[J'ai coordonné le dossier du prochain numéro d'À Bâbord, qui porte sur la laïcité. Il sera lancé le 15 décembre. En voici l'introduction.]
Le débats politiques qui opposent des gens que tout divise sont presqu’immanquablement prévisibles, stériles et partant sans intérêt.
A contrario, il arrive que des gens possédant en commun des valeurs et des positions politiques fondamentales, s’opposent néanmoins sur certaines questions précises et ayant des répercussion pratiques importantes.
Quand cela se produit, on peut espérer que leurs débats et discussions seront féconds et que chacun apprendra de ces échanges, pour autant qu’ils soient sereins et respectueux.
Le dossier que nous vous présentons vous propose précisément d’entendre des arguments déployés par des personnes et des regroupements politiques qui, s’ils partagent en commun ce que je qualifierai simplement comme étant des idéaux humanistes et progressistes, divergent néanmoins d’avis sur toute un série de questions ayant globalement trait au modèle de laïcité que le Québec devrait adopter et de ce qui s’ensuit et est impliqué par ce choix.
Faut-il le rappeler? Le processus de laïcisation, au Québec, ne s’est amorcé que très récemment. Il reste inabouti et cherche encore à se définir, comme en témoignent notamment la constante résurgence dans l’opinion de débats sur les accommodements raisonnables, sur la place à accorder dans l’espace public aux croyances religieuses, sur les modalités d’accueil des population immigrantes et sur la question d’une éventuelle hiérarchisation des droits, qui surgit dès lors que s’opposent liberté de pratique religieuse et égalité des sexes.
Le manque de volonté politique explique-t-il, à lui seul, que le fameux concept de laïcité ouverte mis de l’avant au terme du vaste chantier consultatif de la Commission Bouchard-Taylor comme cadre conceptuel pour penser résoudre ces questions, ne les ait pas, au yeux de plusieurs observateurs, résolu de manière satisfaisante et convaincante? Ou est-ce plutôt en raison de carences inhérentes à ce concept lui-même?
La première partie de ce dossier vous présente des vues divergentes sur ces questions.
Le premier texte, qui ouvre ce dossier, est de Daniel Weinstock, un philosophe de l’Université de Montréal, qui se porte avec finesse à la défense de cette forme, ouverte, de laïcité.
Ces idées trouvent ensuite un autre solide avocat en Jean-Marc Larouche, un sociologue de l’UQAM. Certains des meilleurs arguments en faveur de ce type de laïcité, qui s’applique aux institutions plutôt qu’aux individus ou à la société, qui entend promouvoir l’«amitié civique» (Weinstock) et «ouvrir la raison séculière à la raison de la religion» (Larouche), sont déployés dans ces textes, qui ne maquent pas de mettre en garde conte le périls d’une laïcité «républicaine».
Daniel Baril, vice-président du Mouvement laïque québécois, est en complet désaccord : le concept de laïcité ouverte est à ses yeux un dangereux oxymoron, qui repose sur une vison angélique des religions qui en oblitère abusivement les dimensions sociales et politiques : en bout de piste, il participerait d’une forme de traitement préférentiel consenti aux croyances religieuses et déboucherait inévitablement sur d’intolérables compromissions avec la laïcité bien comprise.
Ces deux positions laissent deviner des conceptualisations et des sensibilités fort différentes, qui ne peuvent manquer de surgir dans les manières de se situer et de réagir face à certaines demandes précises émanant de groupes religieux.
La deuxième partie de ce dossier l’illustre en donnant à entendre les arguments et les conclusions, divergents, de la Fédération des Femmes du Québec et du Conseil du Statut de la Femme, sur l’interdiction du port de symboles religieux ostentatoire par le personnel de la fonction publique. Jean-Marc Piotte ajoute sa voix à celle de ces deux organismes et prône quant à lui pour une véritable et pleine laïcité.
La troisième et dernière partie de ce dossier confronte elle aussi deux points de vue, cette fois sur le cours d’Éthique et Culture religieuse qui vient de se mettre en place dans les écoles primaires et secondaires du Québec.
Ce cours trouve un solide défenseur en Louis Rousseau, du département des sciences des religions de l’UQAM et une critique impitoyable en la philosophe Marie-Michèle Poisson, présidente du Mouvement Laïque québécois.
Nous avons souhaité donner en ces pages la parole à certaines des plus solides et convaincantes des personnes représentants les options les plus crédibles qui se présentent aujourd’hui au Québec. Une chose au moins semble faire l’unanimité : l’urgence de définir collectivement le type de laïcité que nous voulons et de l’implanter sérieusement
Ce dossier aurait accompli le voeu le plus cher que les artisans de la revue À Bâbord avaient en le préparant s’il parvenir à alimenter la réflexion de ses lectrices et lecteurs et s’il contribuait à enrichir la conversation démocratique, qui doit se poursuivre ( et aboutir!) sur ces questions aussi importantes qu’incontournables.
Normand Baillargeon
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4 commentaires:
Le seul problème est que la discussion que vous proposez n'aboutira peut-être pas dans le sens que vous vous voulez, peu importe lequel.
Bonjour, Michel. Pouvez-vous être un peu plus précis?
Normand
"qui ne maquent pas de mettre en garde conte le périls" : manquent et péril
"prône quant à lui pour une véritable et pleine laïcité" : le "pour" est de trop
Cordialement,
NG
@Normand: Mon propos n'est plus d'actualité. Je ne suis plus sûr de ce que je voulais avancer.
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