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samedi, septembre 19, 2009

LOUIS CORNELLIER PARLE DE HEUREUX SANS DIEU ...

...et le croyant qu'il est le fait comme à son habitude: avec sérieux et intelligence. C'est ici.

mercredi, janvier 21, 2009

RICK WARREN PARLE ...

... et c'est franchement débile autant que terrifiant.

Il s'agit bien entendu du pasteur qui a prononcé le «sermon» lors de l'investiture d'Obama.


dimanche, décembre 14, 2008

PETIT QUESTIONNAIRE SUR LA BIBLE POUR CÉLÉBRER DIGNEMENT NOËL

Nowel, le Petit Jésus, le joyeux temps de fêtes, les cadeaux et tout ça et tout ça.
Mais connaissez-vous bien La Bible sur quoi se fonde le christianisme?
Ce petit questionnaire vous aidera à le savoir.

1. Nowell est un moment propice au rappel des commandements que Dieu nous a données et auxquels nos actions doivent se conformer. Dans Exode 34, on s’en souviendra, Dieu fait venir Moïse et lui ordonne de tailler deux tables de pierre pour qu’il puisse y graver ses dix commandements: «L'Éternel dit à Moïse: Écris ces paroles; car c'est conformément à ces paroles que je traite alliance avec toi et avec Israël.», Exode 34 : 27.

Justement : quel est le dixième de ces commandements?


A. Tu ne tueras point
B. Tu ne convoiteras point la voiture de ton voisin
C. Tu ne déroberas point.
D. Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère
E. Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain; tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain

Réponse : D

Non? Si. Répétons donc et apprenons par cœur la parole de Dieu : «Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère.»

Ce qui est terriblement utile à savoir de nos jours, on en conviendra, et qui constitue un conseil dont la grande sagesse morale n’échappera à personne, sinon aux mécréants avec lesquels, de toute façon, il ne faut pas perdre son temps.
«Mais les autres réponses, alors?», dites-vous, curieux galopins.

J’avoue d’abord une innocente facétie: la réponse B n’apparaît nulle part dans la Bible, et je l’ai inventé de toutes pièces. Si, si : juré craché. Amusant, non?
Les réponses A, C et E, par contre, apparaissent bien dans la Bible: elle sont dans Exode 20.13, qui donne une autre (comment est-ce possible? Dieu se trompe-t-il dans un cas ou un autre? Fichtre! À l’aide, à moi, au secours, théologiens!) liste de dix commandements, une liste que les protestants et les catholiques citent de préférence à Exode 34, on se demande pourquoi.

D’autant, on va le voir, qu’Exode 34 est la liste qui devrait être considérée comme «officielle». J’y viens. En attendant, notez que, dans le commandement E, la femme, le serviteur et la servante de notre prochain, au même titre que son bœuf ou son âne, font partie des choses qui lui appartiennent. Cela aussi, c’est très bon à savoir, même si certaines femmes sont du mal à l’admettre.

À présent les commandements.

Moïse va d’abord (Exode 20 : 2-17) sur le Mont Sinaï et en redescend pour réciter de mémoire une liste de dix commandements, parmi lesquels la réponse E. Puis, plus tard, il reçoit de Dieu des tablettes comprenant les commandements («Lorsque l'Éternel eut achevé de parler à Moïse sur la montagne de Sinaï, il lui donna les deux tables du témoignage, tables de pierre, écrites du doigt de Dieu», Exode 31 :18) .

Mais, coup de théâtre et manque de bol pour ce texte écrit du doigt même de dieu, en redescendant du Mont, Moïse aperçoit ses ouailles en pleine bamboula, se fâche et brise les tablettes écrites du doigt de Dieu. C’est écrit : «Et, comme il approchait du camp, il vit le veau et les danses. La colère de Moïse s'enflamma; il jeta de ses mains les tables, et les brisa au pied de la montagne». Exode 32 : 19).

Quel sale caractère, ce Moïse, tout de même!

Bref : on n’a toujours pas les authentiques et définitifs commandements de Dieu écrits de son doigt et tout est donc à recommencer pour Dieu, qui n’a pas que ça à faire.
Moïse repart donc sur le mont Sinaï. Là, Dieu lui dit: « Taille deux tables de pierre comme les premières, et j'y écrirai les paroles qui étaient sur les premières tables que tu as brisées.», Exode 34-1). La bonne liste! Enfin! Du doigt même de Dieu! Alléluia! Pourvu que Moïse se pique pas encore une fois uen de ses colères. Mais non. Ouf! Et paf : on trouve sur cette liste définitive le dixième commandement. Rappelez-vous en bien, c’est très précieux : «Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère.»

Quand on songe qu’il y a de nos jours des impies qui ne font pas cuire de chevreaux dans le lait de leur mère parce qu’ils ne font pas cuire de chevreaux du tout, cela sous le fallacieux prétexte qu’ils refusent de faire souffrir des animaux et sont donc végétariens. Mécréants. Immoraux. Abjects personnages.

Qu’on se décide enfin à respecter les dix commandements et on va voir ce qu’on va voir.

2. Les jeunes font souvent des excès durant le temps des fêtes. Supposons donc un fils indocile et rebelle, qui n’écoute ni père ni mère, chenapan qui ne s’amende pas même après avoir été châtié. Que faire? La sagesse de la Bible est ici précieuse, car elle nous le dit très exactement.

Que recommande-t-elle, selon vous?


A. De lui faire consulter un psychothérapeute d’obédience rogérienne
B. De le faire lapider jusqu’à ce que mort s’ensuive
C. De faire lancer sur lui des cailloux par la foule jusqu’à ce qu’il meure
D. De demander à un groupe de gens assemblés à cette fin de projeter sur ce jeune homme des pierres certes lourdes mais qu’on peut néanmoins tenir dans la main et cela jusqu’à ce qu’on puisse constater qu’il est bel et bien décédé, bien fait pour lui, l’avait qu’à faire un peu attention et c’est tout
E. Qu’on le trucide en projetant sur lui de cette matière minérale solide, dure, qui se rencontre à l’intérieur ou à la surface de l’écorce terrestre en masses compactes.

Réponse : Il faut le lapider.

Mais partant de là, les plus éminents spécialistes de l’herméneutique biblique ont sur le sujet des avis quelque peu divergents, qui feront que certains d’entre eux inclinent à accepter B comme seule bonne réponse, tandis que d’autres accepteraient volontiers C ou encore D, voire même, pour certains exégètes particulièrement pointilleux, E et seulement E. Mais il s’agit là de savants débats qu’il vaut mieux, pour le croyant, laisser aux seuls spécialistes. Le texte dont ils discutent, quoiqu’il en soit, est le suivant:

«Si un homme a un fils indocile et rebelle, n'écoutant ni la voix de son père, ni la voix de sa mère, et ne leur obéissant pas même après qu'ils l'ont châtié, le père et la mère le prendront, et le mèneront vers les anciens de sa ville et à la porte du lieu qu'il habite. Ils diront aux anciens de sa ville: Voici notre fils qui est indocile et rebelle, qui n'écoute pas notre voix, et qui se livre à des excès et à l'ivrognerie. Et tous les hommes de sa ville le lapideront, et il mourra.» (Deutéronome 21 : 18-21)

Même le profane mesurera l’extraordinaire complexité que pose l’interprétation de ce passage.

Quant à la réponse A, il s’agit, cette fois encore, d’une innocente facétie de votre serviteur.

3. Le temps des fêtes est aussi, hélas, celui où bien des gens s’endettent plus que de raison. Heureusement, La Bible nous indique une manière commode et facile de renflouer nos coffres. Saurez vous la reconnaître :

A. En vendant sa fille comme esclave
B. En militant pour obtenir un meilleur salaire
C. En faisant du temp^s supplémentaire
D. En priant
E. En mendiant


La bonne réponse est A, avec une précision cependant : «Si un homme vend sa fille pour être esclave, elle ne sortira point comme sortent les esclaves.» ( Exode 21 : 7)
Dire qu’il y a des gens quoi vendent leur fille comme esclave et qui la laissent néanmoins sortir comme les esclaves!

On déplorera seulement que La Bible néglige de préciser le prix juste et raisonnable que l’on peut demander pour sa fille que l’on vend en esclavage. Mais des théologiens travaillent sur la question, du moins je suppose.

4. En cette période de bombance , d’agapes et de festins, le croyant sera soucieux de se nourrir conformément à la parole de dieu. Quel aliment parmi les suivants est-il autorisé à consommer :

A. Du porc
B. Des coquillages
C. Du lièvre
D. Des sauterelles
E. Aucune de ces réponses

Réponse : D

Du moins si l’on juge raisonnable de suivre l’exemple de Jean, tel que nous le rapporte Matthieu (3 : 4) : «Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.»

Le porc est défendu : «Vous ne mangerez pas le porc, qui a la corne fendue et le pied fourchu, mais qui ne rumine pas: vous le regarderez comme impur.» (Lévitique 11 : 7)

Les coquillages aussi : «Mais vous aurez en abomination tous ceux qui n'ont pas des nageoires et des écailles, parmi tout ce qui se meut dans les eaux et tout ce qui est vivant dans les eaux, soit dans les mers, soit dans les rivières. Vous les aurez en abomination, vous ne mangerez pas de leur chair, et vous aurez en abomination leurs corps morts.» (Lévitique 11 : 10-11)

Quant au lièvre, n’en parlons pas : «Vous ne mangerez pas le lièvre, qui rumine, mais qui n'a pas la corne fendue: vous le regarderez comme impur.» (Lévitique 11 : 6)

Sauterelles grillées au réveillon : Youppi! Un délice. Et la satisfaction de suivre la parole de Dieu. Mais on les trouve où, au Québec, en décembre?

5. Les excès de sauterelles rendent malades certaines personnes. Heureusement, cette fois encore, La Bible est là pour nous indiquer quoi faire en cas de maladie. Si vous avez une indigestion de sauterelles ou quelque maladie que ce soit, vous devez :

A. Consulter un médecin compétent
B. Aller à l’hôpital le plus proche
C. Vous faire examiner
D. Vous faire enduire d’huile par les anciens qui prieront pour vous
E. Prendre les médicaments appropriés

La bonne réponse est D, évidemment, comme nous l’enseigne Jacques 5 : 14;15 : « Quelqu'un parmi vous est-il malade ? Qu'il appelle les anciens de l'Eglise, et que les anciens prient pour lui, en l'oignant d'huile au nom du Seigneur; la prière de la foi sauvera le malade , et le Seigneur le relèvera ; et s'il a commis des péchés, il lui sera pardonné .» Je me demande si de l’huile synthétique est acceptable.


6. Le temps de fêtes est un période durant laquelle ont lieu de nombreuses réceptions. Est-il acceptable pour un croyant de recevoir chez lui un non croyant?

A. Oui
B. Non

La réponse est évidemment non, selon 2 Jean 10-11 : «Si quelqu'un vient à vous et n'apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison, et ne lui dites pas: Salut! car celui qui lui dit: Salut! participe à ses mauvaises oeuvres.»

[ Ce questionnaire reprend des questions et des réponses proposées par la Freedom from religion Foundation, que j’ai adaptées]

mercredi, juillet 09, 2008

EXPLICATIONS NATURALISTES DE LA RELIGION

La revue de philosophie Médiane, à la création de laquelle j'ai eu le plaisir de participer et à laquelle je collabore depuis ses tout débuts, publiera sous peu son cinquième numéro. Celui-ci porte sur a religion. Je signe à chaque numéro une sorte d'éditorial en forme de Coup de Gueule; ce qui suit est celui de ce prochain numéro.]
***

Ni Dieu ni maître, mieux d’être.
Jacques Prévert


La grande famille de l’incroyance, qui comprend notamment les athées, les agnostiques, les libres penseurs, les humanistes, les défenseurs de la laïcité et, plus récemment, les brights, a été très active au cours des dernières années.

Il y a d’abord eu cette intense activité éditoriale qui a produit de nombreux ouvrages, dont certains ont connu d’inattendus mais retentissants succès de librairie. Citons pour mémoire, et entre de très nombreux autres : Pour en finir avec Dieu, de Richard Dawkins; Breaking the Spell, de Daniel Dennett; God is not Great, de Christopher Hitchens; Atheist Universe, de David Mills; et Traité d’athéologie, de Michel Onfray.

Mais les incroyants n’ont pas seulement écrit et ils sont aussi intervenus abondamment dans ces nombreux débats sociaux qui ont sollicité leur attention.

Au Québec, par exemple, l’idée d’un enseignement culturel des religions a paru à plus d’un d’entre nous représenter une grave menace à l’idée d’une école laïque et constituer une manière à peine déguisée de continuer à accorder dans l’école un traitement préférentiel aux croyances religieuses.

De même, les demandes d’accommodement religieux ont paru irrecevables à plus d’un défenseur de la laïcité et témoigner, encore une fois, de la tendance à accorder un traitement préférentiel aux religions parmi l’ensemble des croyances et ce au mépris de la laïcité bien comprise.

Le rapport produit par la commission Bouchard-Taylor n’a rien fait pour calmer ces inquiétudes, loin de là, et cet étrange concept de laïcité ouverte qu’il met de l’avant (parle-t-on de droits de l’homme ouverts ou de liberté ouverte?!?) aurait suffi, à lui seul, à inquiéter incroyants et partisans de la laïcité.

Cependant, à mon sens, c’est sur le plan (beaucoup moins visible du grand public) des explications naturalistes de la croyance en dieu et de la religion que les avancées les plus remarquables et les plus prometteuses de l’incroyance se sont produites.
De quoi s’agit-il exactement?

Deux avenues

Pour comprendre le sens et la portée de ces nouvelles percées théoriques, il sera utile de les situer dans le prolongement de ces explications naturalistes de la religion qui sont mises de l’avant depuis longtemps déjà au sein de la tradition occidentale. Deux avenues convergentes ont tout particulièrement été explorées.
La première, qu’on pourrait appeler génétique, concerne l’explication de l’origine de la religion et des croyances religieuses.

Épicure puis Lucrèce, on s’en souviendra, avaient ici ouvert la voie, en suggérant que les religions sont essentiellement « une maladie née de la peur».

Avec sa fameuse Loi des trois états, Auguste Comte invitait pour sa part à considérer la religion comme un moment historiquement situé et désormais dépassé — d’abord par la métaphysique, puis par la science positive — de la compréhension du monde.

Marx et d’autres ont ensuite suggéré, en analysant sa fonction politique et idéologique, que la religion était à la fois une expression de la misère réelle et une protestation contre elle, un «soupir de la créature accablée par le malheur [et] l'âme d'un monde sans coeur » : bref, et selon la célèbre formule, un «opium du peuple».

Vint Freud, qui proposera que la religion est une forme de projection de l’image du père et de névrose infantile dont l’adulte et la société devront guérir pour devenir sains.

À ces hypothèses génétiques — et c’est la deuxième des avenues que je proposais de distinguer plus haut — se sont ajoutées des analyses qui proposent cette fois des explications naturalistes à des phénomène religieux présumés être, sinon inexplicables, du moins ne recevoir d’explication qu’en termes surnaturels.
Un travail en tous points exemplaire de ces démarches est celui qu’a accompli David Hume dans son examen critique de la notion de miracle. Ces miracles, explique Hume, sont par définition des « violations des lois de la nature». Or, notre connaissance de celles-ci, faillible sans doute, repose une vaste expérience, tandis que le miracle, fondé sur un témoignage, souvent unique, invoque lui aussi une expérience pour établir sa véracité. Or l’expérience montre aussi, très amplement, la faillibilité des témoignages, surtout s’ils portent sur le religieux et le merveilleux et plus encore si, par eux, un témoin devient très intéressant aux yeux des autres. Hume conclura: «Aucun témoignage n'est suffisant pour établir un miracle à moins que le témoignage soit d'un genre tel que sa fausseté serait plus miraculeuse que le fait qu'il veut établir».

La science contemporaine et la religion

La pensée scientifique récente, tout particulièrement à travers des disciplines comme la psychologie cognitive, la biologie et la psychologue évolutionniste, prolonge ces deux avenues de réflexion et propose de nouvelles explications naturalistes de la religion.

Les nouvelles explications génétiques cherchent notamment à rendre compte, en termes évolutionnistes, de la naissance et de la persistance de la religion. Un exemple, emprunté à R. Dawkins, permettra de saisir, sinon toute la substance, du moins la forme possible de ce type d’argument.

Un papillon de nuit qui en apparence s’auto-immole sur une bougie, suit, ce faisant, une règle de conduite qui lui a conféré un avantage évolutif en lui permettant de s’orienter la nuit sur des sources infiniment lointaines de lumière. Mais il le fait en ce cas dans des conditions nouvelles (celle de la lumière artificielle, récemment apparue) qui rend cette règle mortelle pour lui.

De même, suggère Dawkins, les croyances religieuses pourraient être une défaillance, un malheureux sous-produit de la règle recommandant de croire aux aînés, règle qui s’est avérée si utile aux fragiles petits de l’espèce humaine (et leur a épargné de faire par eux-mêmes l’expérience qu’il ne faut pas toucher aux serpents).

Sur le plan de l’explication naturaliste des phénomènes présumés surnaturels liés à la religion, d’innombrables études ont été menées. En voici un exemple.

On a réalisé des études expérimentales sur la neurobiologie des expériences dites mystiques qui ont permis d’établir les effets de la méditation et de la prière sur le lobe pariétal postéro-supérieur du cerveau, siège de la détermination par le sujet des limites de son corps : or, les descriptions des expériences «mystiques» ressemblent à s’y méprendre à ce que rapportent les sujets atteints de lésions à ces régions.

Et ce n’est pas tout* .

• On sait par exemple que l’augmentation de l’éthylène dans l’organisme permet de faire l’expérience de véritables moments mystiques et que c’est justement ce que provoque la respiration pratiquée par les yogis ou encore … une faille géologique située à Delphes, en Grèce, précisément le lieu où vivaient et s’exprimaient de célèbres oracles!
• Des drogues comme la mescaline ou l’acide lysergique provoquent des hallucinations visuelles ou auditives que des cultures préscientifiques pourront aisément interpréter — et ont de fait interprété — en un sens surnaturel.
• Des déficiences importantes en vitamines C et B, qui étaient communes au Moyen-Âge, alors que les fruits frais étaient rares, peuvent provoquer des maladies qui causent des hallucinations.
• Le fait de se flageller fait produire aux plaies suppurantes des toxines hallucinogènes; le fait de jeûner a le même effet sur l’organisme.
• Par la prière et la méditation, on atteint un état de privation de stimuli sensoriels qui semble produire diverses expériences mystiques ou religieuses : mais l’expérience montre que des cuves de privation sensorielle dans lesquelles les sujets flottent dans l’eau provoque le même effet et de manière plus forte encore.
Ces percées de la connaissance et de nombreuses autres qui sont dans le même sens, seront accueillies avec bonheur par tous les incroyants, qui ne manqueront pas de se réjouir aussi du fait que la croyance religieuse, dans bien des pays occidentaux, soit de nos jours en net déclin.

Ni dieu, ni maître? Mieux d’être!

* Merci à Massimo Pigliucci, philosophe et biologiste, à qui je dois les exemples qui suivent, que je reprends de son très riche bogue que je vous invite à visiter: [http://www.rationallyspeaking.org/]

jeudi, mai 08, 2008

SUR: THE GOD DELUSION, DE R. DAWKINS

[Un texte paru dans le numéro 7 de la revue Cité Laïque]

Paru à l'automne 2006, le dernier opus de Richard Dawkins s'intitule : The God Delusion -- ce qu'on peut traduire par : Dieu comme délire. C'est un livre merveilleusement bien écrit, informatif, percutant et qui ne recule ni devant les questions difficiles, ni devant les sujets polémiques.

Dawkins entend montrer que la foi religieuse est un délire, au sens où elle est une fausse croyance qui persiste malgré la prévalence de fortes et convaincantes données qui la contredisent. Tous les humanistes, les sceptiques, les rationalistes et les libres- penseurs ajouteront avec bonheur ce livre à leur bibliothèque. Et à en juger par l'immense succès qu'il connaît au moment où je rédige ces lignes, tout semble indiquer que le lectorat de Dawkins sera bien plus vaste encore et que son livre rejoindra un large public.

On ne peut que s'en réjouir, d'autant qu'une de ses ambitions avouées, en l'écrivant, a justement été de convaincre les personnes agnostiques, dubitatives ou même croyantes des vertus de l'athéisme. Dawkins avoue un autre objectif : celui de proclamer la fierté d'être athée. « Être athée n'est pas une chose dont on devrait s'excuser, écrit-il. Bien au contraire, c'est quelque chose qui nous demande de nous tenir fermement debout face à l'horizon. C'est quelque chose dont nous pouvons être fiers puisque être athée est presque toujours le signe d'une saine indépendance d'esprit et même, au fond, d'un esprit sain. » (page 3)

Le message vaut d'être affirmé et entendu au moment où, avec la place grandissante prise par la religion à l'échelle planétaire dans les affaires humaines, les athées tendent à être considérés comme des parias. Et il n'est pas besoin d'aller dans ces pays où fleurit le fondamentalisme musulman ou judaïque pour le constater, comme le montre Dawkins, qui cite notamment cette sidérante déclaration de G.W. Bush, père : « Je ne suis pas prêt à dire que les athées [des États-Unis] devraient être considérés comme des citoyens ou des patriotes. Nous sommes une nation unie devant Dieu. » (page 43)

Dans les pages qui suivent, je vais d'abord brièvement rappeler le parcours de Dawkins puis proposer un survol de l'ouvrage.
Du gène égoïste à dieu comme délire

Richard Dawkins (né en 1941) est, comme on sait sans doute, un éthologiste et un éminent biologiste néo-darwinien. En 2005, en guise de clin d'oeil à l'expression « Le bouledogue de Darwin » que l'on avait appliquée au XIXe siècle à Thomas Huxley (1825- 1895), le magazine Discover a baptisé Dawkins « Le rottweiler de Darwin ». La boutade touche juste, en ce sens que Dawkins est bien un fervent défenseur du darwinisme, une théorie à laquelle il a apporté d'importantes contributions. Il s'est d'ailleurs fait connaître en 1976 par un livre aujourd'hui devenu un classique : The Selfish Gene, dans lequel il défend une conception réductionniste de l'évolution centrée sur les gènes. C'est dans cet ouvrage qu'il introduit le concept de mème, devenu fameux, et qui permet, sur le modèle de l'explication par les gènes, d'expliquer la propagation d'idées et plus généralement de phénomènes culturels.

On doit à Dawkins de nombreux autres ouvrages de biologie, parmi lesquels, The Blind Watchmaker, 1986 ; Climbing Mount Improbable, 1997 ; réédition 2006 ; et Unweaving the Rainbow, 1998.

Mais Dawkins est plus que cela. Il est également un intellectuel bien connu pour ses régulières interventions dans certains grands débats de société -- en particulier contre le créationnisme ; un vulgarisateur scientifique réputé ; et, depuis 1995, le tout premier titulaire, à l'université d'Oxford, d'une chaire vouée à faire connaître la science auprès du grand public (The Charles Simonyi Chair in the Public Understanding of Science).

Parallèlement à ces activités, Dawkins est aussi un ardent défenseur de l'humanisme, de la laïcité et, plus généralement, de la libre-pensée. Il signe notamment une percutante chronique dans le magazine Free Inquiry, l'organe du Council for Secular Humanism des États-Unis. Il a, à de nombreuses reprises, exprimé ses convictions athées, et sa passionnelle adhésion au mouvement des « Brights ». Il est bien connu aussi pour ses sévères critiques à l'endroit de la religion. On aura compris que tous ceux et celles qui suivent ses activités se doutaient bien que Dawkins finirait un jour par publier un gros ouvrage sur ces questions. Cet ouvrage attendu, c'est justement The God Delusion.
The God Delusion

L'ouvrage se compose de dix chapitres que j'examinerai brièvement, parfois en les regroupant.
Ouverture : la religion d'Einstein et les autres

Le premier chapitre est intitulé : A deeply religious non-believer (Un non-croyant profondément religieux). La formule est d'Albert Einstein, auquel plusieurs pages de ce chapitre sont consacrées.

C'est que Dawkins veut d'entrée de jeu établir une très importante distinction conceptuelle entre d'une part la religion comme croyance en ce dieu « interventionniste, qui fait des miracles, connaît nos moindres pensées, punit nos péchés, et exauce nos prières » (page 19) dont nous parlent la Bible et les religions révélées et, d'autre part, le dieu et la religion tels qu'Einstein et bien d'autres -- notamment des scientifiques -- les ont conçus. La religion einsteinienne n'est rien d'autre qu'une sorte de « sentiment océanique de la vie » très intellectualisé, que le sentiment d'une « infinie admiration pour la structure du monde telle que notre science nous la révèle » (page 15) et n'a rien à voir avec le théisme des religions. Cette distinction est importante, notamment parce que bien des prosélytes entretiennent à ce sujet une trompeuse confusion qui laisse entendre qu'Einstein croyait en dieu et était finalement un homme religieux au sens usuel du terme. L'entretien délibéré de cette confusion, nous dit l'auteur, « est un acte de haute trahison intellectuelle » (page 19) : il faut lui donner raison sur ce point capital.

Dawkins réunit donc de nombreuses citations qui ne laissent aucun doute sur le fait qu'Einstein, comme tant d'autres scientifiques ou philosophes, utilisait le mot dieu en un sens métaphorique et que sa religion et son dieu (qui ne joue pas aux dés !) n'ont rien à voir avec les religions révélées et la religion telles qu'on les entend habituellement. La distinction entre religion einsteinienne et religion surnaturelle étant établie, Dawkins précise que son livre ne s'intéressera qu'à celles qui relèvent de cette dernière catégorie.

Pour clore ce chapitre, il aborde la question du traitement préférentiel dont bénéficient les religions dans nos sociétés, entre autres dans nos politiques publiques. Il suffit, semble-t-il, qu'une pratique ou une croyance reçoive ou se donne le label « religion » pour qu'on adopte à son endroit des comportements empreints de révérence et de respect qu'on ne se sentirait pas tenus d'avoir si elles étaient privées de ce label. Dawkins donne de nombreux exemples de ces inexplicables doubles standard. En voici un. « La religion reste la manière la plus facile d'obtenir le statut d'objecteur de conscience en temps de guerre. Vous aurez beau être un brillant éthicien ayant rédigé une thèse doctorale primée pour exposer les maux que cause la guerre, le comité qui examinera votre requête pour être reconnu comme objecteur de conscience vous fera passer un mauvais quart d'heure. Mais si vous dites simplement qu'un de vos deux parents (ou les deux) est quaker, vous passerez comme du beurre à la poêle, même si vous avez du mal à vous exprimer et ne connaissez rien du pacifisme ou même du quakerisme. » (page 21)

Dawkins annonce ensuite ses couleurs. Il ne s'agit pas pour lui d'offenser ou de blesser sans raison qui que ce soit ; mais il n'accorde pas plus de respect aux croyances religieuses qu'il n'en accorderait à quelque autre opinion.

Ce premier chapitre se conclut sur ce mot savoureux de H.L. Mencken : « Nous devons respecter la religion de notre voisin, mais au même titre et dans la même mesure où nous devons respecter sa conviction que son épouse est fort belle et ses enfants brillants. » (page 27)
Contre le théisme

Les trois chapitres suivants (The God hypothesis -- L'hypothèse de dieu ; Arguments for god's existence -- Les arguments en faveur de l'existence de dieu ; Why there almost certainly is no god -- Pourquoi, presque certainement, il n'y a pas de dieu) lancent une charge en règle contre le théisme.

En ces pages qui n'auraient pas déplu à Prévert, on trouvera d'abord cette mémorable définition du dieu de l'Ancien Testament, « un des plus déplaisants personnages de toute la littérature de fiction, jaloux et fier de l'être, c'est une brute misogyne, homophobe, raciste, infanticide, génocidaire, nuisible, mégalomaniaque, sadomasochiste, capricieuse et malveillante. » (page 31)

Dawkins définit ensuite l'hypothèse de l'existence de dieu comme celle selon laquelle « il existe une intelligence surhumaine et surnaturelle qui a délibérément conçu et créé l'univers et tout ce qui s'y trouve, y compris nous » (page 31). Puis, il précise que son objectif sera de défendre l'hypothèse concurrente : « [...] toute intelligence créatrice, d'une complexité suffisante pour concevoir qui que ce soit, ne peut exister qu'au terme d'un long processus d'évolution graduelle. » (ibidem)

Résolument non-sectaire Dawkins s'en prend à toutes les versions de l'hypothèse-dieu. « Je n'attaque pas une version particulière de dieu ou des dieux, écrit-il. J'attaque dieu, tous les dieux, tout et n'importe quoi de surnaturel, quel qu'il soit et où qu'il soit, qu'il ait été mis de l'avant hier ou le sera demain » (page 36). Il passe donc en revue le polythéisme et le monothéisme avant d'aborder le déisme présumé des Pères fondateurs de la République américaine et de consacrer des pages fortes et riches d'idées nouvelles à la « pauvreté de l'agnosticisme ».

Il montre ici que s'il est légitime de suspendre son jugement dans tous ces cas où les faits et les arguments disponibles ne sont pas concluants, ce n'est pas le cas à propos de l'hypothèse-dieu. Son argumentation repose sur une distinction conceptuelle entre d'une part un agnosticisme provisoire, raisonnable, portant sur des propositions pour le moment indécidables mais que des faits et des arguments nouveaux pourraient permettre de trancher et, d'autre part, un agnosticisme permanent et de principe, portant cette fois sur des propositions que rien ni aucun fait ne pourrait jamais permettre de trancher.

On aura compris que Dawkins soutient que l'hypothèse- dieu relève de la première catégorie, qu'elle peut raisonnablement être tenue pour tranchée et que les agnostiques commettent l'erreur de la situer dans la deuxième catégorie. Cela a pour conséquence, sur le plan rhétorique, de demander aux incroyants de justifier leur incroyance, plutôt qu'aux croyants leur croyance : ce profond déplacement de nos discussions sur l'hypothèse-dieu est lourd de conséquences.

La métaphore de la théière, qu'il reprend à Bertrand Russell, est à ce sujet fort éclairante. Soit l'hypothèse d'une minuscule théière orbitant autour du soleil et invisible à nos meilleurs télescopes. Sa négation est peut-être logiquement impossible à démontrer, mais personne ne se dirait à ce propos « agnosticothéiéristique » et tout le monde se dira athéirériste. Sauf, bien sûr, s'il s'agit d'une théière dont parlent d'anciens livres, dont l'existence est rappelée en de solennelles cérémonies tenues tous les dimanches, déclarée sacrée, enseignée aux enfants dès le plus jeune âge, et ainsi de suite...

Dawkins aborde notamment ensuite l'hypothèse d'un Non Overlapping Magisteria (ou NOMA, due au regretté Stephen Jay Gould) et les expériences de prières présumées guérisseuses.

Le chapitre suivant est consacré aux prétendues « preuves » de l'existence de dieu, abordées une à une. Celles proposées par Thomas d'Aquin, d'abord ; puis l'argument ontologique et ses dérivés ; l'argument par la beauté du monde ; celui faisant appel à l'expérience personnelle ; l'invocation des Écritures ou des savants éminents ; le pari de Pascal. On le sait : les réfutations de tous ces arguments sont bien connues et au total, ce chapitre, bien que nécessaire dans un tel ouvrage, contient moins de matériel nouveau que les autres. Les pages dont le contenu apparaîtra sans doute moins connu à bien des lecteurs sont probablement les dernières du chapitre (pages 105-109), consacrées à un récent argument utilisant le théorème de probabilités conditionnelles de Bayes et mis de l'avant par Stephen Unwin.

Le dernier chapitre de cette section du livre explique pourquoi, presque certainement, il n'y a pas de dieu. C'est sans doute le chapitre le plus important, le plus riche et le plus complexe du livre. Dawkins, utilisant les ressources du darwinisme, retourne en fait ici contre ceux qui l'avancent en faveur de l'existence de dieu l'argument de l'hypercomplexité et partant, de l'improbabilité de la vie. Voici une paraphrase (d'une partie) de l'argument présenté par Dawkins.

Un immense et séculaire défi à l'intelligence humaine a été de rendre compte et d'expliquer l'apparition complexe et improbable de ce qui semble avoir été conçu.

Une réponse spontanée est d'invoquer un concepteur -- un horloger pour la montre -- et de poursuivre selon cette logique pour une aile, un oeil, une araignée, un être humain.

Mais c'est une erreur puisqu'il nous faut en ce cas rendre compte du concepteur : devant le problème de rendre compte d'une improbabilité statistique, n'allons pas, pour le résoudre, postuler du plus improbable encore! Il nous faut quelque mécanisme permettant de passer graduellement et de manière plausible de la simplicité à la complexité.

L'évolutionnisme darwinien est le plus ingénieux et puissant de ces mécanismes.[...]

Si cet argument est valable, dit Dawkins, alors la prémisse de l'hypothèse-dieu est indéfendable et dieu, presque (logique oblige) certainement, n'existe pas. En ce cas, la discussion doit donc à présent se porter sur la religion elle-même, en en particulier sur ses sources, sa nature, ses fonctions, ses éventuels mérites, sa prévalence dans l'espace et le temps ainsi que sur l'attitude rationnelle à adopter face à elle. C'est précisément ce vers quoi se tourne Dawkins dans la suite de son ouvrage.
Aux sources de la religion

« La vérité, en matière de religion, est tout simplement l'opinion qui a survécu. »

Oscar Wilde (cité par Dawkins, page 191)

Le cinquième chapitre porte sur les sources de la religion (The roots of religion). Une des questions centrales de ce chapitre est celle-ci : si la religion est quelque chose d'irrationnel et qui conduit à adopter des pratiques et des croyances délirantes et ruineuses pour les adeptes, comment expliquer sa large prévalence ? Ne faudrait-il pas penser que la sélection naturelle aurait dû, en toute logique, éliminer ces croyances ?

L'hypothèse de Dawkins, qui s'inspire entre autres ici des travaux du philosophe Daniel C. Dennett et de la psychologie évolutionniste, est essentiellement que les croyances religieuses sont un sous-produit de facultés qui ont évolué pour d'autres raisons, utiles celles- là, bien entendu. Les cerveaux des enfants, fait-il remarquer, sont programmés pour croire ce que leur disent leurs parents en particulier et les adultes en général. Cela leur permet d'accéder à un vaste répertoire d'informations utiles voire indispensables et d'y accéder sans avoir à eux-mêmes faire l'expérience de ce qu'ils apprennent. Inutile, donc, de se lancer du haut de la falaise pour découvrir qu'il ne faut pas le faire. Il y a un avantage évolutif évident à cela. Mais ce système a son revers, qui est qu'il peut favoriser la transmission d'informations qui n'ont d'autre vertu que d'appartenir à une certaine tradition. On aura compris que c'est selon Dawkins le cas des croyances religieuses. Dans ce chapitre, Dawkins a également recours, en des pages lumineuses, à la notion de mème dont on se souviendra qu'il est le créateur.

Le chapitre se ferme sur l'habile évocation de ces « cargo cults », qui sont comme on sait des cultes voués aux avions dans le Pacifique (en Mélanésie et Nouvelle-Guinée) donnés comme paradigme de la croyance religieuse, de sa naissance et de sa propagation.
Sur la moralité

« La religion est une insulte à la dignité humaine. Avec ou sans elle, on aurait de bonnes personnes se comportant bien et de mauvaises personnes se comportant mal. Mais la religion est nécessaire pour que de bonnes personnes se comportent mal. »

Steven Weinberg (cité par R. Dawkins, p. 249)

Les trois chapitres suivants se penchent d'abord sur la moralité et ses sources (The roots of morality : why are we good ?), puis sur le « livre saint » et les transformations de la moralité (The 'good' book and the changing moral Zeitgeist) avant de mettre en évidence ce qui est malsain dans la religion. (What is wrong with religion ? Why be so hostile ?).

Dawkins montre d'abord, avec une palpable délectation, que la conviction souvent réaffirmée des personnes croyantes que la moralité serait impossible sans dieu n'est non seulement jamais démontrée mais s'exprime souvent d'une manière bien peu morale et terriblement haineuse envers qui ne partage pas leur foi.

Toutefois, la partie la plus éclairante de ce chapitre est sans doute celle où Dawkins, dissipant équivoques et mécompréhensions entourant la notion de gène égoïste, montre la fécondité et la force de l'hypothèse de l'origine darwinienne de la moralité en invoquant d'une part un altruisme s'appliquant à nos proches (kin altruism), d'autre part un altruisme réciproque, familier à ceux qui connaissent les travaux de Robert Trivers et de Robert Axelrod. Il leur adjoint de stimulantes réflexions sur la notion de réputation (pages 218 et suivantes) envisagée d'un point de vue biologique.

Dawkins rappelle ensuite des travaux expérimentaux portant sur la moralité, travaux intéressants que je ne connaissais pas et qui ont été menés par le biologiste Marc Hauser, selon lesquels il n'y aurait aucune différence statistiquement significative entre athées et croyants dans les jugements moraux. Ce qui, rappelle Dawkins, est compatible avec l'idée que la religion n'est pas nécessaire pour agir moralement. On trouvera en outre dans ce chapitre une amusante référence à une grève des policiers de Montréal, en octobre 1969, qui montre, a contrario, que la religion n'est pas garante d'un agir moral.

Le chapitre 7 est essentiellement un attristant catalogue de pratique immorales tolérées ou prônées dans les Saintes Écritures (Ancien mais aussi Nouveau Testament) qui rappelle à quel point il est heureux -- et la remarque vaut aussi pour les croyants -- qu'on n'y cherche pas des règles d'action à suivre rigoureusement. Un passage de ce chapitre (pages 244 et suivantes) mérite d'être rapporté avec quelques détails et en donnera la tonalité. Le psychologue George Tamarin a présenté à plus d'un millier d'enfants israéliens âgés entre 8 et 14 ans l'histoire de la destruction de Jéricho telle qu'elle est contée dans le livre de Josué. On leur posa une seule question : « Pensez-vous que Josué et les Israélites ont agi correctement ou non ? » Trois réponses étaient proposées : A : J'approuve totalement ; B : j'approuve partiellement ; et C : Je désapprouve totalement. 66% des enfants optèrent pour A, 26 % pour C et un maigre 8 % pour B. Les justifications données pour A étaient, unanimement, religieuses.

Tamarin fit ensuite une malicieuse expérience de contrôle, donnant à 168 enfants israéliens le même texte où il s'était contenté de remplacer Josué par « Le Général Lin » et Israël par « le royaume de Chine, il y a 300 ans ». 7% des enfants approuvèrent le comportement du Général et 75 % le désapprouvèrent.

Étant bien conscient que la présente recension court le risque imminent de souffrir de gigantisme, je me limiterai à dire que le huitième chapitre (What is wrong with religion ? Why be so hostile ?) souligne les méfaits du fondamentalisme, montre son rôle dans la perpétuation de nombreux conflits politiques et, surtout, rappelle comment même les versions plus modérées de la « foi » contribuent à la création d'un milieu favorable à l'expression du fanatisme religieux.
Religion et maltraitance d'enfants

Le neuvième et avant-dernier chapitre porte sur l'enfance, les torts que la religion lui fait subir et les difficultés qu'ont à s'en libérer les adultes qu'on a endoctrinés durant cet âge de la vie (Childhood, abuse and the escape from religion). C'est à mon avis un des plus percutants et importants chapitres de ce livre ; il y a fort à parier que ce sera aussi un des plus controversés.

N'est-il pas inconcevable, demande Dawkins, que l'on désigne des enfants d'un nom qui est celui de la religion de leurs parents -- en parlant par exemple d'un petit musulman, d'un petit catholique et ainsi de suite ? Imaginerait-on pouvoir désigner les enfants comme étant des petits libéraux, des petits péquistes, des petits adéquistes ? De telles étiquettes sont pourtant utilisées, communes, admises dès lors que c'est de religion qu'il est question -- alors qu'on ne devrait décemment parler que d'enfants nés de parents catholiques, musulmans, etc. Ces étiquettes servent à isoler les enfants les uns des autres et surtout, dans les cas les plus extrêmes, à ériger autour d'eux un mur derrière lequel ils sont sans retenue endoctrinés, malheureuses victimes du hasard qui les a fait naître au sein d'une tradition religieuse. Comment qualifier par ailleurs, si ce n'est de maltraitance religieuse d'enfants, une éducation qui leur parle, inlassablement, d'enfer, de damnation éternelle, de dépravation ? Dawkins est particulièrement touchant quand il aborde ces graves questions.

Le chapitre s'ouvre (pages 311-315) sur l'histoire d'Edgardo Mortara, un enfant juif qui a vécu en Italie au XIXe siècle. Le petit Edgardo ayant été baptisé en secret par la nurse (catholique) de la famille, l'Église, par l'intermédiaire des gardes pontificaux, viendra s'emparer de l'enfant, l'enlevant à ses parents qui ne le reverront jamais : un enfant baptisé ne pouvait en effet être élevé par des Juifs! L'histoire de cet enfant, hélas, n'est en rien exceptionnelle et s'est répétée un grand nombre de fois à cette époque. Elle met en évidence certains des thèmes que Dawkins va traiter dans les pages qui suivent. Par exemple, comment admettre qu'il suffit qu'une personne quelconque, n'importe qui, asperge d'un peu d'eau un enfant qui n'a aucune conscience de la véritable signification de ce geste pour qu'un rite ayant de si lourdes conséquences pour lui soit tenu pour avoir été légitimement accompli? Par ailleurs, depuis les prêtres, jusqu'au Pape en passant par les cardinaux, tout ce beau monde était persuadé d'agir pour le bien de l'enfant puisqu'ils assuraient son salut en l'introduisant dans la vraie religion : mais, mortelle blessure, ils le séparaient pour cela de ses parents. Quant à ces parents, les méfaits de la croyance religieuse se mesurent en constatant qu'il leur aurait suffi de consentir à être aspergés d'un peu d'eau pour revoir leur enfant : ce qu'ils n'ont pas fait.

L'idée qu'on peut faire changer de religion un enfant ignorant et qui ne comprend rien à ces choses par un simple rite comme celui-là est absurde, conclut Dawkins ; mais elle ne l'est pas plus que l'idée, préalable, qu'un enfant puisse appartenir à une religion en particulier. C'est donc à elle que Dawkins s'en prend.
Persistance de la religion et promotion de l'athéisme

Le dixième et dernier chapitre est intitulé A much needed gap (Une indispensable brèche). Dawkins y distingue quatre fonctions accomplies par la religion : explication ; exhortation ; consolation et inspiration. Son livre montre bien à quel point, aujourd'hui encore plus qu'hier compte tenu de l'avènement de la science, la première de ces fonctions est accomplie de manière très insatisfaisante par la religion. On a également, après la lecture du livre de Dawkins, toutes les raisons de convenir d'une part que la religion accomplit un bien mauvais travail en matière d'exhortation à la moralité, d'autre part que les perspectives ouvertes par la science contemporaine (essentiellement la biologie) pour expliquer l'origine de la moralité (et, donc, également, à tout le moins en partie, celle de la religion) sont fort prometteuses.

Mais, tout en convenant de tout cela, il nous faut admettre que bien des gens cherchent et trouvent, dans la religion, de la consolation et de l'inspiration. Dawkins aborde directement ces thèmes. Son argumentation, pour l'essentiel, est ici encore de soutenir que ces mêmes fonctions pourraient être accomplies par d'autres moyens.

Toutefois, il n'est sans doute pas raisonnable de penser que d'ici peu la plupart des gens tireront, comme Dawkins, consolation et inspiration de la contemplation de la nature. Et nonobstant ces belles pages qu'il consacre aux perspectives d'émerveillement qu'ouvrent les découvertes de la science contemporaine, il y a fort à parier qu'elles pèsent pour la plupart des gens de bien peu de poids face aux promesses de la religion. C'est une des faiblesses de ce livre. L'autre, plus grave encore, est une évacuation du politique et de la problématique de l'aménagement de l'espace public dans une société pluraliste.

En attendant, comment se délester de la religion ? Dawkins propose essentiellement deux voies. La première consisterait à repenser l'éducation des enfants et les modalités de transmission de la tradition religieuse. La deuxième concerne l'organisation des athées en mouvements et le développement de leur activisme. On ne peut que souscrire aux deux volets de ce programme, même si leur formulation plus explicite ne pourra éviter d'en venir à confronter les questions politiques que le livre occulte.

DAWKINS, Richard, The God Delusion, Houghton Mifflin, New York, 2006, 416 pages.