutefois arrivé que très, très rarement.
Cette fois, je vais aller voter pour Québec Solidaire. Et je vais voter sans me boucher le nez, ce qui est déjà énorme
Les idées que ces gens-là défendent sont très largement proches de beaucoup des miennes; ils apportent déjà un souffle neuf et important à la vie politique québécoise. Il est crucial que cela continue et il est donc de la plus haute importance que, lors de cette élection, Québec solidaire fasse le plein de votes , pour assurer la pérennité de son action, pour faire en sorte que ses idées soient toujours présentes et discutées.
Rêvons: un, ou deux, ou trois candidatEs de Québec solidaire est ou sont éluEs. Cela fera un réel changement dans la dynamique de la vie politique et parlementaire du Québec.
Imaginez qu'on entende parler, à chaque jour, dans les grands médias, d'idées neuves qui n'y sont que très rarement évoquées. Une importante porte vers un réel changement serait ouverte. Et je rappelle qu'aux dernières élections, Amir Khadir et Françoise David sont passé tout près du but.
Le 8, je vais donc aller voter pour QS, sans gêne aucune et sans penser que je trahis mes idées et idéaux libertaires.
Le site Internet de Québec Solidaire se trouve ici: prenez le temps d'aller voir ce qu'ils préconisent
Je dois dire que je ne suis pas un anti-votard systématique et qu'il m'est arrivé de voter — à des référendums, par exemple, ou lorsque je pensais que mon vote pouvait faire une différence. Ce ne m'est toutefois arrivé que très, très rarement.
Cette fois, je vais aller voter pour Québec Solidaire. Et je vais voter sans me boucher le nez, ce qui est déjà énorme
Les idées que ces gens-là défendent sont très largement proches de beaucoup des miennes; ils apportent déjà un souffle neuf et important à la vie politique québécoise. Il est crucial que cela continue et il est donc de la plus haute importance que, lors de cette élection, Québec solidaire fasse le plein de votes , pour assurer la pérennité de son action, pour faire en sorte que ses idées soient toujours présentes et discutées.
Rêvons: un, ou deux, ou trois candidatEs de Québec solidaire est ou sont éluEs. Cela fera un réel changement dans la dynamique de la vie politique et parlementaire du Québec.
Imaginez qu'on entende parler, à chaque jour, dans les grands médias, d'idées neuves qui n'y sont que très rarement évoquées. Une importante porte vers un réel changement serait ouverte. Et je rappelle qu'aux dernières élections, Amir Khadir et Françoise David sont passé tout près du but.
Le 8, je vais donc aller voter pour QS, sans gêne aucune et sans penser que je trahis mes idées et idéaux libertaires.
Le site Internet de Québec Solidaire se trouve ici: prenez le temps d'aller voir ce qu'ils préconisent
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samedi, novembre 29, 2008
MICHEL LAPIERRE: CRITIQUE DU VOLTAIRINE
Un texte de Michel Lapierre sur le Voltairine De Cleyre que Chantal Santerre et moi avons publié avec plusieurs collaborateurs pour la traduction des textes.Je viens de le trouver en lisant Le Devoir de ce matin
***
Michel Lapierre
Édition du samedi 29 et du dimanche 30 novembre 2008
Mots clés : D'espoir et de raison, Voltairine de Cleyre, Livre, France (pays), Québec (province)
Pionnière de l'anarchisme américain, Voltairine de Cleyre (1866-1912) s'oppose au pouvoir de l'État, de la religion, de l'homme sur la femme. Deux ans avant de mourir, elle s'attaque encore au matérialisme historique. Ce qui la rend originale et peu doctrinaire. «L'idée de la domination absolue de la matière est une erreur, écrit-elle, aussi dangereuse que le concept de l'esprit comme existant en dehors de toutes relations avec l'extérieur.»
Cette intellectuelle inclassable, née à Leslie (Michigan) d'un père d'origine française, admirateur de Voltaire comme on le devine, et d'une mère américaine, les Québécois Normand Baillargeon et Chantal Santerre ont le mérite de la faire découvrir au lectorat francophone. Jusqu'à ce jour, on trouvait seulement dans des publications de langue anglaise les oeuvres de Voltairine de Cleyre, sa biographie et les nombreuses études sur le sujet.
Intitulé D'espoir et de raison, le recueil d'«écrits d'une insoumise», réunis et présentés par les deux chercheurs, comprend 16 essais importants et 14 poèmes. Substantielle, l'introduction historique et critique regorge de précieux renseignements.
Normand Baillargeon et Chantal Santerre y comparent Voltairine de Cleyre à une militante native de Russie, Emma Goldman (1869-1940), figure plus connue de l'anarchisme et du féminisme américains. En dépit de leurs divergences, les deux femmes se vouaient une admiration mutuelle.
En 1893, Voltairine de Cleyre déclarait: «Mademoiselle Goldman est une communiste; je suis une individualiste. Elle veut détruire le droit de propriété; je souhaite l'affirmer. Je mène mon combat contre le privilège et l'autorité, par quoi le droit à la propriété, qui est le véritable droit de l'individu, est supprimé.» Plus tard, elle nuancera sa position en se félicitant des «énormes progrès» de la pensée communiste aux États-Unis.
Il n'en demeure pas moins qu'en 1903 Voltairine de Cleyre précise: «Je ne suis pas disciple de cette école dont la doctrine est d'enseigner que la volonté humaine est inexistante et que le monde matériel détermine tout... Je crois en l'individu.» Elle pense que l'anarchisme s'inscrit dans une tradition américaine axée sur l'attachement à la liberté individuelle et qu'il «est la conclusion logique de trois siècles de révolte».
En retraçant les étapes de cette longue marche vers l'affirmation de la volonté personnelle, Voltairine de Cleyre n'hésite pas à évoquer le souvenir des quakers, de Jefferson, de «transcendentalistes» aussi différents qu'Emerson et Thoreau, sans oublier les «cris barbares» whitmaniens qu'elle affectionne. Ce qui la préoccupe n'est pas tant l'unité des démarches que la présence diffuse d'un esprit d'affranchissement sans cesse approfondi.
Ses références à l'histoire intellectuelle des États-Unis donnent une résonance toute particulière à un humour féroce, propre à son pays. En 1902, à un sénateur qui offre 1000 $ pour obtenir la permission de tirer sur un anarchiste, elle écrit: «Il vous suffira de payer votre déplacement jusque chez moi (mon adresse est indiquée plus bas) pour me tirer dessus...»
Pour Voltairine de Cleyre, si l'Amérique individualiste qui s'enivre du principe de la liberté reste incapable de concevoir, une seconde, l'idée soeur de la destruction de tout pouvoir coercitif, c'est qu'elle a cessé d'être l'Amérique.
***
Michel Lapierre
Édition du samedi 29 et du dimanche 30 novembre 2008
Mots clés : D'espoir et de raison, Voltairine de Cleyre, Livre, France (pays), Québec (province)
Pionnière de l'anarchisme américain, Voltairine de Cleyre (1866-1912) s'oppose au pouvoir de l'État, de la religion, de l'homme sur la femme. Deux ans avant de mourir, elle s'attaque encore au matérialisme historique. Ce qui la rend originale et peu doctrinaire. «L'idée de la domination absolue de la matière est une erreur, écrit-elle, aussi dangereuse que le concept de l'esprit comme existant en dehors de toutes relations avec l'extérieur.»
Cette intellectuelle inclassable, née à Leslie (Michigan) d'un père d'origine française, admirateur de Voltaire comme on le devine, et d'une mère américaine, les Québécois Normand Baillargeon et Chantal Santerre ont le mérite de la faire découvrir au lectorat francophone. Jusqu'à ce jour, on trouvait seulement dans des publications de langue anglaise les oeuvres de Voltairine de Cleyre, sa biographie et les nombreuses études sur le sujet.
Intitulé D'espoir et de raison, le recueil d'«écrits d'une insoumise», réunis et présentés par les deux chercheurs, comprend 16 essais importants et 14 poèmes. Substantielle, l'introduction historique et critique regorge de précieux renseignements.
Normand Baillargeon et Chantal Santerre y comparent Voltairine de Cleyre à une militante native de Russie, Emma Goldman (1869-1940), figure plus connue de l'anarchisme et du féminisme américains. En dépit de leurs divergences, les deux femmes se vouaient une admiration mutuelle.
En 1893, Voltairine de Cleyre déclarait: «Mademoiselle Goldman est une communiste; je suis une individualiste. Elle veut détruire le droit de propriété; je souhaite l'affirmer. Je mène mon combat contre le privilège et l'autorité, par quoi le droit à la propriété, qui est le véritable droit de l'individu, est supprimé.» Plus tard, elle nuancera sa position en se félicitant des «énormes progrès» de la pensée communiste aux États-Unis.
Il n'en demeure pas moins qu'en 1903 Voltairine de Cleyre précise: «Je ne suis pas disciple de cette école dont la doctrine est d'enseigner que la volonté humaine est inexistante et que le monde matériel détermine tout... Je crois en l'individu.» Elle pense que l'anarchisme s'inscrit dans une tradition américaine axée sur l'attachement à la liberté individuelle et qu'il «est la conclusion logique de trois siècles de révolte».
En retraçant les étapes de cette longue marche vers l'affirmation de la volonté personnelle, Voltairine de Cleyre n'hésite pas à évoquer le souvenir des quakers, de Jefferson, de «transcendentalistes» aussi différents qu'Emerson et Thoreau, sans oublier les «cris barbares» whitmaniens qu'elle affectionne. Ce qui la préoccupe n'est pas tant l'unité des démarches que la présence diffuse d'un esprit d'affranchissement sans cesse approfondi.
Ses références à l'histoire intellectuelle des États-Unis donnent une résonance toute particulière à un humour féroce, propre à son pays. En 1902, à un sénateur qui offre 1000 $ pour obtenir la permission de tirer sur un anarchiste, elle écrit: «Il vous suffira de payer votre déplacement jusque chez moi (mon adresse est indiquée plus bas) pour me tirer dessus...»
Pour Voltairine de Cleyre, si l'Amérique individualiste qui s'enivre du principe de la liberté reste incapable de concevoir, une seconde, l'idée soeur de la destruction de tout pouvoir coercitif, c'est qu'elle a cessé d'être l'Amérique.
mercredi, novembre 26, 2008
NAUSÉE ...
J'ai regardé un peu le débat des chefs, hier soir et lu les journaux, ce matin. Et je me demande bien ce qui est le plus ignoble: ces supposés débats, d'une sidérale vacuité, où les chefs nous sont présentés et vendus comme des savonnettes; ou alors les savants commentaires de ceux et celles qui décortiquent à présent leurs propos, se demandant gravement qui a gagné.
Je n'arrive tout simplement pas à accorder le moindre sérieux ou la moindre attention à ce que dit ou pense tout ce beau monde.
Misère...Nausée..
Heureusement qu'il y avait aussi Françoise David et Québec Solidaire qui avaient des choses intéressantes à dire depuis leur site Internet.
Élections, piège à cons...(Presque toujours)
Je n'arrive tout simplement pas à accorder le moindre sérieux ou la moindre attention à ce que dit ou pense tout ce beau monde.
Misère...Nausée..
Heureusement qu'il y avait aussi Françoise David et Québec Solidaire qui avaient des choses intéressantes à dire depuis leur site Internet.
Élections, piège à cons...(Presque toujours)
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samedi, novembre 22, 2008
INTRODUCTION À L'ÉTHIQUE - 10
[Je poursuis ici la série sur l,Éthique commencée il y a quelques mois]
LES ÉTHIQUES FÉMINISTES
Imaginez la terrible situation suivante.
Alors que sa conjointe est atteinte d’un grave cancer et va mourir, M. Heinz apprend qu’un pharmacien a inventé un médicament à base de radium qui la sauverait. Il s’empresse donc d’aller le voir; mais le pharmacien demande $ 2 000 pour son médicament — qui ne lui a coûté que $ 200 à produire.
M. Heinz ne peut réunir que $ 1 000 et, après avoir expliqué sa situation au pharmacien, il propose de lui donner ce montant. Mais le pharmacien, bien décidé à s’enrichir avec sa découverte, refuse cette offre. M. Heinz promet alors de payer plus tard le reste de la somme. Le pharmacien refuse de nouveau. Désespéré, M. Heinz envisage de voler le médicament.
Serait-il juste qu’il le fasse?
Kohlberg et les stades du développement moral
Lawrence Kohlberg (1927-1987) a longuement étudié le développement moral des enfants en les interrogeant sur de semblables «dilemmes moraux». Ce qui l’intéressait, c’étaient non seulement les réponses données par les enfants, mais encore et surtout les justifications qu’ils avancent pour décider si une action était juste ou non.
Au terme de ses travaux, Kohlberg, très inspiré par Kant et par le psychologue Suisse Jean Piaget (1896-1980), a soutenu qu’il existait des stades du développement moral, faisant progressivement passer de l’hétéronomie à l’autonomie rationnelle. Voyons cela à grands traits.
Il existerait six stades divisés également en trois types de moralité. Au plus bas de l’échelle, celui de la moralité pré-conventionnelle, les jeunes enfants ont d’abord (stade 1) des jugements moraux très hétéronomes, justifiés par la peur des punitions ou l’anticipation de récompenses; un peu plus âgés (stade 2), ils restent égocentriques et pragmatiques et cherchent à combler leurs besoins (et parfois ceux des autres), mais dans une perspective «donnant-donnant».
La moralité dite conventionelle suit. Elle s’amorce par un moment (stade 3) dit «du bon petit garçon/de la bonne petite fille», où ce qui compte est de satisfaire les attentes du milieu, et se conclut sur un stade (4) orienté vers le respect de la loi et le maintien de l'ordre, vers l’autorité et les règles strictes et précises.
La moralité post-conventionelle, qui suit, est celle de l’autonomie et de la recherche de principes indépendants des groupes et même de mon éventuelle appartenance à un groupe. Le stade 5 est le moment légaliste du contrat social — généralement avec tendance utilitariste. Le dernier stade est orienté par et vers des principes éthiques universels, que l’individu reconnaît et vit comme autant d’exigences intérieures.
Prenez le dilemme de Heinz. Un enfant au stade 1 pourrait dire qu’il ne devrait pas voler le médicament parce qu’il pourrait aller en prison. Une personne parvenue à la moralité post-conventionelle pourrait dire qu’il peut le voler, parce que la vie d’une personne est plus importante que le profit que pourrait empocher une autre personne.
Ces travaux nous conduisent au véritable sujet que je veux aborder cette fois-ci, à savoir les éthiques féministes.
Les objections de Gilligan
Kohlberg avait en effet comme collaboratrice Carol Gilligan (1936) et celle-ci fera à propos de ses travaux plusieurs troublantes observations suggérant qu’ils sont biaisés en faveur des garçons.
Non seulement les échantillons étaient-ils majoritairement constitués de garçons, dira-t-elle, mais encore et surtout le système de notation retenu était biaisé en faveur de réponses faisant intervenir des principes et contre des réponses se situant plutôt sur un plan «relationnel». Gilligan pouvait ainsi expliquer une étonnante conclusion de Kohlberg, qui pensait avoir constaté qu’en moyenne les filles parviennent à des stades de développement moral inférieurs à ceux garçons.
Revenons au dilemme de Heinz. Des réponses typiques de garçons de 12 ans invoquent, en partie, des règles et des principes et semblent dès lors se situer aux stade 4, voire 5. Elles sont donc présumées plus élevées sur l’échelle (et «meilleures») que celles qui sont typiques des filles du même âge (et qui sont donc présumées inférieures), lesquelles refusent de faire de ce dilemme un froid conflit de règles et insistent pour le replacer dans un contexte interpersonnel.
Voici — par exemple et pour en juger — une réflexion caractéristique d’une jeune fille de 12 ans, que Kohlberg classerait sans doute, disons, au stade 3:
«Heinz ne devrait pas voler. Il doit exister une autre solution. Il pourrait emprunter l’argent à des amis, aller voir une banque, ou autre chose…. Il ne devrait pas voler, mais sa femme ne devrait pas mourir non plus…. S’il vole le médicament, il sauvera peut-être sa femme, mais il ira peut-être en prison et alors sa femme pourrait devenir plus malade encore et il ne pourrait plus obtenir d’autres doses de médicament … Lui et le pharmacien devraient discuter et trouver une manière de réunir l’argent.»
Kohlberg a pris ces critiques au sérieux et revu ses échelles et ses échantillons. Cela fait, les garçons et les filles arrivaient en moyenne aux mêmes stades.
Gilligan, elle, a tiré une tout autre conclusion de ces observations. Selon elle, c’est parce qu’elle présuppose que les morales fondées sur des principes (morales utilitaristes ou déontologiques qu’elle dira «masculines») sont supérieures, que l’échelle de Kohlberg situe les femmes à un niveau moral inférieur. Mais est-ce juste de présupposer cela?
Non, répond Gilligan, qui soutient que les femmes ont plutôt, typiquement, une autre manière de penser l’éthique, d’en parler (le très célèbre livre qu’elle écrira à ce sujet s’appelle d’ailleurs : D’une voix différente), et de la pratiquer, une manière moins axée sur les conséquences ou les principes que sur ce qu’elle nommera : la «sollicitude» (en anglais : care).
Les morales de la sollicitude («ethics of care»), contrastées aux morales déontologiques ou utilitaristes, cette idée qu’il existerait, en éthique, une voix féminine et différente, tout cela est aujourd’hui très discuté et débattu. On pourrait présenter les idées au cœur de ces morales de la sollicitude à travers une série d’oppositions entre des termes qui représenteraient respectivement les manières typiquement féminine et masculine d’envisager l’éthique : personnelle-impersonnelle; partiale-impartiale; privée-publique; compassion-équité; naturelle-contractuelle; émotion-raison; concrète-universelle; responsabilité-droits; relationnelle-individuelle; solidarité-autonomie.
Mais existe-t-il vraiment une telle voix féminine? Si oui, comment l’expliquer? Et d’abord d’où vient-elle? Enfin, qu’est-ce que tout cela signifie plus concrètement pour l’éthique?
Toutes les réponses à ces questions sont controversées, comme on le verra la prochaine fois.
Pour en savoir plus :
GILLIGAN, C., In a Different Voice: Psychological Theory and Women’s Development, Harvard University Press Cambridge, 1982. Traduction française : Une si grande différence, Flammarion, Paris, 1986.
LES ÉTHIQUES FÉMINISTES
Imaginez la terrible situation suivante.
Alors que sa conjointe est atteinte d’un grave cancer et va mourir, M. Heinz apprend qu’un pharmacien a inventé un médicament à base de radium qui la sauverait. Il s’empresse donc d’aller le voir; mais le pharmacien demande $ 2 000 pour son médicament — qui ne lui a coûté que $ 200 à produire.
M. Heinz ne peut réunir que $ 1 000 et, après avoir expliqué sa situation au pharmacien, il propose de lui donner ce montant. Mais le pharmacien, bien décidé à s’enrichir avec sa découverte, refuse cette offre. M. Heinz promet alors de payer plus tard le reste de la somme. Le pharmacien refuse de nouveau. Désespéré, M. Heinz envisage de voler le médicament.
Serait-il juste qu’il le fasse?
Kohlberg et les stades du développement moral
Lawrence Kohlberg (1927-1987) a longuement étudié le développement moral des enfants en les interrogeant sur de semblables «dilemmes moraux». Ce qui l’intéressait, c’étaient non seulement les réponses données par les enfants, mais encore et surtout les justifications qu’ils avancent pour décider si une action était juste ou non.
Au terme de ses travaux, Kohlberg, très inspiré par Kant et par le psychologue Suisse Jean Piaget (1896-1980), a soutenu qu’il existait des stades du développement moral, faisant progressivement passer de l’hétéronomie à l’autonomie rationnelle. Voyons cela à grands traits.
Il existerait six stades divisés également en trois types de moralité. Au plus bas de l’échelle, celui de la moralité pré-conventionnelle, les jeunes enfants ont d’abord (stade 1) des jugements moraux très hétéronomes, justifiés par la peur des punitions ou l’anticipation de récompenses; un peu plus âgés (stade 2), ils restent égocentriques et pragmatiques et cherchent à combler leurs besoins (et parfois ceux des autres), mais dans une perspective «donnant-donnant».
La moralité dite conventionelle suit. Elle s’amorce par un moment (stade 3) dit «du bon petit garçon/de la bonne petite fille», où ce qui compte est de satisfaire les attentes du milieu, et se conclut sur un stade (4) orienté vers le respect de la loi et le maintien de l'ordre, vers l’autorité et les règles strictes et précises.
La moralité post-conventionelle, qui suit, est celle de l’autonomie et de la recherche de principes indépendants des groupes et même de mon éventuelle appartenance à un groupe. Le stade 5 est le moment légaliste du contrat social — généralement avec tendance utilitariste. Le dernier stade est orienté par et vers des principes éthiques universels, que l’individu reconnaît et vit comme autant d’exigences intérieures.
Prenez le dilemme de Heinz. Un enfant au stade 1 pourrait dire qu’il ne devrait pas voler le médicament parce qu’il pourrait aller en prison. Une personne parvenue à la moralité post-conventionelle pourrait dire qu’il peut le voler, parce que la vie d’une personne est plus importante que le profit que pourrait empocher une autre personne.
Ces travaux nous conduisent au véritable sujet que je veux aborder cette fois-ci, à savoir les éthiques féministes.
Les objections de Gilligan
Kohlberg avait en effet comme collaboratrice Carol Gilligan (1936) et celle-ci fera à propos de ses travaux plusieurs troublantes observations suggérant qu’ils sont biaisés en faveur des garçons.
Non seulement les échantillons étaient-ils majoritairement constitués de garçons, dira-t-elle, mais encore et surtout le système de notation retenu était biaisé en faveur de réponses faisant intervenir des principes et contre des réponses se situant plutôt sur un plan «relationnel». Gilligan pouvait ainsi expliquer une étonnante conclusion de Kohlberg, qui pensait avoir constaté qu’en moyenne les filles parviennent à des stades de développement moral inférieurs à ceux garçons.
Revenons au dilemme de Heinz. Des réponses typiques de garçons de 12 ans invoquent, en partie, des règles et des principes et semblent dès lors se situer aux stade 4, voire 5. Elles sont donc présumées plus élevées sur l’échelle (et «meilleures») que celles qui sont typiques des filles du même âge (et qui sont donc présumées inférieures), lesquelles refusent de faire de ce dilemme un froid conflit de règles et insistent pour le replacer dans un contexte interpersonnel.
Voici — par exemple et pour en juger — une réflexion caractéristique d’une jeune fille de 12 ans, que Kohlberg classerait sans doute, disons, au stade 3:
«Heinz ne devrait pas voler. Il doit exister une autre solution. Il pourrait emprunter l’argent à des amis, aller voir une banque, ou autre chose…. Il ne devrait pas voler, mais sa femme ne devrait pas mourir non plus…. S’il vole le médicament, il sauvera peut-être sa femme, mais il ira peut-être en prison et alors sa femme pourrait devenir plus malade encore et il ne pourrait plus obtenir d’autres doses de médicament … Lui et le pharmacien devraient discuter et trouver une manière de réunir l’argent.»
Kohlberg a pris ces critiques au sérieux et revu ses échelles et ses échantillons. Cela fait, les garçons et les filles arrivaient en moyenne aux mêmes stades.
Gilligan, elle, a tiré une tout autre conclusion de ces observations. Selon elle, c’est parce qu’elle présuppose que les morales fondées sur des principes (morales utilitaristes ou déontologiques qu’elle dira «masculines») sont supérieures, que l’échelle de Kohlberg situe les femmes à un niveau moral inférieur. Mais est-ce juste de présupposer cela?
Non, répond Gilligan, qui soutient que les femmes ont plutôt, typiquement, une autre manière de penser l’éthique, d’en parler (le très célèbre livre qu’elle écrira à ce sujet s’appelle d’ailleurs : D’une voix différente), et de la pratiquer, une manière moins axée sur les conséquences ou les principes que sur ce qu’elle nommera : la «sollicitude» (en anglais : care).
Les morales de la sollicitude («ethics of care»), contrastées aux morales déontologiques ou utilitaristes, cette idée qu’il existerait, en éthique, une voix féminine et différente, tout cela est aujourd’hui très discuté et débattu. On pourrait présenter les idées au cœur de ces morales de la sollicitude à travers une série d’oppositions entre des termes qui représenteraient respectivement les manières typiquement féminine et masculine d’envisager l’éthique : personnelle-impersonnelle; partiale-impartiale; privée-publique; compassion-équité; naturelle-contractuelle; émotion-raison; concrète-universelle; responsabilité-droits; relationnelle-individuelle; solidarité-autonomie.
Mais existe-t-il vraiment une telle voix féminine? Si oui, comment l’expliquer? Et d’abord d’où vient-elle? Enfin, qu’est-ce que tout cela signifie plus concrètement pour l’éthique?
Toutes les réponses à ces questions sont controversées, comme on le verra la prochaine fois.
Pour en savoir plus :
GILLIGAN, C., In a Different Voice: Psychological Theory and Women’s Development, Harvard University Press Cambridge, 1982. Traduction française : Une si grande différence, Flammarion, Paris, 1986.
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jeudi, novembre 20, 2008
LE CATALOGUE DE L'EXPO PRÉVERT
À défaut de voir l'exposition, j'ai lu le catalogue. Ci-après, un compte-rendu rédigé pour Le Devoir.
***
Quand Jacques Prévert est né, le 4 février 1900, les fées des arts se sont penchées sur son berceau. Elles lui ont dit l’avenir et il était très beau. «Tu vivras une longue vie durant laquelle tu connaîtras l’amour et l’amitié», dit la première, Fée Nicotine, réglant ainsi le plus important et faisant de la sorte une promesse qu’elle ne fait pas souvent.
«Tu feras du théâtre», annonça une deuxième.
«Tu seras scénariste et dialoguiste de film», reprit une autre.
«Tu écriras de nombreuses chansons», dit une quatrième.
«Tu plublieras plusieurs recueils de poèmes», dit encore une autre.
«Tu feras des collages sublimes et troublants», dit une dernière.
La Fée Ressentiment, une fée malingre et méchante, se tenait en retrait, ne sachant plus que dire. Croyant enfin avoir trouvé, elle s’avança : «Tu seras…». Toutes les autres retenaient leur souffle. «Tu seras… po-pu-lai-re! Et tu le seras dans tout ce que tu feras!».
Les autres fées éclatèrent de rire. Populaire? Qu’y a -t-il de mal à cela quand on a le génie de Prévert?
Loin de m’inquiéter, la popularité de Prévert me rassure. Elle prouve que le peuple a son génie à lui, celui-là même qui lui a permis de reconnaître Shakespeare ou Molière, à défaut de lui avoir permis d’éviter de tomber sous le charme de quelques autres, dont nous tairons le nom.
Et pour bien mettre les choses au clair, une fée qui n’avait pas encore parlé s’avança pour dire : «Et dans tous les domaines où tu œuvreras, tu laisseras des chefs-d’œuvre qui parleront à tout le monde de ta voix qui ne ressemble à celle de personne et les plus grands, dans chacun de ces domaines, diront de toi que tu es leur égal. Et pour faire bonne mesure, en plus de tout ce que mes collègues ont dit, tu travailleras aussi avec les plus grands peintres et les plus grands photographes, qui seront tes amis».
La Fée Ressentiment s’éloigna, confuse.
***
Trente et un ans après sa mort, survenue en 1977, la ville de Paris rend hommage à Prévert à travers une exposition réalisée avec la précieuse collaboration de sa petite-fille, Eugénie Bachelot-Prévert.
L’exposition, qui se tient à l’Hôtel de ville de Paris, du 24 octobre 2008 au 28 février 2009, trace le large portrait du parcours de celui qui a emprunté en toute liberté tant de sentiers de la création. Et puisque son héritière a généreusement ouverts ses coffres aux trésors, on a la chance, comme en témoigne ce luxueux catalogue, de découvrir des documents rarement vus, voire inédits.
L’ouvrage, tout comme l’exposition dont il est issu, se décline d’abord sur un mode chronologique : on découvre pour commencer l’enfance et l’adolescence de Prévert, puis son passage chez les surréalistes.
On aborde ensuite les genres que Prévert va pratiquer, tour à tour ou simultanément. C’est d’abord l’épisode du Groupe Octobre et du théâtre d’agit-prop — pour agitation propagande!
Vient ensuite le cinéma, où Prévert signe de nombreux chefs-d’œuvre. Puis la poésie et la chanson, avec le recueil Paroles et tous ceux qui lui succéderont.
Un chapitre revient sur les nombreux liens de Prévert avec tant de photographes (et pas les moindres : Doisneau, Izis, Villers, Brassaï et bien d’autres) et des peintres (ici encore, de très grosses pointures : Picasso, Chagall, Miro, par exemple). Le livre se termine sur ces collages que Prévert réalise jusqu’à la fin de sa vie et qui font aujourd’hui les délices des collectionneurs.
On trouvera encore, dans ces pages, des entretiens avec de nombreux compagnons de route de Prévert, de collaborateurs et de témoins de sa vie, une somptueuse iconographie, des textes de spécialistes, sans oublier une bibliographie et une filmographie.
Si vous connaissez un amoureux de Prévert, il vous suffira de glisser ce livre dans son petit soulier pour être certain de le combler de joie.
BACHELOT-PRÉVERT, Eugénie, et BINH, N.T., Jacques Prévert. Paris la Belle, Flammarion, Paris, 2008.
***
Quand Jacques Prévert est né, le 4 février 1900, les fées des arts se sont penchées sur son berceau. Elles lui ont dit l’avenir et il était très beau. «Tu vivras une longue vie durant laquelle tu connaîtras l’amour et l’amitié», dit la première, Fée Nicotine, réglant ainsi le plus important et faisant de la sorte une promesse qu’elle ne fait pas souvent.
«Tu feras du théâtre», annonça une deuxième.
«Tu seras scénariste et dialoguiste de film», reprit une autre.
«Tu écriras de nombreuses chansons», dit une quatrième.
«Tu plublieras plusieurs recueils de poèmes», dit encore une autre.
«Tu feras des collages sublimes et troublants», dit une dernière.
La Fée Ressentiment, une fée malingre et méchante, se tenait en retrait, ne sachant plus que dire. Croyant enfin avoir trouvé, elle s’avança : «Tu seras…». Toutes les autres retenaient leur souffle. «Tu seras… po-pu-lai-re! Et tu le seras dans tout ce que tu feras!».
Les autres fées éclatèrent de rire. Populaire? Qu’y a -t-il de mal à cela quand on a le génie de Prévert?
Loin de m’inquiéter, la popularité de Prévert me rassure. Elle prouve que le peuple a son génie à lui, celui-là même qui lui a permis de reconnaître Shakespeare ou Molière, à défaut de lui avoir permis d’éviter de tomber sous le charme de quelques autres, dont nous tairons le nom.
Et pour bien mettre les choses au clair, une fée qui n’avait pas encore parlé s’avança pour dire : «Et dans tous les domaines où tu œuvreras, tu laisseras des chefs-d’œuvre qui parleront à tout le monde de ta voix qui ne ressemble à celle de personne et les plus grands, dans chacun de ces domaines, diront de toi que tu es leur égal. Et pour faire bonne mesure, en plus de tout ce que mes collègues ont dit, tu travailleras aussi avec les plus grands peintres et les plus grands photographes, qui seront tes amis».
La Fée Ressentiment s’éloigna, confuse.
***
Trente et un ans après sa mort, survenue en 1977, la ville de Paris rend hommage à Prévert à travers une exposition réalisée avec la précieuse collaboration de sa petite-fille, Eugénie Bachelot-Prévert.
L’exposition, qui se tient à l’Hôtel de ville de Paris, du 24 octobre 2008 au 28 février 2009, trace le large portrait du parcours de celui qui a emprunté en toute liberté tant de sentiers de la création. Et puisque son héritière a généreusement ouverts ses coffres aux trésors, on a la chance, comme en témoigne ce luxueux catalogue, de découvrir des documents rarement vus, voire inédits.
L’ouvrage, tout comme l’exposition dont il est issu, se décline d’abord sur un mode chronologique : on découvre pour commencer l’enfance et l’adolescence de Prévert, puis son passage chez les surréalistes.
On aborde ensuite les genres que Prévert va pratiquer, tour à tour ou simultanément. C’est d’abord l’épisode du Groupe Octobre et du théâtre d’agit-prop — pour agitation propagande!
Vient ensuite le cinéma, où Prévert signe de nombreux chefs-d’œuvre. Puis la poésie et la chanson, avec le recueil Paroles et tous ceux qui lui succéderont.
Un chapitre revient sur les nombreux liens de Prévert avec tant de photographes (et pas les moindres : Doisneau, Izis, Villers, Brassaï et bien d’autres) et des peintres (ici encore, de très grosses pointures : Picasso, Chagall, Miro, par exemple). Le livre se termine sur ces collages que Prévert réalise jusqu’à la fin de sa vie et qui font aujourd’hui les délices des collectionneurs.
On trouvera encore, dans ces pages, des entretiens avec de nombreux compagnons de route de Prévert, de collaborateurs et de témoins de sa vie, une somptueuse iconographie, des textes de spécialistes, sans oublier une bibliographie et une filmographie.
Si vous connaissez un amoureux de Prévert, il vous suffira de glisser ce livre dans son petit soulier pour être certain de le combler de joie.
BACHELOT-PRÉVERT, Eugénie, et BINH, N.T., Jacques Prévert. Paris la Belle, Flammarion, Paris, 2008.
Libellés :
catalogue,
exposition,
Jacques Prévert,
Normand Baillargeon
mercredi, novembre 19, 2008
DES NOUVELLES DE LA RÉFORME DE l'ÉDUCATION- ARTICLE DE J-P. PINEAULT
Échec au cœur de la réforme
Jean-Philippe Pineault
Journal de Montréal
19/11/2008 08h54
Le cœur de la réforme qui met de l'avant le programme controversé de la pédagogie par projets est un «échec », révèle une étude dont le Journal a obtenu copie.
L'enquête, réalisée par des chercheurs de l'Université de Montréal pour le compte du Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal, révèle que dans les écoles où les enseignants font très souvent des projets de groupe, la proportion d'élèves qui obtiennent un diplôme au secondaire s'élève à peine à 55 %.
À l'inverse, dans les établissements où les enseignants boudent cette nouvelle méthode, le taux de diplomation atteint 86 %.
«C'est vrai que c'est embêtant pour ceux qui mettent de l'avant ces méthodes pédagogiques », affirme Pierre Lapointe, l'un des coauteurs de l'étude et professeur à l'Université de Montréal, qui ajoute que «sur le plan politique, cette étude peut être effectivement agaçante pour plusieurs».
Le chercheur est toutefois d'avis que cela ne remet pas en cause la réforme. «Ça continue d'alimenter la controverse, mais on ne peut pas penser qu'un nouveau programme a juste des effets positifs », dit-il.
Enseignement traditionnel
L'enseignement traditionnel obtient une bien meilleure note. Dans les écoles où les profs pratiquent très souvent l'enseignement magistral, la proportion d'élèves obtenant un diplôme atteint 76 % tandis qu'elle est de 67 % dans les établissements où on ne le pratique qu'occasionnellement.
«Ce sont des résultats assez troublants. La réforme a échoué dans ses fondements », juge Steve Bissonnette, professeur de psychoéducation et de psychologie à l'Université du Québec en Outaouais.
Virage à 180 degrés
Robert Comeau, professeur associé au Département d'histoire de l'UQAM, qui a dirigé le collectif Contre la réforme pédagogique qui vient d'être publié, est d'avis qu'il faut effectuer un virage à 180 degrés.
«Le problème, en ce moment, c'est qu'on essaie de changer des morceaux à la pièce, comme les bulletins. C'est la base de la réforme qu'il faut changer », dit-il.
François Paquette, vice-président de la Fédération des comités de parents, est d'avis que l'étude «questionne la pédagogie par projets », mais estime que la réforme ne doit pas être jetée à la poubelle pour autant.
# Pour leur étude, les chercheurs ont eu recours à des données de quatre cohortes d'élèves entrés à l'école entre 1998 et 2001, totalisant 72 698 jeunes de l'île de Montréal. De plus, 212 enseignants ont répondu à un questionnaire et 30 directions d'école ont été interviewées.
AUTRES CONSTATATIONS RÉSULTANT DE L'ÉTUDE
DÉMÉNAGEMENT DANGEREUX
50%
Si vous pensez aider votre enfant en lui offrant une nouvelle école, vous faites erreur. La proportion d'élèves ayant changé d'école une fois pendant leur secondaire et qui obtiennent leur diplôme est de 50 %. Leurs camarades qui ont fait toutes leurs études dans le même établissement décrochent leur diplôme dans une proportion de 66 %.
INTERRUPTION DES ÉTUDES
9%
Les élèves qui interrompent leurs études secondaires pendant une année sont pratiquement assurés de ne pas obtenir leur diplôme. À peine 9 % des jeunes ayant fait une pause pendant leur cursus scolaire obtiennent en effet leur diplôme à l'âge de 20 ans ou moins.
PLUS DE CHANCES AU PRIVÉ
64%
Les élèves qui fréquentent un établissement privé ont cinq fois plus de chances d'obtenir un diplôme que ceux inscrits dans le réseau public. Près de 90 % des jeunes obtiennent un diplôme après cinq ans, comparativement à 64 % à l'école publique.
LES PROFS ONT UN IMPACT
57%
Les enseignants qui encouragent positivement leurs étudiants ont un impact indéniable sur leur réussite. Dans les écoles où les profs rapportent ne jamais faire de renforcement social, le taux de diplomation s'élève à 57 %, tandis qu'il est de 81 % dans les établissements où les enseignants disent adopter très souvent cette stratégie.
ENVIRONNEMENT POSITIF
53%
Les élèves des écoles où l'environnement dans les classes est perçu positivement ont plus de chances d'obtenir leur diplôme. Dans les établissements où les enseignants affirment que le climat éducatif est très favorable, le taux de diplomation atteint 79 %. Par contre, il est de 53 % dans les écoles où leurs collègues ont un avis opposé.
Source : Rapport sur l'environnement éducatif dans les écoles publiques et la diplomation des élèves de l'île de Montréal
ENSEIGNEMENT TRADITIONNEL ET PÉDAGOGIE PAR PROJETS
L'ENSEIGNEMENT MAGISTRAL
# Le prof utilise un enseignement plus traditionnel où il enseigne lui-même des notions et concepts. Les élèves réalisent par la suite des exercices pour s'assurer de leur bonne compréhension.
LA PÉDAGOGIE PAR PROJETS
# L'élève intègre plusieurs de ses apprentissages dans différentes matières en réalisant un projet. Épaulé par l'enseignant, l'élève prend en charge son apprentissage.
Source : Ministère de l'Éducation, du Loisir et des Sports
Jean-Philippe Pineault
Journal de Montréal
19/11/2008 08h54
Le cœur de la réforme qui met de l'avant le programme controversé de la pédagogie par projets est un «échec », révèle une étude dont le Journal a obtenu copie.
L'enquête, réalisée par des chercheurs de l'Université de Montréal pour le compte du Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal, révèle que dans les écoles où les enseignants font très souvent des projets de groupe, la proportion d'élèves qui obtiennent un diplôme au secondaire s'élève à peine à 55 %.
À l'inverse, dans les établissements où les enseignants boudent cette nouvelle méthode, le taux de diplomation atteint 86 %.
«C'est vrai que c'est embêtant pour ceux qui mettent de l'avant ces méthodes pédagogiques », affirme Pierre Lapointe, l'un des coauteurs de l'étude et professeur à l'Université de Montréal, qui ajoute que «sur le plan politique, cette étude peut être effectivement agaçante pour plusieurs».
Le chercheur est toutefois d'avis que cela ne remet pas en cause la réforme. «Ça continue d'alimenter la controverse, mais on ne peut pas penser qu'un nouveau programme a juste des effets positifs », dit-il.
Enseignement traditionnel
L'enseignement traditionnel obtient une bien meilleure note. Dans les écoles où les profs pratiquent très souvent l'enseignement magistral, la proportion d'élèves obtenant un diplôme atteint 76 % tandis qu'elle est de 67 % dans les établissements où on ne le pratique qu'occasionnellement.
«Ce sont des résultats assez troublants. La réforme a échoué dans ses fondements », juge Steve Bissonnette, professeur de psychoéducation et de psychologie à l'Université du Québec en Outaouais.
Virage à 180 degrés
Robert Comeau, professeur associé au Département d'histoire de l'UQAM, qui a dirigé le collectif Contre la réforme pédagogique qui vient d'être publié, est d'avis qu'il faut effectuer un virage à 180 degrés.
«Le problème, en ce moment, c'est qu'on essaie de changer des morceaux à la pièce, comme les bulletins. C'est la base de la réforme qu'il faut changer », dit-il.
François Paquette, vice-président de la Fédération des comités de parents, est d'avis que l'étude «questionne la pédagogie par projets », mais estime que la réforme ne doit pas être jetée à la poubelle pour autant.
# Pour leur étude, les chercheurs ont eu recours à des données de quatre cohortes d'élèves entrés à l'école entre 1998 et 2001, totalisant 72 698 jeunes de l'île de Montréal. De plus, 212 enseignants ont répondu à un questionnaire et 30 directions d'école ont été interviewées.
AUTRES CONSTATATIONS RÉSULTANT DE L'ÉTUDE
DÉMÉNAGEMENT DANGEREUX
50%
Si vous pensez aider votre enfant en lui offrant une nouvelle école, vous faites erreur. La proportion d'élèves ayant changé d'école une fois pendant leur secondaire et qui obtiennent leur diplôme est de 50 %. Leurs camarades qui ont fait toutes leurs études dans le même établissement décrochent leur diplôme dans une proportion de 66 %.
INTERRUPTION DES ÉTUDES
9%
Les élèves qui interrompent leurs études secondaires pendant une année sont pratiquement assurés de ne pas obtenir leur diplôme. À peine 9 % des jeunes ayant fait une pause pendant leur cursus scolaire obtiennent en effet leur diplôme à l'âge de 20 ans ou moins.
PLUS DE CHANCES AU PRIVÉ
64%
Les élèves qui fréquentent un établissement privé ont cinq fois plus de chances d'obtenir un diplôme que ceux inscrits dans le réseau public. Près de 90 % des jeunes obtiennent un diplôme après cinq ans, comparativement à 64 % à l'école publique.
LES PROFS ONT UN IMPACT
57%
Les enseignants qui encouragent positivement leurs étudiants ont un impact indéniable sur leur réussite. Dans les écoles où les profs rapportent ne jamais faire de renforcement social, le taux de diplomation s'élève à 57 %, tandis qu'il est de 81 % dans les établissements où les enseignants disent adopter très souvent cette stratégie.
ENVIRONNEMENT POSITIF
53%
Les élèves des écoles où l'environnement dans les classes est perçu positivement ont plus de chances d'obtenir leur diplôme. Dans les établissements où les enseignants affirment que le climat éducatif est très favorable, le taux de diplomation atteint 79 %. Par contre, il est de 53 % dans les écoles où leurs collègues ont un avis opposé.
Source : Rapport sur l'environnement éducatif dans les écoles publiques et la diplomation des élèves de l'île de Montréal
ENSEIGNEMENT TRADITIONNEL ET PÉDAGOGIE PAR PROJETS
L'ENSEIGNEMENT MAGISTRAL
# Le prof utilise un enseignement plus traditionnel où il enseigne lui-même des notions et concepts. Les élèves réalisent par la suite des exercices pour s'assurer de leur bonne compréhension.
LA PÉDAGOGIE PAR PROJETS
# L'élève intègre plusieurs de ses apprentissages dans différentes matières en réalisant un projet. Épaulé par l'enseignant, l'élève prend en charge son apprentissage.
Source : Ministère de l'Éducation, du Loisir et des Sports
Libellés :
Normand Baillageon,
réforme de l'éducation (québec)
RECHERCHÉS : PAUVRES VOTANT POUR DES PAUVRES
[Une chronique de la série Amère Amérique, parue dans Siné Hebdo]
Ouf! Enfin! Ça y est!
Le long calvaire des élections canadiennes, avec ses discours pitoyables, ses slogans creux et tous ces commentaires et analyses s’adressant exclusivement à notre cerveau reptilien a pris fin il y a quelques jours.
Le Canada a reporté au pouvoir le gouvernement minoritaire du Parti conservateur : mieux – ou plutôt pire : il l’a renforcé.
Ami des pétrolières, ennemi de Kyoto, grand défenseurs des corporations, champion des réductions d’impôts, le Parti Conservateur s’est cette fois surpassé en annonçant des coupures dans les subventions aux arts et à la culture et la possibilité de peines de prison à vie pour des jeunes contrevenants de 14 ans et plus.
Prochaine étape : le peloton d’exécution pour les porteurs de couches culottes non-réglementaires.
Et ces délirants ont pourtant été élus.
D’où les inévitables questions, inlassablement posées: Comment se fait-il que les pauvres votent pour les riches? Que les Américains votent pour Bush? Les Français pour Sarkozy? Les pauvres pour les banques? Comment le feu se fait-il aimer du brûlé? Le soufflet de la joue? Bécassine de Pif le Chien (mais là, je ne suis pas certain….)
On connaît une part de la réponse à ces questions. Elle fait intervenir le bourrage de crâne, la manipulation médiatique, la démagogie, les firmes de relations publiques, les mensonges, la fraude électorale et mille autres techniques de fabrication des consentements.
Mais cette explication, qui invite la gauche à réagir en informant et en démontant les mensonges médiatiques, n’a jamais prétendu être le dernier mot de l’affaire. Que faudrait-il lui ajouter?
Dans un article de la revue Edge [www.edge.com] qui fait grand bruit, Jonathan Haidt suggère que la gauche se confine à deux dimensions de la moralité, l’empathie et l’équité, et les défend rationnellement; tandis que la droite, en faisant massivement appel aux émotions, insiste sur la loyauté à son groupe d’appartenance, le respect pour l’autorité, le sacré.
Mais n’y a selon moi rien de neuf à remarquer que la droite, depuis Bush jusqu’aux fascismes de tout poil, est attachée à la famille, à un chef fort et charismatique, au petit jésus et aux rassemblements de Nuremberg.
Mon avis est plutôt que la gauche s’est avérée extraordinairement incapable, depuis plusieurs décennies, à proposer des modèles, notamment sur le plan économique, qui soient à la fois intellectuellement crédibles et moralement souhaitables.
C’est cette absence d’une alternative, bien plus que les raisons que donne Haidt, qui explique le repli vers un vote conservateur, en même temps que le cynisme ambiant qui proclame partout qu’on ne peut rien changer.
Il faut à la gauche des modèles nouveaux, il lui faut de l’imagination et des idées. C’est de ces carences que nous souffrons le plus. Ce n’est qu'en les comblant que Pif le Chien retrouvera le goût de mordre.
Quelles idées par exemple, dites-vous?
Vous ai-je déjà parlé d’autogestion?
D’économie participative?
La prochaine fois, alors…
Ouf! Enfin! Ça y est!
Le long calvaire des élections canadiennes, avec ses discours pitoyables, ses slogans creux et tous ces commentaires et analyses s’adressant exclusivement à notre cerveau reptilien a pris fin il y a quelques jours.
Le Canada a reporté au pouvoir le gouvernement minoritaire du Parti conservateur : mieux – ou plutôt pire : il l’a renforcé.
Ami des pétrolières, ennemi de Kyoto, grand défenseurs des corporations, champion des réductions d’impôts, le Parti Conservateur s’est cette fois surpassé en annonçant des coupures dans les subventions aux arts et à la culture et la possibilité de peines de prison à vie pour des jeunes contrevenants de 14 ans et plus.
Prochaine étape : le peloton d’exécution pour les porteurs de couches culottes non-réglementaires.
Et ces délirants ont pourtant été élus.
D’où les inévitables questions, inlassablement posées: Comment se fait-il que les pauvres votent pour les riches? Que les Américains votent pour Bush? Les Français pour Sarkozy? Les pauvres pour les banques? Comment le feu se fait-il aimer du brûlé? Le soufflet de la joue? Bécassine de Pif le Chien (mais là, je ne suis pas certain….)
On connaît une part de la réponse à ces questions. Elle fait intervenir le bourrage de crâne, la manipulation médiatique, la démagogie, les firmes de relations publiques, les mensonges, la fraude électorale et mille autres techniques de fabrication des consentements.
Mais cette explication, qui invite la gauche à réagir en informant et en démontant les mensonges médiatiques, n’a jamais prétendu être le dernier mot de l’affaire. Que faudrait-il lui ajouter?
Dans un article de la revue Edge [www.edge.com] qui fait grand bruit, Jonathan Haidt suggère que la gauche se confine à deux dimensions de la moralité, l’empathie et l’équité, et les défend rationnellement; tandis que la droite, en faisant massivement appel aux émotions, insiste sur la loyauté à son groupe d’appartenance, le respect pour l’autorité, le sacré.
Mais n’y a selon moi rien de neuf à remarquer que la droite, depuis Bush jusqu’aux fascismes de tout poil, est attachée à la famille, à un chef fort et charismatique, au petit jésus et aux rassemblements de Nuremberg.
Mon avis est plutôt que la gauche s’est avérée extraordinairement incapable, depuis plusieurs décennies, à proposer des modèles, notamment sur le plan économique, qui soient à la fois intellectuellement crédibles et moralement souhaitables.
C’est cette absence d’une alternative, bien plus que les raisons que donne Haidt, qui explique le repli vers un vote conservateur, en même temps que le cynisme ambiant qui proclame partout qu’on ne peut rien changer.
Il faut à la gauche des modèles nouveaux, il lui faut de l’imagination et des idées. C’est de ces carences que nous souffrons le plus. Ce n’est qu'en les comblant que Pif le Chien retrouvera le goût de mordre.
Quelles idées par exemple, dites-vous?
Vous ai-je déjà parlé d’autogestion?
D’économie participative?
La prochaine fois, alors…
Libellés :
Amère Amérique,
Normand Baillargeon,
siné hebdo
OBAMA: PAR-DELÀ L'EUPHORIE
[Ce texte paraîtra dans Le Monde Libertaire, auquel je collaborerai dorénavant une fois par mois.]
Tout le mode a pu constater qu’une véritable «obamamanie» déferle sur le monde depuis l’élection de Barak Hussein Obama au poste de 44e président des Etats-Unis.
On peut dans une certaine mesure comprendre la grande euphorie avec laquelle cette victoire a été accueillie dans divers milieux.
Elle trouve sa source à la fois dans les immenses espoirs suscités par la campagne menée par ce charismatique orateur; dans le fort taux de participation à l’élection, en particulier au sein des communautés autres que blanches et parmi les jeunes; dans le soupir de soulagement lancé par tous ceux qui redoutaient l’élection du sordide candidat républicain et de sa délirante co-listière, tous deux d’une ignorance et d’une imbécillité à faire frémir; du bonheur, enfin, pour tous les progressistes, de voir un afro-américain porté aux «plus hautes fonctions» (si on peut dire) — et cela quarante ans seulement après les combats menés dans le cadre du mouvement pour les droits civils.
«C’est un moment historique», ont aussitôt décrété de nombreux observateurs, pendant que de son côté le documentariste Michael Moore avouait, comme d’innombrables autres progressistes, avoir pleuré de joie à l’annonce de cette victoire.
Cette belle unanimité est néanmoins bien suspecte et par-delà la vive émotion et le réel bonheur qu’on ressent inévitablement devant l’élection d’un membre d’une minorité qui a si longtemps été outrageusement discriminée, humiliée et brimée, la question se pose : que peut-on raisonnablement attendre de la présidence d’Obama?
Il est crucial pour tout le monde de répondre à cette question froidement et sans s’illusionner.
Mon avis est que de nombreux facteurs invitent à très fortement tempérer — pour ne pas dire plus — les espoirs que d’aucuns mettent dans le nouveau président.
Je voudrais ici exposer certains de ces facteurs qui me paraissent les plus significatifs. Je les présenterai sous deux rubriques, selon qu’ils concernent le processus électoral américain lui-même ou plus spécifiquement le contenu de la compagne menée par Obama ainsi que les premiers gestes qu’il a posés après son élection.
Après quoi, je suggérerai quelques principes et orientations dont j’estime qu’elles devraient guider l’action des forces progressistes aux Etats-Unis et ailleurs durant l’ère Obama, si du moins elles veulent faire mentir mes sombres prédictions — je l’avoue sans ambages : je serais enchanté que cela se produise.
Le mirage électoraliste
Rappelons d’abord aux Obamaphiles que si Obama a été élu, il n’en demeure pas moins que près de la moitié des votards (46%) ont choisi le tandem McCain-Palin.
De plus, et surtout, Obama a non seulement été élu, ce qui est déjà problématique, mais il l’a été par un système électoral qui a été spécifiquement conçu, comme le disait déjà James Madison, un des pères fondateurs du pays, «afin de protéger la riche minorité de la majorité». Il est crucial de s’en souvenir.
C’est ainsi que les élections américaines proposent essentiellement aux gens de choisir entre deux partis qui représentent deux interprétations largement similaires des intérêts des institutions économiques dominantes. Certes, des différences existent et il arrive qu’elles fassent une différence. Mais pour l’essentiel, on retrouve bien cette large uniformité de points de vue, de valeurs et de préoccupations.
Ceux-ci étant par définition très éloignés des points de vue, valeurs et préoccupations de l’immense majorité de la population, ces derniers sont dès lors ignorés ou marginalisés durant le processus électoral, les élections américaines devenant donc, dans une très substantielle mesure, des opérations de relations publiques, s’efforçant de garder à la marge le public tout en lui faisant croire que ce qui est discuté est néanmoins important et le concerne. Ce n’est pas une mince tâche.
En bout de piste, les candidats sont vendus et présentés selon les mêmes techniques et procédés qui servent à vendre du savon à lessive.
Obama a-t-il changé tout cela? Si on regarde par-delà l’habile rhéteur et le formatage auquel on l’a soumis, rien ne permet de penser qu’il a échappé aux effets déterminants qu’imposent les conditions structurelles d’une campagne électorale aux Etats-Unis. Pour s’en convaincre, on peut examiner la campagne qu’il a menée et les gestes qu’il a posés depuis qu’elle s’est terminée.
L’écran à fantasmes
Noam Chomsky a décrit la campagne d’Obama comme une «blanck slate», c’est-à-dire comme un tableau vierge sur lequel chacun a été invité à écrire ce qu’il voulait.
C’est ainsi que des mots pouvant recouvrir à peu près tout ce qu’on voudra ont été ainsi lancés (par exemple : «espoir», «changement», «on le peut») par lesquels, puisque ce pouvait être n’importe quoi, chacun a entendu ce qu’il voulait bien y entendre. La campagne d’Obama, — certes pas entièrement mais dans une substantielle mesure surtout pour des enjeux cruciaux et polémiques en matière de politique étrangère et intérieure — a ainsi consisté à présenter une sorte d’ «écran à fantasmes» sur lequel chacun a pu projeter ce qu’il a voulu.
Il est d’ailleurs frappant de constater combien sont diverses et parfois diamétralement opposées les interprétations de ce qu’il a défendu ou soutenu et des politiques qu’il disait entendre suivre s’il était élu.
Certains ont vu en lui le président qui assurera la continuité des politiques unilatéralistes, tandis que des progressistes ont vu un beau risque; des pacifistes le voient comme la chance de terminer la guerre en Irak, mais des faucons comme celle de continuer celle en Afghânistân; on lui a attribué l’ambition de mettre fin aux pires excès du réjectionnisme de la politique américaine envers Israël, mais aussi celle de n’y rien changer; on a vu en lui ici le nouveau Kennedy, là le nouveau Bush première version, ailleurs encore le nouveau Reagan.
En attendant que la realpolitik ne tranche, ce qui ne saurait tarder, des faits têtus persistent.
C’est ainsi que les Etats-Unis ne sont pas soudainement entrés dans une phase post-raciste et que l’arrivée d’un couple Noir à la Maison-Blanche ne change pas le fait que les Noirs sont toujours sous-représentés dans tous les postes décisionnels et qu’ils forment toujours une part disproportionnée de la population carcérale — près d'un homme Noir entre 20 et 34 ans sur 20 est en prison aux Etats-Unis — où avec quelque 2 320 000 prisonniers, c’est près de 1% de la population qui est incarcérée.
C’est encore ainsi que Etats-Unis ne sont pas soudainement entrés dans une phase plus démocratique de leur histoire et que le gouvernement reste encore «cette ombre projetée sur la société par les grandes corporations» dont paraît John Dewey. (Le caractère profondément anti-démocratique en a été une fois de plus mis en évidence dans le récent renflouement à hauteur de 700$ milliards des banques et autres institutions financières : massivement rejeté par l’immense majorité de la population, les mesures préconisées ont néanmoins été mises en place.)
C’est à des réalités comme celles-là que les promesses d’Obama doivent être rapportées. Considérez par exemple ce modeste projet qu’il a annoncé et qui permettrait d’assurer une couverture en santé à des millions d’Américains qui en sont privés : ce projet est loin d’être mis en marche et plus encore d’être implanté. Mais on peut être certain que la «grande ombre» des corporations pharmaceutiques et des compagnies d’assurance (avec d’autres) vont exercer d’énormes pressions pour qu’il n’aboutisse pas.
De même, la fin de la guerre en Afghanistan n’est absolument pas une chose acquise, bien au contraire, et Obama a même parlé d’augmenter le nombre de soldats qui y sont déployés. Quant à la promesse du retrait des troupes américaines d’Iraq à l’été 2010, absolument rien ne garantit qu’elle sera tenue.
Ce n’est qu’en janvier qu’Obama annoncera la composition de son équipe et les grandes orientations de sa politique. Mais ce qu’on en devine déjà n’est guère encourageant.
Au moment où j’écris ces lignes, on annonce la nomination de Rahm Emanuel comme secrétaire général de la Maison Blanche : le choix pour ce poste crucial de cet ex conseiller politique de Bill Clinton n’annonce rien de bon. Emanuel est en effet un néolibéral bon teint qui a joué un rôle crucial dans l’imposition de l’accord de libre échange nord-américain (ALENA) aux environnementalistes et aux syndicats, un partisan de la «guerre au terrorisme» et de la présence américaine en Afghanistan : bref, un faucon doublé d’un ardent défenseur de l’hégémonie des corporations.
De même pour les autres personnes dont il s’entoure déjà : le Président élu vient ainsi de se présenter à sa première conférence de presse avec une équipe de conseillers économiques qu’aucun de ses prédécesseurs n’aurait reniée — on n’y trouve d’ailleurs personne qui soit issu du monde du travail. Parmi elles, Paul Volcker, qui pourrait être appelé à jouer un rôle significatif, peut-être même celui de Treasury Secreteray : incarnation des pires excès néolibéraux, si on peut se permettre ce pléonasme, il a été un des personnages clés de l’administration Reagan et on lui doit notamment la croissance démente des taux d’intérêts durant les années 80.
Au poste de secrétaire à la défense, le nom de Richard Holbrooke circule, dont on se souviendra comme la personne qui, sous l’administration Carter, a autorisé l’envoi d’armes à l’Indonésie pour lui permettre de continuer l’Occupation du Timor Oriental qui avait fait 200 000 victimes. Circule aussi celui de Madeleine Albright, celle-là même qui affirmait en 2001 que la mort d’un demi-million d’enfants en Irak suite aux sanctions imposées par les Etats-Unis est quelque chose qui «valait le coût».
À la défense, la rumeur place en ce moment Robert Gates : cette fois encore, ce sera «business as usual».
Que va-t-il arriver en janvier et février prochains? La question reste ouverte. De son côté, Michael Albert, de Z Magazine, s’est risqué à une prédiction: «Je soupçonne, écrivait-il, qu’hélas, dès la première semaine de son entrée en fonction — littéralement : dès la première semaine — les choix de collaborateurs et de personnel que fera Obama vont très clairement montrer que sans un militantisme massif contraignant à des actions différentes, le changement ne sera que superficiel».
Des événements récents comme ceux que j’ai rapportés lui donnent pour l’instant raison. Mais c’est la condition qu’Albert introduit dans sa prédiction qui est me semble capitale : «sans un militantisme massif contraignant à des actions différentes».
Au-delà des élections
L’histoire nous a inlassablement appris que le pouvoir n’a jamais rien cédé et ne cèdera jamais rien si ce n’est par la force.
Cette fois encore, il ne cèdera rien sans elle et l’ère Obama sera donc, dans une substantielle mesure, ce que par leur action sur le terrain les militantes et les militants en feront. Les pressions qu’ils et elles exerceront pourront seules faire en sorte qu’Obama, comme n’importe quel autre élu aux Etats-Unis ou ailleurs, tienne les promesses faites au peuple plutôt que celles faites aux corporations, aux élites et à tous ceux qu’Adam Smith appelait déjà «les maîtres».
Dans les cruciales semaines à venir il va donc s’agir, pour les progressistes américains, pour les pacifistes, pour les activistes mobilisés contre les guerres en cours, pour les syndicats et les mouvements liés au monde du travail et aux regroupements communautaires, de maintenir vivante et même d’accroître la mobilisation populaire qui a fait élire Obama et de rappeler, surtout à tous ceux-là pour qui voter est l’aboutissement de leur engagement politique, qu’avec cette élection, les combats, loin de se terminer, commencent. Réussiront-ils?
Je l’ignore. Mais entre pessimisme de la raison et optimisme de la volonté, je le souhaite ardemment.
Tout le mode a pu constater qu’une véritable «obamamanie» déferle sur le monde depuis l’élection de Barak Hussein Obama au poste de 44e président des Etats-Unis.
On peut dans une certaine mesure comprendre la grande euphorie avec laquelle cette victoire a été accueillie dans divers milieux.
Elle trouve sa source à la fois dans les immenses espoirs suscités par la campagne menée par ce charismatique orateur; dans le fort taux de participation à l’élection, en particulier au sein des communautés autres que blanches et parmi les jeunes; dans le soupir de soulagement lancé par tous ceux qui redoutaient l’élection du sordide candidat républicain et de sa délirante co-listière, tous deux d’une ignorance et d’une imbécillité à faire frémir; du bonheur, enfin, pour tous les progressistes, de voir un afro-américain porté aux «plus hautes fonctions» (si on peut dire) — et cela quarante ans seulement après les combats menés dans le cadre du mouvement pour les droits civils.
«C’est un moment historique», ont aussitôt décrété de nombreux observateurs, pendant que de son côté le documentariste Michael Moore avouait, comme d’innombrables autres progressistes, avoir pleuré de joie à l’annonce de cette victoire.
Cette belle unanimité est néanmoins bien suspecte et par-delà la vive émotion et le réel bonheur qu’on ressent inévitablement devant l’élection d’un membre d’une minorité qui a si longtemps été outrageusement discriminée, humiliée et brimée, la question se pose : que peut-on raisonnablement attendre de la présidence d’Obama?
Il est crucial pour tout le monde de répondre à cette question froidement et sans s’illusionner.
Mon avis est que de nombreux facteurs invitent à très fortement tempérer — pour ne pas dire plus — les espoirs que d’aucuns mettent dans le nouveau président.
Je voudrais ici exposer certains de ces facteurs qui me paraissent les plus significatifs. Je les présenterai sous deux rubriques, selon qu’ils concernent le processus électoral américain lui-même ou plus spécifiquement le contenu de la compagne menée par Obama ainsi que les premiers gestes qu’il a posés après son élection.
Après quoi, je suggérerai quelques principes et orientations dont j’estime qu’elles devraient guider l’action des forces progressistes aux Etats-Unis et ailleurs durant l’ère Obama, si du moins elles veulent faire mentir mes sombres prédictions — je l’avoue sans ambages : je serais enchanté que cela se produise.
Le mirage électoraliste
Rappelons d’abord aux Obamaphiles que si Obama a été élu, il n’en demeure pas moins que près de la moitié des votards (46%) ont choisi le tandem McCain-Palin.
De plus, et surtout, Obama a non seulement été élu, ce qui est déjà problématique, mais il l’a été par un système électoral qui a été spécifiquement conçu, comme le disait déjà James Madison, un des pères fondateurs du pays, «afin de protéger la riche minorité de la majorité». Il est crucial de s’en souvenir.
C’est ainsi que les élections américaines proposent essentiellement aux gens de choisir entre deux partis qui représentent deux interprétations largement similaires des intérêts des institutions économiques dominantes. Certes, des différences existent et il arrive qu’elles fassent une différence. Mais pour l’essentiel, on retrouve bien cette large uniformité de points de vue, de valeurs et de préoccupations.
Ceux-ci étant par définition très éloignés des points de vue, valeurs et préoccupations de l’immense majorité de la population, ces derniers sont dès lors ignorés ou marginalisés durant le processus électoral, les élections américaines devenant donc, dans une très substantielle mesure, des opérations de relations publiques, s’efforçant de garder à la marge le public tout en lui faisant croire que ce qui est discuté est néanmoins important et le concerne. Ce n’est pas une mince tâche.
En bout de piste, les candidats sont vendus et présentés selon les mêmes techniques et procédés qui servent à vendre du savon à lessive.
Obama a-t-il changé tout cela? Si on regarde par-delà l’habile rhéteur et le formatage auquel on l’a soumis, rien ne permet de penser qu’il a échappé aux effets déterminants qu’imposent les conditions structurelles d’une campagne électorale aux Etats-Unis. Pour s’en convaincre, on peut examiner la campagne qu’il a menée et les gestes qu’il a posés depuis qu’elle s’est terminée.
L’écran à fantasmes
Noam Chomsky a décrit la campagne d’Obama comme une «blanck slate», c’est-à-dire comme un tableau vierge sur lequel chacun a été invité à écrire ce qu’il voulait.
C’est ainsi que des mots pouvant recouvrir à peu près tout ce qu’on voudra ont été ainsi lancés (par exemple : «espoir», «changement», «on le peut») par lesquels, puisque ce pouvait être n’importe quoi, chacun a entendu ce qu’il voulait bien y entendre. La campagne d’Obama, — certes pas entièrement mais dans une substantielle mesure surtout pour des enjeux cruciaux et polémiques en matière de politique étrangère et intérieure — a ainsi consisté à présenter une sorte d’ «écran à fantasmes» sur lequel chacun a pu projeter ce qu’il a voulu.
Il est d’ailleurs frappant de constater combien sont diverses et parfois diamétralement opposées les interprétations de ce qu’il a défendu ou soutenu et des politiques qu’il disait entendre suivre s’il était élu.
Certains ont vu en lui le président qui assurera la continuité des politiques unilatéralistes, tandis que des progressistes ont vu un beau risque; des pacifistes le voient comme la chance de terminer la guerre en Irak, mais des faucons comme celle de continuer celle en Afghânistân; on lui a attribué l’ambition de mettre fin aux pires excès du réjectionnisme de la politique américaine envers Israël, mais aussi celle de n’y rien changer; on a vu en lui ici le nouveau Kennedy, là le nouveau Bush première version, ailleurs encore le nouveau Reagan.
En attendant que la realpolitik ne tranche, ce qui ne saurait tarder, des faits têtus persistent.
C’est ainsi que les Etats-Unis ne sont pas soudainement entrés dans une phase post-raciste et que l’arrivée d’un couple Noir à la Maison-Blanche ne change pas le fait que les Noirs sont toujours sous-représentés dans tous les postes décisionnels et qu’ils forment toujours une part disproportionnée de la population carcérale — près d'un homme Noir entre 20 et 34 ans sur 20 est en prison aux Etats-Unis — où avec quelque 2 320 000 prisonniers, c’est près de 1% de la population qui est incarcérée.
C’est encore ainsi que Etats-Unis ne sont pas soudainement entrés dans une phase plus démocratique de leur histoire et que le gouvernement reste encore «cette ombre projetée sur la société par les grandes corporations» dont paraît John Dewey. (Le caractère profondément anti-démocratique en a été une fois de plus mis en évidence dans le récent renflouement à hauteur de 700$ milliards des banques et autres institutions financières : massivement rejeté par l’immense majorité de la population, les mesures préconisées ont néanmoins été mises en place.)
C’est à des réalités comme celles-là que les promesses d’Obama doivent être rapportées. Considérez par exemple ce modeste projet qu’il a annoncé et qui permettrait d’assurer une couverture en santé à des millions d’Américains qui en sont privés : ce projet est loin d’être mis en marche et plus encore d’être implanté. Mais on peut être certain que la «grande ombre» des corporations pharmaceutiques et des compagnies d’assurance (avec d’autres) vont exercer d’énormes pressions pour qu’il n’aboutisse pas.
De même, la fin de la guerre en Afghanistan n’est absolument pas une chose acquise, bien au contraire, et Obama a même parlé d’augmenter le nombre de soldats qui y sont déployés. Quant à la promesse du retrait des troupes américaines d’Iraq à l’été 2010, absolument rien ne garantit qu’elle sera tenue.
Ce n’est qu’en janvier qu’Obama annoncera la composition de son équipe et les grandes orientations de sa politique. Mais ce qu’on en devine déjà n’est guère encourageant.
Au moment où j’écris ces lignes, on annonce la nomination de Rahm Emanuel comme secrétaire général de la Maison Blanche : le choix pour ce poste crucial de cet ex conseiller politique de Bill Clinton n’annonce rien de bon. Emanuel est en effet un néolibéral bon teint qui a joué un rôle crucial dans l’imposition de l’accord de libre échange nord-américain (ALENA) aux environnementalistes et aux syndicats, un partisan de la «guerre au terrorisme» et de la présence américaine en Afghanistan : bref, un faucon doublé d’un ardent défenseur de l’hégémonie des corporations.
De même pour les autres personnes dont il s’entoure déjà : le Président élu vient ainsi de se présenter à sa première conférence de presse avec une équipe de conseillers économiques qu’aucun de ses prédécesseurs n’aurait reniée — on n’y trouve d’ailleurs personne qui soit issu du monde du travail. Parmi elles, Paul Volcker, qui pourrait être appelé à jouer un rôle significatif, peut-être même celui de Treasury Secreteray : incarnation des pires excès néolibéraux, si on peut se permettre ce pléonasme, il a été un des personnages clés de l’administration Reagan et on lui doit notamment la croissance démente des taux d’intérêts durant les années 80.
Au poste de secrétaire à la défense, le nom de Richard Holbrooke circule, dont on se souviendra comme la personne qui, sous l’administration Carter, a autorisé l’envoi d’armes à l’Indonésie pour lui permettre de continuer l’Occupation du Timor Oriental qui avait fait 200 000 victimes. Circule aussi celui de Madeleine Albright, celle-là même qui affirmait en 2001 que la mort d’un demi-million d’enfants en Irak suite aux sanctions imposées par les Etats-Unis est quelque chose qui «valait le coût».
À la défense, la rumeur place en ce moment Robert Gates : cette fois encore, ce sera «business as usual».
Que va-t-il arriver en janvier et février prochains? La question reste ouverte. De son côté, Michael Albert, de Z Magazine, s’est risqué à une prédiction: «Je soupçonne, écrivait-il, qu’hélas, dès la première semaine de son entrée en fonction — littéralement : dès la première semaine — les choix de collaborateurs et de personnel que fera Obama vont très clairement montrer que sans un militantisme massif contraignant à des actions différentes, le changement ne sera que superficiel».
Des événements récents comme ceux que j’ai rapportés lui donnent pour l’instant raison. Mais c’est la condition qu’Albert introduit dans sa prédiction qui est me semble capitale : «sans un militantisme massif contraignant à des actions différentes».
Au-delà des élections
L’histoire nous a inlassablement appris que le pouvoir n’a jamais rien cédé et ne cèdera jamais rien si ce n’est par la force.
Cette fois encore, il ne cèdera rien sans elle et l’ère Obama sera donc, dans une substantielle mesure, ce que par leur action sur le terrain les militantes et les militants en feront. Les pressions qu’ils et elles exerceront pourront seules faire en sorte qu’Obama, comme n’importe quel autre élu aux Etats-Unis ou ailleurs, tienne les promesses faites au peuple plutôt que celles faites aux corporations, aux élites et à tous ceux qu’Adam Smith appelait déjà «les maîtres».
Dans les cruciales semaines à venir il va donc s’agir, pour les progressistes américains, pour les pacifistes, pour les activistes mobilisés contre les guerres en cours, pour les syndicats et les mouvements liés au monde du travail et aux regroupements communautaires, de maintenir vivante et même d’accroître la mobilisation populaire qui a fait élire Obama et de rappeler, surtout à tous ceux-là pour qui voter est l’aboutissement de leur engagement politique, qu’avec cette élection, les combats, loin de se terminer, commencent. Réussiront-ils?
Je l’ignore. Mais entre pessimisme de la raison et optimisme de la volonté, je le souhaite ardemment.
Libellés :
Élections,
États-Unis,
Normand Baillargeon,
Obama
lundi, novembre 17, 2008
COUVERTURE: ZELF DENKEN!
...et pendant que je suis sur le sujet des couvertures, voici celle du Petit cours d'autodéfense intellectuelle en Néerlandais.
J'ai passé un très bon moment aux Pays-Bas; et je posterais volontiers le Power Point de mon exposé au Congrès Sceptique si je savais comment faire...
J'ai passé un très bon moment aux Pays-Bas; et je posterais volontiers le Power Point de mon exposé au Congrès Sceptique si je savais comment faire...
Libellés :
Normand Baillageon,
Pays-Bas sceptiques,
Zelf Denken
NOUVELLE ÉDITION DE: L'ORDRE ...
Je reçois ce matin une nouvelle édition de L'ordre moins le pouvoir destinée à la France et aux pays européens. J'ai bien aimé la nouvelle couverture:
Libellés :
anarchisme,
Normand Baillageon,
Ordre moins le pouvoir
SALON DU LIVRE DE MONTRÉAL
Je serai au Salon du livre de MontréalJeudi le 20 novembre, de 20 à 21 heures, pour le Tagore paru au Noroît; samedi, le 22 novembre, de 16 à 17 heures, pour le même livre; et de 15 à 16 heures pour Sève et sang, paru à Mémoire d'encrier.
Si vous passez par là, je serais content de vous serrer la pince.
Si vous passez par là, je serais content de vous serrer la pince.
Libellés :
Normand Baillargeon,
Salon du livre de Montréal,
Sève et sang,
Tagore
vendredi, novembre 14, 2008
MARTIN GARDNER, LE SCEPTIQUE POLYMATHE - 4
Dieu et la religion
Ici, une surprise de taille attend ses lecteurs et lectrices : Martin Gardner est croyant, d’une foi évidemment très particulière. Athée moi-même, je ne me sens pas très assuré de pouvoir rendre pleinement justice à sa position et me contenterai donc ici de le citer brièvement et de renvoyer à ses écrits qui désire en apprendre plus.
Dans le débat entre athées et croyants, Gardner se dit d’accord avec Unamuno pour reconnaître que «les athées ont les meilleurs arguments». Comment alors justifier qu’il ait néanmoins la foi? Il explique, en substance, que c’est par une sorte de donquichottisme émotif, contre l’évidence et contre les probabilités, mais qui n’est pas non plus fortement contredit par la science ou par la logique, qu’il s’autorise ce saut de la foi, lequel est fait sur un sujet d’une extrême importance — l’existence de Dieu, l’immortalité — et lui procure de grandes satisfactions.
Quand Michael Shermer, à qui il expose ces idées, lui demandera si des personnes qui croient aux sottises nouvel-âgistes ne pourraient se prévaloir du même raisonnement pour défendre leurs croyances, Gardner répondra en réitérant ce que je viens de résumer et en ajoutant qu’il y a quelque chose de radicalement différent dans les deux cas puisque plusieurs des croyances nouvel-âgistes sont empiriquement réfutées .
Il affirmera encore, parlant de sa foi : « C’est une manière d’échapper à un état de profond désespoir. The Will to Believe, de William James, est la défense classique du droit de faire un tel «saut de la foi». Mon théisme est indépendant de tout mouvement religieux et se situe dans une tradition qui commence avec Platon et qui comprend Kant ainsi qu’une foule d’autres philosophes, jusqu’à Charles Peirce, William James et Miguel de Unamuno .» Pour un athée, pense Gardner, citant Chesterton, «l’univers est le plus exquis chef-d’œuvre jamais construit par personne».
Il est important de rappeler pour finir que Gardner a consacré de nombreuses pages à critiquer les religions et les cultes et certaines de leurs figures et personnalités les plus en vue et les plus charismatiques (Robert Maynard Hutchins, Mortimer Adler, and William F. Buckley, Jr.) en plus de consacrer des livres dévastateurs tout entiers à certaines d’entre elles (The Healing Revelations of Mary Baker Eddy: The Rise and Fall of Christian Science, 1993; Urantia: The Great Cult Mystery, 1995).
Pour s’orienter dans l’œuvre de Gardner
Je dois avouer ne pas savoir combien de livres Martin Gardner a écrits et que j’ignore aussi combien de ses articles n’ont toujours pas été réunis en volume.
Pour en rester aux livres, le catalogue de la Library of Congress répertorie 151 ouvrages à son nom. Sur amazon.com, la commande : Auteur : Martin Gardner, retourne 331 titres, ce qui comprend bien entendu les rééditions, nombreuses, de ses livres, mais pointe tout de même vers beaucoup d’ouvrages…D’autant qu’il ne faut pas oublier que Gardner a écrit sous des pseudonymes (Uriah Fuller, une plaisanterie en référence à Uri Geller, ou George Grothen en sont des exemples; mais aussi, comme vous le savez, Armand T. Ringer) et que certains de ses livres semblent avoir été des brochures peu répertoriées ou à petit tirage ou encore des textes diffusés uniquement dans des boutiques de magie spécialisées.
Quoiqu’il en soit, en 75 ans, entre sa requête à la revue Science and Invention et «The memory wars», Gardner a définitivement beaucoup, beaucoup, publié. Je n’ai évidemment pas tout lu — mais je pense avoir lu le principal.
Ces limites précisées, je me risque à proposer la liste qui suit. Elle comprend dix titres qui me semblent incontournables et dont la lecture donnerait, je pense, une bonne idée de l’étendue des talents et des intérêts de Gardner.
1. Fads and Fallacies in the Name of Science, Dover Publications, New York, 1957.
On l’a vu : c’est un point tournant de l’histoire du scepticisme contemporain. Un monument d’intelligence, d’humour et de finesse, qui n’a guère pris de rides. Il en existe une traduction française, malheureusement rare et parue sous un titre malhabile : Les magiciens démasqués. Santé et prospérité des pseudo-savants, Presses de la cité, Paris, 1966.
2. Aha! Gotcha. Paradoxes to Puzzle and Delight, W.F. Freeman and Company, New York, 1982. (Reprise de l’ouvrage édité par Scientific American en 1975.)
Différents paradoxes de logique, mais aussi sur les nombres, la géométrie, les probabilités, les statistiques et le temps. Il existe un autre volume similaire: Aha! Insight, Freeman and Company, et Scientific American, New york, 1978. Une version française de ce titre est disponible : Ha!ha! Ou l'éclair de la compréhension mathématique, Bibliothèque pour la science, Paris , 1979,
3. The Annotated Alice. The Definitive Edition, W. W. Norton and Co., 1999.
Le best-seller de Gardner — un million d’exemplaires vendus, dit-on. Il a raconté comment il avait suggéré à un éditeur de demander à Bertrand Russell de faire ce livre, avec notamment l’ambition d’expliquer aux lecteurs et lectrices les jeux et références à la logique et aux mathématiques dont regorge Alice… . Russell n’ayant pas pu (ou voulu) réaliser ce projet, c’est finalement Gardner qui a fait le livre.
4. The Whys of a Philosophical Scrivener, St. Martin's Griffin, 2ème édition, 1991.
Le traité de philosophie de Martin Gardner. Érudit, clair, pédagogique : un modèle à suivre pour quiconque veut exposer des idées difficiles.
5. The Colossal Book of Mathematics, W.W. Norton and Co., New York, London, 2001.
Véritable somme regroupant celles que Gardner considère être les cinquante meilleures de ses chroniques de la rubrique Mathematical Games du Scientific American — préalablement réunies en 15 volumes d’anthologie. On y traite d’algèbre, de géométrie, de topologie, de probabilités, et de bien d’autres sujets encore.
6. Famous poems of Bygone Days, Dover Publications, New York, 1995.
Une anthologie de célèbres poèmes (anglais et américains) éditée et annoté par Gardner. L’amateur de poésie pourra également lire, chez le même éditeur : Best Remembered Poems, 1992.
7. The Night is Large. Collected Essays, 1938-1995, St Martin’s Press, New York, 1996.
Le choix de Gardner dans les essais de Gardner. Les textes sont regroupés sous sept rubriques : sciences physiques; sciences sociales; pseudosciences; mathématiques; arts; philosophie; religion. Le titre est emprunté à une phrase de l’écrivain Lord Dunsany (1878-1957) : «Man is a small thing, and the night is large and full of wonder».
8. The Flight from Peter Fromm, Noonday Press, New York, 1973; rééd. Prometheus Books, 1994.
Roman «semi-autobiographique» racontant le parcours d’un jeune homme depuis le fondamentalisme religieux jusqu’au rationalisme sceptique. Roman d’éducation, en somme, magnifiquement écrit et indispensable pour connaître Gardner.
9. Relativity Simply explained, Illustrations de A. Ravielli, Dover books, 1996. Reprise de : The Relativity Explosition, Vintage Books, 1962.
La relativité restreinte puis la relativité générale expliquées par Gardner : vous allez enfin comprendre!
10. Encyclopedia of Impromptu Magic, Magic Inc., Chicago, 1978.
Gros volume cartonné de près de six cent pages dans lequel Gardner, qui a toute sa vie été un passionné de magie, réunit des centaines de tours de magie qu’on peut réaliser à l’improviste avec rien (ou si peu de chose). Une rareté que je vous souhaite de découvrir.
Ajoutons pour finir que l’on peut depuis peu acquérir un CD Rom préparé par la Mathematical Association of America et qui comprend tous les articles publiés par Gardner dans Scientific American de 1956 à 1986: Martin Gardner's Mathematical Games (2005).
On me permettra de terminer par un souhait.
Si l’on excepte les livres de mathématiques récréatives et de vulgarisation scientifique, tout le reste de l’œuvre de Gardner reste très peu, voire pas du tout, publié en français. Je pense qu’il est grand temps que voie le jour, dans la langue de Molière, l’anthologie représentative de son œuvre que Gardner mérite : elle ferait une large place à ses écrits sceptiques, à la philosophie et à la littérature.
J’espère qu’un éditeur francophone publiera un tel livre : ce faisant, il rendrait un fier service...
Ici, une surprise de taille attend ses lecteurs et lectrices : Martin Gardner est croyant, d’une foi évidemment très particulière. Athée moi-même, je ne me sens pas très assuré de pouvoir rendre pleinement justice à sa position et me contenterai donc ici de le citer brièvement et de renvoyer à ses écrits qui désire en apprendre plus.
Dans le débat entre athées et croyants, Gardner se dit d’accord avec Unamuno pour reconnaître que «les athées ont les meilleurs arguments». Comment alors justifier qu’il ait néanmoins la foi? Il explique, en substance, que c’est par une sorte de donquichottisme émotif, contre l’évidence et contre les probabilités, mais qui n’est pas non plus fortement contredit par la science ou par la logique, qu’il s’autorise ce saut de la foi, lequel est fait sur un sujet d’une extrême importance — l’existence de Dieu, l’immortalité — et lui procure de grandes satisfactions.
Quand Michael Shermer, à qui il expose ces idées, lui demandera si des personnes qui croient aux sottises nouvel-âgistes ne pourraient se prévaloir du même raisonnement pour défendre leurs croyances, Gardner répondra en réitérant ce que je viens de résumer et en ajoutant qu’il y a quelque chose de radicalement différent dans les deux cas puisque plusieurs des croyances nouvel-âgistes sont empiriquement réfutées .
Il affirmera encore, parlant de sa foi : « C’est une manière d’échapper à un état de profond désespoir. The Will to Believe, de William James, est la défense classique du droit de faire un tel «saut de la foi». Mon théisme est indépendant de tout mouvement religieux et se situe dans une tradition qui commence avec Platon et qui comprend Kant ainsi qu’une foule d’autres philosophes, jusqu’à Charles Peirce, William James et Miguel de Unamuno .» Pour un athée, pense Gardner, citant Chesterton, «l’univers est le plus exquis chef-d’œuvre jamais construit par personne».
Il est important de rappeler pour finir que Gardner a consacré de nombreuses pages à critiquer les religions et les cultes et certaines de leurs figures et personnalités les plus en vue et les plus charismatiques (Robert Maynard Hutchins, Mortimer Adler, and William F. Buckley, Jr.) en plus de consacrer des livres dévastateurs tout entiers à certaines d’entre elles (The Healing Revelations of Mary Baker Eddy: The Rise and Fall of Christian Science, 1993; Urantia: The Great Cult Mystery, 1995).
Pour s’orienter dans l’œuvre de Gardner
Je dois avouer ne pas savoir combien de livres Martin Gardner a écrits et que j’ignore aussi combien de ses articles n’ont toujours pas été réunis en volume.
Pour en rester aux livres, le catalogue de la Library of Congress répertorie 151 ouvrages à son nom. Sur amazon.com, la commande : Auteur : Martin Gardner, retourne 331 titres, ce qui comprend bien entendu les rééditions, nombreuses, de ses livres, mais pointe tout de même vers beaucoup d’ouvrages…D’autant qu’il ne faut pas oublier que Gardner a écrit sous des pseudonymes (Uriah Fuller, une plaisanterie en référence à Uri Geller, ou George Grothen en sont des exemples; mais aussi, comme vous le savez, Armand T. Ringer) et que certains de ses livres semblent avoir été des brochures peu répertoriées ou à petit tirage ou encore des textes diffusés uniquement dans des boutiques de magie spécialisées.
Quoiqu’il en soit, en 75 ans, entre sa requête à la revue Science and Invention et «The memory wars», Gardner a définitivement beaucoup, beaucoup, publié. Je n’ai évidemment pas tout lu — mais je pense avoir lu le principal.
Ces limites précisées, je me risque à proposer la liste qui suit. Elle comprend dix titres qui me semblent incontournables et dont la lecture donnerait, je pense, une bonne idée de l’étendue des talents et des intérêts de Gardner.
1. Fads and Fallacies in the Name of Science, Dover Publications, New York, 1957.
On l’a vu : c’est un point tournant de l’histoire du scepticisme contemporain. Un monument d’intelligence, d’humour et de finesse, qui n’a guère pris de rides. Il en existe une traduction française, malheureusement rare et parue sous un titre malhabile : Les magiciens démasqués. Santé et prospérité des pseudo-savants, Presses de la cité, Paris, 1966.
2. Aha! Gotcha. Paradoxes to Puzzle and Delight, W.F. Freeman and Company, New York, 1982. (Reprise de l’ouvrage édité par Scientific American en 1975.)
Différents paradoxes de logique, mais aussi sur les nombres, la géométrie, les probabilités, les statistiques et le temps. Il existe un autre volume similaire: Aha! Insight, Freeman and Company, et Scientific American, New york, 1978. Une version française de ce titre est disponible : Ha!ha! Ou l'éclair de la compréhension mathématique, Bibliothèque pour la science, Paris , 1979,
3. The Annotated Alice. The Definitive Edition, W. W. Norton and Co., 1999.
Le best-seller de Gardner — un million d’exemplaires vendus, dit-on. Il a raconté comment il avait suggéré à un éditeur de demander à Bertrand Russell de faire ce livre, avec notamment l’ambition d’expliquer aux lecteurs et lectrices les jeux et références à la logique et aux mathématiques dont regorge Alice… . Russell n’ayant pas pu (ou voulu) réaliser ce projet, c’est finalement Gardner qui a fait le livre.
4. The Whys of a Philosophical Scrivener, St. Martin's Griffin, 2ème édition, 1991.
Le traité de philosophie de Martin Gardner. Érudit, clair, pédagogique : un modèle à suivre pour quiconque veut exposer des idées difficiles.
5. The Colossal Book of Mathematics, W.W. Norton and Co., New York, London, 2001.
Véritable somme regroupant celles que Gardner considère être les cinquante meilleures de ses chroniques de la rubrique Mathematical Games du Scientific American — préalablement réunies en 15 volumes d’anthologie. On y traite d’algèbre, de géométrie, de topologie, de probabilités, et de bien d’autres sujets encore.
6. Famous poems of Bygone Days, Dover Publications, New York, 1995.
Une anthologie de célèbres poèmes (anglais et américains) éditée et annoté par Gardner. L’amateur de poésie pourra également lire, chez le même éditeur : Best Remembered Poems, 1992.
7. The Night is Large. Collected Essays, 1938-1995, St Martin’s Press, New York, 1996.
Le choix de Gardner dans les essais de Gardner. Les textes sont regroupés sous sept rubriques : sciences physiques; sciences sociales; pseudosciences; mathématiques; arts; philosophie; religion. Le titre est emprunté à une phrase de l’écrivain Lord Dunsany (1878-1957) : «Man is a small thing, and the night is large and full of wonder».
8. The Flight from Peter Fromm, Noonday Press, New York, 1973; rééd. Prometheus Books, 1994.
Roman «semi-autobiographique» racontant le parcours d’un jeune homme depuis le fondamentalisme religieux jusqu’au rationalisme sceptique. Roman d’éducation, en somme, magnifiquement écrit et indispensable pour connaître Gardner.
9. Relativity Simply explained, Illustrations de A. Ravielli, Dover books, 1996. Reprise de : The Relativity Explosition, Vintage Books, 1962.
La relativité restreinte puis la relativité générale expliquées par Gardner : vous allez enfin comprendre!
10. Encyclopedia of Impromptu Magic, Magic Inc., Chicago, 1978.
Gros volume cartonné de près de six cent pages dans lequel Gardner, qui a toute sa vie été un passionné de magie, réunit des centaines de tours de magie qu’on peut réaliser à l’improviste avec rien (ou si peu de chose). Une rareté que je vous souhaite de découvrir.
Ajoutons pour finir que l’on peut depuis peu acquérir un CD Rom préparé par la Mathematical Association of America et qui comprend tous les articles publiés par Gardner dans Scientific American de 1956 à 1986: Martin Gardner's Mathematical Games (2005).
On me permettra de terminer par un souhait.
Si l’on excepte les livres de mathématiques récréatives et de vulgarisation scientifique, tout le reste de l’œuvre de Gardner reste très peu, voire pas du tout, publié en français. Je pense qu’il est grand temps que voie le jour, dans la langue de Molière, l’anthologie représentative de son œuvre que Gardner mérite : elle ferait une large place à ses écrits sceptiques, à la philosophie et à la littérature.
J’espère qu’un éditeur francophone publiera un tel livre : ce faisant, il rendrait un fier service...
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