Je participe à un autre livre sur la réforme de l'éducation, celui-là dirigé par mon collègue Marc Chevrier. J'y propose des leçons à tirer de l'expérience de cette réforme. Sans pouvoir publier ce texte ici, je pense que les intitulés de «leçons» est assez clair pour faire entendre mon propos.
Les voici donc, après quelques mots de l'introduction de mon texte.
***
Qu’on l’appelle «réforme de l’éducation» ou «renouveau pédagogique», une opération de substantielle transformation de l’éducation est menée au Québec depuis 10 ans — depuis le 8 juin 1999, plus précisément, ce qui est la date officielle de son lancement.
Cette opération, qui a mobilisé des ressources financières et humaines considérables, a suscité de vives controverses dans l’opinion publique et elle a profondément divisé le milieu de l’éducation.
Il n’est plus excessif de le soutenir : l’opération n’a pas tenu les promesses que ses enthousiastes promoteurs faisaient miroiter. L’heure est, désormais, d’une part aux bilans précis et rigoureux des effets de la réforme, qui doivent absolument être établis, d’autre part au choix que nous devons faire entre les deux options qui s’ouvrent aujourd’hui à nous, à savoir soit de réformer la réforme en lui apportant des correctifs (dont on peut sans risque affirmer qu’ils seront importants), soit d’y mettre un terme.[...] Je souhaite plutôt adopter ici un point de vue prospectif et, je l’espère, constructif, en identifiant les principales leçons qu’à mon sens nous devrions collectivement tirer de la douloureuse expérience des dix dernières années. Ces leçons devraient inspirer les réformateurs à venir.
J’en propose douze, commodément regroupées en quatre catégories dont je suis bien conscient qu’elles ne sont pas complètement étanches.
I. Des leçons scientifiques et épistémologiques
1.L’exigence de plausibilité scientifique de ce qui est mis de l’avant
2. L’adoption d’un principe de «précaution pédagogique
II. Des leçons politiques
3. Favoriser la transparence démocratique
4. La réaffirmation du statut de l’école
5. L’imputabilité des réformateurs
6. La liberté d’expression des dissidents
III. Des leçons idéologiques
7. La distinction entre progressisme politique et progressisme pédagogique
8. La méfiance envers des slogans
IV. Des leçons professionnelles
9. Le renforcement de la formation des maîtres
10. Le respect de l’autonomie des enseignantes et enseignants
11. La modestie des ambitions
12. La proportionnalité des exigences et des moyens de les satisfaire
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26 commentaires:
Ça me semble prometteur. Les thèmes sont très pertinents. J'ai hâte de lire où ils nous mèneront.
@Frédéric: Merci!
Normand
« Je participe à un autre livre sur la réforme de l'éducation [...] »
Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous rappeler quel était l'autre livre sur la réforme de l'éducation auquel vous avez participé?
@mymyk: Il s'agit de: Contre la réforme pédagogique / sous la direction de Robert Comeau et Josiane Lavallée, VLB, 2008 .
J'ai moi aussi sorti un Contre la réforme. La dérive idéologique du système d'éducation québécois, PUM, 2009. Il devrait être en librairie bientôt.
Je ne sais pas quel titre le collectif de Chevrier aura: espérosn qeu ce ne sera pas Contre la réforme de de l'éducation! :-)
Normand B.
J'ai également hâte de lire vos propos, notamment pour voir comment vous conciliez vos points 5 et 6 qui peuvent facilement entrer en conflit.
Bonjour, David. En quel sens, stp?
Normand
Bonjour,
Quoi qu'il en soit, j'espère qu'on saura redresser les ponts avec le passé. Le fameux changement de paradigme indtroduisait un brisure radicale avec tout ce qu'on savait de l'homme et de son éducation.
Enfin, il s'agit de savoir ce que représente maintenant l'éducation pour notre société. Et ce n'est pas nécessairement le milieu de l'éducation qui détient la réponse.
Même chose pour ce qui est du décrochage...
Bon succès,
Paul C.
Et bien disons que des "réformateurs" (notion à clarifier) tentent d'implanter une réforme (adoptée et entérinée par des gouvernements successifs, démocratiquement élus) et que, ce faisant, des "dissidents" font entendre leur voix dans le but très explicite de boycotter ou d'empêcher, par tous les moyens et pour toutes les raisons possibles, l'implantation de cette dite réforme, les dits « réformateurs » peuvent-ils être jugés « imputables » des résultats (bons ou mauvais) de cette réforme?
Dans une logique purement top-down, il me semble que l’imputabilité attendue des « réformateurs » est inversement proportionnelle au niveau de « dissidence » qui est toléré dans le système.
Mais voilà, le système éducatif québécois, comme la plupart des systèmes éducatifs de tradition anglo-saxonne, est loin de suivre une logique purement « top-down », le « loose-coupling » y étant, plus souvent qu’autrement, roi et maître. Et c’est pourquoi, j'espère que vous clarifiez dans votre texte qui sont les "réformateurs imputables" dans le système québécois. En effet, celui-ci demeure, malgré les resserrements marqués des dernières années, relativement décentralisé. Est-ce l’Assemblée nationale qui vote les lois? Est-ce le gouvernement qui propose et poursuit des politiques, décrète les règlements et distribue la part du lion des ressources? Sont-ce les fonctionnaires du MELS, qui appuient le gouvernement dans le développement de ses politiques et voient à leur mise en œuvre? Sont-ce les commissaires élus et les « fonctionnaires » des commissions scolaires qui doivent voir à l’organisation, sur leur territoire, des services éducatifs prévus dans ces politiques. Sont-ce les conseils d’établissement et les directions qui dirigent les écoles? Sont-ce les enseignants qui, dans le cadre de leur travail, sont tenus de dispenser le « programme » national?
Une fois cela clarifié, de quelle « imputabilité » est-il question ici ? En est-ce une de résultats ou de moyens? Les deux? Cette imputabilité doit-elle être la même à tous les échelons pour tous les acteurs?
Bref, voilà quelques-unes de mes interrogations vis-à-vis certaines de vos pistes et c’est pourquoi j’ai bien hâte de vous lire afin de pouvoir mieux apprécier votre réflexion et, le cas échéant, la critiquer de manière plus éclairée!
@David : Grandes questions. Je maintiens le principe, mais ne me risquerai pas à aller plus loin. Le fait est cependant que cette réforme été un détournement des États Généraux, a rendu très difficile toute formulation d'objections à son endroit et semble aujourd'hui n,être la responsabilité de personne: c'est cela qu'il faut corriger.
Normand
@Paul: Merci de ces commentaires.
Normand
J'ai très hâte de lire ce livre. En tant que directeur d'école au Nunavik, je vois que notre commission scolaire commence à « importer » cette réforme et je m'interroge aussi sur cette décision. Disons que vous avez éveillé beaucoup de curiosité dans mon esprit.
@lebarbareerudit : En attendant, si vous le voulez, je peux vous poster une copie de mon Contre la réforme à Nunavik (ça fait rêver, ce nom.)
Normand
@lebarbareerudit : P.S. Vous pouvez m'écrire privément poir m'indiquer votre adresse si ma proposition vous intéresse: baillargeon.normand@uqma.ca
N.
Oui, M. Baillargeon, j'apprécierais beaucoup. Comment voulez-vous procéder pour la suite des choses?
Nelson Lamoureux
@M. Lamoureux: Indiquez-moi,en écrivant à mon adresse de courriel indiquée plus haut, votre adresse postale et je vous envoie le livre gracieusement .
Normand
OUPSSSS: c'est :baillargeon.normand@uqam.ca
(plus haut, j'ai mis UQMA)
Désolé...
N.
M. Baillargeon: j'ai bien hâte de vous lire. Votre billet annonce des choses intéressantes.
M. D'Arrisso: j'ai bien rigolé en lisant votre commentaires parce qu'il y a quatre ans, j'ai parié avec des amis qu'on finirait par blâmer les dissidents pour les ratés de la réforme. Grâce à vous, je gagne un repas au resto. Merci!
Quand on propose le changement, on doit faire la preuve que celui-ci est nécessaire et profitable. Ce fardeau de la preuve, les réformateurs n'ont jamais voulu le relever. On a imposé une réforme à grands coups d'autorité et de bondieuseries.
À cet égard, quand on veut instaurer un changement de cet ampleur, on doit être convaincant et s'assurer des gens concernés le suivront. Or, nos bons vieux pédagogues n'ont pas su «éduquer» les enseignants, ils n'ont pas su leur démontrer l'efficacité de celle-ci. Ils ne les ont aussi pas pris là ou ils étaient pour les amener plus loin comme il aurait convenu. On les a garrochés cul par-dessus tête dans un nouveau paradigme de l'enseignement.
Bref, quand on met de l'avant un projet du genre, on apprend à gérer la dissidence ou bien - cela est moins démocratique - on fait une purge!
L'efficacité aurait également demandé de plus petits pas, des pas plus prudents.
Par ailleurs, ce ne sont pas les dissidents qui sont responsables des bourdes en évaluation (qui se rappelle des bulletins avec des bonhommes sourire?), des retards dans l'élaboration des programmes et du matériel pédagogique. Et j'en passe, croyez-moi!
Enfin, quand on procède à une réforme de la sorte, on s'assure d'en avoir les moyens. Ce ne fut pas le cas.
Quand je pense à tous ces efforts et cet argent gaspillés alors que le décrochage scolaire (motif pour l'implantation de la réforme) n'a pas bougé d'iota...
Oui, il y a des gens qui doivent être pointés du doigt et très clairement. On va de réforme en réforme depuis des années en éducation. Celle-ci sont parfois pilotées par les mêmes haut fonctionnaires et des ministres qui nous promettent chaque fois des miracles.
On ne parle pas de routes à paver: on parle de jeunes qu'on scrappe allégrement à coups de fumisterie pédagogique.
Bonjour, Prof Masqué. Je pense que nous nous trouverons d,accord sur bien des points.
Normand
M. Baillargeon: je n'en doutaius pas.
Statistique Canada a publié ce matin une étude sur le rendement scolaire des jeunes de 9 ans (Les enfants canadiens de neuf ans à l'école ) et sur les facteurs qui influence ce rendement. Le résumé est à http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/090925/dq090925a-fra.htm et le document complet à http://www.statcan.gc.ca/pub/89-599-m/89-599-m2009006-fra.pdf . À la page 65 de ce document, on peut voir que le résultat moyen en mathématiques des jeunes Canadiens de 9 ans qui sont en 4ème année fut de 372,7 et celui des jeunes Québécois de 391,1 (résultat significativement supérieur à la moyenne). Il s'agit d'un autre élément (non concluant, bien sûr) à considérer dans l'analyse des leçons à tirer de la réforme.
@Frédéric. Vous avez raison et il faudra aller y voir attentivement. Je crois me souvenir d'une enquête dont les résultats québécois étaient bons, mais il semble qu'il y avait eu présélection des élèves québécois, ce qui faussait le résultat.
Normand
Une question: ce résultat concerne quelle année? Est-il en hause ou en baisse?
Par ailleurs, à moins que je ne me trompe, les Québécois ont toujours été forts en maths et en sciences, je crois.
@ Normand
«mais il semble qu'il y avait eu présélection des élèves québécois »
Je n'ai pas fini de lire l'étude, mais Statcan est généralement impeccable dans les méthodes qu'il utilise.
@ PM
«Une question: ce résultat concerne quelle année? Est-il en hause ou en baisse? »
L'étude parle de 2006-2007. Il s'agit d'une étude qui vise surtout à établir l'impact de certains facteurs sur les résultat : scolarité des parents, préparation pré-scolaire, implication des parents, revenus, etc. Comme c'est une première, on ne peut pas faire de comparaison.
«Par ailleurs, à moins que je ne me trompe, les Québécois ont toujours été forts en maths et en sciences, je crois. »
Tout à fait exact, sauf dans un cas (PIRS, je crois), au début de la réforme. Les résultats de l'étude qui a suivi ont été meilleurs que la moyenne canadienne, mais un peu moins que les résultats avant la réforme. Les problèmes seraient plus grand en langue, mais c'est difficile à comparer les résultats des anglophones et des francophones à un jeune âge, en raison des difficultés plus grandes de la langue française. Il faut dans ce cas se reposer davantage sur des études internationales. De mémoire, il y en a eu une, et les résultats des jeunes Québécois étaient moins bons qu'avant la réforme, mais toujours meilleurs que ceux des jeunes Belges et des jeunes Français.
@Frederic. Je ne parlais pas de cette étude en particulier, que je n'ai pas lue.(et il est exact que Statcan est généralement irréprochable côté métho). Je voulais juste dire qu'il faut y regarder de près.
Normand
@ Normand
«Je ne parlais pas de cette étude en particulier, que je n'ai pas lue»
J'avais bien compris. Je voulais seulement préciser que cette dernière étude me semblait fiable. Et encore là, j'ai aussi ajouté qu'une seule étude n'est pas concluante, que c'est simplement un autre élément dont il faut tenir compte dans l'analyse de l'impact de la réforme.
@Frederic: Nous sommes donc exactement au même endroit, ce dont je ne doutais pas.
Cordialement,
N.
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