...et votre serviteur, à l'émission du premier, La tête ailleurs,de Radio-Canada. C'est ici.
Houdini est un mien héros. Merci de m'avoir reçu pour en parler, M. Bertrand et l'équipe.
Le livre dont le chapitre sur Houdini est tiré est : Raison Oblige, aux PUL.
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samedi, février 13, 2010
mercredi, octobre 29, 2008
UNE VISITE À PATRICK MASBOURIAN
Je serai ce soir à l'émission de Patrick Masbourian, Vous êtes ici, sur les ondes de Radio-Canada.
La conversation va porter sur Voltairine de Cleyre, bien sûr, mais aussi sur Houdini et son combat contre le mouvement spiritualiste.
Le livre de Voltai semble susciter de l'intérêt et je m'en réjouis.
La conversation va porter sur Voltairine de Cleyre, bien sûr, mais aussi sur Houdini et son combat contre le mouvement spiritualiste.
Le livre de Voltai semble susciter de l'intérêt et je m'en réjouis.
Libellés :
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Voltairine de Cleyre
lundi, octobre 27, 2008
HARRY HOUDINI (1874-1926) ET LE SPIRITUALISME - 7 et fin
Pensée critique et phénomènes paranormaux
Devant l’histoire du spiritualisme, une question se pose immanquablement : comment des gens qui possèdent à l’évidence la capacité à penser de manière critique, ont-ils pu succomber aux mirages spiritualistes. Question incontournable, puisque ce sont en certains cas des personnalités brillantes, éduquées et capables d’un travail intellectuel important et créateur qui ont chanté les mérites du spiritualisme. Qu’on en juge sur cette liste de quelques éminents supporters : William James (1842-1910), le grand philosophe et psychologue américain; Sir Alfred Arthur Wallace (1823-1913), le co-découvreur, avec Charles Darwin (1809-1882) de la théorie de l’évolution par sélection naturelle — en plus du spiritualisme, il a défendu la phrénologie; Sir William Crookes (1832-1919), un des plus éminents scientifiques du XIX ème siècle; Sir Oliver Lodge (1851-1940), physicien ayant contribué au développement de la télégraphie sans fil; Sir William Barrett ((1844–1925), professeur de physique au Royal College of Science de Dublin, qui sera parmi les fondateurs de l’ American et de la British Society for Psychical Research; Charles Richet, (1850-1935), professeur au Collège de France et Prix Nobel de médecine en 1913; et de nombreux autres, sans oublier bien entendu de Sir Arthur Conan Doyle lui-même, qui était, rappelons-le, médecin avant d’être écrivain et d’inventer ce parangon de rationalité qu’est Sherlock Holmes.
Comment donc comprendre l’absence de pensée critique de ces personnes devant les médiums? Le sujet est complexe et il y a sans doute plusieurs explications à considérer. Dans des travaux dont il a proposé une synthèse dans un récent article paru dans Skeptical Inquirer , D. Alan Bensley suggère pour sa part que penser de manière critique demande non seulement la maîtrise d’habiletés, mais aussi la volonté de les mettre en œuvre. Cette distinction conceptuelle permet de concevoir comment, pour toutes sortes de raisons elles-mêmes complexes, des individus peuvent fort bien, dans certaines circonstances, ne pas utiliser leurs habiletés.
La mort de Houdini
À l’automne 1926, Houdini est à Montréal. Le 8 octobre, il y a donné un spectacle au Princess Theatre. Le lendemain, il a présenté à l’Université McGill une conférence sur son travail de démystificateur. Le 22, Joselyn Gordon Whitehead, un étudiant de l’université McGill, lui rend visite dans sa loge au Princess Theatre.
Houdini pouvait et l’avait répété durant sa conférence, recevoir sur le ventre des coups de poing de n’importe qui — à condition de se préparer à les recevoir. Whitehead lui demande si cela est vrai. Houdini, qui est en train de lire son courrier répond distraitement que oui. L’étudiant s’élance et frappe quelques coups au ventre de Houdini, qui n’a pas eu le temps de se préparer. Le magicien ressent une grande douleur, qu’il pense musculaire. Il souffre en fait d’un rupture de l’appendice, qu’il tardera à soigner et qui dégénérera. C’est elle qui l’emportera.
Il est mort, confiera son épouse, en parlant de Robert Ingersoll — un auteur et conférencier qui a consacré sa vie à défendre l’agnosticisme et la libre-pensée et qui était un de ses héros. C’était le jour de l’Halloween, le 31 octobre 1926. Houdini avait 52 ans.
Il avait convenu d’un code avec son épouse, un code qu’il utiliserait pour communiquer avec elle et qui lui permettrait de détecter les charlatans parmi les médiums qui prétendraient la mettre en contact avec son époux décédé. Après des années d’échec des médiums, l’un d’eux donna effectivement le bon code : d’abord stupéfaite, Bess se souvint qu’à cette date le secret avait été éventé.
À chaque anniversaire de sa mort, Bess et des amis tentèrent de leur côté d’entrer en contact avec Houdini. Le 31 octobre 1936 eut lieu la dernière tentative et Bess mit alors fin à l’expérience, convaincue que son époux ne la contacterait pas. «C’est fini, dit-elle. Bonne nuit Harry».
Le mouvement sceptique doit énormément à Houdini. Mais il est bien triste de constater qu’il trouverait aujourd’hui encore de quoi occuper tout son temps, s’il pouvait reprendre son travail là où il l’avait laissé. Les spiritualistes contemporains ont certes changé de nom et ils s’appellent désormais des «channelers» (ce qu’on peut rendre par : canaux de communication — avec les morts, bien entendu) ou des «clairaudients» : mais ils font essentiellement les mêmes promesses à leurs innocentes et fragiles victimes qu’ils bernent d’aussi affligeante manière. Fort heureusement, d’autres, comme Randi, ont repris le flambeau.
Bibliographie
Ouvrages de Houdini
Sauf erreur, Houdini a publié neuf livres, dont deux privément. Les trois suivants ont directement rapport avec le sujet de cet article.
HOUDINI, A Magician Among the Spirits, Harper and Row, New York and London, 1924.
HOUDINI, Miracle Mongers And Their Methods: A Complete Exposé, E.P. Dutton & Company, New York, 1920.
HOUDINI, Houdini exposes the Tricks Used by the Boston Medium «Margery», Adam Press, New York, 1924.
Devenue introuvable, cette brochure semble en totalité reprise dans:
HOUDINI, Houdini on Magic, Edité par Walter B. Gibson et Morris N. Young, Dover Publications, New York, 1953. Pages 134-161. L’ouvrage compte quelques autres pages (pp.120-133) qui seront utiles aux personnes qui voudraient connaître quelques-uns des trucs utilisés par les médiums.
Ouvrages sur Houdini
BRANDON, Ruth, The Life and Many Deaths of Harry Houdini, Pan books, Basingstoke and Oxford, 2001.
CANNELL, J.C., The Secrets of Houdini (1931), réédition : Dover, New York, 1973.
(Hardcover)
KALUSH, William et SLOMAN, Larry, The Secret Life of Houdini: The Making of America's First Superhero, Atria, Ville?, 2006.
MILBOURNE, Christopher, Houdini. The Untold Story, Thomas Y. Crowell Company, New York, 1969.
POLIDORO, Massimo, Final Séance. The Strange Friendship Between Houdini and Conan Doyle, Prometheus Books, New York, 2001.
THE AMAZING RANDI et SUGAR, B.R., Presenting Houdini. His Life and Art. The World’s Most Mystifying Magician, Greatest Jailbreaking Escape Artist, Debunker of Flase Spiritualists, Grosset and Dunlap, New York, 1976.
Ouvrages sur le spiritualisme
BRANDON, Ruth, The Spiritualists. The Passion for the Occult in the Nineteenth and Twentieth Centuries, Random House, New York, 1983.
DOYLE, A. Conan, On the Edge of the Unknown, London, 1930.
KURTZ, Paul, (Éditeur), A Skeptic's Handbook of Parapsychology, Prometheus Books, New York, 1985.
Devant l’histoire du spiritualisme, une question se pose immanquablement : comment des gens qui possèdent à l’évidence la capacité à penser de manière critique, ont-ils pu succomber aux mirages spiritualistes. Question incontournable, puisque ce sont en certains cas des personnalités brillantes, éduquées et capables d’un travail intellectuel important et créateur qui ont chanté les mérites du spiritualisme. Qu’on en juge sur cette liste de quelques éminents supporters : William James (1842-1910), le grand philosophe et psychologue américain; Sir Alfred Arthur Wallace (1823-1913), le co-découvreur, avec Charles Darwin (1809-1882) de la théorie de l’évolution par sélection naturelle — en plus du spiritualisme, il a défendu la phrénologie; Sir William Crookes (1832-1919), un des plus éminents scientifiques du XIX ème siècle; Sir Oliver Lodge (1851-1940), physicien ayant contribué au développement de la télégraphie sans fil; Sir William Barrett ((1844–1925), professeur de physique au Royal College of Science de Dublin, qui sera parmi les fondateurs de l’ American et de la British Society for Psychical Research; Charles Richet, (1850-1935), professeur au Collège de France et Prix Nobel de médecine en 1913; et de nombreux autres, sans oublier bien entendu de Sir Arthur Conan Doyle lui-même, qui était, rappelons-le, médecin avant d’être écrivain et d’inventer ce parangon de rationalité qu’est Sherlock Holmes.
Comment donc comprendre l’absence de pensée critique de ces personnes devant les médiums? Le sujet est complexe et il y a sans doute plusieurs explications à considérer. Dans des travaux dont il a proposé une synthèse dans un récent article paru dans Skeptical Inquirer , D. Alan Bensley suggère pour sa part que penser de manière critique demande non seulement la maîtrise d’habiletés, mais aussi la volonté de les mettre en œuvre. Cette distinction conceptuelle permet de concevoir comment, pour toutes sortes de raisons elles-mêmes complexes, des individus peuvent fort bien, dans certaines circonstances, ne pas utiliser leurs habiletés.
La mort de Houdini
À l’automne 1926, Houdini est à Montréal. Le 8 octobre, il y a donné un spectacle au Princess Theatre. Le lendemain, il a présenté à l’Université McGill une conférence sur son travail de démystificateur. Le 22, Joselyn Gordon Whitehead, un étudiant de l’université McGill, lui rend visite dans sa loge au Princess Theatre.
Houdini pouvait et l’avait répété durant sa conférence, recevoir sur le ventre des coups de poing de n’importe qui — à condition de se préparer à les recevoir. Whitehead lui demande si cela est vrai. Houdini, qui est en train de lire son courrier répond distraitement que oui. L’étudiant s’élance et frappe quelques coups au ventre de Houdini, qui n’a pas eu le temps de se préparer. Le magicien ressent une grande douleur, qu’il pense musculaire. Il souffre en fait d’un rupture de l’appendice, qu’il tardera à soigner et qui dégénérera. C’est elle qui l’emportera.
Il est mort, confiera son épouse, en parlant de Robert Ingersoll — un auteur et conférencier qui a consacré sa vie à défendre l’agnosticisme et la libre-pensée et qui était un de ses héros. C’était le jour de l’Halloween, le 31 octobre 1926. Houdini avait 52 ans.
Il avait convenu d’un code avec son épouse, un code qu’il utiliserait pour communiquer avec elle et qui lui permettrait de détecter les charlatans parmi les médiums qui prétendraient la mettre en contact avec son époux décédé. Après des années d’échec des médiums, l’un d’eux donna effectivement le bon code : d’abord stupéfaite, Bess se souvint qu’à cette date le secret avait été éventé.
À chaque anniversaire de sa mort, Bess et des amis tentèrent de leur côté d’entrer en contact avec Houdini. Le 31 octobre 1936 eut lieu la dernière tentative et Bess mit alors fin à l’expérience, convaincue que son époux ne la contacterait pas. «C’est fini, dit-elle. Bonne nuit Harry».
Le mouvement sceptique doit énormément à Houdini. Mais il est bien triste de constater qu’il trouverait aujourd’hui encore de quoi occuper tout son temps, s’il pouvait reprendre son travail là où il l’avait laissé. Les spiritualistes contemporains ont certes changé de nom et ils s’appellent désormais des «channelers» (ce qu’on peut rendre par : canaux de communication — avec les morts, bien entendu) ou des «clairaudients» : mais ils font essentiellement les mêmes promesses à leurs innocentes et fragiles victimes qu’ils bernent d’aussi affligeante manière. Fort heureusement, d’autres, comme Randi, ont repris le flambeau.
Bibliographie
Ouvrages de Houdini
Sauf erreur, Houdini a publié neuf livres, dont deux privément. Les trois suivants ont directement rapport avec le sujet de cet article.
HOUDINI, A Magician Among the Spirits, Harper and Row, New York and London, 1924.
HOUDINI, Miracle Mongers And Their Methods: A Complete Exposé, E.P. Dutton & Company, New York, 1920.
HOUDINI, Houdini exposes the Tricks Used by the Boston Medium «Margery», Adam Press, New York, 1924.
Devenue introuvable, cette brochure semble en totalité reprise dans:
HOUDINI, Houdini on Magic, Edité par Walter B. Gibson et Morris N. Young, Dover Publications, New York, 1953. Pages 134-161. L’ouvrage compte quelques autres pages (pp.120-133) qui seront utiles aux personnes qui voudraient connaître quelques-uns des trucs utilisés par les médiums.
Ouvrages sur Houdini
BRANDON, Ruth, The Life and Many Deaths of Harry Houdini, Pan books, Basingstoke and Oxford, 2001.
CANNELL, J.C., The Secrets of Houdini (1931), réédition : Dover, New York, 1973.
(Hardcover)
KALUSH, William et SLOMAN, Larry, The Secret Life of Houdini: The Making of America's First Superhero, Atria, Ville?, 2006.
MILBOURNE, Christopher, Houdini. The Untold Story, Thomas Y. Crowell Company, New York, 1969.
POLIDORO, Massimo, Final Séance. The Strange Friendship Between Houdini and Conan Doyle, Prometheus Books, New York, 2001.
THE AMAZING RANDI et SUGAR, B.R., Presenting Houdini. His Life and Art. The World’s Most Mystifying Magician, Greatest Jailbreaking Escape Artist, Debunker of Flase Spiritualists, Grosset and Dunlap, New York, 1976.
Ouvrages sur le spiritualisme
BRANDON, Ruth, The Spiritualists. The Passion for the Occult in the Nineteenth and Twentieth Centuries, Random House, New York, 1983.
DOYLE, A. Conan, On the Edge of the Unknown, London, 1930.
KURTZ, Paul, (Éditeur), A Skeptic's Handbook of Parapsychology, Prometheus Books, New York, 1985.
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dimanche, octobre 26, 2008
HARRY HOUDINI (1874-1926) ET LE SPIRITUALISME - 6
La confrontation avec Margery
Le dernier grand épisode du combat de Houdini contre les médiums aura lieu en 1924. Il sera épique et l’opposera à Mina Stinson Crandon (1884-1941), alias Margery, la très jeune épouse du prospère Docteur Le Roi Goddard Crandon, de Boston.
Fin 1922, la revue Scientific American profitant de la vogue du spiritualisme, avait annoncé qu’elle remettrait un prix de 2 500$ à quiconque produirait une photographie spirite authentique et un autre prix, toujours de 2 500$, à quiconque produirait un phénomène authentique durant une séance.
Un comité pour juger des candidatures a été formé. On y retrouve William McDougall, professeur de psychologie à Harvard; Walter Franklin Prince, un psychologue et ministre du culte, qui s’intéresse aux phénomènes psychiques; Hereward Carrington, bien connu pour ses publications sur l’occulte; Daniel Comstock, qui a développé le film Technicolor; et Houdini. Mais les postulants testés échouent tous lamentablement. Puis, en novembre 1923, le docteur Crandon écrit à la revue pour soumettre la candidature de son épouse. Elle produit de si remarquables effets que le comité, qui la rencontre en l’absence de Houdini, laisse entendre dans le numéro de juillet 1924 de Scientific American être sur le point de lui décerner un prix. Précisons qu’au comité s’est alors ajouté un observateur, Malcolm Bird, mathématicien, éditeur associé de la revue et convaincu que certains des phénomènes spiritualistes se produisent sans fraude. Il écrira plus tard un livre pour défendre Margery .
À la lecture de cet article, Houdini, qu’on a écarté des tests, ne décolère pas et se précipite à Boston. Il découvre d’abord que les membres du Comité ont logé et mangé chez les Crandon, parfois durant des semaines. Que le docteur Crandon et Bird sont les contrôles de la médium durant les séances. Il s'insurge. Une séance a lieu le 23 juillet et il est un des deux contrôles. Une boîte contenant une cloche que l’on peut faire sonner en activant une pédale est déposée entre lui et Margery. Il lui tient la main et appuie son mollet contre le sien. L’obscurité est faite. La cloche sonne bien vite, activée, nous est-il demandé de croire, par l’esprit que contacte Margery, son propre frère Walter, mort neuf ans plus tôt.
Pourtant, Houdini n’est pas convaincu et en sortant de chez les Crandon il expliquera pourquoi aux membres du comité. Toute la journée, il a porté sur son mollet un élastique serré très fort qu’il a retiré juste avant la séance. La chair était devenue très sensible et il a ainsi pu ressentir chacun des mouvements de Margery, qui se déplaçait en douceur pour aller appuyer sur la pédale!

La fameuse «boîte de Margery». Houdini montre ici comment la médium aurait pu s’y prendre pour produire un de ses effets.
D’autres séances ont lieu et la confrontation entre Houdini et Margery prend des proportions épiques. Ce dernier avouera n’avoir jamais rencontré de médium aussi habile. Durant les séances, la voix de Walter se fait entendre, des objets sont projetés et la cloche sonne. Houdini démonte un à un les trucs de Margery. Au sommet de leur confrontation, il l’enfermera dans une boîte de sa conception. La rencontre entre le magicien et la médium connaîtra mille péripéties, trop complexes pour être résumées ici. Elle s’achèvera en accusations réciproques de fraude, mais le prix ne sera pas remis à Margery. Houdini publiera une brochure pour expliquer les trucs de la médium. Mais il sera dans cette aventure enfermé dans le «dilemme du démystificateur», qui est de ne jamais logiquement pouvoir prouver de proposition négative comme : il n’y a pas d’effet paranormal; il n’y a pas de survie après la mort; et ainsi de suite.
Il n’aura pas la satisfaction d’assister à la chute de Margery. Des années plus tard celle-ci produisait un effet extraordinaire : durant les séances, des empreintes digitales s’inscrivaient mystérieusement sur de la cire de dentiste. Elles étaient présumées être celles de Walter, ce qui était évidemment impossible à prouver. En tous les cas, ce n’étaient les empreintes d’aucune des personnes présentes. On finit cependant par découvrir qu'elles étaient celles … de son dentiste.
Le dernier grand épisode du combat de Houdini contre les médiums aura lieu en 1924. Il sera épique et l’opposera à Mina Stinson Crandon (1884-1941), alias Margery, la très jeune épouse du prospère Docteur Le Roi Goddard Crandon, de Boston.
Fin 1922, la revue Scientific American profitant de la vogue du spiritualisme, avait annoncé qu’elle remettrait un prix de 2 500$ à quiconque produirait une photographie spirite authentique et un autre prix, toujours de 2 500$, à quiconque produirait un phénomène authentique durant une séance.
Un comité pour juger des candidatures a été formé. On y retrouve William McDougall, professeur de psychologie à Harvard; Walter Franklin Prince, un psychologue et ministre du culte, qui s’intéresse aux phénomènes psychiques; Hereward Carrington, bien connu pour ses publications sur l’occulte; Daniel Comstock, qui a développé le film Technicolor; et Houdini. Mais les postulants testés échouent tous lamentablement. Puis, en novembre 1923, le docteur Crandon écrit à la revue pour soumettre la candidature de son épouse. Elle produit de si remarquables effets que le comité, qui la rencontre en l’absence de Houdini, laisse entendre dans le numéro de juillet 1924 de Scientific American être sur le point de lui décerner un prix. Précisons qu’au comité s’est alors ajouté un observateur, Malcolm Bird, mathématicien, éditeur associé de la revue et convaincu que certains des phénomènes spiritualistes se produisent sans fraude. Il écrira plus tard un livre pour défendre Margery .
À la lecture de cet article, Houdini, qu’on a écarté des tests, ne décolère pas et se précipite à Boston. Il découvre d’abord que les membres du Comité ont logé et mangé chez les Crandon, parfois durant des semaines. Que le docteur Crandon et Bird sont les contrôles de la médium durant les séances. Il s'insurge. Une séance a lieu le 23 juillet et il est un des deux contrôles. Une boîte contenant une cloche que l’on peut faire sonner en activant une pédale est déposée entre lui et Margery. Il lui tient la main et appuie son mollet contre le sien. L’obscurité est faite. La cloche sonne bien vite, activée, nous est-il demandé de croire, par l’esprit que contacte Margery, son propre frère Walter, mort neuf ans plus tôt.
Pourtant, Houdini n’est pas convaincu et en sortant de chez les Crandon il expliquera pourquoi aux membres du comité. Toute la journée, il a porté sur son mollet un élastique serré très fort qu’il a retiré juste avant la séance. La chair était devenue très sensible et il a ainsi pu ressentir chacun des mouvements de Margery, qui se déplaçait en douceur pour aller appuyer sur la pédale!
La fameuse «boîte de Margery». Houdini montre ici comment la médium aurait pu s’y prendre pour produire un de ses effets.
D’autres séances ont lieu et la confrontation entre Houdini et Margery prend des proportions épiques. Ce dernier avouera n’avoir jamais rencontré de médium aussi habile. Durant les séances, la voix de Walter se fait entendre, des objets sont projetés et la cloche sonne. Houdini démonte un à un les trucs de Margery. Au sommet de leur confrontation, il l’enfermera dans une boîte de sa conception. La rencontre entre le magicien et la médium connaîtra mille péripéties, trop complexes pour être résumées ici. Elle s’achèvera en accusations réciproques de fraude, mais le prix ne sera pas remis à Margery. Houdini publiera une brochure pour expliquer les trucs de la médium. Mais il sera dans cette aventure enfermé dans le «dilemme du démystificateur», qui est de ne jamais logiquement pouvoir prouver de proposition négative comme : il n’y a pas d’effet paranormal; il n’y a pas de survie après la mort; et ainsi de suite.
Il n’aura pas la satisfaction d’assister à la chute de Margery. Des années plus tard celle-ci produisait un effet extraordinaire : durant les séances, des empreintes digitales s’inscrivaient mystérieusement sur de la cire de dentiste. Elles étaient présumées être celles de Walter, ce qui était évidemment impossible à prouver. En tous les cas, ce n’étaient les empreintes d’aucune des personnes présentes. On finit cependant par découvrir qu'elles étaient celles … de son dentiste.
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samedi, octobre 25, 2008
HARRY HOUDINI (1874-1926) ET LE SPIRITUALISME - 5
L’étrange amitié
Houdini et Sir Arthur Conan Doyle se rencontrent en 1920, durant une tournée du magicien en Angleterre. Le deuxième avait écrit au premier pour obtenir des informations sur les frères Davenport. Houdini les lui fournit avec plaisir, assurant sans vantardise que personne au monde ne connaît le sujet mieux que lui. Leur amitié sera intense, houleuse et durera jusqu’à leur rupture en 1924, lors de la publication par Houdini de A Magician among the Spirits. Elle sera aussi suivie de près par le grand public, Doyle et Houdini comptant alors parmi les personnalités les plus célèbres du monde entier.
Le créateur de Sherlock Holmes avait tôt perdu la foi dans laquelle il avait été élevé dans sa jeunesse. Il avait ensuite participé à des séances de spiritisme, mais sans être convaincu. Sa conversion date de 1916, alors qu’il reçoit d’un médium un message de son beau-frère qui le convainc. Doyle était alors un homme très fragile et gravement frappé par l’adversité. Sa première épouse était décédée quelques années plus tôt; son fils était mort en 1916, de blessures subies lors de la bataille de Somme; son beau-frère était mort à la Guerre; et sa mère venait de décéder. «Converti» à cette foi qui remplaçait celle de son enfance, il allait devenir le plus ardent défenseur du spiritualisme.
Sa crédulité, pourtant, reste confondante. Il était par exemple convaincu que Houdini lui-même était doté de pouvoirs paranormaux, qu’il utilisait pour réaliser ses tours mais refusait de l’admettre publiquement ! Pire : lors de ce qui est un des plus désolants épisodes de sa vie, en 1920, il sera convaincu que des photographies de fées prises en 1917 par deux jeunes filles, Elsie Wright et sa cousine Frances Griffiths, sont authentiques. Il écrira même un livre en 1922 pour le proclamer (The Coming of the Fairies). Les jeunes filles avoueront après la mort de Doyle ce que tout le monde savait : elles avaient découpé dans un livre des images de fées et truqué les photos.
Sa deuxième épouse, Jean Doyle, pratiquait l’écriture automatique et les Houdinis étant venus les visiter à Atlantic City, celle-ci donna le 17 juin 1922 une séance à Houdini durant laquelle la mère du magicien s’adressa à son fils. Moment intense et troublant pour lui. Mais, à tête reposée, Houdini trouva des raisons de refuser d’accorder que sa mère s’était adressée à lui: le message, d’abord, s’ouvrait sur le tracé d’une croix, ce qui est improbable pour une épouse de rabbin; il était en outre rédigé en anglais, langue que sa mère ne parlait pas («Elle l’a appris dans l’au-delà», dira Dolyle, jamais déconcerté ou à court d’hypothèses Ad Hoc); la séance avait eu lieu le jour de son anniversaire et elle n’en faisait pas mention; ajoutez à cela que les tournures de phrases n’étaient pas celles de sa mère, mais celles de Jean et l’on comprend la conclusion à laquelle arriva Houdini, conclusion qu’il ne cachera pas. Cela fut le début de la désintégration de son amitié avec Doye.
Houdini avait pourtant tenté de convaincre Doyle que des moyens ordinaires permettaient de produire les phénomènes extraordinaires produits par les médiums. En voici un exemple, authentique.

Houdini montre à Doyle et à ses amis un tableau d’ardoise ordinaire, qu’il les laisse examiner à leur guise. Aux deux coins supérieurs du tableau, des trous ont été percés par lesquels de longues cordes sont insérées et nouées. À l’autre extrémité de ces cordes se trouvent des cochets. Houdini montre également aux participants quatre petites billes de liège, une bouteille d’encre blanche, ainsi qu’une cuillère. Il demande ensuite à Doyle de suspendre le tableau à l’aide des cordes et des crochets, n’importe où dans la pièce, de sorte qu’il soit bien en vue de tous. Ceci fait, il l’invite à examiner les billes de liège et, afin de s’assurer qu’elles ne sont pas truquées, d’en choisir une et de la couper en deux à l’aide de son propre couteau. Ce qui est fait. Doyle choisit ensuite une autre bille qui est déposée avec la cuillère dans la bouteille d’encre où on l’imbibe en la retournant avant de l’y laisser. À ce moment, Houdini invite Doyle à sortir de la salle, à marcher dans la direction de son choix et aussi loin qu’il le souhaite et d’écrire sur un papier qu’il lui remet et à l’aide de son propre stylo, les mots qu’il voudra. Puis de revenir dans la salle avec ce papier dans sa poche.
Lorsque cela fut fait, Houdini invite Doyle à sortir à l’aide de la cuillère la bille de liège de l’encrier puis de la faire toucher le côté gauche du tableau et de la lâcher. Ce qui se produit alors semble absolument inconcevable. La bille semble d’abord attirée par le tableau et s’y fixe, toute seule. Puis elle se met à bouger tout doucement, toujours toute seule, laissant une trace blanche qui compose des lettres. Quand elle s’immobilise, on peut lire : « Mene, mene, tekel upharsin », qui sont, très précisément, les mots qu’avait écrits Conan Doyle!
La solution de ce mystère a été révélée des années plus tard par un biographe de Houdini . Doyle, qui a souvent raconté l’histoire, a oublié un petit détail, qui lui paraissait sans doute insignifiant : à son retour, Houdini lui a demandé de voir le papier, pour s’assurer qu’il était bien plié. Il ne l’a pas ouvert, bien entendu. Mais il lui a substitué un autre papier plié, vide, qu’il a rendu à Doyle. Il a ensuite lu le message et durant la conversation qu’il a eue avec ses spectateurs et le discours qu’il a tenu devant eux il l’a, par le biais d’un code secret, révélé à un complice. Ce complice, par une ouverture secrète dans un mur et d’un angle où son geste était invisible, a pu faire passer une baguette extensible contenant un aimant qui a rejoint l’arrière du tableau. La bille de liège choisie par Doyle avait fait l’objet d’une substitution et celle qui était dans l’encre avait un centre de métal.
Houdini et Sir Arthur Conan Doyle se rencontrent en 1920, durant une tournée du magicien en Angleterre. Le deuxième avait écrit au premier pour obtenir des informations sur les frères Davenport. Houdini les lui fournit avec plaisir, assurant sans vantardise que personne au monde ne connaît le sujet mieux que lui. Leur amitié sera intense, houleuse et durera jusqu’à leur rupture en 1924, lors de la publication par Houdini de A Magician among the Spirits. Elle sera aussi suivie de près par le grand public, Doyle et Houdini comptant alors parmi les personnalités les plus célèbres du monde entier.
Le créateur de Sherlock Holmes avait tôt perdu la foi dans laquelle il avait été élevé dans sa jeunesse. Il avait ensuite participé à des séances de spiritisme, mais sans être convaincu. Sa conversion date de 1916, alors qu’il reçoit d’un médium un message de son beau-frère qui le convainc. Doyle était alors un homme très fragile et gravement frappé par l’adversité. Sa première épouse était décédée quelques années plus tôt; son fils était mort en 1916, de blessures subies lors de la bataille de Somme; son beau-frère était mort à la Guerre; et sa mère venait de décéder. «Converti» à cette foi qui remplaçait celle de son enfance, il allait devenir le plus ardent défenseur du spiritualisme.
Sa crédulité, pourtant, reste confondante. Il était par exemple convaincu que Houdini lui-même était doté de pouvoirs paranormaux, qu’il utilisait pour réaliser ses tours mais refusait de l’admettre publiquement ! Pire : lors de ce qui est un des plus désolants épisodes de sa vie, en 1920, il sera convaincu que des photographies de fées prises en 1917 par deux jeunes filles, Elsie Wright et sa cousine Frances Griffiths, sont authentiques. Il écrira même un livre en 1922 pour le proclamer (The Coming of the Fairies). Les jeunes filles avoueront après la mort de Doyle ce que tout le monde savait : elles avaient découpé dans un livre des images de fées et truqué les photos.
Sa deuxième épouse, Jean Doyle, pratiquait l’écriture automatique et les Houdinis étant venus les visiter à Atlantic City, celle-ci donna le 17 juin 1922 une séance à Houdini durant laquelle la mère du magicien s’adressa à son fils. Moment intense et troublant pour lui. Mais, à tête reposée, Houdini trouva des raisons de refuser d’accorder que sa mère s’était adressée à lui: le message, d’abord, s’ouvrait sur le tracé d’une croix, ce qui est improbable pour une épouse de rabbin; il était en outre rédigé en anglais, langue que sa mère ne parlait pas («Elle l’a appris dans l’au-delà», dira Dolyle, jamais déconcerté ou à court d’hypothèses Ad Hoc); la séance avait eu lieu le jour de son anniversaire et elle n’en faisait pas mention; ajoutez à cela que les tournures de phrases n’étaient pas celles de sa mère, mais celles de Jean et l’on comprend la conclusion à laquelle arriva Houdini, conclusion qu’il ne cachera pas. Cela fut le début de la désintégration de son amitié avec Doye.
Houdini avait pourtant tenté de convaincre Doyle que des moyens ordinaires permettaient de produire les phénomènes extraordinaires produits par les médiums. En voici un exemple, authentique.

Houdini montre à Doyle et à ses amis un tableau d’ardoise ordinaire, qu’il les laisse examiner à leur guise. Aux deux coins supérieurs du tableau, des trous ont été percés par lesquels de longues cordes sont insérées et nouées. À l’autre extrémité de ces cordes se trouvent des cochets. Houdini montre également aux participants quatre petites billes de liège, une bouteille d’encre blanche, ainsi qu’une cuillère. Il demande ensuite à Doyle de suspendre le tableau à l’aide des cordes et des crochets, n’importe où dans la pièce, de sorte qu’il soit bien en vue de tous. Ceci fait, il l’invite à examiner les billes de liège et, afin de s’assurer qu’elles ne sont pas truquées, d’en choisir une et de la couper en deux à l’aide de son propre couteau. Ce qui est fait. Doyle choisit ensuite une autre bille qui est déposée avec la cuillère dans la bouteille d’encre où on l’imbibe en la retournant avant de l’y laisser. À ce moment, Houdini invite Doyle à sortir de la salle, à marcher dans la direction de son choix et aussi loin qu’il le souhaite et d’écrire sur un papier qu’il lui remet et à l’aide de son propre stylo, les mots qu’il voudra. Puis de revenir dans la salle avec ce papier dans sa poche.
Lorsque cela fut fait, Houdini invite Doyle à sortir à l’aide de la cuillère la bille de liège de l’encrier puis de la faire toucher le côté gauche du tableau et de la lâcher. Ce qui se produit alors semble absolument inconcevable. La bille semble d’abord attirée par le tableau et s’y fixe, toute seule. Puis elle se met à bouger tout doucement, toujours toute seule, laissant une trace blanche qui compose des lettres. Quand elle s’immobilise, on peut lire : « Mene, mene, tekel upharsin », qui sont, très précisément, les mots qu’avait écrits Conan Doyle!
La solution de ce mystère a été révélée des années plus tard par un biographe de Houdini . Doyle, qui a souvent raconté l’histoire, a oublié un petit détail, qui lui paraissait sans doute insignifiant : à son retour, Houdini lui a demandé de voir le papier, pour s’assurer qu’il était bien plié. Il ne l’a pas ouvert, bien entendu. Mais il lui a substitué un autre papier plié, vide, qu’il a rendu à Doyle. Il a ensuite lu le message et durant la conversation qu’il a eue avec ses spectateurs et le discours qu’il a tenu devant eux il l’a, par le biais d’un code secret, révélé à un complice. Ce complice, par une ouverture secrète dans un mur et d’un angle où son geste était invisible, a pu faire passer une baguette extensible contenant un aimant qui a rejoint l’arrière du tableau. La bille de liège choisie par Doyle avait fait l’objet d’une substitution et celle qui était dans l’encre avait un centre de métal.
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vendredi, octobre 24, 2008
HARRY HOUDINI (1874-1926) ET LE SPIRITUALISME - 4
Pour commencer, le magicien prononcera un petit discours, disant par exemple : «Nous rions volontiers de ces histoires invraisemblables de sorcières en train de s’envoler à califourchon sur des balais. Mais qu’est-ce qui pourrait être plus ridicule que de croire que les morts que nous avons aimés apparaissent sous la forme d’ectoplasme à travers les dents cariées d’un médium — ou d’une autre partie de son corps? Pourquoi donc, si ceux qui nous sont chers veulent communiquer avec nous, ont-ils recours à des tables qui s’envolent, à des coups frappés et ainsi de suite à tant de lettres par coup frappé? Nos morts sont-ils devenus des comptables? Il est contraire à la morale de dévoiler des mystères légitimes. Mais il est du devoir de tout citoyen de dévoiler les tricheries et les fraudes et parmi elles aucune n’est plus méprisable que celle de ces médiums véreux qui se servent du spiritualisme pour tirer avantage de la naïveté de leurs victimes .»
Il invitera ensuite les médiums locaux à monter sur scène et à produire, sur le champ, n’importe quel effet qu’il serait incapable de produire à son tour par des moyens tout à fait normaux. Il brandira peut-être à ce moment des bons au porteur d’une grande valeur qu’il s’engage à remettre à tout médium qui relèverait avec succès ce défi.
Puis il entreprendra de raconter de croustillantes histoires sur les médiums locaux. C’est que Houdini avait pris le soin d’envoyer en éclaireurs, dans la ville où il se produit, certains de ses collaborateurs. Ceux-ci ont visité les médiums et ont obtenu d’eux des contacts avec des enfants qu’ils n’ont jamais eus, des parents qui ne sont pas encore morts et ainsi de suite. L’un de ces collaborateurs fait ces visites sous le nom de Révérend F. Raud! «Hier après-midi, dira Houdini, pour deux dollars, le médium X a mis ma collaboratrice en contact avec son époux et son enfant décédés. Ma collaboratrice n’a jamais été mariée et n’a pas d’enfant!»
Houdini invitera ensuite quelques spectateurs à monter sur scène. Afin de recréer les conditions d’obscurité dans lesquelles se déroulent les séances, il leur fera bander les yeux. À compter de ce moment, les spectateurs dans la salle auront droit à une inoubliable performance.
Les spectateurs aux yeux bandés et le magicien prennent place autour d’une table. Deux spectateurs contrôlent les mains et les pieds de Houdini. Pourtant le magicien sort un pied de sa chaussure et, ses chaussettes ayant été découpées, il s’empare avec ses orteils d’une clochette qu’il fait sonner. Les spectateurs, qui voient tout, rient de bon coeur. Puis il parvient à libérer une de ses mains et soulève la table. Des instruments de musique que Houdini manipule se mettent à flotter autour des participants. Nouveaux éclats de rire. C’est ensuite avec sa bouche que Houdini s’empare d’un cornet et en joue.

On enlève provisoirement son bandeau à un des participants, qui rédige en cachette une question sur une ardoise, qu’il recouvre d’une deuxième. Houdini les tient sous la table. Des bruits d’écriture sont aussitôt entendus. Houdini ressort l’ardoise : les participants y lisent, mystifiés, la réponse à la question posée par l’un d’entre eux! Les spectateurs dans la salle ont pour leur part pu voir Houdini gratter la table pour simuler le bruissement de la craie; substituer une ardoise à celle du spectateur, qu’il a donnée à un complice qui a rédigé la réponse avant de la lui rendre pour une dernière substitution.
Pour finir, Houdini démontrera peut-être comment on peut, avec de la paraffine, fabriquer ces mains d’esprits qui se matérialisent durant les séances et comment on peut s’y prendre pour les faire apparaître.

Même Sir Arthur Conan Doyle (1858-1930), un des plus ardents défenseurs du spiritualisme, est bien forcé d’admettre que le magicien fait œuvre utile en débusquant ainsi les faux médiums. Mais l’écrivain, lui, restera persuadé qu’il y en a de vrais. Le plus étrange est que les deux hommes seront pour un temps des amis.
Il invitera ensuite les médiums locaux à monter sur scène et à produire, sur le champ, n’importe quel effet qu’il serait incapable de produire à son tour par des moyens tout à fait normaux. Il brandira peut-être à ce moment des bons au porteur d’une grande valeur qu’il s’engage à remettre à tout médium qui relèverait avec succès ce défi.
Puis il entreprendra de raconter de croustillantes histoires sur les médiums locaux. C’est que Houdini avait pris le soin d’envoyer en éclaireurs, dans la ville où il se produit, certains de ses collaborateurs. Ceux-ci ont visité les médiums et ont obtenu d’eux des contacts avec des enfants qu’ils n’ont jamais eus, des parents qui ne sont pas encore morts et ainsi de suite. L’un de ces collaborateurs fait ces visites sous le nom de Révérend F. Raud! «Hier après-midi, dira Houdini, pour deux dollars, le médium X a mis ma collaboratrice en contact avec son époux et son enfant décédés. Ma collaboratrice n’a jamais été mariée et n’a pas d’enfant!»
Houdini invitera ensuite quelques spectateurs à monter sur scène. Afin de recréer les conditions d’obscurité dans lesquelles se déroulent les séances, il leur fera bander les yeux. À compter de ce moment, les spectateurs dans la salle auront droit à une inoubliable performance.
Les spectateurs aux yeux bandés et le magicien prennent place autour d’une table. Deux spectateurs contrôlent les mains et les pieds de Houdini. Pourtant le magicien sort un pied de sa chaussure et, ses chaussettes ayant été découpées, il s’empare avec ses orteils d’une clochette qu’il fait sonner. Les spectateurs, qui voient tout, rient de bon coeur. Puis il parvient à libérer une de ses mains et soulève la table. Des instruments de musique que Houdini manipule se mettent à flotter autour des participants. Nouveaux éclats de rire. C’est ensuite avec sa bouche que Houdini s’empare d’un cornet et en joue.
On enlève provisoirement son bandeau à un des participants, qui rédige en cachette une question sur une ardoise, qu’il recouvre d’une deuxième. Houdini les tient sous la table. Des bruits d’écriture sont aussitôt entendus. Houdini ressort l’ardoise : les participants y lisent, mystifiés, la réponse à la question posée par l’un d’entre eux! Les spectateurs dans la salle ont pour leur part pu voir Houdini gratter la table pour simuler le bruissement de la craie; substituer une ardoise à celle du spectateur, qu’il a donnée à un complice qui a rédigé la réponse avant de la lui rendre pour une dernière substitution.
Pour finir, Houdini démontrera peut-être comment on peut, avec de la paraffine, fabriquer ces mains d’esprits qui se matérialisent durant les séances et comment on peut s’y prendre pour les faire apparaître.
Même Sir Arthur Conan Doyle (1858-1930), un des plus ardents défenseurs du spiritualisme, est bien forcé d’admettre que le magicien fait œuvre utile en débusquant ainsi les faux médiums. Mais l’écrivain, lui, restera persuadé qu’il y en a de vrais. Le plus étrange est que les deux hommes seront pour un temps des amis.
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jeudi, octobre 23, 2008
HARRY HOUDINI (1874-1926) ET LE SPIRITUALISME - 3
Houdini, s’il désire passionnément croire, garde donc les yeux grand ouverts. Il dira à cette période de sa vie: «Il n’y a pas de sacrifice auquel je ne consentirais pour pouvoir communiquer avec ma mère. Après des années de recherche, je garde l’espoir qu’il y a une façon de communiquer avec elle depuis cette vie-ci. […] ».Houdini, comme le dira sa biographe, «voulait terriblement être convaincu et le fait qu’il n’a pas pu l’être a été sa tragédie ».
Peu à peu, il va acquérir la conviction que le mouvement est frauduleux et dès lors entrer en guerre contre lui. Ne nous cachons pas que des considérations plus terre-à-terre ne sont sans doute pas étrangères à sa décision d’entreprendre ce combat. Houdini sent en effet parfaitement, au début des années 20, qu’il lui faudra une fois de plus se réinventer pour conserver son public, que lassent désormais les évasions et les tours plus traditionnels. Entre 1919 et 1922, le magicien s’est même lancé, sans succès, dans l’aventure du cinéma.
C’est en 1920 qu’il commence ses activités de démystificateur du spiritualisme. Il s’en expliquera ainsi: «Les magiciens sont formés pour faire de la magie et c’est pourquoi ils sont capables, pendant une séance, de détecter plus rapidement que les autres témoins des gestes trompeurs qui vous échappent si vous ne connaissez pas toutes les subtilités du détournement d’attention ». Bientôt, il n’hésite pas à se déguiser pour confronter incognito les médiums sur leur propre terrain. Des cornets flottent mystérieusement et semble-il tout seuls dans les airs? La lumière revenue, on découvrira que les mains du médium sont noircies par la suie dont Houdini avait subrepticement enduit l’instrument.

Houdini déguisé afin de pouvoir assister incognito à une séance de spiritisme. Homme de scène dans l’âme, lorsqu’il avait compris comment opérait le médium, il se levait théâtralement et déclarait en enlevant son déguisement : «Je suis le grand Houdini et je vous accuse d’imposture».
***
Si la recherche de publicité et d’un moyen de relancer sa carrière ont certainement compté dans la décision de Houdini de s’en prendre aux médiums, la générosité et la constance de son engagement interdisent de douter par ailleurs de sa sincérité quand il affirmait avoir la conviction de remplir une manière de devoir social et pédagogique. Témoignant devant le Congrès en 1926, il dira, exaspéré : «En 35 ans, je n’ai jamais rencontré un seul vrai médium. Rien qu’en Amérique, des millions de dollars sont volés à chaque année et le Gouvernement n’intervient pas : il considère que c’est une religion ».
Houdini part donc en tournée de démystification et des témoignages permettent d’imaginer à quoi pouvait ressembler une soirée passée en sa compagnie.

Ces enfants sont sur le point d’assister à une représentation durant laquelle Houdini va leur démontrer quelques-unes des méthodes frauduleuses utilisées par les médiums.
Peu à peu, il va acquérir la conviction que le mouvement est frauduleux et dès lors entrer en guerre contre lui. Ne nous cachons pas que des considérations plus terre-à-terre ne sont sans doute pas étrangères à sa décision d’entreprendre ce combat. Houdini sent en effet parfaitement, au début des années 20, qu’il lui faudra une fois de plus se réinventer pour conserver son public, que lassent désormais les évasions et les tours plus traditionnels. Entre 1919 et 1922, le magicien s’est même lancé, sans succès, dans l’aventure du cinéma.
C’est en 1920 qu’il commence ses activités de démystificateur du spiritualisme. Il s’en expliquera ainsi: «Les magiciens sont formés pour faire de la magie et c’est pourquoi ils sont capables, pendant une séance, de détecter plus rapidement que les autres témoins des gestes trompeurs qui vous échappent si vous ne connaissez pas toutes les subtilités du détournement d’attention ». Bientôt, il n’hésite pas à se déguiser pour confronter incognito les médiums sur leur propre terrain. Des cornets flottent mystérieusement et semble-il tout seuls dans les airs? La lumière revenue, on découvrira que les mains du médium sont noircies par la suie dont Houdini avait subrepticement enduit l’instrument.
Houdini déguisé afin de pouvoir assister incognito à une séance de spiritisme. Homme de scène dans l’âme, lorsqu’il avait compris comment opérait le médium, il se levait théâtralement et déclarait en enlevant son déguisement : «Je suis le grand Houdini et je vous accuse d’imposture».
***
Si la recherche de publicité et d’un moyen de relancer sa carrière ont certainement compté dans la décision de Houdini de s’en prendre aux médiums, la générosité et la constance de son engagement interdisent de douter par ailleurs de sa sincérité quand il affirmait avoir la conviction de remplir une manière de devoir social et pédagogique. Témoignant devant le Congrès en 1926, il dira, exaspéré : «En 35 ans, je n’ai jamais rencontré un seul vrai médium. Rien qu’en Amérique, des millions de dollars sont volés à chaque année et le Gouvernement n’intervient pas : il considère que c’est une religion ».
Houdini part donc en tournée de démystification et des témoignages permettent d’imaginer à quoi pouvait ressembler une soirée passée en sa compagnie.
Ces enfants sont sur le point d’assister à une représentation durant laquelle Houdini va leur démontrer quelques-unes des méthodes frauduleuses utilisées par les médiums.
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HARRY HOUDINI (1874-1926) ET LE SPIRITUALISME - 2
Le mouvement spiritualiste
Ce mouvement est né au milieu du XIX è siècle, aux Etats-Unis, et la première vague de sa popularité a été à son apogée durant les années 60 à 80. Sa popularité commence à décliner à la fin du XIXème et au début du XXème siècles; mais le mouvement connaîtra une deuxième grande vogue durant et après la Première Guerre Mondiale. On se l’explique aisément : cette guerre fait plus de huit millions de morts (et 6 millions d’invalides), ce terrible tribut de jeunes vies étant payé par des parents, des épouses, des fiancées et des enfants devenus orphelins. Pire : le guerre est suivie de la terrible pandémie de grippe aviaire (communément appelée «grippe espagnole»), qui fait un nombre extraordinairement élevé de victimes entre 1918 et 1919 — les estimations varient entre 20 et plus de 50 millions de morts. Le mouvement spiritualiste, qui offrait le réconfort de penser que ces morts vivaient en quelque sorte toujours, sur un «autre plan», qu’il était possible de communiquer avec eux et que lors de ces communications nos chers disparus venaient nous assurer que tout allait bien, ce mouvement-là apparaissait à beaucoup comme la promesse, tenue, d’une véritable consolation.
Le mouvement avait été lancé en 1848 par les deux sœurs Fox, Margaret (ou Maggie, alors âgée de 15 ans, elle mourra en 1893) et Kate (ou Katie, alors âgée de 12 ans, qui mourra en 1892) à partir du très modeste domicile familial situé à Hydesville, New York, où elles habitaient avec leur mère. Leur histoire commence le 31 mars 1848, alors que les jeunes filles prétendent avoir découvert que si elles frappaient dans leurs mains, des coups étaient frappés en réponse à ces claquements. La nouvelle attire d’abord des amis et des voisins, curieux et bientôt fascinés, puis une foule considérable dès lors qu’on découvre que ces coups peuvent s’interpréter comme désignant des lettres avec lesquelles on peut dialoguer avec l’esprit frappeur!
Une véritable frénésie pour ces coups frappés s’empare alors de l’Europe et des Etats-Unis. Bientôt, le nombre de «médiums» se multiplie en même temps que les effets qu’ils produisent. Une place à part doit être faite aux célèbres frères Davenport, Ira Erastus (1839-1911) et William Henry (1841-1877), nés à Buffalo. On leur doit en effet l’invention du «cabinet», sorte de placard où ils sont sévèrement ligotés par des membres du public et enfermés avec divers instruments de musique. Sitôt refermées les portes du cabinet, des effets se produisent: les instruments de musique jouent, puis des mains spirites paraissent à travers des ouvertures prévues à cette fin. Mais si on ouvre les portes du cabinet, on découvre que les deux frères sont ligotés, exactement comme au début de l’expérience. De l’espèce de confrontation qui s’établit entre un médium, qui produit des effets extraordinaires, et un public, plus ou moins sceptique qui demande, selon les cas, divers degrés de contrôle des conditions dans lesquelles sont produits ces effets avant de les attribuer à des forces surnaturelles, les Frères Davenport ont trouvé le moyen de sortir presque toujours gagnant. Presque, puisque, comme tant d’autres, ils seront surpris à tricher . D’autres passeront aux aveux, comme les sœurs Fox. En 1888, Margaret fait une percutante apparition à New York durant laquelle elle dénonce comme frauduleux le mouvement qu’elle et sa soeur ont lancé. Tout a commencé, expliquent-elle, comme une sorte de plaisanterie faite à leur mère. Les filles avaient découvert qu’elles pouvaient faire craquer leurs orteils et produire ainsi ces mystérieux coups frappés. Elle le pouvait toujours et en fit la démonstration. Les spiritualistes ne tirent évidemment aucun compte de ces confessions, aussitôt mises sur le compte de l’âge et de la maladie.
En attendant, peu à peu, les séances se ritualisent. Le (ou la) médium et ses clients se réunissent dans la pénombre ou dans l’obscurité la plus complète et des phénomènes étranges, attribué aux esprits, ne tardent pas à se produire : des instruments de musique se mettent à jouer seuls; des objets flottent dans les airs; des coups sont frappés; des messages apparaissent spontanément sur des ardoises; des sons étranges sont entendus; le médium semble s’élever dans les airs; des mains spirites apparaissent; des objets, appelés «apports» semblent «téléportés» et sont offerts aux participants; une étrange substance blanche appelée «ectoplasme» émerge du corps des médiums : elle paraît vivante et prend la forme de membres du corps ou de visages. En 1890 est mis sur le marché un dispositif qui permet de soi-même communiquer avec l’esprit de son choix sans l’intermédiaire d’un médium: la planche de Ouija, qui est d’ailleurs toujours disponible en vente.
La popularité du spiritualisme est telle qu’on fonde à Londres, en 1882, à l’instigation de Fellows du Trinity College de Cambridge, la première organisation vouée à l’étude scientifique des phénomènes paranormaux : la Society for Psychical Research (SPR). On y étudie notamment l’hypnose, la perception extrasensorielle, les phénomènes de personnalités multiples, les fantômes, les apparitions et, bien entendu, les médiums .
La deuxième vague du spiritualisme
C’est à ce moment que Houdini va intervenir. Nous l’avions laissé en 1918, cinq ans après la mort de sa mère, qu’il n’a cessé de passionnément chercher à «contacter», sans succès, mais espérant toujours tomber sur le véritable médium, celui ou celle qui n’aurait pas recours à la tricherie. Ce n’est pas facile, C’est qu’on ne trompe évidemment pas facilement Houdini, qui connaît toutes les ficelles du métier et toutes les manières de produire des phénomènes en apparence inexplicables. Passionné non seulement de magie, mais aussi de spiritualisme, il a réuni chez lui la plus importante collection au monde de documents sur ces sujets. Il a même rencontré chez lui, juste avant sa mort, Ira Davenport et appris de sa bouche les secrets du cabinet. Aucun des phénomènes réputés paranormaux ne lui est étranger et il est en mesure de dire comment on peut s’y prendre pour produire chacun d’entre eux.

Une photographie «médiumnique» produite par Houdini, sur laquelle on le voit en compagnie …d’Abraham Lincoln (1809-1865)! Les premières photographies spiritualistes ont été produites par un certain Mumler, de Boston, en 1860. Il fut convaincu de fraude, mais la popularité de telles photographies était toujours grande durant le premier quart du XX ème siècle et cela même si elles sont faciles à produire, soit par double exposition soit par préparation des plaques.
Ce mouvement est né au milieu du XIX è siècle, aux Etats-Unis, et la première vague de sa popularité a été à son apogée durant les années 60 à 80. Sa popularité commence à décliner à la fin du XIXème et au début du XXème siècles; mais le mouvement connaîtra une deuxième grande vogue durant et après la Première Guerre Mondiale. On se l’explique aisément : cette guerre fait plus de huit millions de morts (et 6 millions d’invalides), ce terrible tribut de jeunes vies étant payé par des parents, des épouses, des fiancées et des enfants devenus orphelins. Pire : le guerre est suivie de la terrible pandémie de grippe aviaire (communément appelée «grippe espagnole»), qui fait un nombre extraordinairement élevé de victimes entre 1918 et 1919 — les estimations varient entre 20 et plus de 50 millions de morts. Le mouvement spiritualiste, qui offrait le réconfort de penser que ces morts vivaient en quelque sorte toujours, sur un «autre plan», qu’il était possible de communiquer avec eux et que lors de ces communications nos chers disparus venaient nous assurer que tout allait bien, ce mouvement-là apparaissait à beaucoup comme la promesse, tenue, d’une véritable consolation.
Le mouvement avait été lancé en 1848 par les deux sœurs Fox, Margaret (ou Maggie, alors âgée de 15 ans, elle mourra en 1893) et Kate (ou Katie, alors âgée de 12 ans, qui mourra en 1892) à partir du très modeste domicile familial situé à Hydesville, New York, où elles habitaient avec leur mère. Leur histoire commence le 31 mars 1848, alors que les jeunes filles prétendent avoir découvert que si elles frappaient dans leurs mains, des coups étaient frappés en réponse à ces claquements. La nouvelle attire d’abord des amis et des voisins, curieux et bientôt fascinés, puis une foule considérable dès lors qu’on découvre que ces coups peuvent s’interpréter comme désignant des lettres avec lesquelles on peut dialoguer avec l’esprit frappeur!
Une véritable frénésie pour ces coups frappés s’empare alors de l’Europe et des Etats-Unis. Bientôt, le nombre de «médiums» se multiplie en même temps que les effets qu’ils produisent. Une place à part doit être faite aux célèbres frères Davenport, Ira Erastus (1839-1911) et William Henry (1841-1877), nés à Buffalo. On leur doit en effet l’invention du «cabinet», sorte de placard où ils sont sévèrement ligotés par des membres du public et enfermés avec divers instruments de musique. Sitôt refermées les portes du cabinet, des effets se produisent: les instruments de musique jouent, puis des mains spirites paraissent à travers des ouvertures prévues à cette fin. Mais si on ouvre les portes du cabinet, on découvre que les deux frères sont ligotés, exactement comme au début de l’expérience. De l’espèce de confrontation qui s’établit entre un médium, qui produit des effets extraordinaires, et un public, plus ou moins sceptique qui demande, selon les cas, divers degrés de contrôle des conditions dans lesquelles sont produits ces effets avant de les attribuer à des forces surnaturelles, les Frères Davenport ont trouvé le moyen de sortir presque toujours gagnant. Presque, puisque, comme tant d’autres, ils seront surpris à tricher . D’autres passeront aux aveux, comme les sœurs Fox. En 1888, Margaret fait une percutante apparition à New York durant laquelle elle dénonce comme frauduleux le mouvement qu’elle et sa soeur ont lancé. Tout a commencé, expliquent-elle, comme une sorte de plaisanterie faite à leur mère. Les filles avaient découvert qu’elles pouvaient faire craquer leurs orteils et produire ainsi ces mystérieux coups frappés. Elle le pouvait toujours et en fit la démonstration. Les spiritualistes ne tirent évidemment aucun compte de ces confessions, aussitôt mises sur le compte de l’âge et de la maladie.
En attendant, peu à peu, les séances se ritualisent. Le (ou la) médium et ses clients se réunissent dans la pénombre ou dans l’obscurité la plus complète et des phénomènes étranges, attribué aux esprits, ne tardent pas à se produire : des instruments de musique se mettent à jouer seuls; des objets flottent dans les airs; des coups sont frappés; des messages apparaissent spontanément sur des ardoises; des sons étranges sont entendus; le médium semble s’élever dans les airs; des mains spirites apparaissent; des objets, appelés «apports» semblent «téléportés» et sont offerts aux participants; une étrange substance blanche appelée «ectoplasme» émerge du corps des médiums : elle paraît vivante et prend la forme de membres du corps ou de visages. En 1890 est mis sur le marché un dispositif qui permet de soi-même communiquer avec l’esprit de son choix sans l’intermédiaire d’un médium: la planche de Ouija, qui est d’ailleurs toujours disponible en vente.
La popularité du spiritualisme est telle qu’on fonde à Londres, en 1882, à l’instigation de Fellows du Trinity College de Cambridge, la première organisation vouée à l’étude scientifique des phénomènes paranormaux : la Society for Psychical Research (SPR). On y étudie notamment l’hypnose, la perception extrasensorielle, les phénomènes de personnalités multiples, les fantômes, les apparitions et, bien entendu, les médiums .
La deuxième vague du spiritualisme
C’est à ce moment que Houdini va intervenir. Nous l’avions laissé en 1918, cinq ans après la mort de sa mère, qu’il n’a cessé de passionnément chercher à «contacter», sans succès, mais espérant toujours tomber sur le véritable médium, celui ou celle qui n’aurait pas recours à la tricherie. Ce n’est pas facile, C’est qu’on ne trompe évidemment pas facilement Houdini, qui connaît toutes les ficelles du métier et toutes les manières de produire des phénomènes en apparence inexplicables. Passionné non seulement de magie, mais aussi de spiritualisme, il a réuni chez lui la plus importante collection au monde de documents sur ces sujets. Il a même rencontré chez lui, juste avant sa mort, Ira Davenport et appris de sa bouche les secrets du cabinet. Aucun des phénomènes réputés paranormaux ne lui est étranger et il est en mesure de dire comment on peut s’y prendre pour produire chacun d’entre eux.

Une photographie «médiumnique» produite par Houdini, sur laquelle on le voit en compagnie …d’Abraham Lincoln (1809-1865)! Les premières photographies spiritualistes ont été produites par un certain Mumler, de Boston, en 1860. Il fut convaincu de fraude, mais la popularité de telles photographies était toujours grande durant le premier quart du XX ème siècle et cela même si elles sont faciles à produire, soit par double exposition soit par préparation des plaques.
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mercredi, octobre 22, 2008
HARRY HOUDINI (1874-1926) ET LE SPIRITUALISME - 1
[Un chapitre d'un livre à paraître aux PUL: Je doute, donc je suis. Portraits de scepiques éminents.]
***
La véritable clé
à l’aide de laquelle je me libère, c’est mon cerveau.
Houdini
Harry Houdini est probablement le magicien le plus célèbre de tous les temps — et d’aucuns ajouteraient même avec assurance: le plus grand magicien qui fut jamais. Je soupçonne cependant que certaines personnes se demanderont à quel titre son nom figure ici, dans une série consacrée aux grands sceptiques.
Et pourtant, les mouvements sceptiques du monde entier ne se trompent pas en saluant la remarquable contribution de Houdini à leur mouvement et, plus généralement, à la promotion de la pensée critique . C’est qu’en confrontant tous ces médiums et spiritualistes qui attiraient en son temps une vaste audience et jouissaient d’une immense renommée, Houdini a écrit une des plus fortes et, avouons-le, une des plus amusantes et des plus fascinantes pages de l’histoire du scepticisme.
Mais commençons par le commencement et pour cela rendons-nous à Budapest, en Hongrie, C’est en effet là, le 24 mars 1874, que naît sous le nom d’Erik Weisz (un fonctionnaire de l’immigration américaine l’orthographiera: Ehrich Weiss) celui qui deviendra Harry Houdini. Son père est un rabbin et il part bientôt pour les Etats-Unis d’Amérique où sa famille le rejoint.
Ehrich Weiss devient Houdini
Le rabbin Mayer Samuel Weiss sert à Appleton, au Wisconsin, une petite communauté germanophone, la Zion Reform Jewish Congregation. La famille est très pauvre et sa situation empire encore quand le père meurt en 1892.
Ehrich, qui est un enfant vif et agile, noue une relation extrêmement forte avec sa mère, une relation qu’il entretiendra sa vie durant et qui sera une des grandes passions de sa vie. Une autre, tout aussi précoce, sera la magie. Il la partage avec son frère, Ferencz Deszo Weisz, qui sera connu sous le nom de scène Theodore Hardeen et avec qui il donne d’abord des spectacles; puis avec celle qui deviendra son épouse en 1894, Wilhelmina Beatrice Rahner, que tout le monde appellera Bess.
Le jeune Ehrich ayant lu les mémoires de Jean-Eugène Robert Houdin (1805-1871), le fondateur de la magie moderne, il prend en son honneur Houdini pour nom de scène et Harry, la forme anglaise de Ehrich, comme prénom. Pour le moment, après avoir exercé divers métiers — dont celui d’apprenti serrurier, qui lui sera très utile plus tard — il perfectionne son art.
Voici donc Houdini au début de la vingtaine. À cette époque, il pratique une grande variété de types de magie : prestidigitation, tours de cartes, mentalisme, évasion et ainsi de suite. Il propose même des séances durant lesquelles il agit comme … spiritualiste. C’est ainsi qu’une affiche pour un spectacle donné le 9 janvier 1898 annonce que «le grand Houdini» va donner une séance durant laquelle «les tables vont s’envoler, des instruments de musique vont flotter dans les airs tout en jouant des mélodies et des mains d’esprits pourront être vues en pleine lumière». «Un comité d’hommes d’affaires, ajoute-t-on, sera sur place pour s’assurer que tout cela est réalisé honnêtement ».
Nous voici en 1899, une date importante dans la vie du magicien. Cette année-là, en effet, sur les conseils d’un impresario, il décide de centrer son numéro sur les évasions. Cette décision lui vaudra bien vite la fortune et la gloire, d’autant que l’homme de scène a un très fort sens de la publicité et a recours à tous les moyens pour se faire connaître. Entre 1900 et 1918, Houdini est une célébrité mondiale, qui multiplie des tours qui fascinent ses contemporains et qui incarne la première version du «mythe Houdini» : il est l’homme que rien ne peut retenir et qui s’évade de tout ce par quoi on tente de l’immobiliser : menottes, boîtes, cercueils, sacs de courrier, cellules, camisoles de forces (en certains cas, suspendu d’un building par les pieds à des dizaines de mètres du sol), cordes et ainsi de suite. Durant ces années, il s’évadera notamment d’un bidon de lait scellé qu’on a empli d’eau ainsi que d’une chambre de torture aquatique de son invention.
Lorsque la mode des évasions s’étiole, Houdini renouvelle son propre mythe et donne au monde des tours qui restent aujourd’hui encore fascinants. Par exemple, il paraît capable de marcher à travers un mur; il semble encore avaler quantité d’épingle et une ficelle puis, après avoir bu de l’eau, de ressortir de sa bouche les épingles attachées les unes aux autres. Mieux : en 1918, il fait disparaître l’éléphant Jenny en plein Hippodrome de New York!
Mais en 1913, un terrible événement est survenu, qui le marque à jamais : le décès de sa mère. Houdini est inconsolable et, pendant plusieurs années, il fréquente les médiums avec le fol espoir de communiquer avec sa chère maman. Car telle est bien la promesse que faisaient les spiritualistes à leurs fidèles. C’est contre eux que Houdini va bientôt entrer en guerre et c’est dans ce combat qu’il va réinventer son mythe, cette fois en se faisant le pourfendeur du paranormal. Pour comprendre la violence du conflit qui va éclater — ainsi que ses enjeux — il nous faut à présent raconter l’étrange histoire du mouvement spiritualiste, jusqu’au moment où Houdini va s’opposer à lui.
***
La véritable clé
à l’aide de laquelle je me libère, c’est mon cerveau.
Houdini
Harry Houdini est probablement le magicien le plus célèbre de tous les temps — et d’aucuns ajouteraient même avec assurance: le plus grand magicien qui fut jamais. Je soupçonne cependant que certaines personnes se demanderont à quel titre son nom figure ici, dans une série consacrée aux grands sceptiques.
Et pourtant, les mouvements sceptiques du monde entier ne se trompent pas en saluant la remarquable contribution de Houdini à leur mouvement et, plus généralement, à la promotion de la pensée critique . C’est qu’en confrontant tous ces médiums et spiritualistes qui attiraient en son temps une vaste audience et jouissaient d’une immense renommée, Houdini a écrit une des plus fortes et, avouons-le, une des plus amusantes et des plus fascinantes pages de l’histoire du scepticisme.
Mais commençons par le commencement et pour cela rendons-nous à Budapest, en Hongrie, C’est en effet là, le 24 mars 1874, que naît sous le nom d’Erik Weisz (un fonctionnaire de l’immigration américaine l’orthographiera: Ehrich Weiss) celui qui deviendra Harry Houdini. Son père est un rabbin et il part bientôt pour les Etats-Unis d’Amérique où sa famille le rejoint.
Ehrich Weiss devient Houdini
Le rabbin Mayer Samuel Weiss sert à Appleton, au Wisconsin, une petite communauté germanophone, la Zion Reform Jewish Congregation. La famille est très pauvre et sa situation empire encore quand le père meurt en 1892.
Ehrich, qui est un enfant vif et agile, noue une relation extrêmement forte avec sa mère, une relation qu’il entretiendra sa vie durant et qui sera une des grandes passions de sa vie. Une autre, tout aussi précoce, sera la magie. Il la partage avec son frère, Ferencz Deszo Weisz, qui sera connu sous le nom de scène Theodore Hardeen et avec qui il donne d’abord des spectacles; puis avec celle qui deviendra son épouse en 1894, Wilhelmina Beatrice Rahner, que tout le monde appellera Bess.
Le jeune Ehrich ayant lu les mémoires de Jean-Eugène Robert Houdin (1805-1871), le fondateur de la magie moderne, il prend en son honneur Houdini pour nom de scène et Harry, la forme anglaise de Ehrich, comme prénom. Pour le moment, après avoir exercé divers métiers — dont celui d’apprenti serrurier, qui lui sera très utile plus tard — il perfectionne son art.
Voici donc Houdini au début de la vingtaine. À cette époque, il pratique une grande variété de types de magie : prestidigitation, tours de cartes, mentalisme, évasion et ainsi de suite. Il propose même des séances durant lesquelles il agit comme … spiritualiste. C’est ainsi qu’une affiche pour un spectacle donné le 9 janvier 1898 annonce que «le grand Houdini» va donner une séance durant laquelle «les tables vont s’envoler, des instruments de musique vont flotter dans les airs tout en jouant des mélodies et des mains d’esprits pourront être vues en pleine lumière». «Un comité d’hommes d’affaires, ajoute-t-on, sera sur place pour s’assurer que tout cela est réalisé honnêtement ».
Nous voici en 1899, une date importante dans la vie du magicien. Cette année-là, en effet, sur les conseils d’un impresario, il décide de centrer son numéro sur les évasions. Cette décision lui vaudra bien vite la fortune et la gloire, d’autant que l’homme de scène a un très fort sens de la publicité et a recours à tous les moyens pour se faire connaître. Entre 1900 et 1918, Houdini est une célébrité mondiale, qui multiplie des tours qui fascinent ses contemporains et qui incarne la première version du «mythe Houdini» : il est l’homme que rien ne peut retenir et qui s’évade de tout ce par quoi on tente de l’immobiliser : menottes, boîtes, cercueils, sacs de courrier, cellules, camisoles de forces (en certains cas, suspendu d’un building par les pieds à des dizaines de mètres du sol), cordes et ainsi de suite. Durant ces années, il s’évadera notamment d’un bidon de lait scellé qu’on a empli d’eau ainsi que d’une chambre de torture aquatique de son invention.
Lorsque la mode des évasions s’étiole, Houdini renouvelle son propre mythe et donne au monde des tours qui restent aujourd’hui encore fascinants. Par exemple, il paraît capable de marcher à travers un mur; il semble encore avaler quantité d’épingle et une ficelle puis, après avoir bu de l’eau, de ressortir de sa bouche les épingles attachées les unes aux autres. Mieux : en 1918, il fait disparaître l’éléphant Jenny en plein Hippodrome de New York!
Mais en 1913, un terrible événement est survenu, qui le marque à jamais : le décès de sa mère. Houdini est inconsolable et, pendant plusieurs années, il fréquente les médiums avec le fol espoir de communiquer avec sa chère maman. Car telle est bien la promesse que faisaient les spiritualistes à leurs fidèles. C’est contre eux que Houdini va bientôt entrer en guerre et c’est dans ce combat qu’il va réinventer son mythe, cette fois en se faisant le pourfendeur du paranormal. Pour comprendre la violence du conflit qui va éclater — ainsi que ses enjeux — il nous faut à présent raconter l’étrange histoire du mouvement spiritualiste, jusqu’au moment où Houdini va s’opposer à lui.
Libellés :
Houdini,
Normand Baillargeon,
pensée critique
mardi, octobre 21, 2008
PENN ET TELLER
Penn et Teller, des magiciens qui font aujourd'hui le boulot de Houdini, expliquent une partie de leur art.
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