Affichage des articles dont le libellé est À bâbord. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est À bâbord. Afficher tous les articles

mardi, mars 16, 2010

JEUX DE LEWIS CARROLL

[Pour le numéro d'été de la revue À Bâbord.Réponses dans la revue.]

Le film Alice au pays des merveilles va sans doute contribuer à faire connaître Lewis Carroll à une nouvelle génération. Mais bien des gens ignorent encore que Carroll s’appelait en fait Charles Lutwidge Dodgson (1832-1898), qu’il était révérend et qu’il enseignait les mathématiques à Christ Church College, à Oxford.

Outre ses écrits pour enfants, Dodgson laisse d’ailleurs bien des articles et des ouvrages de mathématiques, discipline à laquelle il faut cependant dire qu’il n’aura pas contribué autant qu’à la littérature.

Mais on ne se refait pas et dans ses écrits mathématiques, Carroll a souvent mis de cette fantaisie qu’on trouve dans ses écrits pour enfants; inversement, dans ceux-ci, il lui arrive de mettre des mathématiques ludiques.

Le premier jeu mathématique qu’il vous propose provient justement d’un livre pour enfants : La chasse au Snark.

1. Compter jusqu’à 3

Dans ce livre, un Castor est convaincu qu’une chose qu’il dira trois fois sera pour cette seule raison automatiquement vraie. C’est bien joli, mais encore faut-il savoir compter jusqu’à 3! Et le malheureux castor n’y arrive pas. Fort heureusement, un Boucher va le lui apprendre, mais de curieuse manière. Il procède comme ceci:


Posons trois — un chiffre des plus commodes à poser
C’est l’objet sur lequel nous devons raisonner
Nous lui ajoutons sept. Puis dix. Le résultat
Nous le multiplions par mille moins huit. Voilà.

Comme on peut voir, nous divisons ensuite le tout
Par neuf cent quatre-vingt-douze, très exactement
Nous soustrayons ensuite dix-sept de ce tout
Et la réponse est bonne, très parfaitement


Comment le Boucher s’y prend-il pour à tout coup retrouver 3?

2. Les doublets

Carroll était si friand de jeux et d’énigmes qu’il en composa de nombreux, réunis dans deux ouvrages.

L’un de ces jeux, célèbre, est appelé les Doublets de Carroll.

On vous demande de partir d’un mot de X lettres et d’aboutir, en ne changeant à chaque fois qu’une seule lettre (ce changement générant un nouveau mot) à un autre mot donné au début du jeu.

Passons de la sorte de EAU à VIN — changeant ainsi l’eau en vin.

On aura :

EAU
VAU
VAN
VIN

Il n’y a ici que trois lettres et l’exercice était facile. Mais pourrez-vous changer un HOMME en SINGE? Ou mettre du ROUGE sur une LÈVRE?

Plusieurs réponses sont possibles, les meilleures étant évidemment les plus brèves. Je publierai la prochaine fois les meilleures que j’aurai reçues.

3. Carroll appelait l’énigme suivante une «énigme de dessert». Elle est célèbre et avec raison : elle est superbe.

Voici comment il la formulait:

«Prenez deux gobelets, l’un qui contient 50 cuillérées de cognac, l’autre 50 cuillérées d’eau pure. Prélevez dans le premier une cuillérée de cognac; transférez-la, sans la renverser, dans le second gobelet et remuez. Puis, prenez une cuillérée du mélange et reportez-le, sans le renverser, dans le premier gobelet.
Ma question est : si vous considérez l’ensemble de l’opération, a-t-il été transféré plus de cognac du premier gobelet au second, ou plus d’eau du second au premier?»

mercredi, janvier 20, 2010

L'ÉNIGME D'EINSTEIN

[Jeu pour le prochain numéro d'À Bâbord]

Il y a cinq maisons peintes de 5 couleurs différentes. Dans chaque maison vit une personne de nationalité différente. Chacun des 5 propriétaires boit un certain type de boisson, joue à un certain sport et garde un certain animal domestique. Aucun propriétaire ne boit la même boisson qu’un autre, ne joue au même sport qu’un autre ou n’a le même animal domestique qu’un autre.

La question qu’on vous pose est : À qui appartient le poisson?

***
On ne prête qu’aux riches, dit-on. Comme on a dû attribuer d’idées à Einstein, si tel est le cas!

Prenez justement l’énigme que vous venez de lire.

La légende veut que ce soit le célèbre physicien qui l’ait inventée, et cela durant son enfance; elle veut aussi qu’il s’agisse de l’énigme du genre la plus difficile au monde; et que seulement 2 personnes sur cent soient capables de la résoudre.

Tout cela est douteux. Mais ce qui est certain, c’est qu’il s’agit d’une bien belle énigme, qui se résout avec pour seuls outils de la patience et de la logique.

Pour y parvenir, vous devrez créer un tableau où vous mettrez en colonnes les maisons (1 à 5) et, en rangées, la nationalité, la couleur de la maison, la boisson, le sport et l’animal domestique. Il ne vous restera plus qu’à remplir les cases vides.
Pour vous aider, voici les faits qui sont connus :

1. Le Britannique habite la maison rouge.
2. Le Suédois possède un chien comme animal domestique.
3. Le Danois boit du thé.
4. La maison verte est à gauche de la maison blanche.
5. Le propriétaire de la maison verte boit du café.
6. La personne qui joue au football élève des oiseaux.
7. Le propriétaire de la maison jaune joue au baseball.
8. La personne qui habite la maison du milieu boit du lait.
9. Le Norvégien habite la première maison.
10. L’homme qui joue au volleyball est le voisin de la personne qui possède des chats.
11. L’homme qui possède un cheval est le voisin de l’homme qui joue au baseball.
12. Le propriétaire qui joue au tennis boit de la bière.
13. L’allemand joue au hockey.
14. Le Norvégien habite à côté de la maison bleue.
15. L’homme qui joue au volleyball a un voisin qui boit de l’eau.

Comme vous le voyez, vous pouvez déjà inscrire dans votre tableau que le propriétaire de la troisième maison boit du lait (en vertu du fait #8); que le propriétaire de la maison 1 est Norvégien (fait # 9); et ainsi de suite.

Alors? À qui appartient le poisson?

La réponse sera dans le prochain numéro de la revue...

lundi, janvier 11, 2010

COLLOQUE SUR LA LAICITÉ, 22 JANVIER, UQAM

Le dernier numéro de la revue À Bâbord contient un dossier sur la laïcité que j'ai eu le plaisir de diriger. (Ma présentation du dossier se trouve ici).

L'intérêt pour cette question et son actualité ont amené le collectif de rédaction de la revue à organiser un colloque sur le sujet. Il se tiendra le 22 janvier prochain, à l'UQAM au local: DS-R515. (Pour s'y retrouver, ici)

Voici le programme de la journée. Tout cela est gratuit et vous êtes tous et toutes cordialement invités à venir discuter avec nous. Nous aurons notamment le bonheur d'avoir comme «grands témoins» qui, en plus d,ouvrir les échanges réagiront à la fin du colloque à ce qu'ils entendront: ce sont M. Guy Rocher et Mme Françoise David.

La table est donc mise (du mieux qu'on a pu) pour des débats cordiaux, respectueux et, espérons-le, féconds ...

Programme de la journée:


9 : 15 : Mots de bienvenue

De la revue : Luciano Benvenuto (membre du Collectif de rédaction de la revue À Bâbord)
Au colloque : Normand Baillargeon (professeur, UQAM et membre du Collectif de rédaction de la revue À Bâbord)

9 : 30 : Exposés des invités d’honneur et observateurs

1. Françoise David (co-présidente, Québec Solidaire): «Où j’en suis sur la question de la laïcité et pourquoi»
2. Guy Rocher (professeur, U de M): «Où j’en suis sur la question de la laïcité et pourquoi»

10 : 15- 10 : 30 : Pause

10 : 30 – 12 :00 : Première séance : Quelle laïcité?

Animation : Léa-Laurence Fontaine (professeure, UQAM et membre du Collectif de rédaction de la revue À Bâbord)
Intervenants :
1. Daniel Weinstock (professeur, U de M):
2. Daniel Baril (journaliste, U de M)
Questions de la salle et synthèse


12 : 00 : 13 : 15 : Dîner

13 : 15 - 14 : 45 : Deuxième séance. Le cours ECR


Animation : Monique Moisan (membre du Collectif de rédaction de la revue À Bâbord)
Intervenantes :
1. Marie-Michèle Poisson (professeure, collège Ahuntsic et présidente du Mouvement Laïque Québécois)
2. Louis Rousseau (professeur, UQAM)
Questions de la salle et synthèse

14 : 45 – 15 : 00 : Pause


15 : 00- 16 : 15 : Troisième séance : La religion dans l’espace public.

Animation : Jean-Marc Piotte (professeur émérite, UQAM, et membre du Collectif de rédaction de la revue À Bâbord)
Intervenantes et intervenant :
1. Ruba Ghazal (militante, Québec Solidaire)
2. Louise Mailloux (professeure, Cegep du Vieux Montréal et membre du Collectif citoyen pour l'égalité et la laïcité)
3. Jean-Marc Larouche (professeur, UQAM)
Questions de la salle et synthèse


16 : 15 – 17 heures: Réactions de Guy Rocher et de Françoise David


Mot de la fin : Jacques Pelletier (professeur retraité, UQAM, et membre du Collectif de rédaction de la revue À Bâbord)

vendredi, janvier 01, 2010

UNE LÉGENDE PÉDAGOGIQUE

[Chronique éducation pour le prochain numéro de la revue À Bâbord]

Vous connaissez sûrement ce qu’on appelle des ‘légendes urbaines’.

Ce sont des histoires qui sont typiquement contées comme étant arrivées à quelqu’un de proche de la personne qui vous la raconte («C’est arrivé à un ami d’un ami», commencera-t-on parfois) et qui sont le plus souvent étranges tant par leur sujet que par leur dénouement.

Ces histoires sont appelées des légendes parce que, bien qu’elles ne soient pas avérées et soient très probablement fausses, elles se donnent pour vraies; et si elles circulent à ce point, c’est qu’elles expriment des peurs ou des fixations collectives. Leur contenu et ce que leur circulation signifient pour la collectivité où elles sont diffusées, tout cela est du plus grand intérêt et a été abondamment étudié.

Je voudrais suggérer ici qu’il existe dans le monde de l’éducation de semblables légendes, que je propose d’appeler des légendes pédagogiques.


Le concept de légende pédagogique

Les légendes pédagogiques sont très semblables aux légendes urbaines : elles aussi sont répétées et circulent abondamment; elles aussi sont le plus souvent sinon entièrement fausses, du moins dénuées d’une solide base scientifique; et elles aussi nous disent quelque chose du milieu dans lequel elles circulent.
Cependant, les légendes pédagogiques n’expriment pas tant des peurs et des fixations, que des croyances rassurantes et romantiques qui, hélas, caractérisent le monde de l’éducation.

Je suis persuadé qu’il en existe un grand nombre et qu’il serait très utile d’en faire l’inventaire — je songe à en faire un livre.

En attendant, en voici une, particulièrement répandue et pernicieuse.

Les styles d’apprentissage

Vous avez certainement déjà entendu raconter cette légende pédagogique et peut-être même la croyez-vous : il existerait des styles d’apprentissage différents, chacun de nous en possédant un qui est chez lui ou elle prépondérant et nous appendrions mieux si on nous enseignait conformément à notre style d’apprentissage.

Les styles en question varient énormément selon les auteurs consultés . David Kolb pense qu’il y en a quatre, qu’il a nommés le style accommodateur, le style divergent, le style assimilateur et le style convergent.

Mais un grand nombre d’autres classifications sont également utilisées : dépendance / indépendance à l'égard du champ; intuitif / méthodique; centration / balayage; collaboration / compétition; analytique / global; groupe / individuel; cerveau gauche/ cerveau droit. La palme de la classification la plus courante revient probablement à la tripartition : visuel, auditif, kinesthésique, qui soutient que nous avons tous un style d’apprentissage où domine soit la vison, soit l’ouïe soit le toucher. Le petit Paul est un visuel : c’est en voyant des images de la rébellion des patriotes qu’il apprendra le mieux cet épisode de notre histoire; la petite Linda est auditive : on préférera lui en parler; quant à Jacques, kinesthésique, on lui fera fabriquer des reproductions d’une scène de bataille.

Ces diverses idées sont on ne peut plus répandues. En éducation, de très nombreux ouvrages et articles leur ont été consacrés; d’innombrables sites Internet vous proposent des tests pour déterminer votre style d’apprentissage [par exemple : http://www.pedagonet.com/other/Styles.htm]. De nombreux ateliers et formations sont donnés sur la question. Le monde du travail n’est pas en reste et les personnes en recherche d’emploi sont invitées à déterminer leur style d’apprentissage [par exemple :http://www.emploisetc.gc.ca/toolbox/quizzes/styles_quiz.do?lang=f].

Mais ces idées sont-elles vraies? Avons-nous, ou non, des styles d’apprentissages distincts et, le cas échéant, est-il vrai que nous apprendrons mieux si le style de l’enseignement qu’on nous dispense est conforme à notre style d’apprentissage?

Mises à l’épreuve

Daniel Willingham est formel : il exprime le consensus des chercheurs de sa discipline, la psychologie cognitive, en même temps que ce que nous enseigne la recherche crédible quand il affirme que les styles d’apprentissages n’existent pas. Il s’agit là en fait d’un de ces nombreux mythes de la psychologie populaire.
Pour aller au cœur de l’argumentaire, considérons la plus répandue des classifications, la tripartition visuel, auditif, kinesthésique — ce que j’en dirai vaudrait mutatis mutandis pour les autres. Il est vrai que nous stockons parfois en mémoire des choses et que nous en apprenons et y réfléchissons en termes, disons, visuels ou auditifs; vrai aussi que nos capacités à ces égards varient d’une personne à une autre.

Mais, et voilà le hic, cela ne vaut que pour des contenus visuels ou auditifs. Si on vous demande de comparer mentalement la voix de Renaud et celle de Brassens, votre mémoire auditive entre en fonction; si on vous demande de penser à la forme des oreilles de votre chien, votre mémoire visuelle travaille; comment vous lacer vos souliers, votre mémoire kinesthésique travaille. Et certains sont meilleurs que d’autres pour ces tâches. Mais cela n’à rien à voir (sauf, bien entendu si le contenu est visuel ou auditif ou kinesthésique : une voix à entendre, un lieu à voir, une surface à toucher) avec ce qu’on transmet à l’école, à savoir des significations — et pas des sons ou des images.

Ce que vous savez de la Révolution Française, ce sont des significations, qui ne sont ni acquises, ni stockées visuellement, kinesthésiquement ou auditivement; et le fait que vous soyez plus ou moins bon à, disons, retenir des sons, n’a pas aidé ou nui à votre acquisition de ces significations.

Laissons la parole à Willingham : «[…] les enfants ont des habiletés diverses en diverses modalités [auditif, visuel, kinesthésique]; mais lui enseigner selon sa modalité la meilleure n’a pas d’impact sur sa réussite à l’école. Ce qui compte, c’est qu’on lui enseigne selon la modalité du contenu qu’on enseigne.»

(Notez que la très grande variété des classifications était déjà suspecte et incitait au doute — j’en ai évoqué quelques-unes : un chercheur en a dénombré 71!)

Reste une question : pourquoi des idées ayant scientifiquement si peu de crédibilité sont-elles néanmoins aussi répandues et crues?

La question mérite qu’on s’y arrête d’autant que des argents et des énergies considérables sont dépensées à promouvoir ces théories au mieux inefficaces.

Pourquoi y croyons-nous?

Je suggère quelques raisons qui, conjointement, fournissent me semble-t-il un début de réponse à cette troublante question.

La première est que certaines de ces idées sont au moins plausibles. C’est ainsi que c’est un fait que certains ont plus de facilité que d’autres à mémoriser des images ou des sons, que d’autres travaillent plus ou moins bien en équipe, etc. (On se rappellera cependant que la théorie des styles d’apprentissage soutient autre chose, qui va bien au-delà de cela).

La deuxième est que ces idées sont répétées et données comme avérées, avec certaines marques superficielles des théories solidement établies. Des universitaires les enseignent, des séminaires leur sont consacrées, des revues les publient, on subventionne des recherches à leur sujet. Si on gratte, cependant, on trouve bien peu de réel support scientifique à toute l’affaire. Le cas des recherches est particulièrement éclairant : la très grande majorité d’entre elles ne sont pas publiées dans des revues avec comités de lectures ou sont méthodologiquement déficientes.

Le phénomène bien connu des ‘biais de confirmation’ joue sans doute aussi un rôle dans cette histoire. On désigne par là cette tendance à chercher des informations qui confirment nos préconceptions, à être sensible à celles-là et pas aux autres, qui les contredisent, et à interpréter les données dans un sens favorable à nos idées et hypothèses. Voici un exemple fictif. Vous enseignez quelque chose à Paul et il a du mal à comprendre. À un moment donnée, vous lui montrez un objet et le déclic se fait. Vous vous dites : Paul est un visuel! Mais bien d’autres explications de ce qui s’est passé sont possibles : il se peut que l’objet présenté était un excellent exemple, qui aurait fonctionné avec n’importe qui; ou ce sont tout simplement vos explications antérieures qui viennent de porter fruit; etc.

Mais comme je l’ai dit en commençant, je pense aussi que cette idée de style d’apprentissage, comme toute légende pédagogique, j’en fais le pari, circule autant parce qu’elle est rassurante et cadre parfaitement avec une certaine idéologie romantique dont le monde de l’éducation est imbibé de part en part : apprendre peut être facile, naturel, se faire sans effort par tout le monde et pour n’importe quel savoir : il suffit de trouver les style d’enseignement qui corresponde au style d’apprentissage.

C’est, hélas, beaucoup trop beau pour être vrai.


Deux lectures où j’ai puisé pour cet article :


WILINGHAM, D. T. , Why Don't Students Like School: A Cognitive Scientist Answers Questions About How the Mind Works and What It Means for the Classroom, Jossey-Bass, 2009.

LILIENFELD, Scott O., et al., 50 Great Myths of Popular Psychology: Shattering Widespread Misconceptions about Human Behavior, Wiley-Blackwell, 2009.

Normand Baillargeon
(baillargeon.normand@uqam.ca)

dimanche, décembre 13, 2009

LANCEMENT À MONTRÉAL

Nous lançons le numéro 32 de la revue À Bâbord. Il contient un dossier sur Le Québec en quête de laïcité que j'ai eu le plaisir de diriger et auquel de nombreux collaborateurs et de nombreuses collaboratrices de grand talent ont contribué. Certaines d'entre elles seront de la partie et prendront la parole.[On peut lire ici mon introduction au dossier] Après quoi on fait la fête, de la musique et on fait tirer des livres — j'en amène quatre.

Et rien que pour les personnes qui fréquentent ce blogue, un cinquième: j'offre à la première personne qui me salue avec le code secret : (disons que ce sera :Prévert) un exemplaire de La Chasse au Snark.

Le lancement-party a lieu le:

Mardi 15 décembre 19 h.30 à minuit
 
Où : Broue Pub
5860 de Lorimier (coin des Carrières - une rue au sud de la rue Rosemont)
Montréal
 
Au menu : Lancement, animation, bouffe et bière artisanale
   Musique avec le À bâbord Jazz Band
   Prix de présence (tirage) : livres, CD et œuvres picturales
   Discussions, palabres, échanges et rires....
 
 
Bienvenue à toutes et tous.

JEUX POUR À BÂBORD

[Ce sont les prochains divertissements mathématiques pour la revue À Bâbord.
Je ne donne pas les réponse: je poste ceci pour, lâchement, vous inciter à acheter le prochain numéro de la revue où se trouveront les réponses!]

Avez-vous l’heure?

«Pas besoin de montre pour perdre son temps», chantait malicieusement John Lennon (‘Don’t need a watch to waste your time’).

Espérons que vous ne jugerez pas avoir perdu le vôtre avec les énigmes qui suivent et qui, toutes, concernent des montres ou des horloges.

Je vous les soumets en ordre croissant de difficulté.

1. Lorsque l’horloge de grand-père sonne 6 heures, il s’écoule 15 secondes entre le premier coup et le dernier coup. Combien de secondes s’écoulent ente le premier et le dernier des coups quand elle sonne midi?

2. Vous avez le choix entre cette montre qui retarde d’une minute par jour et celle-ci, qui ne fonctionne pas du tout. Si vous voulez une montre qui indique l’heure juste le plus souvent possible, laquelle devriez-vous prendre? (Cette énigme a été créée par Lewis Carroll; l’auteur d’Alice au pays des merveilles était en effet aussi … professeur de mathématiques à l’université)

3. Le philosophe Emmanuel Kant (1724-1802) menait, dit-on, une vie à ce point réglée que ses concitoyens pouvaient mettre leurs montres à l’heure lors de ses passages, à heures fixes, sur les lieux des promenades qu’il faisait quotidiennement — bien entendu à heures fixes. Mais un jour son valet oublia de remonter son horloge : par malchance, Kant venait justement d’envoyer sa montre chez l’horloger pour la faire réparer. Pas découragé du tout, le philosophe sortit de chez lui et s’en alla rendre visite à un ami; il resta longtemps chez cet ami puis rentra chez lui et remit son horloge à l’heure. Comment s’y est-il pris? (Il va de soi que Kant n’a pas emprunté de montre à son ami! Un indice? Il a pu lire l’heure chez son ami. Un autre? Par la négligence de son valet, son horloge n’avait pas été remontée : mais elle fonctionnait toujours.)

[Pour ceux etc elles que cela amuse, le grand fan de Carroll que je suis s'est payé le bonheur de traduire et annoter La Chasse au Snark]

lundi, novembre 23, 2009

LE QUÉBEC EN QUÊTE DE LAÏCITÉ

[J'ai coordonné le dossier du prochain numéro d'À Bâbord, qui porte sur la laïcité. Il sera lancé le 15 décembre. En voici l'introduction.]

Le débats politiques qui opposent des gens que tout divise sont presqu’immanquablement prévisibles, stériles et partant sans intérêt.

A contrario, il arrive que des gens possédant en commun des valeurs et des positions politiques fondamentales, s’opposent néanmoins sur certaines questions précises et ayant des répercussion pratiques importantes.
Quand cela se produit, on peut espérer que leurs débats et discussions seront féconds et que chacun apprendra de ces échanges, pour autant qu’ils soient sereins et respectueux.

Le dossier que nous vous présentons vous propose précisément d’entendre des arguments déployés par des personnes et des regroupements politiques qui, s’ils partagent en commun ce que je qualifierai simplement comme étant des idéaux humanistes et progressistes, divergent néanmoins d’avis sur toute un série de questions ayant globalement trait au modèle de laïcité que le Québec devrait adopter et de ce qui s’ensuit et est impliqué par ce choix.

Faut-il le rappeler? Le processus de laïcisation, au Québec, ne s’est amorcé que très récemment. Il reste inabouti et cherche encore à se définir, comme en témoignent notamment la constante résurgence dans l’opinion de débats sur les accommodements raisonnables, sur la place à accorder dans l’espace public aux croyances religieuses, sur les modalités d’accueil des population immigrantes et sur la question d’une éventuelle hiérarchisation des droits, qui surgit dès lors que s’opposent liberté de pratique religieuse et égalité des sexes.

Le manque de volonté politique explique-t-il, à lui seul, que le fameux concept de laïcité ouverte mis de l’avant au terme du vaste chantier consultatif de la Commission Bouchard-Taylor comme cadre conceptuel pour penser résoudre ces questions, ne les ait pas, au yeux de plusieurs observateurs, résolu de manière satisfaisante et convaincante? Ou est-ce plutôt en raison de carences inhérentes à ce concept lui-même?

La première partie de ce dossier vous présente des vues divergentes sur ces questions.

Le premier texte, qui ouvre ce dossier, est de Daniel Weinstock, un philosophe de l’Université de Montréal, qui se porte avec finesse à la défense de cette forme, ouverte, de laïcité.

Ces idées trouvent ensuite un autre solide avocat en Jean-Marc Larouche, un sociologue de l’UQAM. Certains des meilleurs arguments en faveur de ce type de laïcité, qui s’applique aux institutions plutôt qu’aux individus ou à la société, qui entend promouvoir l’«amitié civique» (Weinstock) et «ouvrir la raison séculière à la raison de la religion» (Larouche), sont déployés dans ces textes, qui ne maquent pas de mettre en garde conte le périls d’une laïcité «républicaine».

Daniel Baril, vice-président du Mouvement laïque québécois, est en complet désaccord : le concept de laïcité ouverte est à ses yeux un dangereux oxymoron, qui repose sur une vison angélique des religions qui en oblitère abusivement les dimensions sociales et politiques : en bout de piste, il participerait d’une forme de traitement préférentiel consenti aux croyances religieuses et déboucherait inévitablement sur d’intolérables compromissions avec la laïcité bien comprise.

Ces deux positions laissent deviner des conceptualisations et des sensibilités fort différentes, qui ne peuvent manquer de surgir dans les manières de se situer et de réagir face à certaines demandes précises émanant de groupes religieux.

La deuxième partie de ce dossier l’illustre en donnant à entendre les arguments et les conclusions, divergents, de la Fédération des Femmes du Québec et du Conseil du Statut de la Femme, sur l’interdiction du port de symboles religieux ostentatoire par le personnel de la fonction publique. Jean-Marc Piotte ajoute sa voix à celle de ces deux organismes et prône quant à lui pour une véritable et pleine laïcité.

La troisième et dernière partie de ce dossier confronte elle aussi deux points de vue, cette fois sur le cours d’Éthique et Culture religieuse qui vient de se mettre en place dans les écoles primaires et secondaires du Québec.

Ce cours trouve un solide défenseur en Louis Rousseau, du département des sciences des religions de l’UQAM et une critique impitoyable en la philosophe Marie-Michèle Poisson, présidente du Mouvement Laïque québécois.

Nous avons souhaité donner en ces pages la parole à certaines des plus solides et convaincantes des personnes représentants les options les plus crédibles qui se présentent aujourd’hui au Québec. Une chose au moins semble faire l’unanimité : l’urgence de définir collectivement le type de laïcité que nous voulons et de l’implanter sérieusement

Ce dossier aurait accompli le voeu le plus cher que les artisans de la revue À Bâbord avaient en le préparant s’il parvenir à alimenter la réflexion de ses lectrices et lecteurs et s’il contribuait à enrichir la conversation démocratique, qui doit se poursuivre ( et aboutir!) sur ces questions aussi importantes qu’incontournables.

Normand Baillargeon

vendredi, octobre 23, 2009

LA PAROLE À ROBERT COMEAU

[Ce texte paraîtra dans le prochain À Bâbord]


À la fin de sa vie, le poète Gilbert Langevin aimait lancer à la cantonade la question : Quelle est la devise du Québec?, à laquelle il s’empressait de répondre: Je ne m’en souviens plus.

Langevin témoignait ainsi, à sa manière, de ce que peut avoir de problématique — et parfois de douloureux — le rapport que nous entretenons à notre passé. Le vacarme entendu cet été autour du Moulin à paroles nous le rappelle encore, de même que ces vives querelles suscitées par les programmes d’enseignement de l’histoire au primaire et au secondaire.

Depuis des années en effet, ces programmes sont vertement dénoncés par de nombreux observateurs, qui les jugent profondément déficients. Réunis en une Coalition pour l’enseignement de l’histoire au Québec, ces opposants commencent à se faire entendre.
Pour mieux comprendre les nombreux enjeux qui se nouent ici, j’ai interrogé l’un d’eux, Robert Comeau, historien et professeur associé à l’UQAM. M. Comeau dirige en outre le Bulletin d'histoire politique.

Comment l’historien en vous en est-il venu à s’intéresser à l’enseignement de l’histoire?

Dès la création de la Commission Lacoursière sur l’histoire nationale, en 1994, nous avions formé, en collaboration avec la SSJB, une première Coalition d’organismes impliqués dans l’enseignement de l’histoire, afin de réclamer plus d’heures d’enseignement pour cette discipline. Nous avons publié dès l’automne 1996 un dossier critique sur le Rapport Lacoursière, lequel ne correspondait pas à nos attentes (Bulletin d’histoire politique, vol.5 no1). Depuis le printemps 2006, lorsque le nouveau programme d’histoire et d’éducation à la citoyenneté (remplaçant la désignation Canada-Québec) a été rendu public, nous l’avons vivement critiqué et notre opposition trouva un grand écho dans les medias. Dans un ouvrage collectif publié l’automne dernier, Contre la réforme pédagogique, (VLB, 2008) j’ai présenté l’évolution de l’enseignement de l’histoire au Québec depuis 15 ans. Nous venons e de relancer une nouvelle Coalition pour la promotion de l’enseignement de l’histoire au Québec qui a formulé une quinzaine de recommandations pour une réforme en profondeur des programmes, de l’école primaire à l’université.

Et que pensez-vous de la réforme en cours, en ce qui concerne l’histoire?
J’endosse entièrement les critiques démontrant que derrière l’approche par compétences se cachent essentiellement des objectifs économiques liés à l’évolution du monde du travail. Comme l’explique Nico Hirtt, cette approche, qui se réclame du constructivisme pédagogique, constitue bel et bien un abandon des savoirs et se situe en réalité à l’opposé des pédagogies progressistes. Loin de favoriser l’innovation pédagogique, elle constitue un élément de dérégulation qui renforce l’inégalité sociale. C’est que, comme l’explique Hirtt, l’évaluation par compétence fait paradoxalement davantage que l’évaluation traditionnelle appel à un haut niveau de culture générale et de maîtrise du langage, ce qui ne manquera pas de favoriser les enfants issus des familles aisées. Je suis toujours convaincu que ce virage pédagogique radical était injustifié et sera néfaste en particulier aux élèves des milieux défavorisés.

On a le sentiment que cette querelle pédagogique se double d’une querelle d’historiens et concerne aussi la manière même dont on écrit et pratique l’histoire.

En effet. La conception de l’histoire du Canada-Québec qui domine à présent est résolument différente de celle qui prévalait au cours des années 1960 et 1970, alors que la question nationale était au cœur des interprétations de l’histoire du Québec. Aujourd’hui, l’histoire politique et la question nationale n’intéressent plus guère les professeurs d’histoire du Canada-Québec. Sous l’inspiration de L’École des Annales, de France, et des social studies américaines — et marginalement de l’histoire structurelle marxiste — les enseignants d’histoire ont négligé le rôle des acteurs politiques.
Depuis les années 1980 surtout, avec la nouvelle approche que l’historien Ronald Rudin a qualifiée de « révisionniste », on peut déceler un nouvel éthos, une nouvelle sensibilité qui veut redonner une place et une reconnaissance aux groupes sociaux jusque-là marginalisés par l’histoire. Si, d’un coté, il est tout à fait légitime et souhaitable que les oubliés de l’histoire soient enfin étudiés, il est regrettable par ailleurs que ce qui faisait la spécificité de la société québécoise, et particulièrement la question de la domination du Québec dans le régime d’union fédérale, soit marginalisé — quand ce n’est pas totalement occulté.
On a ainsi mis l’accent sur les similitudes entre l’histoire du Québec et celle des autres parties de l’Amérique et sur notre américanité; on a comparé les grands processus socio-économiques pour mettre en évidence la « normalité » du Québec, alors qu’avant 1980 chacun avait son interprétation pour expliquer le retard ou les caractéristiques spécifiques de l’évolution québécoise.
Dans cette nouvelle et optimiste approche, on a fait commencer notre histoire en 1867, négligeant la période de la Nouvelle-France (sauf pour l’étude des Amérindiens) et écarté surtout le régime anglais, de la conquête militaire britannique à l’échec des rébellions de 1837-1838 et l’union imposée de 1840 qui a mis en minorité politique les Canadiens français. Cette période cruciale de l’histoire qui était au cœur du courant historique néo-nationaliste précédent a ainsi peu à peu été effacée, non pas de la mémoire nationale et populaire, mais de l’histoire savante des universitaires. L’histoire sociale est devenue hégémonique dans les départements d’histoire des universités francophones au point d’écarter, pour les études du Québec seulement, l’histoire politique.
En 2006, lorsque le nouveau programme d’histoire de secondaire 3 et 4 émanant de la réforme fut dévoilé par un journaliste, on se rendit compte que toute la question nationale du Québec était occultée, résultat dans une grande mesure de l’enseignement dominant depuis plus de 25 ans au niveau universitaire.

Dans ces programmes se voulant plus consensuels, on fait une grande place au concept de citoyenneté. Mais des questions surgissent aussitôt : laquelle — citoyenneté du monde ?, du Canada? Ou du Québec? Comment? Est-ce possible? Souhaitable? Qu’en pensez-vous?

Il nous semble que si l’on veut éduquer à la citoyenneté, celle-ci devrait être axée sur la familiarisation avec nos institutions, sur la préparation à l’exercice des droits et des devoirs du citoyen du Québec et du Canada : en fait, sur les connaissances de la démocratie politique réelle. La Coalition demande donc que les programmes d’histoire ne soient plus subordonnés à l’éducation à la citoyenneté et au présent, afin que l’histoire, qui est une discipline à part entière, redevienne au cœur du programme.
L’histoire ne doit pas être axée que sur le présent : elle doit aussi nous dépayser et nous faire voir ce qui est différent de nous à travers le temps. Bien sûr, les questions que l’on pose au passé surgissent de nos préoccupations du présent. Mais on doit éviter les anachronismes et toujours essayer d’expliquer le passé sans porter de jugement relié à nos valeurs actuelles.
On peut donc s’interroger sur le bien fondé d’avoir réuni dans un même programme l’enseignement de l’histoire et l’éducation à la citoyenneté. Plusieurs pensent que la place de cette éducation à la citoyenneté aurait davantage eu sa place dans le cours d’éthique. L’histoire et l’éducation à la citoyenneté sont de nature différente, même si l’histoire est essentielle à l’éducation à la citoyenneté.

Peux-tu nous donner une idée de ce qu’impliquent ces programmes, implantés au primaire depuis 2001?
On s’inspire largement de l’approche de sciences sociales et on ne pratique pas vraiment une approche historique. On présente plutôt une succession de tableaux, comme peuvent le faire un sociologue ou un anthropologue. On étudie à 7 moments, des types différents de sociétés, pour montrer la richesse de leur diversité. Ces moments sont des dates absolument non significatives du point de vue de l’histoire du Québec ou du Canada. Ce programme, qui fait une large place aux modes de vie des diverses sociétés en Amérique du Nord, met aussi l’accent sur la coexistence pacifique de ces diverses sociétés, comme si elle avait constitué l’histoire du Canada depuis ses origines!
Pourtant l’histoire n’est pas une succession de sociétés statiques, mais implique une dynamique et, souvent, des conflits que ne saurait dissimuler une idéologie multiculturaliste. Mais on a remplacé les notions de « colonies » et « de métropoles » par le terme plus contemporain de « société », si bien que dans cette approche de l’histoire disparaissent les conflits intercoloniaux (entre l’Empire français et les treize colonies américaines du Sud) impliquant les nations amérindiennes, conflits qui ont été très présents durant toute la période coloniale française. Cette approche marginalise l’étude du processus de colonisation, et le rôle des métropoles (on ne comprendra pas ce que signifie pour le groupe des Canadiens la perte de sa propre métropole). L’objectif avoué est d’amener le jeune à « s’ouvrir à la diversité des sociétés » : mais n’aurait-il pas été souhaitable qu’il commence par connaitre sa propre société et son propre territoire, en un mot qu’il sache se situer pour être en mesure d’effectuer des comparaisons.

Un mot pour conclure?

Comme une majorité d’enseignants le souhaitent, nous réclamons le retour à l’évaluation systématique des connaissances. Contrairement à l’idée que le jeune doit construire son propre récit, nous croyons plutôt qu’il doit acquérir par l’enseignement, ses lectures, sa réflexion et par d’autres moyens de la pédagogie active, des connaissances de base qui lui permettront par la suite de discuter des diverses interprétations. Comme l’ont souligné les travaux des historiens Charles P. Courtois et Éric Bédard, « il importe d’ancrer la connaissance de l’univers social dans l’espace et le temps et que les élèves partent de cette base pour découvrir les autres».

lundi, août 17, 2009

JEUX MATHÉMATIQUES

[Toujours pour À Bâbord.]

Trois problèmes de pesées avec une balance à deux plateaux


Vous disposez d’une balance à deux plateaux comme celle-ci et hyper-précise!



1. On vous demande d’y peser des objets lourds de 1 à 40 grammes.
a) Supposons que vous ne pouvez mettre des poids que sur un seul des plateaux de la balance. Quel est le nombre minimal de poids dont vous aurez besoin et combien pèsera chacun d’eux?
b) Supposons cette fois qu’il vous est permis de mettre des poids sur chacun des deux plateaux de la balance. Quel est alors le nombre minimal de poids dont vous aurez besoin et combien pèsera chacun d’eux?

2. On vous montre neuf perles. L’une d’elles est fausse et est légèrement plus lourde que les autres. En combien de pesées au minimum pouvez-vous identifier la fausse perle?

UN POINT DE VUE SUR LES TDA

[Chronique éducation pour le prochain numéro d'À Bâbord]

À leur retour en classe, des enseignantes et enseignants ont été avisés que l’un ou l’autre de leurs élèves souffre d’un trouble de déficit de l’attention (TDA). D’autres ont soupçonné qu’un ou même plusieurs de leurs élèves en souffraient et se sont demandé quoi faire : faut-il référer cet enfant? Devrait-il être sous médication? Qu’est-ce qui est le mieux pour lui? Et comment faut-il agir avec lui en classe?

Ces graves questions sont d’autant difficiles pour les enseignantEs qu’elles ne sont ni des médecins ni des psychologues et qu’il circule à propos des TDA bien des opinions divergentes.

C’est ainsi que certains mettent en doute sinon l’existence même de la maladie, du moins sa prévalence et ils assurent que la récente explosion des cas d’enfants atteints participe d’une médicalisation abusive dont profite surtout l’industrie pharmaceutique.

D’autres affirment qu’on ignore les effets à plus ou moins long terme des médicaments prescrits et que la plus grande méfiance s’impose.

D’autres encore, qui admettent l’existence des TDA et l’efficacité des médicaments prescrits, assurent cependant que la plupart de cas présumés ne sont pas avérés et se traiteraient par des moyens naturels : de l’exercice physique et moins de télévision, par exemple.

Certains vont jusqu’à dire qu’on est en présence d’un mal d’enfants rois qui ont été gâtés par leurs parents, gâtés au point de ne plus pouvoir prêter d’attention à quoi que ce soit qui ne leur offre une gratification immédiate.

On devine sans mal le malaise et en certains cas le désarroi des enseignantes devant tout cela. Pour le surmonter, les bons sentiments ne suffisent pas et le recours à ce que la science nous enseigne comme étant le mieux assuré est indispensable. En ce sens, ce débat me rappelle parfois celui qui opposait autrefois, surtout à gauche, les tenants et opposants du caractère culturel de la schizophrénie : or il est à craindre que les premiers n’auront finalement pas beaucoup aidé ces malades et que c’est au contraire plutôt la pharmacologie, développée par ceux qui concevaient la maladie comme organique, qui l’a fait.

On m’a souvent demandé mon avis sur les TDA et j’ai à chaque fois répondu que n’étant ni médecin ni psychologue, je me garderais bien de donner des conseils. Mais on me permettra de rapporter ici ceux d’un expert, Daniel T. Willingham, qui a le grand mérite de s’exprimer clairement et de s’adresser directement aux enseignants.

Willingham accomplit deux choses importantes : d’abord, il rappelle qu’il existe un assez large consensus scientifique sur les TDA et il nous en expose la teneur; ensuite, il donne de précieux conseils pratiques aux enseignantes et enseignants qui doivent travailler avec des élèves souffrant de TDA.

Le consensus scientifique

Willingham cite des études nombreuses et crédibles qui montrent que le TDA est bien réel, que c’est une maladie d’origine neurologique, à forte héritabilité et qui n’a rien d’une construction sociale (ce qui n’exclut pas, notez-le, qu’on puisse médicamenter des enfants au diagnostic erroné ou incertain).

La zone du cerveau concernée est même connue (ce sont des structures des noyaux gris centraux et le cortex préfrontal) et on a une bonne idée des mécanismes physicochimiques impliqués, qui concernent la manière dont ces zones utilisent la dopamine.

Identifiée depuis le début du siècle dernier, la maladie a reçu divers noms avant d’être baptisée TDA vers 1980. Sa prévalence n’est pas surtout étatsunienne, comme on pourrait le croire et elle ne varie pas significativement selon les cultures. Le temps passé à la télé, la façon dont les parents élèvent leur enfant n’y sont pour rien. Le sujet atteint ne souffre pas d’un retard intellectuel, d’un trouble sensoriel (mauvaise vision ou audition) ou d’un manque de motivation. Il sera probablement malade toute sa vie et sa maladie, qui lui cause des troubles d’apprentissage et d’intégration à l’école, lui en causera quand il sera adulte.

La maladie se présente en trois sous-types selon que le sujet souffre d’un trouble prédominant d’inattention (il a du mal à rester concentré sur une tâche), d’un trouble prédominant d’hyperactivité-impulsivité (il ne reste pas en place, bouge sans cesse pieds et mains — hyperactivité — et accomplit ses tâches trop rapidement et sans y réfléchir — impulsivité) ou d’un trouble prédominant d’inattention et d’hyperactivité-impulsivité, qui combine les deux premiers. On l’appelle donc trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité : TDA/H.

Le diagnostic n’est pas encore possible par un test génétique ou une analyse de la chimie du cerveau. On procède donc par analyse du comportement, par entrevues structurées et à l’aide de questionnaires.

Je n’entre pas dans les détails, très complexes. Mais je veux rappeler qu’on cherche à identifier au moins six symptômes parmi une liste de neuf pour l’inattention et de neuf pour l’hyperactivité-impulsivité : qui présente six symptômes pour chaque liste souffre d’un trouble prédominant d’inattention et d’hyperactivité-impulsivité. Ces symptômes doivent apparaître avant l’âge de 7 ans, perdurer au moins un an et se manifester dans au moins deux contextes différents. C’est ici que Willingham met en garde contre le risque de sur-diagnostiquer inhérent au fait que les critères utilisés peuvent être mal interprétés.

Willingham cite plusieurs études méthodologiquement rigoureuses qui invitent à conclure que la médication utilisée pour traiter le TDA/H est efficace pour la réduction des symptômes, que les traitements comportementaux et psychologiques le sont moins, mais peuvent être très utiles avec certains enfants et aussi que d’autres enfants tolèrent moins bien ou pas du tout la médication. Surtout, il rappelle que dans ces études tous les enfants médicamentés étaient suivis de très près et leur traitement soigneusement contrôlés et réajustés au besoin. Willingham discute de bien d’autres sujets, par exemple des effets secondaires de la médication : mais tout cela devient vite très technique et ne peut être abordé en quelques paragraphes. J’en viens donc à ces considérations plus pratiques qui, en bout de piste, intéressent surtout l’enseignant.

Supposons donc que vous avez une enfant qui souffre de TDA/H dans votre classe. Son diagnostic a été posé sérieusement; il est médicamenté, mais bien suivi et on lui a conçu un programme d’intervention adapté.

Que pouvez-vous faire pour lui, vous qui savez à quel point porter attention, se concentrer sur une tâche et planifier son exécution sont des conditions sine qua non de l’apprentissage?

Voici quelques-uns des conseils que donne Willingham.


De précieux conseils


1. Organisez votre classe pour qu’il soit plus facile à l’élève d’être attentif : par exemple, asseyez-le près de vous et pour qu’il vous voie sans obstruction; interpelez-le souvent par son prénom; etc.
2. Les plus atteints de ces enfants ont tendance à ne pas beaucoup penser aux conséquences de ce qu’ils font : faites en sorte que ces conséquences, négatives ou positives, soient fréquentes et immédiates. Si la consigne est X et qu’il le fait, la conséquence sera positive, sinon, négative.
3. Ces enfants ont du mal à rester attentif et à s’organiser : les tâches que vous concevez pour eux devraient donc être décomposées en plus petites sous tâches, clairement identifiées. Par exemple, plutôt que de demander un texte sur un sujet donné, demandez de réunir de l’information; puis de faire un plan; etc. Bien entendu, vous devriez donner à chaque fois les conséquences immédiates appropriées.
4. Ces élèves ont du mal à réguler leurs activités, c’est-à-dire du mal à retenir et à suivre des règles. Il faut donc leur rappeler souvent ces règles («Après être allé à la salle de bain, tu dois remettre la clé sur le crochet») et ce qu’elles impliquent («Tu avais dix minutes pour cette tâche : il en reste cinq, tu dois donc en être à peu près à la moitié»).
5. Il est bien entendu souhaitable de rester en contact avec les parents de ces enfants afin de les tenir au courant des progrès — et des éventuelles difficultés — de leur enfant. Willingham suggère qu’un rapport quotidien leur soit adressé.
Bien des enseignantEs, lisant ce qui précède et surtout cette dernière suggestion, diront que c’est bien beau mais que leur temps est compté, qu’ils n’ont plus guère de support pour accomplir leur déjà bien lourde tâche et qu’ils n’ont pas un mais bien plusieurs élèves en difficultés (de toutes sortes) dans leur classe.
Elles ont raison. Hélas, hélas, mille fois hélas.

Une lecture :

Daniel T. Willingham est un spécialiste de sciences cognitives et l’auteur d’un récent et percutant ouvrage qui fait beaucoup de bruit en éducation : Why Don't Students Like School, Jossey-Bass, New York, 2009. J’en recommande très chaudement la lecture.

Ses propos sur les TDA rapportés ici ont été exprimés dans le cadre de la chronique qu’il tient dans American Educator, Hiver 2004-2005.

jeudi, avril 09, 2009

JEUX MATHÉMATIQUES

[Pour le prochain numéro d'À Bâbord]

Voici quatre petits problèmes ne faisant appel à aucune connaissance mathématique avancée, mais qui vous réservent des moments de plaisir.

1. Les dates sur les deux cubes

En 1957, John Singleton a fait breveter une sorte de calendrier bien particulier. Il est composé de deux cubes sur les faces desquels sont inscrits des chiffres. Avec ces deux cubes, qu’on peut placer dans l’ordre qu’on veut, il est possible d’indiquer la date de n’importe quel jour, de 01 à 31.

La question est évidemment : quels chiffres sont inscrits sur les faces des deux cubes?

En réfléchissant à ce problème, vous arriverez à la conclusion que certains chiffres doivent obligatoirement figurer sur les deux cubes (lesquels?); puis, par déduction, vous penserez que le problème est impossible Or, il existe une manière, simple, inattendue, de le résoudre néanmoins. C’est ce qui a valu à Singleton un brevet.



2. Total? 100

Henry Ernest Dudeney (1857-1930) a été le plus grand inventeur britannique de casse-tête numériques et logiques de son époque. On lui doit l’énigme qui suit.

Considérez la suite de chiffres suivante:
1 2 3 4 5 6 7 8 9

On vous demande de placer trois et seulement trois symboles mathématiques usuels entre ces chiffres de manière à ce que le résultat donne 100.

On pourra utiliser plus d’une fois le même symbole, mais il ne faudra utiliser que trois symboles au total.

Pour que ce soit clair, voici un exemple :
12 + 34 + 56 – 789 = - 687

On est bien loin du compte; mais on n’a utilisé que trois symboles (=, = et -).

À vous de jouer!

3. Total? 24

Comment pouvez-vous arriver à 24 en utilisant une fois et une seul les chiffres 5, 5, 5, et 1 et en n’utilisant que le quatre opérations?

En travaillant ce problème, prenez soin de ne pas vous imposer des contraintes qui ne s'y trouvent pas .

4. Combien d’œufs?

Si huit cents poules pondent en moyenne huit cents œufs en huit jours, combien d’oeufs pondent quatre cents poules en quatre jours?

lundi, avril 06, 2009

LANCEMENT D'À BÂBORD, # 29

J'y serai!

Lancement de la revue À bâbord ! (# 29 -- avril/mai 2009)

le jeudi 9 avril de 18h à 21h.

au Bar populaire
6546 rue St-Laurent
entre Beaubien et St-Zotique
[métro Beaubien ou autobus 55, rue St-Laurent]

Dossier : Le Saint-Laurent en eaux troubles
coordonné par Sophie Vaillancourt et Normand Baillargeon

En cette année du 50e anniversaire de la Voie maritime du Saint-Laurent,
inaugurée en 1959, la majestuosité du célèbre fleuve masque sa santé
déclinante et son omniprésence dans le paysage québécois n'a d'égale que
l'ignorance des problèmes qui l'accablent.

La construction de la Voie maritime a entraîné le déplacement de milliers de
personnes et inondé des villages entiers. Alors que le contrôle de son débit
fera l'objet d'un rapport important de la Commission mixte internationale en
juin 2009, il est urgent de se pencher sur le sort du fleuve. Outre le
projet de port méthanier à Rabaska, le Saint-Laurent pâtit également des
déversements des rivières remplies de purin de porc, de produits chimiques
et de sédiments provenant de l'érosion des berges qu'on refuse de protéger.

jeudi, octobre 02, 2008

ÉTATS GÉNÉRAUX DE L'UNIVERSITÉ

Le Devoir de ce matin publie une lettre de Jacques Pelletier et moi qui propose des États Généraux de l'université.

Il s'agit plus exactement de l'introduction au dossier sur l'université que nous avons dirigé ensemble dans À Bâbord. Le numéro sera en kiosque incessamment.

lundi, septembre 29, 2008

SUR L'UNIVERSITÉ (RADIO)

Bref entretien sur la crise de l"Université.

Le sujet est abordé dans le prochain numéro d'À bâbord, dans un dossier que j'ai dirigé avec mon collègue Jacques Pelletier.