Échec au cœur de la réforme
Jean-Philippe Pineault
Journal de Montréal
19/11/2008 08h54
Le cœur de la réforme qui met de l'avant le programme controversé de la pédagogie par projets est un «échec », révèle une étude dont le Journal a obtenu copie.
L'enquête, réalisée par des chercheurs de l'Université de Montréal pour le compte du Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal, révèle que dans les écoles où les enseignants font très souvent des projets de groupe, la proportion d'élèves qui obtiennent un diplôme au secondaire s'élève à peine à 55 %.
À l'inverse, dans les établissements où les enseignants boudent cette nouvelle méthode, le taux de diplomation atteint 86 %.
«C'est vrai que c'est embêtant pour ceux qui mettent de l'avant ces méthodes pédagogiques », affirme Pierre Lapointe, l'un des coauteurs de l'étude et professeur à l'Université de Montréal, qui ajoute que «sur le plan politique, cette étude peut être effectivement agaçante pour plusieurs».
Le chercheur est toutefois d'avis que cela ne remet pas en cause la réforme. «Ça continue d'alimenter la controverse, mais on ne peut pas penser qu'un nouveau programme a juste des effets positifs », dit-il.
Enseignement traditionnel
L'enseignement traditionnel obtient une bien meilleure note. Dans les écoles où les profs pratiquent très souvent l'enseignement magistral, la proportion d'élèves obtenant un diplôme atteint 76 % tandis qu'elle est de 67 % dans les établissements où on ne le pratique qu'occasionnellement.
«Ce sont des résultats assez troublants. La réforme a échoué dans ses fondements », juge Steve Bissonnette, professeur de psychoéducation et de psychologie à l'Université du Québec en Outaouais.
Virage à 180 degrés
Robert Comeau, professeur associé au Département d'histoire de l'UQAM, qui a dirigé le collectif Contre la réforme pédagogique qui vient d'être publié, est d'avis qu'il faut effectuer un virage à 180 degrés.
«Le problème, en ce moment, c'est qu'on essaie de changer des morceaux à la pièce, comme les bulletins. C'est la base de la réforme qu'il faut changer », dit-il.
François Paquette, vice-président de la Fédération des comités de parents, est d'avis que l'étude «questionne la pédagogie par projets », mais estime que la réforme ne doit pas être jetée à la poubelle pour autant.
# Pour leur étude, les chercheurs ont eu recours à des données de quatre cohortes d'élèves entrés à l'école entre 1998 et 2001, totalisant 72 698 jeunes de l'île de Montréal. De plus, 212 enseignants ont répondu à un questionnaire et 30 directions d'école ont été interviewées.
AUTRES CONSTATATIONS RÉSULTANT DE L'ÉTUDE
DÉMÉNAGEMENT DANGEREUX
50%
Si vous pensez aider votre enfant en lui offrant une nouvelle école, vous faites erreur. La proportion d'élèves ayant changé d'école une fois pendant leur secondaire et qui obtiennent leur diplôme est de 50 %. Leurs camarades qui ont fait toutes leurs études dans le même établissement décrochent leur diplôme dans une proportion de 66 %.
INTERRUPTION DES ÉTUDES
9%
Les élèves qui interrompent leurs études secondaires pendant une année sont pratiquement assurés de ne pas obtenir leur diplôme. À peine 9 % des jeunes ayant fait une pause pendant leur cursus scolaire obtiennent en effet leur diplôme à l'âge de 20 ans ou moins.
PLUS DE CHANCES AU PRIVÉ
64%
Les élèves qui fréquentent un établissement privé ont cinq fois plus de chances d'obtenir un diplôme que ceux inscrits dans le réseau public. Près de 90 % des jeunes obtiennent un diplôme après cinq ans, comparativement à 64 % à l'école publique.
LES PROFS ONT UN IMPACT
57%
Les enseignants qui encouragent positivement leurs étudiants ont un impact indéniable sur leur réussite. Dans les écoles où les profs rapportent ne jamais faire de renforcement social, le taux de diplomation s'élève à 57 %, tandis qu'il est de 81 % dans les établissements où les enseignants disent adopter très souvent cette stratégie.
ENVIRONNEMENT POSITIF
53%
Les élèves des écoles où l'environnement dans les classes est perçu positivement ont plus de chances d'obtenir leur diplôme. Dans les établissements où les enseignants affirment que le climat éducatif est très favorable, le taux de diplomation atteint 79 %. Par contre, il est de 53 % dans les écoles où leurs collègues ont un avis opposé.
Source : Rapport sur l'environnement éducatif dans les écoles publiques et la diplomation des élèves de l'île de Montréal
ENSEIGNEMENT TRADITIONNEL ET PÉDAGOGIE PAR PROJETS
L'ENSEIGNEMENT MAGISTRAL
# Le prof utilise un enseignement plus traditionnel où il enseigne lui-même des notions et concepts. Les élèves réalisent par la suite des exercices pour s'assurer de leur bonne compréhension.
LA PÉDAGOGIE PAR PROJETS
# L'élève intègre plusieurs de ses apprentissages dans différentes matières en réalisant un projet. Épaulé par l'enseignant, l'élève prend en charge son apprentissage.
Source : Ministère de l'Éducation, du Loisir et des Sports
mercredi, novembre 19, 2008
DES NOUVELLES DE LA RÉFORME DE l'ÉDUCATION- ARTICLE DE J-P. PINEAULT
Libellés :
Normand Baillageon,
réforme de l'éducation (québec)
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3 commentaires:
Bonjour,
Pour qu'une pédagogie "de projets" fonctionne, il faut qu'elle soit insérée dans un parcours cohérent de l'élève, et non pas ajoutée comme une pièce rapportée. D'après ce que je crois comprendre dans votre billet,tout n'était pas assuré pour en déterminer le succès. On fait pareil en France ! On nous colle des réformes comme des pansements, sans cohésion, et sans analyser ce qui peut être articulé ensemble, nécessaire tout pour former un individu.
Et puis il faut aussi évaluer cette pédagogie "toute chose étant égale par ailleurs", et non avec des oeillères. J'ai l'impression que de part et d'autre de l'atlantique, l'enseignement souffre des mêmes bévues.
Toutes mes amitiés
Agnès Lenoire
http://doutagogo.com
Bonjour,
Il y a eu énormément de ratés avec cette réforme: dans sa conception , certes, mais aussi dans son implantation. Je pense aussi que les maux qui frappent l'éducation sont dans une grande mesure semblables des deux côtés de l'Atlantique.
Ceci dit, les concepteurs de ce gâchis n'en assument aucune responsabilité, ce qui serait inimaginable en santé, par exemple.
Cordialement,
Normand B.
Bien oui,
Les projets sont souvent réduits à de l'occapationnel et ça ne garanti pas la scolarisation. Beaucoup de mobiblisation, de mise en action mais très peu de réflexion et de travail intellectuel. De grosses garderies qui voient à occuper les enfants en attandant que les parents reviennent de travailler. Des professeurs recyclés en animateurs de camps de jour.
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