L’Amérique du Sud, qui a si longtemps eu les veines ouvertes, panse en ce moment ses plaies et s’émancipe petit à petit du FMI, du «consensus de Washington», des «Chicago Boys» et de cette «doctrine Monroe» qui voulait que le sous-continent soit le terrain de jeu exclusif des États-Unis.
C’est la «segunda independencia» : les pays d’Amérique du Sud coopèrent entre eux comme jamais auparavant, cherchent ensemble à affronter les nombreux problèmes internes que connaît la région et à promouvoir un développement indépendant des grandes puissances.
Le dernier épisode dans ce long parcours vers l’autonomie et la liberté s’est joué le 25 janvier dernier, en Bolivie, alors que le «Oui» l’a emporté (avec 62% des voix) lors du référendum sur la nouvelle constitution, faisant mentir certaines pessimistes prédictions.
Flash-back.
En 2005, les pauvres et les Indiens de Bolivie ont porté au pouvoir un des leurs, Evo Morales. Le 10 août 2008, un référendum révocatoire a confirmé avec éclat l’appui que lui et le Movimiento al Socialismo reçoivent du peuple bolivien.
L’extrême-droite et les groupes de régions dites «autonomistes» se sont alors déchaînés. Sabotage d’un gazoduc, saccage d’institutions publiques, attaques contre des radios communautaires, contre des organisations de défense des droits humains, agressions contre des personnes, utilisation de milices et de groupes armés, violences de toutes sortes. L’ambassadeur américain entretenait des liens avec certains de ces groupes. Morales réagit en … l’expulsant! Comment on dit «Rentre chez toi et je t’emmerde», en espagnol? On jubile.
Et on jubile d’autant que malgré les autonomistes et les autres opposants, malgré leurs manigances et leur propagande, la constitution a été adoptée.
Elle est le fruit d’un long parcours, ponctué de nombreux compromis et qui laisse le pays divisé — entre villes et campagne, Est et Ouest, régions autonomistes et andines, gauche moraliste et gauche guévariste. Mais ce document imparfait a des mérites indéniables: il donne plus de place aux communautés indigènes, à ces «originarios» si longtemps marginalisés, il accroît la participation de l’État dans l’économie et notamment dans les secteurs clés du gaz naturel et du pétrole, consacre la séparation de l’Église et de l’État et redistribue certaines terres non productives — sans cependant, c’est tristement vrai, vraiment s’attaquer au fait que les terres productives sont possédées par une poignée de familles.
Il marque néanmoins une vraie victoire. Le soir où elle a été remportée, une grande fête s’est tenue sur la Plaza Murillo, à la Paz. J’aurais bien aimé être là, avec les compañeros et les compañeras : c’est que c’est aussi beau que c’est rare, un peuple qui relève la tête et qui se tient debout.
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3 commentaires:
Bonjour,
En France, on parle beaucoup (et ce au moins depuis le coup d'état de Pinochet en 1973) du mal (réel) que les Etats-Unis ont fait et continuent de faire à l'Amérique centrale et du Sud.
Mais, évidemment, pendant ce temps-là, on ne parle pas des atrocités similaires commises par la France, aussi bien dans ses anciennes colonies d'Afrique devenues censément indépendantes, que dans les colonies, que, presque seule au monde, elle continue de posséder en tant que telles à l'heure qu'il est (Guadeloupe, Martinique, Réunion, Guyane, Polynésie, Saint-Pierre-et-Miquelon, la liste est longue et excède ma mémoire).
Au-delà de l'hypocrisie consubstantielle à ce qui tient lieu de débat public en France, et de la bonne conscience facile que les Français se donnent aux dépens des Etats-Unis, il y a là une leçon intéressante pour tout les Québécois qui souhaitent l'indépendance du Québec, et, de ce fait, regrettent implicitement l'époque où leur pays était une colonie. (Attention : expérience de pensée devant.) Ne se rendent-ils pas compte que si le Canada était resté français en 1763, ils ne seraient pas mieux traités aujourd'hui par Paris que les Sénégalais, les Gabonais, les Camerounais ou les Martiniquais aujourd'hui ?
Ce qui se passe aujourd'hui dans des pays tels que la Bolivie, le Vénézuéla ou l'Equateur est tout simplement impensable au Gabon, au Cameroun, en Martinique ou à la Réunion. Mais il est vrai qu'il est tellement plus confortable de s'attarder sur les crimes des autres que sur les siens propres. Pauvre Afrique, qui n'a pas bien su choisir ses persécuteurs.
@hnk:
Pour les cas des colonies que la France a en Amérique et dans le Pacifique, oui il y a matière à débattre sur la possibilité pour leur indépendance, mais Saint-Pierre-et-Miquelon, franchement, deux cailloux dans l'Atlantique Nord qui ne devraient plus être habités. Sincèrement, verriez-vous ces "rochers" devenir un pays indépendant. Le mieux serait de déménager ce beau monde en France ou leur laisser le choix de venir s'installer au Québec et céder ces îles au Canada ou directement à Terre-Neuve, si toutefois un des deux pallier de gouvernement les veux.
@hnk et Michel. Intéressant échange dont je ne me mêlerai que pour raconter que je suis un peu africain. J'ai passé au Cameroun et au Sénégal toute mon enfance et ça m'a beaucoup marqué. Normand
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