mercredi, février 11, 2009

LE CLUB DE HOCKEY LES CANADIENS FAIT DE LA PÉDAGOGIE: MERCI AU MELS

Il n'y a pas de Ministère de l'Instruction Publique, au Québec; il n'y a même plus de Ministère de l'Éducation: il y a un MELS, c'est-à-dire un Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport .

Si, si. À preuve: pour fêter les 100 ans du Club de Hockey Canadiens, le MELS a donné à ce dernier $ 250 000 pour produire du matériel pédagogique autour des ... Canadiens (ici).

On débat en ce moment sur la légitimité de ce geste. On se demande pourquoi. Il est en tous points conforme à la manière dont fonctionne notre économie : financement public des tyrannies (pardon: de corporations) privées, le public devant essuyer les pertes éventuelles, le privé empochant de son côté les éventuels profits et exigeant ensuite (pardon: demandant) des déductions fiscales.

On s'interroge aussi gravement, en ce moment, pour savoir s'il s'agit de publicité déguisée. Je réponds oui; mais les autorités compétentes verront peut-être la chose autrement — et je verrai alors autrement leur compétence.

Quoiqu'il en soit, on devrait surtout se désoler pour l'enseignant(e) qui aurait besoin du type d'aide que pourra apporter un tel site Internet pour monter une leçon ou un exercice qui mette en jeu le hockey ou le Canadien — et notez qu'à titre de co-auteur d'un livre (non subventionné!) sur le hockey et la philo, je sais et je reconnais que cela peut être amusant et utile.

Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'un critère pédagogique de sélection d'un objet de curriculum du primaire (ou d'un objet servant d'«attracteur» dans un tel enseignement) devrait être l'ambition de sortir les enfants de l'ici et maintenant où ils sont confinés (surtout les plus pauvres d'entre eux) pour les emmener ailleurs, vers ce que l'humanité a dit et pensé de mieux, comme le veut la célèbre formule.

Quoiqu'il en soit, j'ai été jeter un oeil au site, section parents.

On y trouve des exercices.

J'ai été là deux minutes, à tout casser, à regarder les exercices de maths.

Le cinquième (ou sixième) proposé est:

Question:

Trouve le nombre masqué dans la phrase mathématique suivante : (4 x ? = 2) + (6 x 3)

Réponse:

6
5
8

Outre l'étrange «phrase mathématique» (on cause comme ça, maintenant? rassurez-moi...), outre que le hockey ne joue aucun rôle ni n'a aucune place dans cet exercice (pourquoi a-t-on payé, déjà?) , il y a ici une faute manifeste. Il faut en effet lire: (4 X ?) = 2 + (6 X 3); et la réponse est 5.

Cela a coûté $250 000, je vous le rappelle — au cas où vous l'auriez oublié.

Je proposerais à présent les exercices suivants:

À supposer qu'on les paie $25, combien de dictionnaires aurait-on pu acheter avec $250 000?

À supposer qu'on les paie $35, combien de dictionnaires aurait-on pu acheter avec $250 000?

À supposer qu'on les paie $40, combien de dictionnaires aurait-on pu acheter avec $250 000?

Etc.

En passant: l'aventure de Médiane se termine, après trois ans de travail bénévole et acharné de toute une équipe à produire, sans but lucratif, une revue de philo de qualité.

Sans aide financière du MELS, bien entendu: mais cela va sans dire.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Une petite légende urbaine (dont je ne garantis pas l'authenticité):

Dans les années 1960, André Malraux, le tout premier ministre de la culture que la France ait eu, participait à une soirée de gala à l'ambassade du Canada à Paris.

La femme d'un ministre du gouvernement du Québec lui demanda : "Et vous, Monsieur Malraux, de quoi êtes-vous ministre ?" - "De la culture, Madame." - "Nous ne parlons vraiment pas le même français que vous : chez nous, on aurait dit ministre de l'agriculture."

Normand Baillargeon a dit…

@ -;)

Anonyme a dit…

Votre première phrase en dit long.

Mais un quart de million pour une entreprise privée qui en vaut près de 400, ça donne la nausée. Leurs joueurs sont sans éducation, tous multimillionnaires et le patron est américain. Et que dire de Bell qui y gagne aussi?

Vivement le Conference Board et la réforme des cancres!

Normand Baillargeon a dit…

@Paul: Je pense qu'on n'a pas fini d'en voir de semblables. Aujourd'hui même, dans les milieu des penseurs de l'éducation que je fréquente pour mon malheur, certains assuraient que je m'énerve pour rien et qu'il faudrait en fait multiplier ces belles initiatives: demander à la Caisse Pop d'enseigner l'économie, etc. Il y a quelques années, une Banque avait d'ailleurs fait fureur au Québec avec un jeu distribué dans les écoles et appelé Petit magot deviendra gros.On pourrait demander à l'armée canadienne d'enseigner la paix, tant qu'à y être...

On est bien malheureux en éducation si tout ce qu'on a à offrir c'est du savoir...

Normand B.

Anonyme a dit…

@Normand B.

Pourquoi est-ce que vous continuez à travailler dans ce milieu si tous vos collègues sont aveugles à ce point?

Et d'après ce que j'ai pu comprendre, sans prendre leur défense, ils y verraient un moyen concret pour combattre le décrochage alors que vous vous n'avez rien proposer qui pourrait faire vraiment contre poids. C'est bien de parler de réinvestissement dans l'Éducation, mais il ne faut pas oublier que se n'est pas la priorité du gouvernement (sinon pourquoi Michèle Courchêne est encore ministre) et que se sont les fonctionnaires qui font la pluie et le beau temps au ministère.

Parfois, la Raison n'est pas assez pour faire valoir et accepter son point de vue. En fait, je suggérais même que vous tentiez d'imposer votre point de vue, quitte à marcher sur certains de vos principes. Pour citer le roman "Le Printemps russe": "Il faut savoir faire les sacrifices qu'il faut pour marcher sur l'eau." Et vous, jusqu'où êtes-vous prêt à aller?

Normand Baillargeon a dit…

@ anonyme. Je peux vous assurer en avoir fait des proposition et avoir payé pas mal cher le fait de dire ce que j'avais à dire. Je reste là pour les étudiants, auprès desquels je pe3nse être utile. Mais il y a aussi des compromis que je me refuse à faire — pour cela aussi je paie le prix.

Normand B.

Normand Baillargeon a dit…

oups... des propositionS.
J'ai oublié de dire que le vent semble tourner, en ce moment.

Normand B.