[Une chronique de la série Amère Amérique, parue dans Siné Hebdo]
Ouf! Enfin! Ça y est!
Le long calvaire des élections canadiennes, avec ses discours pitoyables, ses slogans creux et tous ces commentaires et analyses s’adressant exclusivement à notre cerveau reptilien a pris fin il y a quelques jours.
Le Canada a reporté au pouvoir le gouvernement minoritaire du Parti conservateur : mieux – ou plutôt pire : il l’a renforcé.
Ami des pétrolières, ennemi de Kyoto, grand défenseurs des corporations, champion des réductions d’impôts, le Parti Conservateur s’est cette fois surpassé en annonçant des coupures dans les subventions aux arts et à la culture et la possibilité de peines de prison à vie pour des jeunes contrevenants de 14 ans et plus.
Prochaine étape : le peloton d’exécution pour les porteurs de couches culottes non-réglementaires.
Et ces délirants ont pourtant été élus.
D’où les inévitables questions, inlassablement posées: Comment se fait-il que les pauvres votent pour les riches? Que les Américains votent pour Bush? Les Français pour Sarkozy? Les pauvres pour les banques? Comment le feu se fait-il aimer du brûlé? Le soufflet de la joue? Bécassine de Pif le Chien (mais là, je ne suis pas certain….)
On connaît une part de la réponse à ces questions. Elle fait intervenir le bourrage de crâne, la manipulation médiatique, la démagogie, les firmes de relations publiques, les mensonges, la fraude électorale et mille autres techniques de fabrication des consentements.
Mais cette explication, qui invite la gauche à réagir en informant et en démontant les mensonges médiatiques, n’a jamais prétendu être le dernier mot de l’affaire. Que faudrait-il lui ajouter?
Dans un article de la revue Edge [www.edge.com] qui fait grand bruit, Jonathan Haidt suggère que la gauche se confine à deux dimensions de la moralité, l’empathie et l’équité, et les défend rationnellement; tandis que la droite, en faisant massivement appel aux émotions, insiste sur la loyauté à son groupe d’appartenance, le respect pour l’autorité, le sacré.
Mais n’y a selon moi rien de neuf à remarquer que la droite, depuis Bush jusqu’aux fascismes de tout poil, est attachée à la famille, à un chef fort et charismatique, au petit jésus et aux rassemblements de Nuremberg.
Mon avis est plutôt que la gauche s’est avérée extraordinairement incapable, depuis plusieurs décennies, à proposer des modèles, notamment sur le plan économique, qui soient à la fois intellectuellement crédibles et moralement souhaitables.
C’est cette absence d’une alternative, bien plus que les raisons que donne Haidt, qui explique le repli vers un vote conservateur, en même temps que le cynisme ambiant qui proclame partout qu’on ne peut rien changer.
Il faut à la gauche des modèles nouveaux, il lui faut de l’imagination et des idées. C’est de ces carences que nous souffrons le plus. Ce n’est qu'en les comblant que Pif le Chien retrouvera le goût de mordre.
Quelles idées par exemple, dites-vous?
Vous ai-je déjà parlé d’autogestion?
D’économie participative?
La prochaine fois, alors…
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2 commentaires:
Je crains que ce soit de la gauche tout simplement...
Normand B.
Oui, c'est ça la gauche. Tandis qu'à droite, la majorité en viennent à converger vers un même point (le bottom line), la gauche reste un méchant ragout de toutes sortes d'intérêts particuliers qui ne parviennent pas à s'unifier. Au Canada, la gauche fait dur parce que les Canadiens ont trop d'argent. Même les plus braillards ont encore assez de fric pour se payer des petits luxes. Seule la vraie misère force les mécontents à s'organiser.
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