vendredi, février 26, 2010

TIERS MONDE : LE LEUR ET LE NÔTRE

Recensions parues dans Le Libraire.
***
Ce qu'on fait de vous hommes femmes/
O pierre tendre tôt usée/
Et vos apparences brisées/
Vous regarder m'arrache l'âme
Aragon

PRASHAD, Vijay, Les nations obscures. Une histoire populaire du tiers-monde, Écosociété, Montréal, 2009. Traduction de Marianne Champagne.

VILLENEUVE, Marie-Paule, Le tiers-monde au fond de nos bois, Fides, Montréal, 2009.
***
L’éminent historien américain Howard Zinn est bien connu du grand public, même francophone, pour son Histoire populaire des Etats-Unis de 1942 à nos jours.

L’ouvrage, comme son titre l’indique, raconte ce pays en se plaçant du point de vue de son peuple, de ses luttes et de ses espoirs.

On le devine : cette manière d’envisager l’histoire est potentiellement très intéressante, notamment parce que la perspective employée invite à corriger des omissions et des distorsions de l’histoire officielle — celle qu’on a parfois caricaturée en disant qu’elle n’était que l’histoire des rois et des guerres.
Fort du succès de son livre, Zinn a créé chez New Press une collection d’histoire populaire qui ambitionne de déployer sur divers autres objets d’étude la perspective qui a fait le succès de son propre travail.

Le livre de Prashad est paru dans cette collection en 2007. Il vient tout juste d’être traduit par Écosociété et on ne saurait trop louer l’initiative de la maison d’édition québécoise, tant sont grands les mérites de l’ouvrage qu’elle nous rend accessible.

D’un tiers-monde …

Le mot tiers-monde a été créé par Alfred Sauvy en 1952.

Les deux premiers mondes sont alors bien connus et identifiés : le premier est celui du capitalisme et de l’économie de marché, et les États-Unis sont son pôle attractif; le deuxième est formé des pays dits socialistes, soumis à l’influence de Moscou. Cependant, les habitants de ces deux mondes ne comptent que pour le tiers de la population du Globe! Sauvy baptisera donc, et avec le succès que l’on sait, ‘tiers-monde’ le reste de la planète.

Mais depuis lors c’est presque toujours avec les lentilles, le regard, les préoccupations et les intérêts des autres que ce tiers-monde n’a cessé d’être appréhendé. Prashad nous invite à le voir depuis sa propre perspective.

Ainsi envisagé, «le tiers-mode n’était pas un lieu. C’était un projet.», écrit-il d’entrée de jeu, ces mots résumant la grande thèse du livre qui consiste justement à envisager le tiers-monde comme le déploiement d’un projet politique singulier.
Ce projet conjugue le refus d’être enfermé dans le dilemme de l’adhésion à l’un ou l’autre des deux grands modèles alors dominants à la grande espérance de trouver, par-delà le colonialisme et l’impérialisme vaincus, l’indépendance politique et la co-existence pacifique des peuples — ce que l’auteur appelle un nationalisme internationaliste.

Le parcours que propose Prashad est ponctué en trois moments — la quête; les écueils rencontrés; et les ‘assassinats’ — eux-mêmes explorés à partir de lieux géographiques où se joueront les grands épisodes de l’histoire qu’il raconte : on explore ainsi Bruxelles en 1927, où se tient une rencontre majeure contre l’impérialisme, le Paris de Sauvy et une quinzaine d’autres lieux, jusqu’à New Delhi où, en 1983, «nous rédigeons la notice nécrologique du Tiers monde». Des figures connues et moins connues défilent durant ce parcours (Nasser, Guevarra, Castro, Césaire, etc.) en même temps que des organisations (Ligue contre l’impérialisme, Mouvement des non-alignés, etc.) et un grand nombre de temps forts de l’histoire du XXe siècle, souvent scandaleusement oubliés.

Ce livre est manifestement le fruit d’une longue et patiente recherche. Quiconque a le moindre intérêt pour l’histoire du siècle passé et, plus spécifiquement, pour l’éducation, pour les réformes, pour la culture, pour le droit du travail, pour les relations internationales, pour l’économie, bref pour tout ce qui touche à la vie des habitants des continents dont il est question, y trouvera un grand nombre de faits, de citations, de données, toutes passionnantes et enrichissantes. De plus, et il faut le dire, Prashad est un habile conteur et son ouvrage comprend des portraits et des anecdotes qui en rendent la lecture passionnante.

Le livre se termine sur des notes sombres (et d’un pessimisme qu’on peut juger excessif) avec la montée du libéralisme, la fin du rêve et l’endettement des pays pauvres, désormais enserrés dans l’étau terrible des «ajustements structurels» et autres meurtrières et liberticides mesures qui condamnent des milliards d’êtres humains à la plus ignominieuse souffrance.

Prashad, et c’est juste et bienvenu, ne manque pas de chercher également à identifier les causes internes de la débâcle qu’il décrit. Il les trouve en partie dans les aveuglements et insuffisances de ceux qui le portaient, bien sûr. Mais il les trouve aussi dans la puissante conjonction des intérêts du FMI (avec son projet de démantèlement de l’économie et de la souveraineté nationales) et de ceux des forces conservatrices des pays concernés.

Je m’autoriserai à faire un reproche à ce livre, en forme de critique constructive et d’invitation à poursuivre une démarche brillamment amorcée. En effet, si le point de vue adopté est, pour des raisons défendables, celui des élites et des dirigeants, il reste à compléter le portrait dressé par une histoire qui soit aussi celle des peuples eux-mêmes.

En bout de piste, ce livre constitue une importante pièce à mettre au dossier de la lutte contre l’eurocentrisme et le «nordocentrisme» et à celui de la recherche d’une histoire plus juste et plus vraie. Avec lui, les nations obscures sortent quelque peu de l’ombre : quand elles seront en pleine lumière, nous y aurons tous gagné.

… à l’autre

On ne le sait que trop : la pauvreté, notamment celle des enfants, sévit toujours de manière dramatique et absolument inacceptable même dans les pays les plus riches. C’est ainsi qu’il existe, au coeur même de ces pays, une sorte de tiers-monde intérieur, que beaucoup d’entre nous ne connaissent guère et dont d’autres ne soupçonnent pas l’existence.

Marie-Paule Villeneuve nous convie à explorer un de ces tiers-monde intérieurs, nommément celui de ces travailleurs forestiers appelées ‘débrouissailleurs’.
Les conditions de travail de ces personnes sont une honte et leur persistance laisse une indélébile tache sur nos institutions et notre conscience collective. Comment est-il possible que de nos jours, ici et maintenant, on puisse devoir payer pour son équipement de travail; qu’on ait à se démener à s’en arracher le coeur du corps dans des conditions dignes d’un camp de concentration et pour des paies auxquelles il arrive même, au début, d’être négatives?

Le livre de Villeneuve s’apparente à un récit-reportage, ponctuée de touchants portraits, qui fait peu à peu pénétrer dans un impitoyable univers, inconnu de la plupart des gens. On y découvre des travailleurs de toutes provenances (des Africains et Roumains, notamment), les patrons qui les surveillent, le gouvernement qui les laisse tomber, les compagnies qui les exploitent: en un mot tous les acteurs de cette tragédie, à laquelle il serait pourtant relativement facile de mettre un terme, notamment en réglementant les conditions de travail.

A qui vient de lire Prashad, ce pillage de ressources naturelles et cette sur-exploitation des travailleurs et travailleuses rappelleront quelque chose. En fait, on peut sans risque parier que si Prashad et Villeneuve en venaient à échanger, ils découvriraient biens des point communs entre leurs deux récits, tout comme les peuples que décrit le premier et les travailleurs que décrit la deuxième pourraient apprendre les uns des autres. Faute de mieux, c’est là notre espoir et notre consolation.

Les livres, on le sait, peuvent servir à alimenter l’un et l’autre : ce qui est déjà énorme.

mardi, février 23, 2010

JE NE PEUX RÉPONDRE À LA QUESTION POUR DES RAISONS CONTRACTUELLES

Je travaille sur l'édition des écrits de Chomksy sur l'université et l'entretien qu'il m'a accordé.

Durant celui-ci, Chomsky, qui est au MIT, et donc sans doute une des plus prestigieuses universités consacrées aux sciences au monde, me raconte un histoire étonnante, même si on en a vu d'autres.

Le fait rapporté l'est durant un passage où nous discutions de la commercialisation et de la corporatisation, si je peux dire, de la recherche universitaire.

Voici: lors de son examen, un étudiant du MIT aurait récemment écrit qu'il connaissait une réponse à une question, mais ne pouvait la donner étant donné le contrat qu'il avait signé avec le laboratoire où il travaille pour une entreprise et qui exige son silence.

Avez-vous d'autres exemples?

dimanche, février 21, 2010

STÉROÏDES POUR COMPRENDRE LA PHILOSOPHIE

C'est le titre du livre que je suis à terminer pour Amérik Média.

Je retiens de ce travail qu'il est très difficile de vulgariser et que cela demande beaucoup de familiarité avec le sujet dont on parle. De quoi méditer sur cette réforme de l'éducation qui ambitionnait, en dispensant une année d'université dans une discipline, de former des maîtres pour enseigner cette discipline au secondaire. Et je me rappelle la quantité de futurs enseignants qui m'ont avoué leur malaise de devoir aller affronter des groupes avec le sentiment d'en savoir si peu. Surtout en sciences. Misère.

Je retire aussi de ce travail quelque chose sur la nature des difficultés en philosophie, qui invite à distinguer les véritables difficultés des factices. Véritablement difficile, selon moi (c'est en tout cas le chapitre le plus ardu du livre et celui sur lequel j'ai le plus travaillé): l'épistémologie kantienne. Artificiellement difficile (selon moi) : Hegel.

Un regret: faute de place, i n'y aura pas de chapitre sur la philosophie des sciences. Consolation: l'épistémologie, je pense, est bien couverte.

Voici le contenu de l'ouvrage:

Chapitre 1 : L’épistémologie : le rationalisme
Ce chapitre précise ce qu’est l’épistémologie, puis rappelle la définition de la connaissance avancée par Platon. Les idées de René Descartes, le fondateur du rationalisme moderne, sont ensuite étudiées.

Chapitre 2 : L’épistémologie : l’empirisme
Ce chapitre examine les solutions apportées au problème de la connaissance dans le cadre de l’empirisme classique par ses trois principaux représentants : John Locke, George Berkeley et David Hume.

Chapitre 3 : L’épistémologie : la synthèse kantienne et au-delà
Ce chapitre présente d’abord la reformulation du problème de la connaissance par Emmanuel Kant puis la solution qu’il lui apporte dans le cadre de son idéalisme transcendantal. Il rappelle pour finir ce qui s’est passé depuis lors en épistémologie.

Chapitre 4 : La philosophie morale : éthique et métaéthique
Dans ce chapitre, le lecteur découvrira d’abord des arguments avancés contre la possibilité de l’éthique, puis les réponses qui leur sont apportées et enfin les trois grandes éthiques classiques en philosophie : l’utilitarisme, l’éthique déontologique et l’éthique de la vertu.

Chapitre 5 : La philosophie de l’esprit : du dualisme au béhaviorisme
Ce chapitre s’ouvre sur le dualisme cartésien, qui est la philosophie spontanée de tout un chacun ; il montre ensuite les immenses difficultés auxquelles il conduit et présente la solution béhavioriste à tous ces problèmes, qui est d’en finir avec le dualisme.

Chapitre 6 : La philosophie de l’esprit : de la théorie de l’identité aux mystériens
La théorie de l’identité cerveau-esprit puis l’influente théorie fonctionnaliste font l’objet de ce chapitre. Il rappelle ensuite quelques arguments avancés par ceux qui croient que ces problèmes sont décidément trop difficiles pour qu’on puisse les résoudre.

Chapitre 7 : La philosophie de la religion
Le chapitre traite de preuves classiques de l’existence de Dieu puis rappelle d’autres arguments avancés en faveur de la croyance en Dieu. Il explore ensuite des explications naturalistes de la religion et traite pour finir du problème du Mal.

Chapitre 8 : La philosophie politique : les grandes idéologie politiques et la tradition du contrat social
Le chapitre 8 présente d’abord ce que sont, en philosophie politique, le libéralisme, le socialisme, l’anarchisme, le nationalisme et le conservatisme. Il présente ensuite et contraste les conceptions du contrat social qu’on trouve chez Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques Rousseau

Chapitre 9 : La philosophie politique : quelle est la nature du politique ? Et quelques influentes théories politiques contemporaines
Le chapitre traite des conceptions de la nature du politique par Karl Marx, Nicolas Machiavel et Michel Foucault. Il rappelle ensuite en quoi consiste le libéralisme récemment avancé par John Rawls et quelques-unes des critiques que ces influentes idées ont suscitées.
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Chapitre 10 : L’esthétique et la philosophie de l’art
Ce dernier chapitre traite de quelques tentatives pour définir l’art (selon Platon, Léon Tolstoï et George Dickie, notamment), le Beau et l’expérience esthétique selon Emmanuel Kant et David Hume. Il propose finalement une évaluation de l’art selon Aristote, G.W. F. Hegel et F. Nietzsche.

jeudi, février 18, 2010

NATION NUMÉRIQUE - PBS

Sur le blogue du Professeur masqué, quelqu'un a suggéré ce reportage de PBS sur la 'nation numérique'.
C'est ici.

Je le visionne en préparation de mon article sur Éducation et monde numérique. Merci à Gabriel.

ÉDITORIAL DANS À BÂBORD

Le numéro 33 de la revue À Bâbord est sorti et contient un dossier sur les services publics.

L'édito de ce numéro est singulier: plusieurs membres du collectif font un retour sur la décennie par lequel ils rappellent trois bons coups avant de formuler un espoir pour l'avenir.

Voici ce que ça donne:

***
Au terme de cette première décennie des années 2000, quelques membres du collectif de rédaction ont relevé trois bons coups et un espoir pour la gauche et les mouvements sociaux au Québec et ailleurs dans le monde.

1. La bête est en pleine lumière. Amorcé de belle façon en 1999, à Seattle, un large mouvement de protestation contre la globalisation de l'économie n'a cessé de prendre de l'ampleur tout au long de la décennie et contribué à mettre en pleine lumière les institutions qui travaillaient dans l'ombre, et à l'échelle planétaire, au service des intérêts dominants (FMI, OCDE, Banque mondiale, notamment). On en récolte aujourd'hui les fruits, dans les Forums sociaux et mille autres lieux.

2. L'écologie est devenue une réelle préoccupation, à tout le moins dans le grand public et dans les mouvements sociaux.

3. Dans la conversation démocratique, Internet et les nouveaux moyens de communication apportent un indispensable contrepoids aux médias traditionnels.

Un espoir : Nous manquons encore et toujours cruellement de modèles économiques alternatifs crédibles capables d'inspirer des pratiques qui traceraient la voie vers de nouvelles manières de produire, de consommer et d'allouer des ressources de manière équitable, solidaire, autogérée, écologique, tout en offrant une réelle diversité de biens et services. Au travail !

Normand Baillargeon

* * *

1. Les forums sociaux. Qu'ils soient régionaux ou mondiaux, les forums sociaux ont formé un vaste mouvement de résistance et permis d'élaborer et de diffuser un solide contre-discours à la pensée unique néolibérale.

2. L'effondrement de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) : l'échec des négociations à l'OMC a fait la preuve que concevoir un vaste marché mondial sans aucune contrainte, et dans lequel tout serait à vendre, n'était que pure folie.

3. La démonstration flagrante que la déréglementation mène à des cataclysmes en série. Dommage que cela se soit produit au détriment de millions et de millions de pauvres qui paieront encore longtemps pour tant d'irresponsabilité.

Un espoir : Que les banquiers, chefs d'État, grands patrons, économistes enrégimentés et autres obsédés du profit à tout prix aient peur des désordres qu'ils créent et qu'ils soient condamnés à faire un stage de deux ans dans une des zones sinistrées que leurs politiques ont fait proliférer.

Claude Vaillancourt

* * *

1. L'intégration des dispositions concernant le harcèlement psychologique dans la Loi sur les normes du travail. L'employeur doit veiller à ce que ses salariéEs ne subissent pas de conduites vexatoires portant atteinte à leur dignité ou à leur intégrité physique ou psychologique.

2. La création du Régime québécois d'assurance parentale permet aux travailleuses et travailleurs – salariés ou autonomes – de concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales grâce au versement de prestations pendant leur congé de maternité, de paternité, parental ou d'adoption.

3. Les travailleuses et travailleurs de Walmart Jonquière pour avoir amené devant la Cour suprême du Canada la question de la fermeture anti- syndicale de leur magasin. Évidemment, la décision de la Cour est extrêmement décevante, voire déprimante, mais leur détermination permettra de faire évoluer le débat sur le respect de la liberté d'association au Québec et inspirera d'autres citoyennes et citoyens.

Un espoir : Que la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale en soit vraiment une ! En d'autres mots, que l'État prenne ses responsabilités pour la rendre effective et efficace. Et tant qu'à y être, qu'il prenne de sérieuses mesures permettant de lutter activement contre l'itinérance, et non contre les itinérantes et itinérants.

Léa Fontaine

* * *

1. Avril 2001 : Paul Cliche, candidat indépendant appuyé par tous les partis de gauche unis pour une première fois, obtient 24,24 % des votes lors de l'élection partielle de Mercier.

2. Juin 2002 : tous les partis de gauche s'unissent pour n'en former dorénavant qu'un seul : l'Union des forces progressistes (UFP), qui entamera en 2004 des négociations avec Option citoyenne, un mouvement politique issu des milieux sociaux et communautaires.

3. Février 2006 : la fondation de Québec solidaire, mariage de l'UFP et d'Option citoyenne, lors d'un congrès réunissant plus de 1 000 personnes.

Un espoir : L'élection d'Amir Khadir, le 8 décembre 2008 dans Mercier, premier député de Québec solidaire à l'Assemblée nationale. Cette gauche des années 2000 s'est construite sur la base et au travers des luttes sociales et elle a su développer une nouvelle culture politique : démocratique, pragmatique et ancrée dans la réalité. Vivement la suite !

Monique Moisan

* * *

Trois grandes mobilisations populaires ont été révélatrices de la prise de conscience des QuébécoisEs au sujet des enjeux suscités par la mondialisation néolibérale :

1. Le contre-Sommet des Amériques à Québec en 2001. Un autre monde est possible.

2. Le refus de participer à la guerre-invasion de l'Irak en 2003.La guerre n'est pas une option.

3. L'opposition citoyenne contre la centrale du Suroît en 2005. L'environnement n'a pas de prix.

Un espoir : Que dans la prochaine décennie ces mobilisations se perpétuent pour accroître le pouvoir de la société civile à influencer le politique et qu'À bâbord ! soit toujours là pour en faire part…

Luciano Benvenuto

* * *

1. La fin de la première décennie du troisième millénaire se termine en récoltant les fruits qu'elle avait semés à la fin du millénaire précédent. De Seattle à Sao Paulo, en passant par Québec, voici maintenant Copenhague, comme nouveau théâtre du « Refus global ». De la rue, l'affirmation des peuples s'est maintenant déplacée jusqu'aux sièges mêmes des Nations unies, alors qu'un Indien de Bolivie redonnait sens et vie au tiers-mondisme en s'opposant à « l'accord » imposé par les pays les plus puissants de la planète, qui balayait du revers de la main tout le processus de négociations entrepris depuis Kyoto.

2. Que ce refus soit d'abord assumé par un « Indien d'Amérique » est symptomatique du « virage à gauche » du subcontinent. Depuis l'élection de Chávez au Venezuela puis de Lula au Brésil, il y a eu celle de Morales en Bolivie, de Correa en Équateur, du Frente Amplio en Uruguay, de Lugo au Paraguay, et ainsi de suite…

3. Virage à gauche que d'aucuns appellent le « retour du populisme »…cachant mal leur peur et leur mépris d'un retour des peuples comme acteurs protagonistes de leur histoire. Retour qui, rappelons-le, a précédé l'arrivée au pouvoir de gouvernements « représentant » leurs aspirations.

Un espoir : Après les résistances des années 1990 où la mondialisation néolibérale prétendait avoir dépassé le cadre des États nations, voici le retour de la souveraineté des peuples. Espérons que cette souveraineté parviendra à s'enraciner dans des projets créateurs.

Ricardo Peñafiel

samedi, février 13, 2010

HOUDINI, AVEC JACQUES BERTRAND ...

...et votre serviteur, à l'émission du premier, La tête ailleurs,de Radio-Canada. C'est ici.

Houdini est un mien héros. Merci de m'avoir reçu pour en parler, M. Bertrand et l'équipe.

Le livre dont le chapitre sur Houdini est tiré est : Raison Oblige, aux PUL.

L’ÉCHEC DE COPENHAGUE ET LA QUESTION DU RÉFORMISME (2/2)

Article pour Le Monde Libertaire.

[Résumé : Je rappelais, dans le précédent texte, le fait que Robin Hahnel, économiste, militant, co-créateur avec Michael Albert de l’économie participaliste et abolitionniste notoire des marchés, appuie néanmoins l’idée d’une bourse du carbone. Son argumentaire est cette fois examiné et rapporté à la question stratégique du réformisme]

Hahnel pense, avec beaucoup d’autres, qu’il est de la plus haute importance de rapidement ramener et de maintenir la concentration de CO 2 dans l’atmosphère au niveau qui est aujourd’hui estimé sécuritaire par le large consensus des scientifiques. Ce niveau est, semble-t-il, de 350 ppm (350 parties par million) et une vaste campagne internationale, justement appelée 350, est en cours autour de cet objectif [1]. Concédons cet objectif. (On notera qu’il demande à la communauté scientifique — et non aux politiques ou aux acteurs économiques, qui parlent typiquement de la même voix — de fixer les niveaux sécuritaires devant être atteints pour éviter le pire.)

C’est à sa lumière que ce que dit ensuite Hahnel doit se comprendre.

Des moyens possibles

La question qui se pose aussitôt est évidemment de savoir comment il convient de s’y prendre pour atteindre l’objectif visé. Diverses propositions ont été avancées. Parmi les plus influentes et crédibles, Hahnel en note trois — et cette fois encore, concédons ce point pour fins de discussion [2].

Ce sont:

1. La réglementation
2. Les taxes sur le carbone
3. Une bourse du carbone, avec plafonnement et échange [3]

Le premier scenario oblige tous les acteurs à réduire leurs émissions d’un pourcentage donné, jusqu’à l’atteinte de l’objectif visé. Hahnel le rejette notamment parce qu’il ne minimise pas, pour la société dans son ensemble, le coût des réductions atteintes et cela en raison du fait qu’il ne prend pas en compte les différences entre les coûts des mêmes réductions pour différents acteurs. Il ajoute que l’approche par réglementation n’offre de surcroît aucune motivation à chercher à dépasser l’objectif visé.

Les taxes sur le carbone font payer les pollueurs pour leur pollution et permettent de prendre en compte et de leur imposer ce que coûtent à la société leurs émissions. Reste alors un problème technique, mais qu’on pourrait résoudre : celui de déterminer le niveau de taxe approprié. On sait toutefois qu’il devra être élevé. Mais voilà : ce système n’a pas été retenu, malgré les efforts déployés par les activistes; et le niveau vraisemblable de taxation nécessaire pour atteindre les objectifs visés est si élevé que l’implantation d’un tel système, si elle était tentée, est vouée à l’échec. Ce système est celui que Hahnel privilégie : mais il est actuellement impraticable.
Reste donc la bourse du carbone, avec plafonnement et échange. Selon ce système, si vous émettez X tonnes de dioxyde de carbone, et qu’un permis vous autorise à en émettre 1 tonne, vous devrez posséder X permis. Si vous en émettez plus, vous êtes dans l’illégalité; si vous en émettez moins, vous pouvez revendre vos permis sur le marché, où chacun peut s’en procurer. Le nombre total de permis émis permet d’atteindre l’objectif visé.


La proposition de Robin Hahnel


Hahnel prône ce système, mais bonifié et visant notamment, on l’a vu, le 350 ppm évoqué plus haut. Convenu et appliqué sous les auspices des Nations-Unies, il serait international, contraignant, fixerait des taux nationaux nets d’émissions. De plus, il mettrait en application le principe adopté à Kyoto d’une distribution différentielle des responsabilités et des exigences, en favorisant les pays moins développés. Il serait surtout, croit Hahnel, efficace, voire le seul qui permette le succès d’une action devenue indispensable.

Les accords convenus à Copenhague ne vont évidemment pas du tout en ce sens : les pays décident seuls des réductions d’émissions qu’ils viseront et rien ne les contraint à les atteindre. La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques a même prédit que les ententes convenues à Copenhague hausseront les niveaux de CO2 et les porteront à 550 ppm.

La conclusion à laquelle arrive Hahnel dépend de la prémisse que ce que j’appellerai le ‘plan 350’ fixe l’objectif à atteindre; mais aussi de la prémisse que l’ONU, comme l’Accord de Kyoto, sont des institutions réformables, notamment parce qu’elles offrent de réelles possibilités d’une action efficace démocratiquement décidée et conduite. (A contrario, le FMI, l’OMC ou la Banque Mondiale ne sont absolument pas démocratiques et sont irréformables.) Elle dépend enfin de la prémisse stratégique que dans les circonstances actuelles, militer contre cette solution, c’est contribuer d’autant à limiter les chances de réduire le réchauffement planétaire.

C’est là que l’attendent ses critiques.

Le contre-argumentaire

L’influent groupe Climate Justice Action (CJA) considère en effet de son côté, et avec lui bien des organisations de gauche, que la marchandisation des émissions de carbone est le prélude à une catastrophe, pour les mêmes raisons que la marchandisation de l’eau, des idées, des gènes, du travail et ainsi de suite a été et reste une catastrophe. Elle s’y oppose donc par principe et refuse toute action qui inclurait ce genre de moyen, qui lui semble détourner l’attention et les énergies des vrais enjeux et des véritables solutions.

CJA préconise de laisser où ils se trouvent les combustibles fossiles, de réaffirmer que ce sont les communautés et les peuples qui doivent contrôler la production, de rendre locale la production des aliments, de réduire massivement la consommation, particulièrement au Nord, de respecter les droits des populations indigènes et de payer des réparations aux peuples du Sud pour dette climatique et écologique.
Hahnel et ses défenseurs, car il commence à en avoir, n’ignorent rien de cette critique de la marchandisation. Mais ils jugent que les propositions de CAJ sont des vœux pieux et qu’elles sont souvent irréalistes, vides et ne constituent pas un programme sérieux pour lutter contre le réchauffement planétaire. Pire encore: les poursuivre, c’est perdre autant d’énergies qui seraient infiniment mieux utilisées à expliquer et à implanter via l’ONU le ‘plan 350 amélioré’.

Hahnel pense donc qu’il convient de se pincer le nez et d’appuyer cette bourse du carbone bonifiée contre laquelle tant d’ autres, à gauche, luttent.

Une question de stratégie militante

La stratégie des programmes dits maximum et minimum, développée au sein de l’Internationale, et qui préconise d’avancer simultanément des revendications maximales et des revendications minimales, des revendications allant dans le sens d’un idéal visé, en même temps que des revendications visant à satisfaire des besoins immédiats, donnerait raison aux deuxièmes. Hahnel soutient que l’idée chère à André Gorz, de ‘réforme non réformiste’ devant miraculeusement mettre fin au système capitaliste tout en améliorant la vie des gens, ne permet pas plus de choisir la bonne stratégie devant le réchauffement planétaire : c’est qu’il n’existe pas de réforme qui soit par essence non-réformiste ou plutôt qu’on ne peut en décider à l’avance.
En bout de piste, l’argumentaire de Hahnel est le suivant. Le capitalisme est la source de tous nos maux, y compris le réchauffement planétaire, et il convient de le redire et de l’expliquer. Les marchés sont une calamité et une économie participaliste est infiniment préférable. Mais le consensus scientifique fixe un objectif vital qu’il est impératif d’atteindre et le meilleur moyen de le faire, même s’il est répugnant, doit être mis en œuvre. Faire autrement, au nom d’idéaux vagues, est travailler contre cet objectif — et ceux qui le font sont peut-être, risque-t-il, motivés par une recherche de pureté idéologique.

Où je ne conclus pas…

C’est le rôle de qui rédige des textes d’opinion que de donner son opinion. C’est aussi son devoir de reconnaître qu’il n’arrive pas à se la forger quand il demeure indécis.

C’est mon cas dans ce dossier. Je soupçonne ne pas être le seul. Il nous faudra pourtant nous faire une idée. Et vite. Le prochain grand rendez-vous sur le climat est la rencontre de la Conférence plénière des Nations unies sur le réchauffement climatique, qui aura lieu à Mexico du 29 novembre au 10 décembre 2010. Les forces progressistes ne peuvent se payer le luxe d’être désunies et de ne pas y parler de la même voix, en visant les mêmes objectifs, idéalement par les mêmes moyens crédibles. Ce qu’avance Hahnel doit d’ici là être sérieusement médité.

Pour y aider, la discussion entre Hahnel et ses détracteurs qui se poursuit donne lieu à de passionnants échanges, que j’encourage tout le monde à suivre [4].

***
[1] Son site Internet francophone est à : [http://www.350.org/fr/].
[2] Un exposé très clair en est donné dans le texte suivant, que je suivrai ici et qu’on lira pour approfondir des idées que je ne peux qu’effleurer ici: HAHNEL, Robin, «A Climate Change Policy Primer». [http://www.zmag.org/zspace/commentaries/4105]. Il y a derrière tout cela des débats et des enjeux scientifiques et économique dans lesquels je n’entre pas ici pour aller rapidement à la question stratégique que tout cela pose.
[3] Une autre approche alternative (mais ce qualificatif est contesté) et appelée «cap and fade» est avancée par James Hansen. Ce n’est pas le lieu de la décrire ici, mais son créateur l’expose sommairement à : [http://www.commondreams.org/view/2009/12/07-4]. Il faut rappeler que Hansen est un climatologue renommé et qu’il a été un des tout premiers à défendre l’idée d’un réchauffement planétaire d’origine humaine. Son ouvrage : Storms of My Grandchildren: The Truth About the Coming Climate Catastrophe and Our Last Chance to Save Humanity, est à paraître.
[4] On peut le suivre ici : [http://ruby.zcommunications.org/znet/zdebatehahnelbond.htm]

jeudi, février 04, 2010

TAM TAM

L'émission est ici. Nous passons dès le tout début. Joujou Turenne, la conteuse, a lu un superbe texte. J'ai tenté de placer quelques données historiques.

J'espère vous croiser chez Olivieri demain.

mardi, février 02, 2010

UNE RADIO: TAM TAM, SUR HAITI

Je serai ce jeudi (vers 13 heures) à l'émission Tam Tam, de Radio-Canada, pour parler de la soirée de vendredi chez Olivieri et aussi des événements survenus depuis le tremblement de terre.

SOIRÉE POUR HAITI CHEZ OLIVIERI

Quoi: Soirée Bénéfice. Lecture d'oeuvres haitiennes.

Quand: Le 5 février 2010 à 18 heures.

Où: Librairie Olivieri, 5219 chemin de la Côte-des-Neiges (À deux pas du métro Côte-des-Neiges)

Avec qui: Y'a du monde

Nicolas Dickner
Dany Laferrière
Stanley Péan
Rodney Saint-Éloi
Michel Vézina
ET
Normand Baillargeon
Franz Benjamin
Robert Berrouët-Oriol
Joël Des Rosiers
Hélène Dorion
Maka Kotto
Maguy Métellus
Mireille Métellus
Pascale Montpetit
Laure Morali
Jean Morisset
Anthony Phelps
Joujou Turenne
Louise Warren

Pourquoi: Au profit du CECI - secours à Haiti. Les billets sont vendus au coût de 25$, 50$ ou 100$, versés directement au CECI - reçu pour fin d’impôt disponible / aucune réservation / aucun remboursement.

Suggestion: Compte tenu de la nature de l’événement, les détenteurs
de billets sont priés de se présenter au moins 15 minutes
à l’avance. Les places assises sont limitées (cent) et ne
sont ni réservées, ni garanties. Arrivez tôt!
Des bouchées créoles et un vin d’honneur seront offerts
au public.

lundi, février 01, 2010

ÇA VOUS INTÉRESSERA PEUT-ÊTRE, VOUS AUSSI ...

Vos croyances sont-elles cohérentes entre elles? Voici un petit bilan de santé philosophique pour vous aider à la savoir.

Un lecteur m'envoie privément (et c'est pourquoi il reste anonyme ici) ce lien vers ce site de Robert Slavin comprenant une série de méta-analyses sur l'enseignement au primaire et au secondaire. Ce lecteur écrit: «En lisant ces recherches tu pourras constater que les résultats des nouvelles technologies sont TOUJOURS inférieurs à c eux reliés aux méthodes d'enseignement! Le présenciel est toujours supérieur! La techno est un bon moyen pour compléter et non remplacer l'enseignement!». Grosse aide pour le texte que je rédige. Merci!

J'ai vécu cet automne une expérience pas banale. J'étais aller aux États-Unis interviewer Michael Walzer pour une revue et je me suis ensuite enfermé durant quelques jours dans un minuscule chambre, toujours aux États-Unis, pour écrire . Seul et n'ayant rien d'autre à faire, j'ai parfois ouvert la télé, ce que je ne fais que rarement ici. Et j'ai vu des émissions d'information à la chaîne Fox. C'est quelque chose et il faut savoir que ça existe - pour mieux comprendre les É.U. et par exemple les Tea Parties. D'autant que c'est me dit-on très écouté. Voici un passage récent de Beck - l'émission est quotidienne. Bon courage. (J'ai aussi découvert quelques 'journalistes' du même tonneau).

Mon frère sur Howard Zinn.


Je lis ces jours-ci une superbe adaptation en BD de L'origine des espèces, de Darwin.

Sur les instances d'une amie, j'ai décidé de me mettre sérieusement à Sen et à ses idées sur la justice. J'y reviendrai.