[Pour le prochain numéro d'À Bâbord]
POUPART, Jean-François, Gallimard chez les nazis, Collection Essai libre, Poètes de Brousse, Montréal, 2009.
CATELLIER, Maxime, La mort du Canada. Suivi de : Lettre à Jean Benoît, Collection Essai libre, Poètes de Brousse, Montréal, 2009.
La maison d’édition Poètes de Brousse lance une nouvelle collection appelée Essai libre, qu’elle voue à la «critique intuitive en matière d’art, de littérature, d’histoire et de société». On lui souhaite une longue vie, aussi riche que celle qu’annoncent les deux premiers titres qui y paraissent.
Ce sont là des livres courts, mordants et qui mettent une écriture aux indéniables qualités littéraires au service de coups de sang fort bienvenus dans le paysage souvent trop lisse et plat de notre vie littéraire et intellectuelle.
Poupart prend prétexte de la célébration des 100 ans de le NRF pour revenir sur ce qu’a été, pour l’institution littéraire, la «toile noire» de l’occupation, de la collaboration et de l’épuration. Tant de compromissions, de bassesses, de lâchetés des uns et des autres, que Poupart rappelle méticuleusement. Un exemple entre mille : des propriétaires Juifs de maisons d’édition, comme Calmann-Lévy, ayant dû ‘céder’ leur entreprise, Gallimard se propose aussitôt pour racheter et explique que sa maison à lui «est aryenne à capitaux aryens». P. 25). L’ouvrage rappelle bien d’autres parcours d’écrivain connus — Sartre, Camus, Pagnol, Montherlant etc, souvent gênants, tristes ou pire encore. En bout de piste, quel terrifiant vacarme fait aujourd’hui, dans les pages de ce livre, ce «grand silence entretenu par les écrivains, les intellectuels, les éditeurs» (p.29).
Et comment nous, aurions-nous agi et réagi? Au nom de quoi? Le livre soulève ces questions et quelques autres. Et risque quelques réponses.
Maxime Catellier est poète et son pamphlet, La mort du Canada, est écrit en vers, ce qui est déjà assez exceptionnel pour être noté.
C’est une charge en règle mais inspirée et lyrique devant laquelle je m’efface volontiers pour en citer un extrait représentatif : «au Québec de l’Amérique/ où on lave plus blanc que blanc/ l’amnésie est féroce et le rêve éteint/où l’on s’émeut devant une fleur de lys/ ce symbole arriéré de la royauté française/ et une croix qui parle au nom/ de tous les analphabètes de notre histoire/une croix qui efface derrière elle/ des siècles d’ignorance et qui nous aveugle.
Je m’ennuie de la parole/qui mettait en danger/ à chaque syllabe/ l’ordre du monde écrit-il, plus loin. Ce qu’il nous donne à lire en donne une idée.
Catellier est un proche de Jean Benoît (1922), l’artiste surréaliste québécois exilé depuis 1948 à Paris. Il publie ici, en complément de son pamphlet, une belle lettre qu’il lui faisait parvenir. Elle ne dépareille en rien le livre et le complète au contraire merveilleusement: c’est que la même poésie y palpite.
Vous ai-je dit que l’avant-propos de ce livre m’a énormément ému? Voilà. Vous savez tout. Ce jeune homme (26 ans!) est à suivre.
lundi, janvier 25, 2010
DEUX COURTES RECENSIONS
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