[Suite des notes de lectures/commentaire sur le livre de Paulos]
1. Dans son deuxième chapitre, Paulos commence par expliquer le concept d'axiomatique. Il construit ensuite un petit système pour illustrer ce concept puis distingue entre une axiomatique d'une part et ses possibles réalisations de l'autre (ses modèles, je dirais; soit l'axiomatique de Peano; 0, 1, 2, ... en sont un modèle (c'est celui auquel on pense spontanément); mais si j'interprète '0' comme, disons, '100", et 'successeur' comme 'prochain nombre pair',j'ai une nouvelle interprétation, un nouveau modèle possible de l'axiomatique, i.e.: 100, 102, 104, ...)
2. Il distingue aussi entre langage et métalangage.
3. Arrive alors un idée neuve (pour moi du moins) et que je trouve brillante. Une blague peut (parfois) être pensée comme proposant une axiomatique à laquelle, contrairement à ce que nous pensons d,abord, un modèle inattendu est fourni. Exemple de Paulos. Qu'est-ce qui est dur et sec avant d'entrer et mou et mouillé quand ça ressort? Réponse: Une gomme à mâcher.
4.L'incongruité naît de ce que deux manières d'interpréter, de voir, de comprendre des données sont simultanément saisies. Plus formellement: la bague demande: Dans quel modèle les axiomes X, Y et Z sont-ils vrais? Réponse spontanée: Dans N. Le demandeur répond: Non! Dans M! [ La bonne blague laissée ici même hier par un lecteur (Zerg) pourrait être analysée de la sorte: elle change l'interprétation du concept d'enclos. La voici, contée par Zerg: Une éleveuse de moutons désire construire un nouvel enclos d'au moins 2500 m², en utilisant au maximum 200 m de clôture. Elle appelle les propositions d'un architecte, d'un ingénieur et d'un mathématicien pour la conception. Après un certain temps, elle reçoit les propositions. L'architecte propose un carré de 50m par 50m de manière à intégrer l'enclot sur une partie du terrain rectangulaire, en utilisant les 200 m de clôture. L'ingénieur propose un cercle de 28,21m de rayon afin d'obtenir le meilleur ratio entre le périmètre et l'aire, et obtient une longueur de clôture de 177,25m. Le mathématicien propose une solution extravagante, soit un enclot circulaire de 2 m², utilisant 5 m de clôture. L'éleveuse, avant de jeter la proposition du mathématicien qu'elle considère farfelue et hors propos, succombe à la curiosité de lui téléphoner. Le mathématicien lui répond qu'à supposer qu'elle ait besoin de 2 m² pour se tenir debout, une clôture autour d'elle confinerait ses moutons dans un enclot d'une aire d'environ 150 Mm², soit la superficie des terres émergées de la planète.]
5. Les énigmes reposent parfois sur ce modèle. I.e.: Qu'est ce qui est blanc, qui monte et descend? etc...
6. En ce sens, comprendre une blague c'est jouer sur plusieurs interprétations et en un sens passer du langage au métalangage.Les personnes incapables de le faire manquent d'humour. Par exemple, le fonctionnaire qui applique aveuglément la règle. Leur manque d'humou,r qui est de la rigidité, est parfois drôle, bien malgré eux.
7.Paulos revient ensuite sur les Géométries Non Euclidiennes (GNE). Leur création, suggère-t-il, qui demandait une nouvelle interprétation du 5è postulat d'Euclide, peut être vue comme une sorte de blague mathématique. Et Kant, qui ne concevait l'espace qu'Euclidien, n'avait pas le sens de l'humour! (Audacieux!!! Mais amusant.)
Et le chapitre n'est même pas fini!
À suivre, donc....
mardi, février 10, 2009
HUMOUR ET MATHÉMATIQUES SELON PAULOS -2
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2 commentaires:
Bonjour M. Baillargeon,
Les réflexions que vous tirez du livre de Paulos (que je n'ai pas lu) me rappellent cette phrase d'Henri Bergson (je cite de mémoire) : "L'humour est de la mécanique plaquée sur du vivant." Peut-on assimiler les mathématiques à une forme de mécanique ?
Cela me rappelle aussi certains économistes qui utilisent les mathématiques de manière frauduleuse, obscurcissant leur discours pour le faire passer pour profond et le revêtir de l'aura d'une science "exacte". Un des pratiquants les plus éhontés de ce genre de techniques était l'économiste Gérard Debreu (1921-2004), qui prétendait avoir découvert les "lois mathématiques" de l'organisation de l'économie (cf. l'article de Claude Julien dans "Le Monde Diplomatique" de novembre 1984 ; le texte n'est malheureusement pas disponible sur Internet).
Peut-on comparer cet usage (involontairement drôle) des mathématiques à celui du latin des "médecins" des comédies de Molière ? ("Clysterium donare, Postea seignare, Ensuitta purgare", "Le Malade imaginaire", acte III scène XIV.)
@hnk:En effet, bien vu: Paulos évoque bien cette idée de Bergson. Il suggère que ces gens incapables de sortir de leur axiomatique et qui sont pour cela drôles sans le vouloir, le sont au sens de Bergson, en ce qu'ils se comportent comme des automates. Il évoque aussi Bergson plus loin dans le même chapitre (2) à propos du phénomène de l'itération —j,y reviendrai.
Je suis de ceux qui sont persuadés qu'en certains travaux d'économistes, il y a bien un phénomène de complexification artificielle qui est en jeu. Michael Albert a écrit un beau texte là-dessus, qui doit se trouver sur ZNet.
La comparaison avec les médecins de Molière est très amusante.
Normand B.
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