Mon accès à Internet est compliqué ces jours-ci — et le restera pour une dizaine de jours encore. C'est ce qui explique la rareté des mises à jour et des commentaires ou réactions à des commentaires.
Normand B.
samedi, juin 27, 2009
vendredi, juin 26, 2009
L’OTAN ET LE NOUVEL UNILATÉRALISME
[ À paraître dans le numéro spécial sur l'OTAN du Monde Libertaire. Le texte paraît ici sans ses notes de bas de pages]
On connaît peut-être le bon mot de Bertrand Russell sur les religions:« On dit souvent que c’est un grand mal de s’attaquer aux religions parce que la religion rend l’homme vertueux. C’est ce qu’on dit; je ne l’ai jamais observé.»
Pour résumer ce que je pense qu’il convient de dire sur l’OTAN, on pourrait parfaitement utiliser une formule similaire. Pour les quatre première décennies de son existence, cela donnera: «On dit souvent que c’est un grand mal de s’attaquer à l’OTAN parce que l’OTAN nous défend contre les attaques du Bloc de l’Est. C’est ce qu’on dit; je ne l’ai jamais observé.»
Depuis deux décennies, la formule serait : « On dit souvent que c’est un grand mal de s’attaquer à l’OTAN parce que l’OTAN nous défend contre les terroristes et répand la démocratie. C’est ce qu’on dit; je ne l’ai jamais observé.»
L’OTAN réel derrière l’OTAN proclamé : première version
«Keep Russians out, Americans in and Germans down» : tel était le slogan par lequel en 1949, au moment de sa création, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, définissait, par la voix de son premier Secrétaire Général, sa triple mission — la première, de défense mutuelle contre l’URSS étant donnée comme étant, de loin, la plus importante.
Il a fallu une bonne dose de propagande pour faire croire que l’URSS, en 1949, représentait une menace réelle contre laquelle la nouvelle organisation allait nous défendre. Face à une URSS affaiblie et dévastée par la guerre, on trouvait en effet des Etats-Unis dont cette même guerre avait relancé l’économie et en possession exclusive de l’arme atomique, dont ils venaient de faire deux fois plutôt qu’une l’usage.
L’OTAN, d’emblée, eut donc une autre mission que celle qu’elle mettait en avant. Au cœur de cette mission réelle figuraient en bonne place, d’une part la lutte contre les multiples formes de «subversions internes» que représentaient les avancées des politiques et des partis européens de gauche et que la guerre avait renforcés, d’autre part la déstabilisation de l’URSS.
À ces fins, durant les quatre premières décennies de son existence, l’OTAN multiplia en Europe les mesures contre la gauche, y appuya les régimes de droite et d’extrême-droite ainsi que des groupes terroristes, et alimenta une course aux armements sur fond de Guerre Froide et de destruction mutuelle garantie (Mutually Assured Destruction, ou MAD).
Herman, qui rappelle tout cela dans un récent article, résume parfaitement la situation qui prévaut jusqu’au début des années 90 quand il écrit de l’OTAN de cette époque qu’elle est: «une organisation offensive et non défensive, opposée à la paix et à la diplomatie, engagée dans des opérations terroristes et d’autres formes d’interventions politiques non-démocratiques et qui représentent, en fait, autant de menaces pour la démocratie ».
Avec la chute de l’URSS, en 1991, la raison avancée pour fonder l’OTAN devenait manifestement intenable, même aux yeux des plus fervents idéologues : et si cette raison n’avait pas été un simple prétexte, l’OTAN aurait été démantelée cette année-là, ou peu de temps après.
Mais si l’OTAN officielle avait perdu toute raison d’être, l’OTAN réelle restait pertinente et elle n’allait pas tarder à trouver de nouvelles justifications à son existence.
L’OTAN réel derrière l’OTAN proclamé : deuxième version
En avril 1999, le 50e anniversaire de l’organisation sera l’occasion pour ses membres d’adopter un Nouveau concept stratégique, mis de l’avant par les Etats-Unis et en vertu duquel l’OTAN s’autorise des interventions militaires sans mandat de l’Organisation des Nations Unies — des interventions militaires dont la guerre des Balkans, entreprise justement sans l’accord du Conseil de sécurité de l’ONU, donnait, précisément à ce moment, un parfait exemple.
Les nouveaux mots d’ordre, aussi creux et improbables que les anciens, seront cette fois la lutte au terrorisme, la promotion de la démocratie et la lutte contre les menaces à la sécurité — et c’est d’ailleurs encore à des impératifs de «sécurité» que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel en ont conjointement appelé en avril dernier pour demander un renforcement des liens entre l’OTAN et l’UE .
L’idéologie du nouvel impérialisme, appelé humanitaire ou libéral, a pu se déployer à partir de là, le Kosovo ayant été le premier ballon d’essai de sa crédibilité.
Ce mouvement se poursuit aujourd’hui, alors que l’OTAN accueille de nouveaux pays — à l’origine, l’organisation ne comprend en effet que douze pays : avec l’ajout, en avril dernier, de l’Albanie et la Croatie, elle réunit à présent 28 pays, dont plusieurs ex-membres du Pacte de Varsovie.
Le nouvel unilatéralisme militaire : EU, OTAN,UE
Je pense pour ma part que ce que nous vivons actuellement est une époque charnière et de transition entre un monde unilatéral dominé par une superpuissance militaire incontestée, et un monde multilatéral, aux contours certes encore imprécis mais qu’annonce déjà l’émergence de nouvelles puissances économique et,ou nucléaires et où pourrait se dessiner le début de la fin de la domination complète de l’Occident. L’OTAN sert notamment à lutter contre ce scenario.
Elle entretient d’abord une nouvelle forme d’unilatéralisme, à la stabilité incertaine, celui du triumvirat EU, OTAN, UE, qui s’exerce en sapant les fondements déjà bien fragiles du droit international érigés à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.
Comme l’écrit Rick Rozoff : «Bien qu’il leur arrive de faire appel aux Nations Unies dans le cas d’une offensive contre un état ciblé ou pour justifier une guerre, en amont ou en aval, les dirigeants occidentaux ne reconnaissent aucun rôle à des organisations comme le Mouvement des Non-Alignés (114 membres), l’Union africaine (53 membres), l’Organisation des États Américains (33 membres), la Ligue Arabe (23 membres), l’Organisation de la Conférence Islamique (57 membres), la Communauté des États Indépendants et l’Organisation du Traité de Sécurité Collective, l’organisation de Coopération de Shangaï ou encore l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est .»
C’est ce nouvel ordre OTAN- ÉU- UE qui a une fois de plus été affirmé et qui a vu ses orientations précisées lors du récent sommet réuni pour le 60 ans de l’OTAN à Strasbourg-Kehl et qui signait le retour de la France dans l’organisation que De Gaulle lui avait fait quitter en 1966.
C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier un phénomène aussi remarquable que terrifiant, mais trop peu discuté et qui permet la persistance et le renforcement de l’OTAN, à savoir la relance et l’intensification de la course aux armements — l’OTAN incitant ses nouveaux membres à s’approvisionner auprès des fournisseurs — il faut savoir que les dépenses militaires des pays de l’OTAN représentent environ 70% des dépense mondiales.
Or, au moment où des coupures ont été annoncées dans le budget de la défense aux Etats-Unis — leur budget militaire total, pour 2009, est estimé à plus de $651 milliards , ce qui représente près de 50% des dépenses militaires mondiales — les compagnies américaines d’armements seront incitées à explorer plus encore ces nouveaux marchés.
Mais cet équilibre reste précaire, y compris sur ce plan militaro-industriel, puisqu’on assiste, depuis quelques années, à la montée en puissance et à la consolidation des entreprises européennes de ventes d’armes, concurrentes des entreprise américaines . Il est donc très malaisé de prédire si cet équilibre résistera ou non. D’autant, et il faut le noter, que les ententes relatives au commerce des armes cherchent à soustraire ces ventes au regard des parlementaires et du public, comme on le constate avec le Framework Agreement Concerning Measures to Facilitate the Restructuring and Operation of the European Defense Industry, signé par la Grande Bretagne, l’Allemagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas .
Quoiqu’il en soit, une chose est certaine : l’existence de l’OTAN, aujourd’hui comme hier, est une menace pour la paix et la sécurité dans le monde et ce pitbull des Etats-Unis, comme le nomme Herman, demeure «une organisation offensive et non défensive, opposée à la paix et à la diplomatie, engagée dans des opérations terroristes et d’autres formes d’interventions politiques non-démocratiques et qui représentent, en fait, autant de menaces pour la démocratie».
L’OTAN, a dit sans rire ni faire rire de lui Konrad Adenauer (1876-1967), est une institution vouée à la défense de «l’héritage de la civilisation occidentale». Si c’était bien le cas, il faudrait désespérer définitivement de la civilisation occidentale.
Si on n’en désespère pas tout à fait, c’est du côté de ceux et celles qui luttent pour obtenir l’abolition de l’OTAN qu’on trouvera de quoi renforcer notre espoir.
On connaît peut-être le bon mot de Bertrand Russell sur les religions:« On dit souvent que c’est un grand mal de s’attaquer aux religions parce que la religion rend l’homme vertueux. C’est ce qu’on dit; je ne l’ai jamais observé.»
Pour résumer ce que je pense qu’il convient de dire sur l’OTAN, on pourrait parfaitement utiliser une formule similaire. Pour les quatre première décennies de son existence, cela donnera: «On dit souvent que c’est un grand mal de s’attaquer à l’OTAN parce que l’OTAN nous défend contre les attaques du Bloc de l’Est. C’est ce qu’on dit; je ne l’ai jamais observé.»
Depuis deux décennies, la formule serait : « On dit souvent que c’est un grand mal de s’attaquer à l’OTAN parce que l’OTAN nous défend contre les terroristes et répand la démocratie. C’est ce qu’on dit; je ne l’ai jamais observé.»
L’OTAN réel derrière l’OTAN proclamé : première version
«Keep Russians out, Americans in and Germans down» : tel était le slogan par lequel en 1949, au moment de sa création, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, définissait, par la voix de son premier Secrétaire Général, sa triple mission — la première, de défense mutuelle contre l’URSS étant donnée comme étant, de loin, la plus importante.
Il a fallu une bonne dose de propagande pour faire croire que l’URSS, en 1949, représentait une menace réelle contre laquelle la nouvelle organisation allait nous défendre. Face à une URSS affaiblie et dévastée par la guerre, on trouvait en effet des Etats-Unis dont cette même guerre avait relancé l’économie et en possession exclusive de l’arme atomique, dont ils venaient de faire deux fois plutôt qu’une l’usage.
L’OTAN, d’emblée, eut donc une autre mission que celle qu’elle mettait en avant. Au cœur de cette mission réelle figuraient en bonne place, d’une part la lutte contre les multiples formes de «subversions internes» que représentaient les avancées des politiques et des partis européens de gauche et que la guerre avait renforcés, d’autre part la déstabilisation de l’URSS.
À ces fins, durant les quatre premières décennies de son existence, l’OTAN multiplia en Europe les mesures contre la gauche, y appuya les régimes de droite et d’extrême-droite ainsi que des groupes terroristes, et alimenta une course aux armements sur fond de Guerre Froide et de destruction mutuelle garantie (Mutually Assured Destruction, ou MAD).
Herman, qui rappelle tout cela dans un récent article, résume parfaitement la situation qui prévaut jusqu’au début des années 90 quand il écrit de l’OTAN de cette époque qu’elle est: «une organisation offensive et non défensive, opposée à la paix et à la diplomatie, engagée dans des opérations terroristes et d’autres formes d’interventions politiques non-démocratiques et qui représentent, en fait, autant de menaces pour la démocratie ».
Avec la chute de l’URSS, en 1991, la raison avancée pour fonder l’OTAN devenait manifestement intenable, même aux yeux des plus fervents idéologues : et si cette raison n’avait pas été un simple prétexte, l’OTAN aurait été démantelée cette année-là, ou peu de temps après.
Mais si l’OTAN officielle avait perdu toute raison d’être, l’OTAN réelle restait pertinente et elle n’allait pas tarder à trouver de nouvelles justifications à son existence.
L’OTAN réel derrière l’OTAN proclamé : deuxième version
En avril 1999, le 50e anniversaire de l’organisation sera l’occasion pour ses membres d’adopter un Nouveau concept stratégique, mis de l’avant par les Etats-Unis et en vertu duquel l’OTAN s’autorise des interventions militaires sans mandat de l’Organisation des Nations Unies — des interventions militaires dont la guerre des Balkans, entreprise justement sans l’accord du Conseil de sécurité de l’ONU, donnait, précisément à ce moment, un parfait exemple.
Les nouveaux mots d’ordre, aussi creux et improbables que les anciens, seront cette fois la lutte au terrorisme, la promotion de la démocratie et la lutte contre les menaces à la sécurité — et c’est d’ailleurs encore à des impératifs de «sécurité» que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel en ont conjointement appelé en avril dernier pour demander un renforcement des liens entre l’OTAN et l’UE .
L’idéologie du nouvel impérialisme, appelé humanitaire ou libéral, a pu se déployer à partir de là, le Kosovo ayant été le premier ballon d’essai de sa crédibilité.
Ce mouvement se poursuit aujourd’hui, alors que l’OTAN accueille de nouveaux pays — à l’origine, l’organisation ne comprend en effet que douze pays : avec l’ajout, en avril dernier, de l’Albanie et la Croatie, elle réunit à présent 28 pays, dont plusieurs ex-membres du Pacte de Varsovie.
Le nouvel unilatéralisme militaire : EU, OTAN,UE
Je pense pour ma part que ce que nous vivons actuellement est une époque charnière et de transition entre un monde unilatéral dominé par une superpuissance militaire incontestée, et un monde multilatéral, aux contours certes encore imprécis mais qu’annonce déjà l’émergence de nouvelles puissances économique et,ou nucléaires et où pourrait se dessiner le début de la fin de la domination complète de l’Occident. L’OTAN sert notamment à lutter contre ce scenario.
Elle entretient d’abord une nouvelle forme d’unilatéralisme, à la stabilité incertaine, celui du triumvirat EU, OTAN, UE, qui s’exerce en sapant les fondements déjà bien fragiles du droit international érigés à la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.
Comme l’écrit Rick Rozoff : «Bien qu’il leur arrive de faire appel aux Nations Unies dans le cas d’une offensive contre un état ciblé ou pour justifier une guerre, en amont ou en aval, les dirigeants occidentaux ne reconnaissent aucun rôle à des organisations comme le Mouvement des Non-Alignés (114 membres), l’Union africaine (53 membres), l’Organisation des États Américains (33 membres), la Ligue Arabe (23 membres), l’Organisation de la Conférence Islamique (57 membres), la Communauté des États Indépendants et l’Organisation du Traité de Sécurité Collective, l’organisation de Coopération de Shangaï ou encore l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est .»
C’est ce nouvel ordre OTAN- ÉU- UE qui a une fois de plus été affirmé et qui a vu ses orientations précisées lors du récent sommet réuni pour le 60 ans de l’OTAN à Strasbourg-Kehl et qui signait le retour de la France dans l’organisation que De Gaulle lui avait fait quitter en 1966.
C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier un phénomène aussi remarquable que terrifiant, mais trop peu discuté et qui permet la persistance et le renforcement de l’OTAN, à savoir la relance et l’intensification de la course aux armements — l’OTAN incitant ses nouveaux membres à s’approvisionner auprès des fournisseurs — il faut savoir que les dépenses militaires des pays de l’OTAN représentent environ 70% des dépense mondiales.
Or, au moment où des coupures ont été annoncées dans le budget de la défense aux Etats-Unis — leur budget militaire total, pour 2009, est estimé à plus de $651 milliards , ce qui représente près de 50% des dépenses militaires mondiales — les compagnies américaines d’armements seront incitées à explorer plus encore ces nouveaux marchés.
Mais cet équilibre reste précaire, y compris sur ce plan militaro-industriel, puisqu’on assiste, depuis quelques années, à la montée en puissance et à la consolidation des entreprises européennes de ventes d’armes, concurrentes des entreprise américaines . Il est donc très malaisé de prédire si cet équilibre résistera ou non. D’autant, et il faut le noter, que les ententes relatives au commerce des armes cherchent à soustraire ces ventes au regard des parlementaires et du public, comme on le constate avec le Framework Agreement Concerning Measures to Facilitate the Restructuring and Operation of the European Defense Industry, signé par la Grande Bretagne, l’Allemagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas .
Quoiqu’il en soit, une chose est certaine : l’existence de l’OTAN, aujourd’hui comme hier, est une menace pour la paix et la sécurité dans le monde et ce pitbull des Etats-Unis, comme le nomme Herman, demeure «une organisation offensive et non défensive, opposée à la paix et à la diplomatie, engagée dans des opérations terroristes et d’autres formes d’interventions politiques non-démocratiques et qui représentent, en fait, autant de menaces pour la démocratie».
L’OTAN, a dit sans rire ni faire rire de lui Konrad Adenauer (1876-1967), est une institution vouée à la défense de «l’héritage de la civilisation occidentale». Si c’était bien le cas, il faudrait désespérer définitivement de la civilisation occidentale.
Si on n’en désespère pas tout à fait, c’est du côté de ceux et celles qui luttent pour obtenir l’abolition de l’OTAN qu’on trouvera de quoi renforcer notre espoir.
Libellés :
Monde Libertaire,
Normand Baillargeon,
OTAN
lundi, juin 22, 2009
MUTATIONS DE L’UNIVERSITÉ ET RÉSISTANCES LIBERTAIRES
[Article pour le prochain Monde Libertaire]
Mes mille collègues professeures et professeurs de l’UQAM (Université du Québec à Montréal) et moi-même, nous avons mené, cet hiver et ce printemps, une grève qui aura finalement duré sept longues semaines.
Cette grève, la première à l’UQAM depuis 33 ans, s’est terminée sur d’importants gains pour le corps enseignant, mais aussi, et sans doute surtout, pour l’institution elle-même — et c’est probablement là la principale raison pour laquelle la société civile québécoise, les étudiantes et les étudiants et les chargés de cours (nos «maîtres de conférences») qui ont perçu cette dimension finalement altruiste de la grève, l’ont appuyée.
Sous-financée, engagée, par des administrateurs issus du corps professoral mais devenus gestionnaires à courte vue, dans des aventures immobilières aussi douteuses que financièrement désastreuses, l’UQAM était en fait au bord du gouffre. Cette grève a joué un rôle décisif pour sa survie et contribuée à la préservation, à tout le moins provisoire, de son autonomie en tant qu’institution.
Et c’est bien cette autonomie qui, de toutes parts, au Québec comme ailleurs dans le monde, et notamment en Europe, est aujourd’hui menacée.
Dans le texte qui suit, je voudrais accomplir deux choses.
La première est de préciser en quoi consistent les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’université, en me fondant pour cela sur l’exemple des universités québécoises, une situation qui, à bien des égards me semble-t-il, ressemble assez à celle qui prévaut en ce moment ailleurs et notamment en Europe.
La deuxième est de proposer, modestement et sans prétendre que ce que je suggère se généralise, quelques pistes de réflexion et d’action qui pourraient guider les libertaires dans cette situation. Ici encore, c’est à partir de l’université québécoise et en particulier de ma propre expérience de professeur, que je parlerai.
La grande transformation de l’université et ses effets
Historiquement, dans ce Moyen-Âge européen qui la voit naître, l’université est une corporation qui réunit des professeurs et des étudiants (puis, de plus en plus, des professeures et des étudiantes). Peu à peu, elle définira comme une institution où s’accomplit « la vie de l’esprit de ces êtres humains qui […] sont portés vers la recherche et l’étude » – pour reprendre les mots de von Humboldt. L’université, en somme, devrait être tout entière définie et structurée par cette ambition et par les valeurs qu’elle implique, n’avoir de sens et de raison d’être que par elles.
Mais ces valeurs entrent souvent en conflit avec celles du monde au sein duquel vit l’université et rendent problématique et souvent conflictuel son rapport à lui. Tout cela est encore exacerbé du fait que l’université est largement financée par ce monde extérieur – l’État, des citoyens, des corporations – qui a, à son endroit, diverses exigences dont certaines sont souvent difficilement compatibles, voire carrément incompatibles, avec «la recherche et l’étude». L’université, en ce sens, est une institution essentiellement parasitique.
Pourtant, pour des raisons qu’il est facile de deviner, l’université s’est aussi avérée extrêmement rentable et utile sur plusieurs plans, y compris économique. Pour ces seules raisons, la société ne pouvait lui refuser d’exister.
L’histoire de l’université est ainsi marquée par le conflit entre ces deux principes – celui, interne, de la vie de l’esprit et celui, externe, des exigences de toutes sortes formulées au nom de la «rentabilité » – et par sa résolution sous la forme de constants réajustements. Cette histoire est en somme celle du pari de maintenir un lieu de réflexion et d’éducation qui soit indépendant des régimes politiques et suffisamment à l’abri des exigences du monde environnant et de la pression de l’opinion pour que ceux et celles qui le fréquentent puissent se consacrer à la vie de l’esprit.
Ce à quoi on a assisté, depuis une vingtaine d’années, se comprend à partir de là. Il s’agit, pour reprendre le vocabulaire proposé par le sociologue québécois Michel Freitag, d’une profonde mutation par laquelle une institution se transforme en organisation.
L’éducation, la recherche, la vie académique ont ainsi été sommées de s’inscrire dans une logique de rentabilité et d’adaptation fonctionnelle des individus aux exigences de l’économie, toujours données pour indiscutables et décisives. L’université tend ainsi à être de moins en moins définie par les exigences internes de son activité spécifique et de plus en plus par des critères extérieurs à elle. Certains des vocables avec lesquels on parle désormais si souvent de l’université – clientèle, capital humain, compétence, rentabilité, investissement, subvention, etc. – témoignent de la diffusion et de l’acceptation de ces déplorables idées.
Cette transformation de l’institution s’est en outre accompagnée d’une véritable métamorphose de son fonctionnement interne : l’université se gère de plus en plus comme une organisation, avec des principes administratifs et une bureaucratie qui conviennent peut-être à l’entreprise qu’elle est en voie de devenir, mais qui souvent la conduisent à des pratiques qui sont aux antipodes de ce qu’exigerait l’université-institution.
L’UQAM engagée par des gestionnaires dans des projets immobiliers catastrophiques est un exemple, dramatique, de ce que peut signifier la pénétration d'une approche «marketing» et managériale de l'université. La Loi sur la Gouvernance des universités que le Gouvernement du Québec souhaite voir adoptée en est un autre, puisqu’elle prévoit, au nom de l'efficacité et de l'imputabilité, de désormais nommer sur les conseils d’administration des universités 60% de membres externes — ce qui fait bondir leur représentation. Finalement, les menaces d’abolition de programmes non ou peu financièrement rentables (philosophie, par exemple) et la création de programmes rentables (comme celui de tourisme gastronomique, un exemple pas du tout inventé) en est encore un autre, qui donne bien la mesure de ce que pourront signifier les transformations en cours sur le plan académique.
Ce qui se vit sur ces plans au Québec ressemble fort à ce qui se produit en France et en Europe et est bien résumé par l’expression «cauchemar de Humboldt», qui donne son titre à un récent ouvrage qui examine les effets de la transformation de l’institution université européenne en organisation .
En donnant pour objectif à l’université l’intégration des citoyens au marché du travail, la Déclaration de Bologne (1999) s’inscrit dans une logique qui, tout comme au Québec, s’affirme depuis vingt ans pour déplorer le peu de lien entre l’université et les besoins des entreprises et de l’économie, pour affirmer la nécessité du recours au privé pour son financement et réclamer le développement en son sein d’une authentique culture d’entreprise. Pour un tel projet, il faut en convenir, chacune des «valeurs universitaires» constitue autant d’obstacles qu’il faut surmonter, voire détruire.
Je souscris aux grandes lignes de cette analyse désormais assez répandue. J’y apporterais toutefois un important bémol qui concerne le diagnostic ici posé.
Il me semble en effet qu’à côté de cet ennemi « néolibéral » et extérieur, il existe aussi un ennemi intérieur de l’université, non moins redoutable que le premier, quoique plus pernicieux encore parce que plus difficile à reconnaître. Ces gestionnaires à courte vue que j’ai évoqués en sont un exemple; mais aussi toutes ces formes que prennent le renoncement à ces valeurs qui sont celles de «la vie de l’esprit» de la recherche et de l’étude. En somme, l’ennemi extérieur n’aurait pas pu pénétrer à ce point et aussi facilement pénétrer au sein de l’université et des cerveaux qu’elle abrite, sans la complicité d’un ennemi intérieur qui, par ignorance, par aveuglement, par intérêt personnel ou pour toute autre raison, a contribué à sa victoire.
Et nous, anars, dans tout ça?
Je propose trois directions dans lesquelles nos actions et réflexions pourraient avantageusement s’engager.
La première est justement la lutte contre ce qui, de l’intérieur, mine l’université dans sa mission fondamentale.
Sans aucunement nous leurrer sur ce qu’historiquement l’université a aussi été, à savoir une institution au service des pouvoirs, nous pouvons reconnaître d’une part l’importance et la valeur intrinsèque de ce qu’elle accomplit en poursuivant sa mission propre, d’autre part le potentiel émancipateur de cette dernière. D’où l’urgence de se porter aujourd’hui à sa défense contre ces nouveaux ennemis, depuis ces programmes bassement utilitaires mis en place jusqu’à cette recherche aux visées mercantiles en passant par les modes de gestion qui rendent tout cela possible et le font croire inévitable.
La poursuite et la défense de cette recherche libre, qui est de plus en plus menacée, est un exemple de ce signifie concrètement ce que je propose; la création et la dispensation de formation et de cours libres, crédités ou non, en est un autre. Ces cours peuvent bien entendu se donner au sein de université, mais aussi hors et indépendamment d’elle.
Cette dernière hypothèse conduit à ma deuxième proposition.
Il s’agit, cette fois, de saisir et de tirer le meilleur parti possible de ce moment propice durant lequel la société civile se porte elle aussi à la défense de certains des idéaux universitaires. Nous devrions, il me semble, en profiter pour maximiser les liens entre universitaires et société civile.
Concrètement, cela signifie une participation active et soutenue à la production et à la diffusion de savoirs intéressant la société civile — que ce soit au sein d’universités populaires, de groupes communautaires, de syndicats ou d’associations de toutes sortes.
Dans la même perspective, j’ai suggéré, au Québec, la tenue d’États généraux de l’université, que j’envisageais comme un moment de défense collective contre la tentative des institutions dominantes de s’approprier et de transformer l’université selon leurs valeurs et leurs finalités.
Ma dernière proposition reprend celle que faisait il n’y a pas si longtemps un libertaire américain bien connu, Paul Goodman (1911-1972).
Envisagée dans la longue durée, l’actuelle crise de l’université n’est, au fond, qu’un épisode de plus du conflit entre les deux principes que j’évoquais plus haut. Or, qu’ont fait, à divers moments de son histoire depuis le Moyen Âge, certains universitaires et certains étudiants quand la forme prise par l’université ne leur convenait plus du tout ? Ils ont fait sécession. Et c’est souvent à travers cette dissidence que l’université a trouvé de quoi se régénérer. De telles sécessions ponctuent l’histoire de l’institution. La dernière et la plus célèbre en date est celle de la création de la New School of Social Research, de New York, née de la sécession de professeures dissidents de Stanford et Columbia.
Faisons-le une fois de plus, suggérait Paul Goodman en 1962. Je reprends à mon compte son idée et j’imagine sans mal une, disons, cinquantaine de professeures et quelque trois cents étudiantes étudiants fondant un Institut universitaire voué au Studium Generale, à l’abri du contrôle extérieur administratif et bureaucratique et dans le but de fonder une véritable communauté intellectuelle.
Bien des questions concrètes restent sans réponse, j’en suis conscient, et il faudra leur répondre. Elles concernent notamment le financement de cette communauté, ses ressources matérielles et humaines – bibliothèque, locaux, équipement, personnel – et sa relation aux institutions officielles devant garantir aux étudiantes et étudiants qui le désirent qu’ils pourront obtenir des diplômes reconnus.
Mais il me semble que ces problèmes ne sont pas insurmontables, d’autant que les universités, le ministère et la collectivité ont, pour des raisons diverses, des intérêts à la poursuite et au succès d’une telle expérience.
Normand Baillargeon
(baillargeon.normand@uqam.ca)
Mes mille collègues professeures et professeurs de l’UQAM (Université du Québec à Montréal) et moi-même, nous avons mené, cet hiver et ce printemps, une grève qui aura finalement duré sept longues semaines.
Cette grève, la première à l’UQAM depuis 33 ans, s’est terminée sur d’importants gains pour le corps enseignant, mais aussi, et sans doute surtout, pour l’institution elle-même — et c’est probablement là la principale raison pour laquelle la société civile québécoise, les étudiantes et les étudiants et les chargés de cours (nos «maîtres de conférences») qui ont perçu cette dimension finalement altruiste de la grève, l’ont appuyée.
Sous-financée, engagée, par des administrateurs issus du corps professoral mais devenus gestionnaires à courte vue, dans des aventures immobilières aussi douteuses que financièrement désastreuses, l’UQAM était en fait au bord du gouffre. Cette grève a joué un rôle décisif pour sa survie et contribuée à la préservation, à tout le moins provisoire, de son autonomie en tant qu’institution.
Et c’est bien cette autonomie qui, de toutes parts, au Québec comme ailleurs dans le monde, et notamment en Europe, est aujourd’hui menacée.
Dans le texte qui suit, je voudrais accomplir deux choses.
La première est de préciser en quoi consistent les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’université, en me fondant pour cela sur l’exemple des universités québécoises, une situation qui, à bien des égards me semble-t-il, ressemble assez à celle qui prévaut en ce moment ailleurs et notamment en Europe.
La deuxième est de proposer, modestement et sans prétendre que ce que je suggère se généralise, quelques pistes de réflexion et d’action qui pourraient guider les libertaires dans cette situation. Ici encore, c’est à partir de l’université québécoise et en particulier de ma propre expérience de professeur, que je parlerai.
La grande transformation de l’université et ses effets
Historiquement, dans ce Moyen-Âge européen qui la voit naître, l’université est une corporation qui réunit des professeurs et des étudiants (puis, de plus en plus, des professeures et des étudiantes). Peu à peu, elle définira comme une institution où s’accomplit « la vie de l’esprit de ces êtres humains qui […] sont portés vers la recherche et l’étude » – pour reprendre les mots de von Humboldt. L’université, en somme, devrait être tout entière définie et structurée par cette ambition et par les valeurs qu’elle implique, n’avoir de sens et de raison d’être que par elles.
Mais ces valeurs entrent souvent en conflit avec celles du monde au sein duquel vit l’université et rendent problématique et souvent conflictuel son rapport à lui. Tout cela est encore exacerbé du fait que l’université est largement financée par ce monde extérieur – l’État, des citoyens, des corporations – qui a, à son endroit, diverses exigences dont certaines sont souvent difficilement compatibles, voire carrément incompatibles, avec «la recherche et l’étude». L’université, en ce sens, est une institution essentiellement parasitique.
Pourtant, pour des raisons qu’il est facile de deviner, l’université s’est aussi avérée extrêmement rentable et utile sur plusieurs plans, y compris économique. Pour ces seules raisons, la société ne pouvait lui refuser d’exister.
L’histoire de l’université est ainsi marquée par le conflit entre ces deux principes – celui, interne, de la vie de l’esprit et celui, externe, des exigences de toutes sortes formulées au nom de la «rentabilité » – et par sa résolution sous la forme de constants réajustements. Cette histoire est en somme celle du pari de maintenir un lieu de réflexion et d’éducation qui soit indépendant des régimes politiques et suffisamment à l’abri des exigences du monde environnant et de la pression de l’opinion pour que ceux et celles qui le fréquentent puissent se consacrer à la vie de l’esprit.
Ce à quoi on a assisté, depuis une vingtaine d’années, se comprend à partir de là. Il s’agit, pour reprendre le vocabulaire proposé par le sociologue québécois Michel Freitag, d’une profonde mutation par laquelle une institution se transforme en organisation.
L’éducation, la recherche, la vie académique ont ainsi été sommées de s’inscrire dans une logique de rentabilité et d’adaptation fonctionnelle des individus aux exigences de l’économie, toujours données pour indiscutables et décisives. L’université tend ainsi à être de moins en moins définie par les exigences internes de son activité spécifique et de plus en plus par des critères extérieurs à elle. Certains des vocables avec lesquels on parle désormais si souvent de l’université – clientèle, capital humain, compétence, rentabilité, investissement, subvention, etc. – témoignent de la diffusion et de l’acceptation de ces déplorables idées.
Cette transformation de l’institution s’est en outre accompagnée d’une véritable métamorphose de son fonctionnement interne : l’université se gère de plus en plus comme une organisation, avec des principes administratifs et une bureaucratie qui conviennent peut-être à l’entreprise qu’elle est en voie de devenir, mais qui souvent la conduisent à des pratiques qui sont aux antipodes de ce qu’exigerait l’université-institution.
L’UQAM engagée par des gestionnaires dans des projets immobiliers catastrophiques est un exemple, dramatique, de ce que peut signifier la pénétration d'une approche «marketing» et managériale de l'université. La Loi sur la Gouvernance des universités que le Gouvernement du Québec souhaite voir adoptée en est un autre, puisqu’elle prévoit, au nom de l'efficacité et de l'imputabilité, de désormais nommer sur les conseils d’administration des universités 60% de membres externes — ce qui fait bondir leur représentation. Finalement, les menaces d’abolition de programmes non ou peu financièrement rentables (philosophie, par exemple) et la création de programmes rentables (comme celui de tourisme gastronomique, un exemple pas du tout inventé) en est encore un autre, qui donne bien la mesure de ce que pourront signifier les transformations en cours sur le plan académique.
Ce qui se vit sur ces plans au Québec ressemble fort à ce qui se produit en France et en Europe et est bien résumé par l’expression «cauchemar de Humboldt», qui donne son titre à un récent ouvrage qui examine les effets de la transformation de l’institution université européenne en organisation .
En donnant pour objectif à l’université l’intégration des citoyens au marché du travail, la Déclaration de Bologne (1999) s’inscrit dans une logique qui, tout comme au Québec, s’affirme depuis vingt ans pour déplorer le peu de lien entre l’université et les besoins des entreprises et de l’économie, pour affirmer la nécessité du recours au privé pour son financement et réclamer le développement en son sein d’une authentique culture d’entreprise. Pour un tel projet, il faut en convenir, chacune des «valeurs universitaires» constitue autant d’obstacles qu’il faut surmonter, voire détruire.
Je souscris aux grandes lignes de cette analyse désormais assez répandue. J’y apporterais toutefois un important bémol qui concerne le diagnostic ici posé.
Il me semble en effet qu’à côté de cet ennemi « néolibéral » et extérieur, il existe aussi un ennemi intérieur de l’université, non moins redoutable que le premier, quoique plus pernicieux encore parce que plus difficile à reconnaître. Ces gestionnaires à courte vue que j’ai évoqués en sont un exemple; mais aussi toutes ces formes que prennent le renoncement à ces valeurs qui sont celles de «la vie de l’esprit» de la recherche et de l’étude. En somme, l’ennemi extérieur n’aurait pas pu pénétrer à ce point et aussi facilement pénétrer au sein de l’université et des cerveaux qu’elle abrite, sans la complicité d’un ennemi intérieur qui, par ignorance, par aveuglement, par intérêt personnel ou pour toute autre raison, a contribué à sa victoire.
Et nous, anars, dans tout ça?
Je propose trois directions dans lesquelles nos actions et réflexions pourraient avantageusement s’engager.
La première est justement la lutte contre ce qui, de l’intérieur, mine l’université dans sa mission fondamentale.
Sans aucunement nous leurrer sur ce qu’historiquement l’université a aussi été, à savoir une institution au service des pouvoirs, nous pouvons reconnaître d’une part l’importance et la valeur intrinsèque de ce qu’elle accomplit en poursuivant sa mission propre, d’autre part le potentiel émancipateur de cette dernière. D’où l’urgence de se porter aujourd’hui à sa défense contre ces nouveaux ennemis, depuis ces programmes bassement utilitaires mis en place jusqu’à cette recherche aux visées mercantiles en passant par les modes de gestion qui rendent tout cela possible et le font croire inévitable.
La poursuite et la défense de cette recherche libre, qui est de plus en plus menacée, est un exemple de ce signifie concrètement ce que je propose; la création et la dispensation de formation et de cours libres, crédités ou non, en est un autre. Ces cours peuvent bien entendu se donner au sein de université, mais aussi hors et indépendamment d’elle.
Cette dernière hypothèse conduit à ma deuxième proposition.
Il s’agit, cette fois, de saisir et de tirer le meilleur parti possible de ce moment propice durant lequel la société civile se porte elle aussi à la défense de certains des idéaux universitaires. Nous devrions, il me semble, en profiter pour maximiser les liens entre universitaires et société civile.
Concrètement, cela signifie une participation active et soutenue à la production et à la diffusion de savoirs intéressant la société civile — que ce soit au sein d’universités populaires, de groupes communautaires, de syndicats ou d’associations de toutes sortes.
Dans la même perspective, j’ai suggéré, au Québec, la tenue d’États généraux de l’université, que j’envisageais comme un moment de défense collective contre la tentative des institutions dominantes de s’approprier et de transformer l’université selon leurs valeurs et leurs finalités.
Ma dernière proposition reprend celle que faisait il n’y a pas si longtemps un libertaire américain bien connu, Paul Goodman (1911-1972).
Envisagée dans la longue durée, l’actuelle crise de l’université n’est, au fond, qu’un épisode de plus du conflit entre les deux principes que j’évoquais plus haut. Or, qu’ont fait, à divers moments de son histoire depuis le Moyen Âge, certains universitaires et certains étudiants quand la forme prise par l’université ne leur convenait plus du tout ? Ils ont fait sécession. Et c’est souvent à travers cette dissidence que l’université a trouvé de quoi se régénérer. De telles sécessions ponctuent l’histoire de l’institution. La dernière et la plus célèbre en date est celle de la création de la New School of Social Research, de New York, née de la sécession de professeures dissidents de Stanford et Columbia.
Faisons-le une fois de plus, suggérait Paul Goodman en 1962. Je reprends à mon compte son idée et j’imagine sans mal une, disons, cinquantaine de professeures et quelque trois cents étudiantes étudiants fondant un Institut universitaire voué au Studium Generale, à l’abri du contrôle extérieur administratif et bureaucratique et dans le but de fonder une véritable communauté intellectuelle.
Bien des questions concrètes restent sans réponse, j’en suis conscient, et il faudra leur répondre. Elles concernent notamment le financement de cette communauté, ses ressources matérielles et humaines – bibliothèque, locaux, équipement, personnel – et sa relation aux institutions officielles devant garantir aux étudiantes et étudiants qui le désirent qu’ils pourront obtenir des diplômes reconnus.
Mais il me semble que ces problèmes ne sont pas insurmontables, d’autant que les universités, le ministère et la collectivité ont, pour des raisons diverses, des intérêts à la poursuite et au succès d’une telle expérience.
Normand Baillargeon
(baillargeon.normand@uqam.ca)
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Monde Libertaire,
Normand Baillargeon,
Université
samedi, juin 20, 2009
L’ATHÉISME ET LA LIBRE-PENSÉE … EN VERVE - Fin
• On constate que les règnes longs sont toujours déplorables. Dieu est éternel : jugez vous-mêmes.
Chamfort (1741-1794)
• Je ne crois pas en un dieu personnel : cela, je ne l’ai jamais nié et je l’ai au contraire clairement laissé savoir. S’il y a en moi quelque chose qui puisse être appelé religieux, c’est l’admiration sans limite que je ressens à contempler la structure du monde telle que la science peut nous la révéler. Je ne crois pas en l’immortalité de l’individu et je considère que l’éthique est une affaire exclusivement humaine derrière laquelle on ne trouvera aucune autorité supra-humaine.
A. Einstein (1879-1955)
• Le célibat des prêtres serait une excellente chose si la profession ne pouvait s’exercer que de père en fils.
• Du progrès dans l’histoire : Panthéisme, polythéisme, monothéisme, athéisme.
• Si l’athéisme était une foi, ne pas jouer au hockey serait un sport d’hiver.
• Bonne nouvelle : le curé est comestible!
• On ne sait toujours pas comment expliquer de manière convaincante le fait que certains enfants ont des amis imaginaires; mais en ce qui concerne les adultes, qu’il s’agisse de Bouddha, de Yahvé, de Jésus, d’Allah, des anges gardiens et d’innombrables autres petits amis, on sait : c’est à cause de leur éducation religieuse.
Manon Boner-Gaillard (1958-)
• Les religions sont comme les lucioles : elles ont besoin de la nuit pour briller.
Arthur Schopenhauer (1788-1860)
• Le commun des mortels tient la religion pour vraie, les sages la tiennent pour fausse tandis que les dirigeants la tiennent pour utile.
Sénèque (4 av. J.C. – 65 ap. J.cC.0
• En religion, est-il une erreur damnable qu'un front sévère ne sanctifie et ne fasse passer au moyen d'un texte qui en cachera la grossièreté sous une séduisante parure?
Shakespeare (1564-1616)
• Pourquoi devrions-nous demander conseil au Pape en matière de sexualité? S’il y connaît quelque chose, il ne devrait pas!
George Bernard Shaw (1856-1950)
• La seule raison pour laquelle Staline et Hitler ont tué plus de personnes que l’Inquisition est que Torquemada n’avait ni chambres à gaz ni mitraillettes.
Michael Shermer (1954-)
• Le christianisme n’a rien à offrir à une personne heureuse. De même qu’il doit détruire la raison pour introduire l’idée de foi, il doit détruire le bonheur pour introduire celle de Salut.
George H. Smith (1949-)
• Si un triangle pouvait parler, il dirait que dieu est éminemment triangulaire, tandis qu’un cercle dirait que la nature divine est éminemment circulaire.
Baruch Spinoza (1632-1677)
• Imagine there's no countries
It isn't hard to do
Nothing to kill or die for
And no religion too
John Lennon (1940-1980)
• À quoi bon essayer convertir les Algonquins : ce serait leur faire abandonner leurs superstitions pour adopter les nôtres.
Henry David Thoreau (1817-1862)
• La foi, c’est croire ce qu’on sait ne pas être.
• Un homme est admis dans une église pour ce qu’il croit et il en est mis à porte pour ce qu’il sait.
• Ce ne sont pas les passages que je ne comprends pas qui me dérangent dans la Bible, mais ceux que je comprends.
• Allez au Paradis pour le climat, mais en Enfer pour les gens.
• Je n’ai pas peur de la mort : c’est que j’ai été mort des milliards et des milliards d’années avant de naître et que cela ne m’a pas causé le moindre inconvénient.
Mark Twain (alias Samuel Clemens, 1835-1910)
• Le plus grand avantage qu’il y a à croire en dieu est qu’on n’a plus à comprendre quoi que ce soit : plus de physique, plus de biologie. Moi, je voulais comprendre.
James Watson (1928-)
• Avec ou sans la religion, des bonnes personnes feraient de bonnes actions et des mauvaises personnes feraient de mauvaises actions. Mais la religion est nécessaire pour faire accomplir de mauvaises actions à de bonnes personnes.
• La plupart des scientifiques que je connais ne s’intéressent même pas assez à la religion pour se dire athées.
Steven Weinberg (1933-)
• Le pire défaut du fanatique est sa sincérité.
• Je pense que dieu, en créant l’homme, a surestimé ses capacités.
Oscar Wilde (1854-1900)
• La Bible nous demande d’être semblable à Dieu puis, page après page, nous le présente comme un meurtrier en série. Cela pourrait bien être la plus importante clé permettant de comprendre le comportement politique de la civilisation occidentale.
Robert Anton Wilson (1932)
• J’ai relu le Livre de Job, hier soir; l’image de dieu qui en émane n’est pas à son avantage.
Virgnia Woolf (1882-1941)
• Homère et Hésiode ont attribué aux dieux tout ce qui chez les mortels provoque opprobre et honte: vols, adultères et tromperies réciproques.
• Les mortels s'imaginent que les dieux sont engendrés comme eux et qu'ils ont des vêtements, une voix et un corps semblable aux leurs.
• Oui, si les boeufs et les chevaux et les lions avaient des mains et pouvaient, avec leurs mains, peindre et produire des oeuvres comme les hommes, les chevaux peindraient des figures de dieux pareilles à des chevaux, et les boeufs pareilles à des boeufs, bref des images analogues à celles de toutes les espèces animales.
• Les Éthiopiens disent de leurs dieux qu'ils sont camus et noirs, les Thraces qu'ils ont les yeux bleus et les cheveux rouges.
Xénophane (570-480 v. J.C.)
• Avec les pierres de la Loi, on a bâti les prisons; avec les briques de la religion, les bordels.
William Blake (1757-1827)
Chamfort (1741-1794)
• Je ne crois pas en un dieu personnel : cela, je ne l’ai jamais nié et je l’ai au contraire clairement laissé savoir. S’il y a en moi quelque chose qui puisse être appelé religieux, c’est l’admiration sans limite que je ressens à contempler la structure du monde telle que la science peut nous la révéler. Je ne crois pas en l’immortalité de l’individu et je considère que l’éthique est une affaire exclusivement humaine derrière laquelle on ne trouvera aucune autorité supra-humaine.
A. Einstein (1879-1955)
• Le célibat des prêtres serait une excellente chose si la profession ne pouvait s’exercer que de père en fils.
• Du progrès dans l’histoire : Panthéisme, polythéisme, monothéisme, athéisme.
• Si l’athéisme était une foi, ne pas jouer au hockey serait un sport d’hiver.
• Bonne nouvelle : le curé est comestible!
• On ne sait toujours pas comment expliquer de manière convaincante le fait que certains enfants ont des amis imaginaires; mais en ce qui concerne les adultes, qu’il s’agisse de Bouddha, de Yahvé, de Jésus, d’Allah, des anges gardiens et d’innombrables autres petits amis, on sait : c’est à cause de leur éducation religieuse.
Manon Boner-Gaillard (1958-)
• Les religions sont comme les lucioles : elles ont besoin de la nuit pour briller.
Arthur Schopenhauer (1788-1860)
• Le commun des mortels tient la religion pour vraie, les sages la tiennent pour fausse tandis que les dirigeants la tiennent pour utile.
Sénèque (4 av. J.C. – 65 ap. J.cC.0
• En religion, est-il une erreur damnable qu'un front sévère ne sanctifie et ne fasse passer au moyen d'un texte qui en cachera la grossièreté sous une séduisante parure?
Shakespeare (1564-1616)
• Pourquoi devrions-nous demander conseil au Pape en matière de sexualité? S’il y connaît quelque chose, il ne devrait pas!
George Bernard Shaw (1856-1950)
• La seule raison pour laquelle Staline et Hitler ont tué plus de personnes que l’Inquisition est que Torquemada n’avait ni chambres à gaz ni mitraillettes.
Michael Shermer (1954-)
• Le christianisme n’a rien à offrir à une personne heureuse. De même qu’il doit détruire la raison pour introduire l’idée de foi, il doit détruire le bonheur pour introduire celle de Salut.
George H. Smith (1949-)
• Si un triangle pouvait parler, il dirait que dieu est éminemment triangulaire, tandis qu’un cercle dirait que la nature divine est éminemment circulaire.
Baruch Spinoza (1632-1677)
• Imagine there's no countries
It isn't hard to do
Nothing to kill or die for
And no religion too
John Lennon (1940-1980)
• À quoi bon essayer convertir les Algonquins : ce serait leur faire abandonner leurs superstitions pour adopter les nôtres.
Henry David Thoreau (1817-1862)
• La foi, c’est croire ce qu’on sait ne pas être.
• Un homme est admis dans une église pour ce qu’il croit et il en est mis à porte pour ce qu’il sait.
• Ce ne sont pas les passages que je ne comprends pas qui me dérangent dans la Bible, mais ceux que je comprends.
• Allez au Paradis pour le climat, mais en Enfer pour les gens.
• Je n’ai pas peur de la mort : c’est que j’ai été mort des milliards et des milliards d’années avant de naître et que cela ne m’a pas causé le moindre inconvénient.
Mark Twain (alias Samuel Clemens, 1835-1910)
• Le plus grand avantage qu’il y a à croire en dieu est qu’on n’a plus à comprendre quoi que ce soit : plus de physique, plus de biologie. Moi, je voulais comprendre.
James Watson (1928-)
• Avec ou sans la religion, des bonnes personnes feraient de bonnes actions et des mauvaises personnes feraient de mauvaises actions. Mais la religion est nécessaire pour faire accomplir de mauvaises actions à de bonnes personnes.
• La plupart des scientifiques que je connais ne s’intéressent même pas assez à la religion pour se dire athées.
Steven Weinberg (1933-)
• Le pire défaut du fanatique est sa sincérité.
• Je pense que dieu, en créant l’homme, a surestimé ses capacités.
Oscar Wilde (1854-1900)
• La Bible nous demande d’être semblable à Dieu puis, page après page, nous le présente comme un meurtrier en série. Cela pourrait bien être la plus importante clé permettant de comprendre le comportement politique de la civilisation occidentale.
Robert Anton Wilson (1932)
• J’ai relu le Livre de Job, hier soir; l’image de dieu qui en émane n’est pas à son avantage.
Virgnia Woolf (1882-1941)
• Homère et Hésiode ont attribué aux dieux tout ce qui chez les mortels provoque opprobre et honte: vols, adultères et tromperies réciproques.
• Les mortels s'imaginent que les dieux sont engendrés comme eux et qu'ils ont des vêtements, une voix et un corps semblable aux leurs.
• Oui, si les boeufs et les chevaux et les lions avaient des mains et pouvaient, avec leurs mains, peindre et produire des oeuvres comme les hommes, les chevaux peindraient des figures de dieux pareilles à des chevaux, et les boeufs pareilles à des boeufs, bref des images analogues à celles de toutes les espèces animales.
• Les Éthiopiens disent de leurs dieux qu'ils sont camus et noirs, les Thraces qu'ils ont les yeux bleus et les cheveux rouges.
Xénophane (570-480 v. J.C.)
• Avec les pierres de la Loi, on a bâti les prisons; avec les briques de la religion, les bordels.
William Blake (1757-1827)
vendredi, juin 19, 2009
L’ATHÉISME ET LA LIBRE-PENSÉE … EN VERVE - 3
• La religion est à mes yeux une affaire à prendre au sérieux: elle est une mixture de non sens imposé d’autorité, de misogynie et d’humilité, l’éternelle ennemie de la liberté et du bonheur des êtres humains.
Katha Pollitt (1949-)
• Ils sont arrivés avec une Bible et leur religion, ont volé notre territoire et mutilé nos esprits; à présent ils nous disent que nous devrions les remercier de nous avoir sauvés.
Chef Pontiac (1718-1769)
• Foi : Croyance sans preuve en ce qui est raconté par quelqu’un qui parle sans savoir de ce qu’il ne comprend pas.
• Infidèle : à New York, qui ne croit pas à la religion chrétienne. À Constantinople, qui y croit.
• Prêtre : un homme qui prend en charge notre vie spirituelle afin d’améliorer sa vie matérielle.
• Prier : Demander que les lois de l'univers soient abrogées en faveur d'un suppliant particulier qui, de son propre aveu, est sans mérite.
• Religion : Une fille de l’Espoir et de la Peur qui explique à l’Ignorance la nature de l’Inconnaissable.
Ambrose Gwinett Bierce (1842-1914)
• Le clergé est une compagnie qui a le privilège exclusif de voler par séduction
Helvétius (1715-1771)
• Avant d’aller communier, si vous sucez quelqu’un, n’avalez pas le foutre, vous ne seriez plus à jeun.
• Si vous baisez l’après-midi dans une église de campagne, ne vous lavez pas le cul dans le bénitier. Loin de purifier votre péché, vous l’aggraveriez.
Pierre Louys (1870-1925)
• Si Dieu existait, il faudrait s’en débarrasser.
Bakounine (1814-1876)
• Le casque aussi bien que la calotte amoindrit le cerveau.
• Enfer chrétien, du feu. Enfer païen, du feu. Enfer mahométan, du feu. Enfer hindou, des flammes. À croire que Dieu est né rôtisseur.
Victor Hugo (1802-1885)
• Faut pas croire : en comptant tous les dieux, les demi-dieux, quarts de dieux, etc., il y a déjà eu 62 millions de dieux depuis les débuts de l’humanité! Alors les mecs qui pensent que le leur est le seul bon … Ça craint un max!
• Le pape ne croit pas en Dieu; vous avez déjà vu un prestidigitateur qui croit à la magie, vous?
• C'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort qu'ils ont raison!
• Y a-t-il une vie après la mort? Seulement Jésus pourrait répondre à cette question. Malheureusement il est mort.
• Un jour, Dieu à dit : Je partage en deux : les riches auront de la nourriture, les pauvres auront de l'appétit.
Coluche (1944-1986)
• Dieu est un fourbe : il donne le double exemple de la fécondation artificielle et de l’adultère en engrossant la femme d’un autre par l’entremise d’un ange messager, et après il interdit l’usage de l’une et de l’autre.
• Dieu est un taquin sadique : il crée les hommes faillibles et il les punit s’ils pêchent.
Cavanna (1923)
• Tout homme sensé ne peut croire ni Dieu, ni enfer, ni esprit, ni diable de la manière qu’on en parle communément.
D’Holbach (1723-1789)
• Croire en dieu équivaut à se tuer. La foi n’est qu’un mode de suicide.
Louis Scutenaire (1905-1987)
• Des siècles durant, les mystiques de l’esprit ont gagné leur vie par un racket de protection : ils ont rendu la vie sur Terre intolérable, puis ont facturé la consolation et le répit.
Ayn Rand (1905-1982)
• La Foi est assez puissante pour immuniser contre la tendance à pardonner, à prendre en pitié et à ressentir des sentiments humains décents. Elle immunise même contre la peur, pour autant que les croyants croient qu’une mort de martyr les enverra directement au paradis. Quelle arme! La Foi religieuse mérite qu’un chapitre lui soit consacré dans les annales de la technologie martiale, au même titre que l’arc, le cheval de guerre, le tank ou la bombe à hydrogène.
Richard Dawkins (1941)
• L’idée de Dieu fut jusqu’à présent la plus grande objection contre l’existence... Nous nions Dieu, nous nions la responsabilité en Dieu : par là seulement nous sauvons le monde.
F. Nietzsche (1844-1900)
• Si vous priez assez longtemps pour de la pluie, elle finira par arriver. La même chose se produit si on ne prie pas.
Steve Allen (1921-2000)
• Pour être bien certain que mon blasphème est entièrement exprimé, j’affirme ici mon opinion que la notion de dieu est un superstition, que rien ne permet d’affirmer l’existence d’un dieu ou de dieux, que les diables, les démons, les anges et les saints sont des mythes, qu’il n’y a pas de vie après la mort, qu’il n’y a pas d’enfer ou de paradis, que le pape est un bigot et un dangereux dinosaure du Moyen Âge et que le Saint esprit est un personnage de bande dessinée qui devrait susciter le rire et la dérision. J’accuse le dieu des chrétiens de meurtre parce qu’il a permis l’holocauste, sans rien dire des nettoyages ethniques qui sont en ce moment même accomplis par des chrétiens dans notre monde, et je condamne et calomnie cette mythique divinité pour son appui au racisme et pour la dégradation des femmes.
James Randi (1928)
• J’ai prié pendant des années et n’ai reçu aucune réponse. Jusqu’au jour où j’ai prié avec mes jambes.
Frederick Douglass, (1818-1895), esclave en fuite
• Deux mains à l’ouvrage font plus que mille qu’on rapproche pour prier.
Anonyme
• Je suis athée parce que rien ne prouve que dieu existe. Et c’est tout ce qu’on devrait avoir à dire : pas de preuve, pas de foi.
Dan Barker (1949)
• Ce qu’on affirme sans preuve peut être nié sans preuve.
Euclide (IV e siècle av. J.C.)
• Je suis athée. Il m’a fallu du temps avant de pouvoir le dire. Je suis athée depuis des années, mais je trouvais qu’il était en quelque sorte intellectuellement peu respectable de se dire athée puisqu’on faisait alors comme si on était en possession d’un savoir qu’on ne possédait pas. Il était donc préférable de se dire agnostique ou humaniste. Je n’ai toujours pas ce qu’il faudrait pour prouver que dieu n’existe pas, mais je soupçonne fortement que c’est le cas et je ne veux pas perdre mon temps.
Isaac Asimov (1920-1992)
• L'école est la vraie concurrence du temple.
• L'islam est contraire à l'esprit scientifique, hostile au progrès ; il a fait des pays qu'il a conquis un champ fermé à la culture rationnelle de l'esprit.
• Seigneur, s'il y a un Seigneur ; sauvez mon âme, si j'ai une âme.
Ernest Renan (1823-1892)
• Dieu, celui que tout le monde connaît … de nom.
Jules Renard (1864-1910)
• Judaïsme : n.m. religion des juifs, fondée sur la croyance en un Dieu unique, ce qui la distingue de la religion chrétienne, qui s’appuie sur la foi en un seul Dieu, et plus encore de la religion musulmane, résolument monothéiste.
• Si j'étais Dieu, je ferais croire que j'existe.
• Faute avouée est à moitié pardonnée, disait Pie XII à Himmler.
• L’oeil humain est une mécanique merveilleuse dont la réussite parfaite nous conforte dans notre foi en dieu. On regrettera seulement que l’oeil du cochon d’Inde ou du verrat périgourdin bénéficie de la même géniale complexité
Pierre Desproges (1939-1988)
• Allô allô Saint-Père vous m'entendez
athée
A comme absolument athée
T comme totalement athée
H comme hermétiquement athée
E accent aigu comme étonnement athée
E comme entièrement athée
• Les religions ne sont que les trusts des superstitions.
• La théologie, c’est simple comme dieu et dieu font trois.
• Dans chaque église, il y a toujours quelque chose qui cloche.
• Une foi est coutume.
• Il y a des gens qui dansent sans entrer en transe et il y en a d'autres qui entrent en transe sans danser. Ce phénomène s'appelle la Transcendance et dans nos régions il est fort apprécié.
Jacques Prévert (1900-1977)
• On n’arrive pas à imaginer des théoriciens évolutionnistes signant un document dans lequel ils promettraient de ne jamais dévier de l’interprétation littérale du texte de De l’origine des espèces, de Charles Darwin.
Michael Ruse (1940-)
• Quiconque me parle de Dieu en veut à ma bourse ou à ma liberté.
Pierre Joseph Proudhon (1809-1865)
• Si j’étais omnipotent et que je disposais de millions d’années pour mener des expérimentations, je ne considèrerais pas que l’Homme, le résultat final de mes efforts, soit une raison de se vanter.
• Mon point de vue sur la religion est le même que Lucrèce. Je la tiens pour une maladie née de la peur et pour une indicible source de misère pour l'espèce humaine. Je ne peux cependant nier qu'elle a contribué à la civilisation. Elle a aidé, il y a longtemps, à établir le calendrier et elle a amené les prêtres égyptiens à rapporter les éclipses avec tant de soins qu'ils devinrent capables de les prédire. Je suis disposé à reconnaître ces deux contributions : mais je n'en connais pas d'autres.
• Si mon souvenir est bon, il n'y a pas dans les Évangiles un seul mot qui vante les vertus de l'intelligence ; sur ce sujet, plus encore que sur bien d'autres, les ministres du culte restent fidèles à l'enseignement des Évangiles.
• On dit souvent que c'est un grand mal de s'attaquer aux religions parce que la religion rend l'homme vertueux. C'est ce qu'on dit ; je ne l'ai jamais observé.
• Si je suggérais qu'entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire pour peu que j'aie pris la précaution de préciser que la théière est trop petite pour être détectée par nos plus puissants télescopes. Mais si j'affirmais que, comme ma proposition ne peut être réfutée, il n'est pas tolérable pour la raison humaine d'en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé. Cependant, si l'existence de cette théière était décrite dans d'anciens livres, enseignée comme une vérité sacrée tous les dimanches et inculquée aux enfants à l'école, alors toute hésitation à croire en son existence deviendrait un signe d'excentricité et vaudrait au sceptique les soins d'un psychiatre à une époque éclairée ou de l'Inquisition en des temps plus anciens.
Bertrand Russell (1872-1970)
Katha Pollitt (1949-)
• Ils sont arrivés avec une Bible et leur religion, ont volé notre territoire et mutilé nos esprits; à présent ils nous disent que nous devrions les remercier de nous avoir sauvés.
Chef Pontiac (1718-1769)
• Foi : Croyance sans preuve en ce qui est raconté par quelqu’un qui parle sans savoir de ce qu’il ne comprend pas.
• Infidèle : à New York, qui ne croit pas à la religion chrétienne. À Constantinople, qui y croit.
• Prêtre : un homme qui prend en charge notre vie spirituelle afin d’améliorer sa vie matérielle.
• Prier : Demander que les lois de l'univers soient abrogées en faveur d'un suppliant particulier qui, de son propre aveu, est sans mérite.
• Religion : Une fille de l’Espoir et de la Peur qui explique à l’Ignorance la nature de l’Inconnaissable.
Ambrose Gwinett Bierce (1842-1914)
• Le clergé est une compagnie qui a le privilège exclusif de voler par séduction
Helvétius (1715-1771)
• Avant d’aller communier, si vous sucez quelqu’un, n’avalez pas le foutre, vous ne seriez plus à jeun.
• Si vous baisez l’après-midi dans une église de campagne, ne vous lavez pas le cul dans le bénitier. Loin de purifier votre péché, vous l’aggraveriez.
Pierre Louys (1870-1925)
• Si Dieu existait, il faudrait s’en débarrasser.
Bakounine (1814-1876)
• Le casque aussi bien que la calotte amoindrit le cerveau.
• Enfer chrétien, du feu. Enfer païen, du feu. Enfer mahométan, du feu. Enfer hindou, des flammes. À croire que Dieu est né rôtisseur.
Victor Hugo (1802-1885)
• Faut pas croire : en comptant tous les dieux, les demi-dieux, quarts de dieux, etc., il y a déjà eu 62 millions de dieux depuis les débuts de l’humanité! Alors les mecs qui pensent que le leur est le seul bon … Ça craint un max!
• Le pape ne croit pas en Dieu; vous avez déjà vu un prestidigitateur qui croit à la magie, vous?
• C'est pas parce qu'ils sont nombreux à avoir tort qu'ils ont raison!
• Y a-t-il une vie après la mort? Seulement Jésus pourrait répondre à cette question. Malheureusement il est mort.
• Un jour, Dieu à dit : Je partage en deux : les riches auront de la nourriture, les pauvres auront de l'appétit.
Coluche (1944-1986)
• Dieu est un fourbe : il donne le double exemple de la fécondation artificielle et de l’adultère en engrossant la femme d’un autre par l’entremise d’un ange messager, et après il interdit l’usage de l’une et de l’autre.
• Dieu est un taquin sadique : il crée les hommes faillibles et il les punit s’ils pêchent.
Cavanna (1923)
• Tout homme sensé ne peut croire ni Dieu, ni enfer, ni esprit, ni diable de la manière qu’on en parle communément.
D’Holbach (1723-1789)
• Croire en dieu équivaut à se tuer. La foi n’est qu’un mode de suicide.
Louis Scutenaire (1905-1987)
• Des siècles durant, les mystiques de l’esprit ont gagné leur vie par un racket de protection : ils ont rendu la vie sur Terre intolérable, puis ont facturé la consolation et le répit.
Ayn Rand (1905-1982)
• La Foi est assez puissante pour immuniser contre la tendance à pardonner, à prendre en pitié et à ressentir des sentiments humains décents. Elle immunise même contre la peur, pour autant que les croyants croient qu’une mort de martyr les enverra directement au paradis. Quelle arme! La Foi religieuse mérite qu’un chapitre lui soit consacré dans les annales de la technologie martiale, au même titre que l’arc, le cheval de guerre, le tank ou la bombe à hydrogène.
Richard Dawkins (1941)
• L’idée de Dieu fut jusqu’à présent la plus grande objection contre l’existence... Nous nions Dieu, nous nions la responsabilité en Dieu : par là seulement nous sauvons le monde.
F. Nietzsche (1844-1900)
• Si vous priez assez longtemps pour de la pluie, elle finira par arriver. La même chose se produit si on ne prie pas.
Steve Allen (1921-2000)
• Pour être bien certain que mon blasphème est entièrement exprimé, j’affirme ici mon opinion que la notion de dieu est un superstition, que rien ne permet d’affirmer l’existence d’un dieu ou de dieux, que les diables, les démons, les anges et les saints sont des mythes, qu’il n’y a pas de vie après la mort, qu’il n’y a pas d’enfer ou de paradis, que le pape est un bigot et un dangereux dinosaure du Moyen Âge et que le Saint esprit est un personnage de bande dessinée qui devrait susciter le rire et la dérision. J’accuse le dieu des chrétiens de meurtre parce qu’il a permis l’holocauste, sans rien dire des nettoyages ethniques qui sont en ce moment même accomplis par des chrétiens dans notre monde, et je condamne et calomnie cette mythique divinité pour son appui au racisme et pour la dégradation des femmes.
James Randi (1928)
• J’ai prié pendant des années et n’ai reçu aucune réponse. Jusqu’au jour où j’ai prié avec mes jambes.
Frederick Douglass, (1818-1895), esclave en fuite
• Deux mains à l’ouvrage font plus que mille qu’on rapproche pour prier.
Anonyme
• Je suis athée parce que rien ne prouve que dieu existe. Et c’est tout ce qu’on devrait avoir à dire : pas de preuve, pas de foi.
Dan Barker (1949)
• Ce qu’on affirme sans preuve peut être nié sans preuve.
Euclide (IV e siècle av. J.C.)
• Je suis athée. Il m’a fallu du temps avant de pouvoir le dire. Je suis athée depuis des années, mais je trouvais qu’il était en quelque sorte intellectuellement peu respectable de se dire athée puisqu’on faisait alors comme si on était en possession d’un savoir qu’on ne possédait pas. Il était donc préférable de se dire agnostique ou humaniste. Je n’ai toujours pas ce qu’il faudrait pour prouver que dieu n’existe pas, mais je soupçonne fortement que c’est le cas et je ne veux pas perdre mon temps.
Isaac Asimov (1920-1992)
• L'école est la vraie concurrence du temple.
• L'islam est contraire à l'esprit scientifique, hostile au progrès ; il a fait des pays qu'il a conquis un champ fermé à la culture rationnelle de l'esprit.
• Seigneur, s'il y a un Seigneur ; sauvez mon âme, si j'ai une âme.
Ernest Renan (1823-1892)
• Dieu, celui que tout le monde connaît … de nom.
Jules Renard (1864-1910)
• Judaïsme : n.m. religion des juifs, fondée sur la croyance en un Dieu unique, ce qui la distingue de la religion chrétienne, qui s’appuie sur la foi en un seul Dieu, et plus encore de la religion musulmane, résolument monothéiste.
• Si j'étais Dieu, je ferais croire que j'existe.
• Faute avouée est à moitié pardonnée, disait Pie XII à Himmler.
• L’oeil humain est une mécanique merveilleuse dont la réussite parfaite nous conforte dans notre foi en dieu. On regrettera seulement que l’oeil du cochon d’Inde ou du verrat périgourdin bénéficie de la même géniale complexité
Pierre Desproges (1939-1988)
• Allô allô Saint-Père vous m'entendez
athée
A comme absolument athée
T comme totalement athée
H comme hermétiquement athée
E accent aigu comme étonnement athée
E comme entièrement athée
• Les religions ne sont que les trusts des superstitions.
• La théologie, c’est simple comme dieu et dieu font trois.
• Dans chaque église, il y a toujours quelque chose qui cloche.
• Une foi est coutume.
• Il y a des gens qui dansent sans entrer en transe et il y en a d'autres qui entrent en transe sans danser. Ce phénomène s'appelle la Transcendance et dans nos régions il est fort apprécié.
Jacques Prévert (1900-1977)
• On n’arrive pas à imaginer des théoriciens évolutionnistes signant un document dans lequel ils promettraient de ne jamais dévier de l’interprétation littérale du texte de De l’origine des espèces, de Charles Darwin.
Michael Ruse (1940-)
• Quiconque me parle de Dieu en veut à ma bourse ou à ma liberté.
Pierre Joseph Proudhon (1809-1865)
• Si j’étais omnipotent et que je disposais de millions d’années pour mener des expérimentations, je ne considèrerais pas que l’Homme, le résultat final de mes efforts, soit une raison de se vanter.
• Mon point de vue sur la religion est le même que Lucrèce. Je la tiens pour une maladie née de la peur et pour une indicible source de misère pour l'espèce humaine. Je ne peux cependant nier qu'elle a contribué à la civilisation. Elle a aidé, il y a longtemps, à établir le calendrier et elle a amené les prêtres égyptiens à rapporter les éclipses avec tant de soins qu'ils devinrent capables de les prédire. Je suis disposé à reconnaître ces deux contributions : mais je n'en connais pas d'autres.
• Si mon souvenir est bon, il n'y a pas dans les Évangiles un seul mot qui vante les vertus de l'intelligence ; sur ce sujet, plus encore que sur bien d'autres, les ministres du culte restent fidèles à l'enseignement des Évangiles.
• On dit souvent que c'est un grand mal de s'attaquer aux religions parce que la religion rend l'homme vertueux. C'est ce qu'on dit ; je ne l'ai jamais observé.
• Si je suggérais qu'entre la Terre et Mars se trouve une théière de porcelaine en orbite elliptique autour du soleil, personne ne serait capable de prouver le contraire pour peu que j'aie pris la précaution de préciser que la théière est trop petite pour être détectée par nos plus puissants télescopes. Mais si j'affirmais que, comme ma proposition ne peut être réfutée, il n'est pas tolérable pour la raison humaine d'en douter, on me considérerait aussitôt comme un illuminé. Cependant, si l'existence de cette théière était décrite dans d'anciens livres, enseignée comme une vérité sacrée tous les dimanches et inculquée aux enfants à l'école, alors toute hésitation à croire en son existence deviendrait un signe d'excentricité et vaudrait au sceptique les soins d'un psychiatre à une époque éclairée ou de l'Inquisition en des temps plus anciens.
Bertrand Russell (1872-1970)
mercredi, juin 17, 2009
L’ATHÉISME ET LA LIBRE-PENSÉE … EN VERVE - 2
INTERMÈDE : PAROLES DE CROYANTS
Si l’hérétique était mon propre père, je réunirais moi-même le bois pour le brûler.
Pape Paul IV (1476-1559)
Mussolini est un homme charmant. Vous m’entendez? Un homme charmant.
Pape Pie XI (1857-1939)
La propriété privée des moyens de production est commandée par Dieu.
Pape Pie XII(1876-1958)
La mort du païen est une gloire pour le chrétien.
Saint Bernard de Clairvaux (1091-1153)
La femme est l'instrument qu'emploie le diable pour posséder nos âmes.
Saint Cyprien (vers 200-258)
Tuez-les tous, car Dieu saura reconnaître les siens !"
Arnaud Amalric, abbé de Citaux,
légat du pape, lors de la prise de Béziers, en 1209…
Qu'on interdise aux Juifs chez nous et sur notre sol, sous peine de mort, de louer Dieu, de prier, d'enseigner, de chanter.
Martin Luther (1483-1546)
Si donc la femme n'est pas voilée, qu'elle se tonde aussi ! Mais si c'est honteux pour une femme d'être tondue ou rasée, qu'elle se voile ! Car l'homme n'est pas obligé de se voiler la tête : il est l'image et la gloire de Dieu; la femme est la gloire de l'homme.
Saint Paul, Lettre aux Corinthiens, 11.6
C’est le bon Dieu qui m’a donné mon argent.
John D. Rockefeller (1839-1937)
Je pense que c’est une très belle chose que les pauvres acceptent leur sort et le partagent avec la passion du Christ. Je pense que le monde est énormément aidé par la souffrance des pauvres.
Mère Teresa (1910-1997)
Les bons chrétiens devraient se méfier des mathématiciens […] Il est probable que les mathématiciens ont fait un pacte avec le diable pour assombrir l’esprit et confiner l’homme aux limites de l’enfer.
Saint-Augustin (354-430)
Après que le ministre des Affaires étrangères du Reich lui eut transmis les hommages du Führer, le pape ouvrit l'entretien en rappelant ses dix-sept années d'activité en Allemagne. Il dit que ces années passées dans l'orbite de la culture allemande correspondaient certainement à la période la plus agréable de sa vie, et que le gouvernement du Reich pouvait être assuré que son cœur battait, et battrait toujours, pour l'Allemagne.
Extrait du rapport sur la conversation du 11 mars 1940 entre von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich nazi, et Pie XII.
Archives secrètes de la Wilhelmstrasse, RAM. 10A.
J’en suis convaincu : Dieu parle à travers moi.
G.W. Bush (1946)
L'exemple d'un pape qui souffre est très important. Souffrir est une manière particulière de prêcher.
Benoît XVI (1927)
La guerre de Hitler est une noble entreprise pour la défense de la culture européenne.
Cardinal Baudrillart (1859-1942)
Le peuple allemand sait qu'il mène une guerre juste. Le peuple allemand doit remplir une grande tâche et notamment devant le Dieu éternel. Le Führer et chef suprême a plus d'une fois imploré, au cours de cette année de guerre écoulée, la bénédiction de Dieu pour notre bonne et juste cause.
Mgr Markoaski, aumônier général de la Wehrmacht.
L'Anschluss est voulu par Dieu.
Le nazisme est une réaction chrétienne contre l'esprit de 1789.
Franz Von Papen, (1879-1969), camérier secret du pape
Bénis soient les canons si, dans les brèches qu'ils ouvrent, fleurit l'Evangile.
Mgr Camara, (1936-1939), Evêque de Carthagène pendant la guerre civile d'Espagne
Pour la toute première fois, tout est en place pour la Bataille d’Armageddon et la deuxième venue du Christ.
Ronald Reagan (1911-2004)
Et Sihon sortit à notre rencontre, lui et tout son peuple, à Jahats, pour livrer bataille.
Et l'Éternel, notre Dieu, le livra devant nous ; et nous le battîmes, lui, et ses fils, et tout son peuple ;
et nous prîmes toutes ses villes, en ce temps-là, et nous détruisîmes entièrement toutes les villes, hommes, et femmes, et enfants ; nous ne laissâmes pas un réchappé ;
seulement, nous pillâmes pour nous les bêtes et le butin des villes que nous avions prises.
Deutéronome, 2- 32 à 2- 35
Âme Haine!
(Jacques Prévert)
Si l’hérétique était mon propre père, je réunirais moi-même le bois pour le brûler.
Pape Paul IV (1476-1559)
Mussolini est un homme charmant. Vous m’entendez? Un homme charmant.
Pape Pie XI (1857-1939)
La propriété privée des moyens de production est commandée par Dieu.
Pape Pie XII(1876-1958)
La mort du païen est une gloire pour le chrétien.
Saint Bernard de Clairvaux (1091-1153)
La femme est l'instrument qu'emploie le diable pour posséder nos âmes.
Saint Cyprien (vers 200-258)
Tuez-les tous, car Dieu saura reconnaître les siens !"
Arnaud Amalric, abbé de Citaux,
légat du pape, lors de la prise de Béziers, en 1209…
Qu'on interdise aux Juifs chez nous et sur notre sol, sous peine de mort, de louer Dieu, de prier, d'enseigner, de chanter.
Martin Luther (1483-1546)
Si donc la femme n'est pas voilée, qu'elle se tonde aussi ! Mais si c'est honteux pour une femme d'être tondue ou rasée, qu'elle se voile ! Car l'homme n'est pas obligé de se voiler la tête : il est l'image et la gloire de Dieu; la femme est la gloire de l'homme.
Saint Paul, Lettre aux Corinthiens, 11.6
C’est le bon Dieu qui m’a donné mon argent.
John D. Rockefeller (1839-1937)
Je pense que c’est une très belle chose que les pauvres acceptent leur sort et le partagent avec la passion du Christ. Je pense que le monde est énormément aidé par la souffrance des pauvres.
Mère Teresa (1910-1997)
Les bons chrétiens devraient se méfier des mathématiciens […] Il est probable que les mathématiciens ont fait un pacte avec le diable pour assombrir l’esprit et confiner l’homme aux limites de l’enfer.
Saint-Augustin (354-430)
Après que le ministre des Affaires étrangères du Reich lui eut transmis les hommages du Führer, le pape ouvrit l'entretien en rappelant ses dix-sept années d'activité en Allemagne. Il dit que ces années passées dans l'orbite de la culture allemande correspondaient certainement à la période la plus agréable de sa vie, et que le gouvernement du Reich pouvait être assuré que son cœur battait, et battrait toujours, pour l'Allemagne.
Extrait du rapport sur la conversation du 11 mars 1940 entre von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich nazi, et Pie XII.
Archives secrètes de la Wilhelmstrasse, RAM. 10A.
J’en suis convaincu : Dieu parle à travers moi.
G.W. Bush (1946)
L'exemple d'un pape qui souffre est très important. Souffrir est une manière particulière de prêcher.
Benoît XVI (1927)
La guerre de Hitler est une noble entreprise pour la défense de la culture européenne.
Cardinal Baudrillart (1859-1942)
Le peuple allemand sait qu'il mène une guerre juste. Le peuple allemand doit remplir une grande tâche et notamment devant le Dieu éternel. Le Führer et chef suprême a plus d'une fois imploré, au cours de cette année de guerre écoulée, la bénédiction de Dieu pour notre bonne et juste cause.
Mgr Markoaski, aumônier général de la Wehrmacht.
L'Anschluss est voulu par Dieu.
Le nazisme est une réaction chrétienne contre l'esprit de 1789.
Franz Von Papen, (1879-1969), camérier secret du pape
Bénis soient les canons si, dans les brèches qu'ils ouvrent, fleurit l'Evangile.
Mgr Camara, (1936-1939), Evêque de Carthagène pendant la guerre civile d'Espagne
Pour la toute première fois, tout est en place pour la Bataille d’Armageddon et la deuxième venue du Christ.
Ronald Reagan (1911-2004)
Et Sihon sortit à notre rencontre, lui et tout son peuple, à Jahats, pour livrer bataille.
Et l'Éternel, notre Dieu, le livra devant nous ; et nous le battîmes, lui, et ses fils, et tout son peuple ;
et nous prîmes toutes ses villes, en ce temps-là, et nous détruisîmes entièrement toutes les villes, hommes, et femmes, et enfants ; nous ne laissâmes pas un réchappé ;
seulement, nous pillâmes pour nous les bêtes et le butin des villes que nous avions prises.
Deutéronome, 2- 32 à 2- 35
Âme Haine!
(Jacques Prévert)
lundi, juin 15, 2009
L’ATHÉISME ET LA LIBRE-PENSÉE … EN VERVE - 1
[Ces textes, avec d'autres, composent le dernier chapitre de mon Anthologie de l'athéisme et de la libre-pensée, à paraître cette année.]
Verve : n.f. Inspiration vive, chaleureuse; fantaisie créatrice. Imagination et fantaisie dans la parole. Intelligence.
• Le plus nocif des legs de Muhammad est peut-être d’avoir soutenu que le Coran est la parole même de Dieu, vraie à jamais, faisant ainsi obstacle à tout progrès intellectuel et oblitérant tout espoir de liberté de pensée qui seuls permettraient à l’islam d’entrer dans le XXIème siècle.
• Il n’existe pas de différence entre l’islam et l’intégrisme islamique. Les principes contenus dans le Coran sont antithétiques au progrès moral.
Ibn Warraq (env. 1946)
• Nous sommes empoisonnés de religion. Nous sommes habitués à voir des curés qui sont à guetter la faiblesse et la souffrance humaines, afin d'achever les mourants d'un coup de sermon qui fera réfléchir les autres. Je hais cette éloquence de croque-mort. Il faut prêcher sur la vie, non sur la mort ; répandre l'espoir, non la crainte ; et cultiver en commun la joie, vrai trésor humain. C'est le secret des grands sages, et ce sera la lumière de demain.
• [La Bible] est le plus beau succès de librairie que l'on avait vu ; et cela prouve que les hommes ne sont pas difficiles.
Alain (1868-1951)
• Referme ton Coran. Pense et regarde librement le ciel et la terre.
(Omar Khayyam (1048-1122)
• Mon plus grand chagrin est qu'il n'existe réellement pas de Dieu et de me voir privé, par là, du plaisir de l'insulter plus positivement.
Marquis de Sade (1740-1814)
• Sachez donc, mes chers amis, sachez que ce n'est qu'erreurs, abus, illusions et impostures, de tout ce qui se débite et de tout ce qui se pratique dans le monde pour le culte et l'adoration des dieux. Toutes les lois et ordonnances qui se publient sous le nom et l'autorité de Dieu ou des dieux, ne sont véritablement que des inventions humaines, non plus que tous ces beaux spectacles de fêtes et de sacrifices ou d'offices divins, et toutes ces autres superstitieuses pratiques de religion et de dévotion qui se font en leur honneur.
• L’humanité ne sera heureuse que le jour où le dernier des tyrans aura été pendu avec les tripes du dernier prêtre.
Jean Meslier (1664-1729)
• La seule excuse de Dieu, c'est qu'il n'existe pas.
Stendhal (1783-1842)
• Écrasons l'infâme !
• Prier Dieu, c'est se flatter qu'avec des paroles, on changera la nature.
• La religion existe depuis que le premier hypocrite a rencontré le premier imbécile !
• On prétend que Dieu a fait l'homme à son image, mais l'homme le lui a bien rendu.
• Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense : notre crédulité fait toute leur science.
• Ceux qui peuvent vous faire croire des absurdités peuvent vous faire commettre des atrocités.
Voltaire (1694-1778)
• Jésus Christ a une quéquette/Pas plus grosse qu’une allumette/ Il s’en sert pour faire pipi/ Vive la quéquette à Jésus Christ.
Anonyme
• On dit que le Christ n'a jamais ri une seule fois dans sa vie. C'est que personne n'a jamais pensé à lui dire que sa mère était vierge.
• Autrefois les chrétiens nous disaient qu'il fallait respecter leurs croyances parce qu'ils les avaient reçues de Dieu; maintenant ils nous disent qu'il faut les respecter parce qu'elles sont partagées par des hommes; bientôt ils nous diront qu'il faut les respecter parce que ce sont des hommes qui les ont forgées de toutes pièces.
René Pommier (1933/
• La croyance en Dieu fait et doit faire presque autant de fanatiques que de croyants. Partout où l'on admet un Dieu, il y a un culte; partout où il y a un culte, l'ordre naturel des devoirs moraux est renversé, et la morale corrompue. Tôt ou tard, il vient un moment où la notion qui a empêché de voler un écu fait égorger cent mille hommes.
Denis Diderot (1713-1784)
• Les habitants de la terre se divisent en deux : ceux qui ont un cerveau et pas de religion, et ceux qui ont une religion mais pas de cerveau.
Abou-Ala al-Maari ( XIe siècle)
• Je ne sais pas si Dieu existe. Mais s'il existe, j'espère qu'il a une bonne excuse.
Woddy Allen (1935)
• Les imams et les muphtis de toutes les sectes me paraissent plus faits qu'on ne croit pour s'entendre; leur but commun est de subjuguer, par la superstition, la pauvre espèce humaine.
Jean le Rond d'Alembert (1717-1783)
• Créationnisme : la théorie selon laquelle Rome a été construite en un jour.
Margaret Mead (1901-1978)
• La religion s’oppose de manière fondamentale à tout ce que je vénère : le courage, une pensée claire, l’honnêteté, la fantaisie, l’équité et, par-dessus tout, l’amour de la vérité.
Henry Mencken (1880-1956)
• C’est une affaire de simple bon sens : je ne crois pas en dieu — en aucun dieu.
Charlie Chaplin (1889-1977)
• La Bible est de tous les livres celui qui a été à la fois le plus lu et le moins attentivement examiné.
• Un seul maître d’école est plus utile que cent prêtres.
Thomas Paine (1737-1809)
• Je ne connais qu'une Église: c'est la société des hommes.
• Mauriac, l'eau bénite qui fait «pschitt!».
• La religion, c'est l'échappatoire de ceux qui sont trop lâches pour se reconnaître responsables de leurs propres destinées.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
• Le monothéisme judéo-chrétien est le stalinisme de l'Antiquité.
Cioran (1911-1995)
• Et puis je veux encore
Lancer des pierres au ciel
En criant Dieu est mort
Une dernière fois
Jacques Brel (1929-1978)
• — Pourquoi ne croyez-vous pas en Dieu ?
— C'est comme si vous me demandiez pourquoi je ne crois pas au crocodile volant.
André Breton (1896-1966)
• La foi sauve, donc elle ment.
• Dieu, ce dépotoir de nos rêves!
• On n’a jamais tant parlé de Dieu depuis qu’il est mort.
Jean Rostand (1894-1977)
• Je voudrais avoir la foi, la foi de mon charbonnier,
Qui est heureux comme un pape et con comme un panier.
Brassens (1921-1981)
Verve : n.f. Inspiration vive, chaleureuse; fantaisie créatrice. Imagination et fantaisie dans la parole. Intelligence.
• Le plus nocif des legs de Muhammad est peut-être d’avoir soutenu que le Coran est la parole même de Dieu, vraie à jamais, faisant ainsi obstacle à tout progrès intellectuel et oblitérant tout espoir de liberté de pensée qui seuls permettraient à l’islam d’entrer dans le XXIème siècle.
• Il n’existe pas de différence entre l’islam et l’intégrisme islamique. Les principes contenus dans le Coran sont antithétiques au progrès moral.
Ibn Warraq (env. 1946)
• Nous sommes empoisonnés de religion. Nous sommes habitués à voir des curés qui sont à guetter la faiblesse et la souffrance humaines, afin d'achever les mourants d'un coup de sermon qui fera réfléchir les autres. Je hais cette éloquence de croque-mort. Il faut prêcher sur la vie, non sur la mort ; répandre l'espoir, non la crainte ; et cultiver en commun la joie, vrai trésor humain. C'est le secret des grands sages, et ce sera la lumière de demain.
• [La Bible] est le plus beau succès de librairie que l'on avait vu ; et cela prouve que les hommes ne sont pas difficiles.
Alain (1868-1951)
• Referme ton Coran. Pense et regarde librement le ciel et la terre.
(Omar Khayyam (1048-1122)
• Mon plus grand chagrin est qu'il n'existe réellement pas de Dieu et de me voir privé, par là, du plaisir de l'insulter plus positivement.
Marquis de Sade (1740-1814)
• Sachez donc, mes chers amis, sachez que ce n'est qu'erreurs, abus, illusions et impostures, de tout ce qui se débite et de tout ce qui se pratique dans le monde pour le culte et l'adoration des dieux. Toutes les lois et ordonnances qui se publient sous le nom et l'autorité de Dieu ou des dieux, ne sont véritablement que des inventions humaines, non plus que tous ces beaux spectacles de fêtes et de sacrifices ou d'offices divins, et toutes ces autres superstitieuses pratiques de religion et de dévotion qui se font en leur honneur.
• L’humanité ne sera heureuse que le jour où le dernier des tyrans aura été pendu avec les tripes du dernier prêtre.
Jean Meslier (1664-1729)
• La seule excuse de Dieu, c'est qu'il n'existe pas.
Stendhal (1783-1842)
• Écrasons l'infâme !
• Prier Dieu, c'est se flatter qu'avec des paroles, on changera la nature.
• La religion existe depuis que le premier hypocrite a rencontré le premier imbécile !
• On prétend que Dieu a fait l'homme à son image, mais l'homme le lui a bien rendu.
• Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense : notre crédulité fait toute leur science.
• Ceux qui peuvent vous faire croire des absurdités peuvent vous faire commettre des atrocités.
Voltaire (1694-1778)
• Jésus Christ a une quéquette/Pas plus grosse qu’une allumette/ Il s’en sert pour faire pipi/ Vive la quéquette à Jésus Christ.
Anonyme
• On dit que le Christ n'a jamais ri une seule fois dans sa vie. C'est que personne n'a jamais pensé à lui dire que sa mère était vierge.
• Autrefois les chrétiens nous disaient qu'il fallait respecter leurs croyances parce qu'ils les avaient reçues de Dieu; maintenant ils nous disent qu'il faut les respecter parce qu'elles sont partagées par des hommes; bientôt ils nous diront qu'il faut les respecter parce que ce sont des hommes qui les ont forgées de toutes pièces.
René Pommier (1933/
• La croyance en Dieu fait et doit faire presque autant de fanatiques que de croyants. Partout où l'on admet un Dieu, il y a un culte; partout où il y a un culte, l'ordre naturel des devoirs moraux est renversé, et la morale corrompue. Tôt ou tard, il vient un moment où la notion qui a empêché de voler un écu fait égorger cent mille hommes.
Denis Diderot (1713-1784)
• Les habitants de la terre se divisent en deux : ceux qui ont un cerveau et pas de religion, et ceux qui ont une religion mais pas de cerveau.
Abou-Ala al-Maari ( XIe siècle)
• Je ne sais pas si Dieu existe. Mais s'il existe, j'espère qu'il a une bonne excuse.
Woddy Allen (1935)
• Les imams et les muphtis de toutes les sectes me paraissent plus faits qu'on ne croit pour s'entendre; leur but commun est de subjuguer, par la superstition, la pauvre espèce humaine.
Jean le Rond d'Alembert (1717-1783)
• Créationnisme : la théorie selon laquelle Rome a été construite en un jour.
Margaret Mead (1901-1978)
• La religion s’oppose de manière fondamentale à tout ce que je vénère : le courage, une pensée claire, l’honnêteté, la fantaisie, l’équité et, par-dessus tout, l’amour de la vérité.
Henry Mencken (1880-1956)
• C’est une affaire de simple bon sens : je ne crois pas en dieu — en aucun dieu.
Charlie Chaplin (1889-1977)
• La Bible est de tous les livres celui qui a été à la fois le plus lu et le moins attentivement examiné.
• Un seul maître d’école est plus utile que cent prêtres.
Thomas Paine (1737-1809)
• Je ne connais qu'une Église: c'est la société des hommes.
• Mauriac, l'eau bénite qui fait «pschitt!».
• La religion, c'est l'échappatoire de ceux qui sont trop lâches pour se reconnaître responsables de leurs propres destinées.
Jean-Paul Sartre (1905-1980)
• Le monothéisme judéo-chrétien est le stalinisme de l'Antiquité.
Cioran (1911-1995)
• Et puis je veux encore
Lancer des pierres au ciel
En criant Dieu est mort
Une dernière fois
Jacques Brel (1929-1978)
• — Pourquoi ne croyez-vous pas en Dieu ?
— C'est comme si vous me demandiez pourquoi je ne crois pas au crocodile volant.
André Breton (1896-1966)
• La foi sauve, donc elle ment.
• Dieu, ce dépotoir de nos rêves!
• On n’a jamais tant parlé de Dieu depuis qu’il est mort.
Jean Rostand (1894-1977)
• Je voudrais avoir la foi, la foi de mon charbonnier,
Qui est heureux comme un pape et con comme un panier.
Brassens (1921-1981)
mercredi, juin 10, 2009
LETTRE OUVERTE SUR LA CONFÉRENCE DE MONTRÉAL ...
... que j'ai signée et qui paraît ce matin dans Le Devoir.
Libellés :
Conférence de MOntréal,
le Devoir,
Normand Baillargeon
mardi, juin 09, 2009
ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE: ENTREVUE À RADIO-CANADA
Elle se trouve ici.
Libellés :
Éthique et culture religieuse,
Normand Baillargeon,
radio-Canada
lundi, juin 08, 2009
INTRODUCTION À L'ÉTHIQUE: LA SCIENCE ET L'ÉTHIQUE (SUITE, 3)
L’émergence de la moralité selon Darwin
Car c’est bien Darwin, cette fois encore, qui avait ouvert la voie.
Il suggérait dans son ouvrage de 1871 une généalogie naturaliste de la moralité proposant que les humains vont, grâce à leurs capacités mentales développées, être en mesure de complexifier ces instincts sociaux ce qui est déjà présents chez des animaux non-humains (nos prédécesseurs primates, notamment) et être ainsi capables de repenser à leurs actes, à leurs motivations et à ceux des autres, pour les approuver ou non.
Cette conception de la moralité, qui la fait évoluer à partir de dispositions primitives à la sociabilité qu’enrichissent progressivement le développement cognitif, le langage et l’apprentissage repose sur la reconnaissance d’une profonde continuité entre nous et les primates que Darwin affirme avec force: «Nous avons, je crois, démontré que l’homme et les animaux supérieurs, les primates surtout, ont quelques instincts communs. Tous possèdent les mêmes sens, les mêmes intuitions, éprouvent les mêmes sensations ; ils ont des passions, des affections et des émotions semblables, même les plus compliquées, telles que la jalousie, la méfiance, l’émulation, la reconnaissance et la magnanimité, ils aiment à tromper et à se venger ; ils redoutent le ridicule ; ils aiment la plaisanterie ; ils ressentent l’étonnement et la curiosité ; ils possèdent les mêmes facultés d’imitation, d’attention, de délibération, de choix, de mémoire, d’imagination, d’association des idées et de raisonnement, mais, bien entendu, à des degrés très différents. Les individus appartenant à une même espèce représentent toutes les phases intellectuelles, depuis l’imbécillité absolue jusqu’à la plus haute intelligence».
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Séance de toilettage chez des singes
Le primatologue néerlandais Frans de Waal (1948) s’est intéressé de près à l’émergence de la moralité chez les grands singes, chez lesquels il a décrit avec minutie les manifestations d’empathie, de réciprocité et de socialité.
Ses recherches l’ont conduit à penser que nous ne sommes que les derniers héritiers d’une très longue lignée d’animaux intensément sociables, dépendant les uns des autres et nouant entre eux toutes sortes de liens.
Il écrivait récemment : «Je ne prétends pas que les singes et les gorilles soient des êtres moraux, mais je pense bien que la morale humaine se situe sur un continuum qui commence avec la sociabilité animale». (New Scientist, 14 Octobre 2006, p. 60). Pour ces raisons, De Waal récuse aussi ce qu’il a appelé la «théorie du vernis», qui voudrait que la moralité soit un simple et commode vernis de respectabilité posé sur une nature humaine essentiellement égoïste, une thèse que résume mémorablement la maxime du biologiste Michael Ghiselin «Gratter un altuiste et vous verrez saigner un hypocrite».
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L’altruisme chez les singes verts (ou vervets)
Le singe vert utilise trois sortes de cris différents pour alerter de la présence d’un prédateur, selon qu’il s’agit d’un serpent, d’un aigle ou d’un léopard. Chacun de ces cris suscite, chez ses congénères qui l’entendent, le comportement de fuite approprié — par exemple, grimper aux arbres quand un serpent est signalé.
Par contre, le singe qui a alerté les autres attire de ce fait l’attention du reptile et court ainsi un plus grand risque d’être attaqué. Pourquoi l’évolution n’a–t-elle pas éliminé ce type de comportement appelé altruiste — en ce sens qu’il coûte quelque chose à un organisme qui le paie pour qu’un bénéfice soit acquis par un autre ?
***************************************************************************************
Darwin distinguait quatre étapes dans ce long processus de genèse de la moralité envisagée comme une caractéristique de notre espèce ayant, sur de très nombreuses années, émergé de sentiments pré moraux présents chez nos ancêtres pour lesquels l’association présentait un avantage sur une vie solitaire.
Pour commencer, les premiers humains héritaient d’instincts sociaux qui incitent à « trouver du plaisir dans la société de ses semblables, à éprouver une certaine sympathie pour eux, et à leur rendre divers services ».
Ensuite, avec des facultés intellectuelles plus développées, émerge la conscience : « le cerveau de chaque individu est [alors] constamment rempli par l’image de toutes ses actions passées et par les motifs qui l’ont poussé à agir comme il l’a fait ; or il doit éprouver ce sentiment de regret qui résulte invariablement d’un instinct auquel il n’a pas été satisfait […] chaque fois qu’il s’aperçoit que l’instinct social actuel et persistant a cédé chez lui à quelque autre instinct, plus puissant sur le moment, mais qui n’est ni permanent par sa nature, ni susceptible de laisser une impression bien vive . »
Troisièmement, avec l’apparition du langage, les membres d’une même association peuvent clairement exprimer leurs désirs : dès lors, «l’opinion commune, sur le mode suivant lequel chaque membre doit concourir au bien public, devient naturellement le principal guide d’action». Darwin précise : «Mais il faut toujours se rappeler que, quelque poids qu’on attribue à l’opinion publique, le respect que nous avons pour l’approbation ou le blâme exprimé par nos semblables dépend de la sympathie, qui, comme nous le verrons, constitue une partie essentielle de l’instinct social et en est même la base .»
Darwin invoque enfin le rôle de l’habitude et de l’apprentissage social. Car, écrit-il,«l’habitude, chez l’individu, joue un rôle fort important dans la direction de la conduite de chaque membre d’une association ; car la sympathie et l’instinct social, comme tous les autres instincts, de même que l’obéissance aux désirs et aux jugements de la communauté, se fortifient considérablement par l’habitude . »
Darwin lui-même ne reculait pas devant le problème méta-éthique que présente une telle généalogie de la morale. Selon lui, elle conduisait à retrouver et à refonder les grands principes éthiques classiques.
Elle débouchait ainsi sur une redécouverte de la grande idée mise de l’avant par la morale déontologique. Darwin s’en expliquait comme suit: «[…] à mesure que les sentiments d’affection et de sympathie et que la faculté de l’empire sur soi-même, se fortifient par l’habitude ; à mesure que la puissance du raisonnement devient plus lucide et lui permet d’apprécier plus sainement la justice des jugements de ses semblables, il se sent poussé, indépendamment du plaisir ou de la peine qu’il en éprouve dans le moment, à adopter certaines règles de conduite. Il peut dire alors, ce que ne saurait faire le sauvage ou le barbare : « Je suis le juge suprême de ma propre conduite », et, pour employer l’expression de Kant : « Je ne veux point violer dans ma personne la dignité de l’humanité . »
Elle débouchait aussi sur la règle d’or: «C’est le sens moral qui constitue peut-être la ligne de démarcation la plus nette entre l’homme et les autres animaux, mais je n’ai rien à ajouter sur ce point, puisque j’ai essayé de prouver que les instincts sociaux, – base fondamentale de la morale humaine , – auxquels viennent s’adjoindre les facultés intellectuelles actives et les effets de l’habitude, conduisent naturellement à la règle : « Fais aux hommes ce que tu voudrais qu’ils te fissent à toi-même ; » principe sur lequel repose toute la morale .»
Quant à la morale utilitariste, Darwin suggère que toutes les actions ne sont pas motivées par ce désir de plaisir dont partent les utilitaristes («[…] il me semble, écrit-il que l’homme agit souvent par impulsion, c’est-à-dire en vertu de l’instinct ou d’une longue habitude, sans avoir conscience d’un plaisir, probablement de la même façon qu’une abeille ou une fourmi quand elle obéit aveuglément à ses instincts »); mais il convient aussi que, puisque «les désirs exprimés par la communauté ont dû naturellement influencer à un haut degré la conduite de chacun de ses membres, et [que] tous recherchent le bonheur», il s’ensuit que «le principe du « plus Grand Bonheur » a dû devenir un guide et un but secondaire fort important .»
Il faut cependant le dire : cette conclusion selon laquelle une approche évolutionniste de l’éthique, loin de saper les fondements de la morale traditionnelle, les renforce au contraire, n’a pas convaincu la majorité des contemporains de Darwin. Non sans raison : après tout, Darwin réintroduisait l’être humain au sein de la Nature, reliait sa moralité à des instincts de ses ancêtres et faisait tout cela sans jamais faire intervenir dieu. D’aucuns pensent même que Darwin, par amour pour sa pieuse épouse, aurait volontairement amoindri la portée révolutionnaire des implications de la théorie de l’évolution pour la compréhension de l’être humain en général et de l’éthique en particulier.
Quoiqu’il en soit, la théorie avancée par Darwin présentait au moins deux très importants défauts.
Le premier concerne l’invocation d’hypothèses lamarckiennes pour expliquer l’évolution de la moralité, qui était déjà étonnante à l’époque et qui est aujourd’hui inadmissible .
Le deuxième est le défi posé par l’altruisme. Darwin en était pleinement conscient. C’est ainsi qu’il écrivait : «Mais on peut se demander comment un grand nombre d’individus, dans le sein d’une même tribu, ont d’abord acquis ces qualités sociales et morales, et comment le niveau de la perfection s’est graduellement élevé ? Il est fort douteux que les descendants des parents les plus sympathiques, les plus bienveillants et les plus fidèles à leurs compagnons, aient surpassés en nombre ceux des membres égoïstes et perfides de la même tribu. L’individu prêt à sacrifier sa vie plutôt que de trahir les siens, comme maint sauvage en a donné l’exemple, ne laisse souvent pas d’enfants pour hériter de sa noble nature. Les hommes les plus braves, les plus ardents à s’exposer aux premiers rangs de la mêlée, et qui risquent volontiers leur vie pour leurs semblables, doivent même, en moyenne, succomber en plus grande quantité que les autres. Il semble donc presque impossible (il faut se rappeler que nous ne parlons pas ici d’une tribu victorieuse sur une autre tribu) que la sélection naturelle, c’est-à-dire la persistance du plus apte, puisse augmenter le nombre des hommes doués de ces vertus, ou le degré de leur perfection ».
Bref : de nombreux facteurs devraient limiter ou même interdire l’altruisme et, en conséquence, on devrait observer dans la nature l’omniprésence de l’égoïsme. Or, ce n’est manifestement pas le cas et Kropotkine, on l’a vu, l’a vite noté.
*****************************************************************************************
Parmi les cas d’altruisme qui intriguaient tant Darwin figuraient notamment ceux de ces insectes de l’ordre des Hyménoptères, qui comprend les abeilles, les fourmis et les guêpes. On y retrouve des femelles stériles qui ne se reproduisent pas et qui passent plutôt leur vie à s’occuper des filles mises au monde par leur mère ou des individus (comme les abeilles) qui défendent la colonie par des comportements qui causent leur mort (par exemple en piquant les intrus). Comment expliquer de tels phénomènes dans un cadre évolutionniste?
Il reviendra à William Hamilton de percer ce mystère en montrant comment fonctionne ce qu’il appellera l’altruisme de parentèle. Celui-ci, avec une autre forme d’altruisme appelé altruisme réciproque fournit un cadre dans lequel penser l’éthique, voire même une méta-éthique dans une perspective évolutionniste.
Le prochain article de cette série sera justement consacré à l’altruisme ainsi qu’à la tentative de synthèse de ces travaux pour une compréhension naturaliste de l’éthique — ouvrant la voie vers une «science du bien et du mal» — qui a été récemment proposée par Michael Shermer et quelques autres.
Car c’est bien Darwin, cette fois encore, qui avait ouvert la voie.
Il suggérait dans son ouvrage de 1871 une généalogie naturaliste de la moralité proposant que les humains vont, grâce à leurs capacités mentales développées, être en mesure de complexifier ces instincts sociaux ce qui est déjà présents chez des animaux non-humains (nos prédécesseurs primates, notamment) et être ainsi capables de repenser à leurs actes, à leurs motivations et à ceux des autres, pour les approuver ou non.
Cette conception de la moralité, qui la fait évoluer à partir de dispositions primitives à la sociabilité qu’enrichissent progressivement le développement cognitif, le langage et l’apprentissage repose sur la reconnaissance d’une profonde continuité entre nous et les primates que Darwin affirme avec force: «Nous avons, je crois, démontré que l’homme et les animaux supérieurs, les primates surtout, ont quelques instincts communs. Tous possèdent les mêmes sens, les mêmes intuitions, éprouvent les mêmes sensations ; ils ont des passions, des affections et des émotions semblables, même les plus compliquées, telles que la jalousie, la méfiance, l’émulation, la reconnaissance et la magnanimité, ils aiment à tromper et à se venger ; ils redoutent le ridicule ; ils aiment la plaisanterie ; ils ressentent l’étonnement et la curiosité ; ils possèdent les mêmes facultés d’imitation, d’attention, de délibération, de choix, de mémoire, d’imagination, d’association des idées et de raisonnement, mais, bien entendu, à des degrés très différents. Les individus appartenant à une même espèce représentent toutes les phases intellectuelles, depuis l’imbécillité absolue jusqu’à la plus haute intelligence».
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Séance de toilettage chez des singes
Le primatologue néerlandais Frans de Waal (1948) s’est intéressé de près à l’émergence de la moralité chez les grands singes, chez lesquels il a décrit avec minutie les manifestations d’empathie, de réciprocité et de socialité.
Ses recherches l’ont conduit à penser que nous ne sommes que les derniers héritiers d’une très longue lignée d’animaux intensément sociables, dépendant les uns des autres et nouant entre eux toutes sortes de liens.
Il écrivait récemment : «Je ne prétends pas que les singes et les gorilles soient des êtres moraux, mais je pense bien que la morale humaine se situe sur un continuum qui commence avec la sociabilité animale». (New Scientist, 14 Octobre 2006, p. 60). Pour ces raisons, De Waal récuse aussi ce qu’il a appelé la «théorie du vernis», qui voudrait que la moralité soit un simple et commode vernis de respectabilité posé sur une nature humaine essentiellement égoïste, une thèse que résume mémorablement la maxime du biologiste Michael Ghiselin «Gratter un altuiste et vous verrez saigner un hypocrite».
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L’altruisme chez les singes verts (ou vervets)
Le singe vert utilise trois sortes de cris différents pour alerter de la présence d’un prédateur, selon qu’il s’agit d’un serpent, d’un aigle ou d’un léopard. Chacun de ces cris suscite, chez ses congénères qui l’entendent, le comportement de fuite approprié — par exemple, grimper aux arbres quand un serpent est signalé.
Par contre, le singe qui a alerté les autres attire de ce fait l’attention du reptile et court ainsi un plus grand risque d’être attaqué. Pourquoi l’évolution n’a–t-elle pas éliminé ce type de comportement appelé altruiste — en ce sens qu’il coûte quelque chose à un organisme qui le paie pour qu’un bénéfice soit acquis par un autre ?
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Darwin distinguait quatre étapes dans ce long processus de genèse de la moralité envisagée comme une caractéristique de notre espèce ayant, sur de très nombreuses années, émergé de sentiments pré moraux présents chez nos ancêtres pour lesquels l’association présentait un avantage sur une vie solitaire.
Pour commencer, les premiers humains héritaient d’instincts sociaux qui incitent à « trouver du plaisir dans la société de ses semblables, à éprouver une certaine sympathie pour eux, et à leur rendre divers services ».
Ensuite, avec des facultés intellectuelles plus développées, émerge la conscience : « le cerveau de chaque individu est [alors] constamment rempli par l’image de toutes ses actions passées et par les motifs qui l’ont poussé à agir comme il l’a fait ; or il doit éprouver ce sentiment de regret qui résulte invariablement d’un instinct auquel il n’a pas été satisfait […] chaque fois qu’il s’aperçoit que l’instinct social actuel et persistant a cédé chez lui à quelque autre instinct, plus puissant sur le moment, mais qui n’est ni permanent par sa nature, ni susceptible de laisser une impression bien vive . »
Troisièmement, avec l’apparition du langage, les membres d’une même association peuvent clairement exprimer leurs désirs : dès lors, «l’opinion commune, sur le mode suivant lequel chaque membre doit concourir au bien public, devient naturellement le principal guide d’action». Darwin précise : «Mais il faut toujours se rappeler que, quelque poids qu’on attribue à l’opinion publique, le respect que nous avons pour l’approbation ou le blâme exprimé par nos semblables dépend de la sympathie, qui, comme nous le verrons, constitue une partie essentielle de l’instinct social et en est même la base .»
Darwin invoque enfin le rôle de l’habitude et de l’apprentissage social. Car, écrit-il,«l’habitude, chez l’individu, joue un rôle fort important dans la direction de la conduite de chaque membre d’une association ; car la sympathie et l’instinct social, comme tous les autres instincts, de même que l’obéissance aux désirs et aux jugements de la communauté, se fortifient considérablement par l’habitude . »
Darwin lui-même ne reculait pas devant le problème méta-éthique que présente une telle généalogie de la morale. Selon lui, elle conduisait à retrouver et à refonder les grands principes éthiques classiques.
Elle débouchait ainsi sur une redécouverte de la grande idée mise de l’avant par la morale déontologique. Darwin s’en expliquait comme suit: «[…] à mesure que les sentiments d’affection et de sympathie et que la faculté de l’empire sur soi-même, se fortifient par l’habitude ; à mesure que la puissance du raisonnement devient plus lucide et lui permet d’apprécier plus sainement la justice des jugements de ses semblables, il se sent poussé, indépendamment du plaisir ou de la peine qu’il en éprouve dans le moment, à adopter certaines règles de conduite. Il peut dire alors, ce que ne saurait faire le sauvage ou le barbare : « Je suis le juge suprême de ma propre conduite », et, pour employer l’expression de Kant : « Je ne veux point violer dans ma personne la dignité de l’humanité . »
Elle débouchait aussi sur la règle d’or: «C’est le sens moral qui constitue peut-être la ligne de démarcation la plus nette entre l’homme et les autres animaux, mais je n’ai rien à ajouter sur ce point, puisque j’ai essayé de prouver que les instincts sociaux, – base fondamentale de la morale humaine , – auxquels viennent s’adjoindre les facultés intellectuelles actives et les effets de l’habitude, conduisent naturellement à la règle : « Fais aux hommes ce que tu voudrais qu’ils te fissent à toi-même ; » principe sur lequel repose toute la morale .»
Quant à la morale utilitariste, Darwin suggère que toutes les actions ne sont pas motivées par ce désir de plaisir dont partent les utilitaristes («[…] il me semble, écrit-il que l’homme agit souvent par impulsion, c’est-à-dire en vertu de l’instinct ou d’une longue habitude, sans avoir conscience d’un plaisir, probablement de la même façon qu’une abeille ou une fourmi quand elle obéit aveuglément à ses instincts »); mais il convient aussi que, puisque «les désirs exprimés par la communauté ont dû naturellement influencer à un haut degré la conduite de chacun de ses membres, et [que] tous recherchent le bonheur», il s’ensuit que «le principe du « plus Grand Bonheur » a dû devenir un guide et un but secondaire fort important .»
Il faut cependant le dire : cette conclusion selon laquelle une approche évolutionniste de l’éthique, loin de saper les fondements de la morale traditionnelle, les renforce au contraire, n’a pas convaincu la majorité des contemporains de Darwin. Non sans raison : après tout, Darwin réintroduisait l’être humain au sein de la Nature, reliait sa moralité à des instincts de ses ancêtres et faisait tout cela sans jamais faire intervenir dieu. D’aucuns pensent même que Darwin, par amour pour sa pieuse épouse, aurait volontairement amoindri la portée révolutionnaire des implications de la théorie de l’évolution pour la compréhension de l’être humain en général et de l’éthique en particulier.
Quoiqu’il en soit, la théorie avancée par Darwin présentait au moins deux très importants défauts.
Le premier concerne l’invocation d’hypothèses lamarckiennes pour expliquer l’évolution de la moralité, qui était déjà étonnante à l’époque et qui est aujourd’hui inadmissible .
Le deuxième est le défi posé par l’altruisme. Darwin en était pleinement conscient. C’est ainsi qu’il écrivait : «Mais on peut se demander comment un grand nombre d’individus, dans le sein d’une même tribu, ont d’abord acquis ces qualités sociales et morales, et comment le niveau de la perfection s’est graduellement élevé ? Il est fort douteux que les descendants des parents les plus sympathiques, les plus bienveillants et les plus fidèles à leurs compagnons, aient surpassés en nombre ceux des membres égoïstes et perfides de la même tribu. L’individu prêt à sacrifier sa vie plutôt que de trahir les siens, comme maint sauvage en a donné l’exemple, ne laisse souvent pas d’enfants pour hériter de sa noble nature. Les hommes les plus braves, les plus ardents à s’exposer aux premiers rangs de la mêlée, et qui risquent volontiers leur vie pour leurs semblables, doivent même, en moyenne, succomber en plus grande quantité que les autres. Il semble donc presque impossible (il faut se rappeler que nous ne parlons pas ici d’une tribu victorieuse sur une autre tribu) que la sélection naturelle, c’est-à-dire la persistance du plus apte, puisse augmenter le nombre des hommes doués de ces vertus, ou le degré de leur perfection ».
Bref : de nombreux facteurs devraient limiter ou même interdire l’altruisme et, en conséquence, on devrait observer dans la nature l’omniprésence de l’égoïsme. Or, ce n’est manifestement pas le cas et Kropotkine, on l’a vu, l’a vite noté.
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Parmi les cas d’altruisme qui intriguaient tant Darwin figuraient notamment ceux de ces insectes de l’ordre des Hyménoptères, qui comprend les abeilles, les fourmis et les guêpes. On y retrouve des femelles stériles qui ne se reproduisent pas et qui passent plutôt leur vie à s’occuper des filles mises au monde par leur mère ou des individus (comme les abeilles) qui défendent la colonie par des comportements qui causent leur mort (par exemple en piquant les intrus). Comment expliquer de tels phénomènes dans un cadre évolutionniste?
Il reviendra à William Hamilton de percer ce mystère en montrant comment fonctionne ce qu’il appellera l’altruisme de parentèle. Celui-ci, avec une autre forme d’altruisme appelé altruisme réciproque fournit un cadre dans lequel penser l’éthique, voire même une méta-éthique dans une perspective évolutionniste.
Le prochain article de cette série sera justement consacré à l’altruisme ainsi qu’à la tentative de synthèse de ces travaux pour une compréhension naturaliste de l’éthique — ouvrant la voie vers une «science du bien et du mal» — qui a été récemment proposée par Michael Shermer et quelques autres.
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dimanche, juin 07, 2009
INTRODUCTION À L'ÉTHIQUE: LA SCIENCE ET L'ÉTHIQUE (SUITE, 2)
Le darwinisme social
Dans l’Angleterre victorienne, en plein coeur de la révolution industrielle, le darwinisme social devient en effet un slogan par lequel on justifie la compétition sans entraves, la lutte pour la survie et la survie du plus fort, le laissez-faire capitaliste, la non-intervention de l’État en faveur des plus «faibles», le refus d’instituer des politiques publiques d’éducation, de protection sociale ou de santé.
Le darwinisme biologique — et Darwin lui-même, mal à l’aise devant tout cela — n’y peuvent rien: on nage désormais en pleine idéologie, qui se répand comme une traînée de poudre. C’est souvent du darwinisme social que se réclament aux Etats-Unis ces grands patrons de corporations qu’on appellera les « barons-voleurs» pour justifier leurs impitoyables pratiques et c’est encore lui qui est invoqué pour justifier l’impérialisme, le colonialisme et la racisme. Bientôt se développe même un mouvement appelé eugénisme. Il est fondé par le propre cousin de Darwin, Francis Galton (1822-1911) et, associé à la génétique mendélienne, il suggère des politiques destinées à assurer que les plus aptes se reproduisent (eugénisme positif) ou que les moins aptes se reproduisent peu ou pas du tout (eugénisme négatif). Des programmes de stérilisation seront ainsi mis en place dans de nombreux pays, eu Europe et aux États-Unis — et pas seulement dans l’Allemagne nazie.
On ne s’en étonnera pas : dès 1945, toute invocation de la biologie dans l’étude des êtres humains est d’emblée suspecte — ou pire. Les évolutionnistes auront beau expliquer, à la suite du Prince anarchiste P. Kropotkine (1842-1921) qui avait consacré un ouvrage entier à cette question (L’Entraide, un facteur de l’évolution, 1906) et qui peut pour cela être tenu pour un des pères de la sociobiologie ou de la psychologie évolutionniste(1), que la compétition n’est pas le seul moteur de l’évolution, rappeler le rôle de la coopération et la dérive génétique : rien n’y fit. La récupération d’un seul aspect des différents moteurs de l’évolution à des fins idéologiques avait en grande partie délégitimé toute la discipline.
Dans l’ensemble des sciences humaines de cette époque dominent donc des thèses culturalistes et environnementalistes qui interdisent à toutes fins utiles d’invoquer des facteurs héréditaires, biologiques voire même naturels dans l’explication des comportements humains. Jean-Pierre Changeux résume bien la situation qui prévalait alors (et qui prévaut encore, en certains secteurs) quand il écrit que le «point de vue dominant dans les sciences humaines et la philosophie (Foucault, Levi-Strauss, Derrida)» voulait que «l’extension du mode de pensée et des modèles de la biologie et de l’évolutionnisme aux sciences humaines et sociales […] se confond […] avec la production d’idéologies totalitaires et répressives ».
Ce moment est aujourd’hui en partie dépassé et une approche darwinienne de l’éthique s’est déployée depuis, en gros, une cinquantaine d’années. Reprenant une distinction proposée par Elliott Sober, il me paraît éclairant de proposer que celle-ci s’est engagée dans deux directions principales.
La première est explicative et cherche à comprendre pourquoi nous avons telles ou telles pensées ou émotions de nature éthique. On voudra ici, en tenant compte du fait que nous sommes des produits de l’évolution, que nos ancêtres sont apparus il y a quelque chose comme 150 000 ans ou que nous avons longtemps vécu au sein de groupes restreints, rendre compte à la fois d’éventuels universaux éthiques et comprendre des singularités (individuelles ou sociales) observables.
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Kindchenschema (i.e. Traits infantiles)
Les bébés des mammifères, y compris ceux des humains, ont de grands yeux et des traits arrondis. Ces traits nous semblent immédiatement irrésistibles et «beaux»: nos sentiments ou instincts (plus que le raisonnement) contribuent ainsi à créer un lien émotionnel fort et très utile pour inciter à ce que le parent prenne soin de l’enfant.
Quand on examine leurs créations, on se convainc aussitôt que les dessinateurs des films d’animation ont compris cette préférence instinctive. De même quand on regarde nos animaux de compagnie…
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La deuxième voie est justificative et se situe sur un plan méta-éthique. Deux avenues principales sont ici explorées. La première espère contribuer à décider si (éventuellement), des positions éthiques sont vraies, justes ou correctes et à les justifier le cas échéant; la deuxième promeut plutôt une forme ou l’autre d’émotivisme ou de subjectivisme qui fait de l’éthique une sorte d’illusion.
Dans la suite de ce texte, je vais montrer comment Darwin envisageait ces questions et rappeler comment l’approche qu’il proposait débouche sur la très sérieuse difficulté que représente la compréhension de l’altruisme.
(À suivre)
(1) Les récupérations idéologiques du darwinisme sont aussi nombreuses que les motivation idéologiques du rejet de ses conclusions et l’ensemble de ces attitudes (d’approbation ou de rejet) ne se laisse pas aisément ranger sous les habituelles catégories politiques de gauche ou de droite, comme l’exemple de Kropotkine le laisse pressentir. Dès sa publication, L’origine des espèces a suscité de vives inquiétudes chez les autorités religieuses et chez certains moralistes qui vont, en partie pour cela, délibérément choisir de l’ignorer. C’est qu’à leurs yeux, en nous rattachant comme elles le faisaient au reste de la Nature et en remettant en question le statut particulier de l’être humain au sein de la création, les idées du livre contribuaient à saper certains des fondements les plus importants de la religion et de la moralité traditionnelle. Pourtant, d’un autre côté, l’ouvrage allait aussi être passionnément invoqué par un nombre considérable de causes et d’idées, souvent fort éloignées les unes des autres. C’est ainsi que Karl Marx, enthousiaste, voit dans les thèses de Darwin le fondement naturaliste de la lutte des classes dans l’histoire, qu’il aurait lui-même mise à jour dans ses écrits; mais , on l’a vu, bon nombre de défenseurs d’un capitalisme sans entrave y lisent de leur côté la justification de la compétition et de la concentration aussi bien des entreprises que de la richesse, au nom de la « survie du plus fort »; quant aux Nazis, il leur arrivera de se réclamer de Darwin pour justifier leur politique d’extermination des Juifs d’Europe.
Dans l’Angleterre victorienne, en plein coeur de la révolution industrielle, le darwinisme social devient en effet un slogan par lequel on justifie la compétition sans entraves, la lutte pour la survie et la survie du plus fort, le laissez-faire capitaliste, la non-intervention de l’État en faveur des plus «faibles», le refus d’instituer des politiques publiques d’éducation, de protection sociale ou de santé.
Le darwinisme biologique — et Darwin lui-même, mal à l’aise devant tout cela — n’y peuvent rien: on nage désormais en pleine idéologie, qui se répand comme une traînée de poudre. C’est souvent du darwinisme social que se réclament aux Etats-Unis ces grands patrons de corporations qu’on appellera les « barons-voleurs» pour justifier leurs impitoyables pratiques et c’est encore lui qui est invoqué pour justifier l’impérialisme, le colonialisme et la racisme. Bientôt se développe même un mouvement appelé eugénisme. Il est fondé par le propre cousin de Darwin, Francis Galton (1822-1911) et, associé à la génétique mendélienne, il suggère des politiques destinées à assurer que les plus aptes se reproduisent (eugénisme positif) ou que les moins aptes se reproduisent peu ou pas du tout (eugénisme négatif). Des programmes de stérilisation seront ainsi mis en place dans de nombreux pays, eu Europe et aux États-Unis — et pas seulement dans l’Allemagne nazie.
On ne s’en étonnera pas : dès 1945, toute invocation de la biologie dans l’étude des êtres humains est d’emblée suspecte — ou pire. Les évolutionnistes auront beau expliquer, à la suite du Prince anarchiste P. Kropotkine (1842-1921) qui avait consacré un ouvrage entier à cette question (L’Entraide, un facteur de l’évolution, 1906) et qui peut pour cela être tenu pour un des pères de la sociobiologie ou de la psychologie évolutionniste(1), que la compétition n’est pas le seul moteur de l’évolution, rappeler le rôle de la coopération et la dérive génétique : rien n’y fit. La récupération d’un seul aspect des différents moteurs de l’évolution à des fins idéologiques avait en grande partie délégitimé toute la discipline.
Dans l’ensemble des sciences humaines de cette époque dominent donc des thèses culturalistes et environnementalistes qui interdisent à toutes fins utiles d’invoquer des facteurs héréditaires, biologiques voire même naturels dans l’explication des comportements humains. Jean-Pierre Changeux résume bien la situation qui prévalait alors (et qui prévaut encore, en certains secteurs) quand il écrit que le «point de vue dominant dans les sciences humaines et la philosophie (Foucault, Levi-Strauss, Derrida)» voulait que «l’extension du mode de pensée et des modèles de la biologie et de l’évolutionnisme aux sciences humaines et sociales […] se confond […] avec la production d’idéologies totalitaires et répressives ».
Ce moment est aujourd’hui en partie dépassé et une approche darwinienne de l’éthique s’est déployée depuis, en gros, une cinquantaine d’années. Reprenant une distinction proposée par Elliott Sober, il me paraît éclairant de proposer que celle-ci s’est engagée dans deux directions principales.
La première est explicative et cherche à comprendre pourquoi nous avons telles ou telles pensées ou émotions de nature éthique. On voudra ici, en tenant compte du fait que nous sommes des produits de l’évolution, que nos ancêtres sont apparus il y a quelque chose comme 150 000 ans ou que nous avons longtemps vécu au sein de groupes restreints, rendre compte à la fois d’éventuels universaux éthiques et comprendre des singularités (individuelles ou sociales) observables.
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Kindchenschema (i.e. Traits infantiles)
Les bébés des mammifères, y compris ceux des humains, ont de grands yeux et des traits arrondis. Ces traits nous semblent immédiatement irrésistibles et «beaux»: nos sentiments ou instincts (plus que le raisonnement) contribuent ainsi à créer un lien émotionnel fort et très utile pour inciter à ce que le parent prenne soin de l’enfant.
Quand on examine leurs créations, on se convainc aussitôt que les dessinateurs des films d’animation ont compris cette préférence instinctive. De même quand on regarde nos animaux de compagnie…
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La deuxième voie est justificative et se situe sur un plan méta-éthique. Deux avenues principales sont ici explorées. La première espère contribuer à décider si (éventuellement), des positions éthiques sont vraies, justes ou correctes et à les justifier le cas échéant; la deuxième promeut plutôt une forme ou l’autre d’émotivisme ou de subjectivisme qui fait de l’éthique une sorte d’illusion.
Dans la suite de ce texte, je vais montrer comment Darwin envisageait ces questions et rappeler comment l’approche qu’il proposait débouche sur la très sérieuse difficulté que représente la compréhension de l’altruisme.
(À suivre)
(1) Les récupérations idéologiques du darwinisme sont aussi nombreuses que les motivation idéologiques du rejet de ses conclusions et l’ensemble de ces attitudes (d’approbation ou de rejet) ne se laisse pas aisément ranger sous les habituelles catégories politiques de gauche ou de droite, comme l’exemple de Kropotkine le laisse pressentir. Dès sa publication, L’origine des espèces a suscité de vives inquiétudes chez les autorités religieuses et chez certains moralistes qui vont, en partie pour cela, délibérément choisir de l’ignorer. C’est qu’à leurs yeux, en nous rattachant comme elles le faisaient au reste de la Nature et en remettant en question le statut particulier de l’être humain au sein de la création, les idées du livre contribuaient à saper certains des fondements les plus importants de la religion et de la moralité traditionnelle. Pourtant, d’un autre côté, l’ouvrage allait aussi être passionnément invoqué par un nombre considérable de causes et d’idées, souvent fort éloignées les unes des autres. C’est ainsi que Karl Marx, enthousiaste, voit dans les thèses de Darwin le fondement naturaliste de la lutte des classes dans l’histoire, qu’il aurait lui-même mise à jour dans ses écrits; mais , on l’a vu, bon nombre de défenseurs d’un capitalisme sans entrave y lisent de leur côté la justification de la compétition et de la concentration aussi bien des entreprises que de la richesse, au nom de la « survie du plus fort »; quant aux Nazis, il leur arrivera de se réclamer de Darwin pour justifier leur politique d’extermination des Juifs d’Europe.
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Darwin,
Normand Baillargeon,
Québec sceptique,
science et éthique
samedi, juin 06, 2009
INTRODUCTION À L'ÉTHIQUE: LA SCIENCE ET L'ÉTHIQUE (SUITE)
Grues et crochets célestes
Le philosophe Daniel C. Dennett aidera à y voir clair.
Dans l’important livre qu’il a consacré à Darwin (2000), il a proposé de distinguer entre deux paradigmes ou modèles. Le premier repose sur la conviction naturaliste que Darwin a fourni un modèle théorique qui constitue un très singulier «renversement des modes de pensée habituels» et qui permet de comprendre comment, par exemple, il n’est pas nécessaire d’avoir de l’intelligence pour construire une belle machine; qu’un processus qui n’est pas lui-même intelligent et qui ne se fixe pas de but peut néanmoins générer quelque chose qui est intelligent et créatif; ou encore que la conscience, loin d’être l’origine de toute création, en est en fait la résultante, et même une résultante récente.
Ce modèle, qui s’appliquerait bien entendu à l’éthique, peut être pensé comme une accumulation de grues : certes, l’art, la conscience ou l’éthique, pour en rester à ces exemples, sont des réalités qui nous semblent bien éloignées des processus biologiques élémentaires et en ce sens être situés « tout là-haut, dans le ciel »: mais on parvient bien à cette hauteur en partant du sol et en élevant peu à peu, sur des durées très longues, de simples grues montées les unes sur les autres.
Les défenseurs de l’autre modèle constatent eux aussi la présence de ces objets «très haut dans le ciel» : mais ils refusent l’explication par des grues. Dennett suggère qu’ils en sont réduits ou bien à arguer que la naturalisation darwinienne est impossible pour tel ou tel objet ou, pire, à invoquer ce que Dennett appelle des «crochets célestes», des crochets auxquels ces objets sont suspendus — mais en ce cas, évidemment, la question se pose aussitôt de savoir à quoi ces crochets sont eux mêmes rattachés.
La confrontation entre les deux groupes joue simultanément sur de nombreux plans, à la fois scientifiques et idéologiques et concerne notamment la question de l’impact des idéologies sociales et politiques sur, sinon toujours la valeur cognitive des résultats de la science, du moins sur la détermination de ses objets d’étude et l’utilisation qui est faite de ses résultats (1
Elle s’est poursuivie jusqu’à nos jours, chaque camp pouvant avancer des noms prestigieux.
C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, les plus célèbres partisans d’une biologisation des sciences humaines en général, et notamment de l’éthique, sont probablement, de nos jours, E.O. Wilson (1929), le créateur de la sociobiologie et Robert Trivers (1943), à qui on doit le concept d’altruisme réciproque (nous y reviendrons dans le prochain texte de cette série); mais qu’on trouve parmi les opposants à ce programme — ou du moins parmi ses plus sévères critiques — le biologiste et généticien Richard Lewontin (1929), le paléontologiste et créateur de la théorie de l’équilibre intermittent Stephen Jay Gould (1941-2002), ainsi que l’écologiste et mathématicien Richard Levins.
Au Royaume-Uni, l’éthologiste et biologiste Richard Dawkins (1942), connu pour avoir proposé le concept de «gène égoïste», compte parmi les plus célèbres partisans de ce qu’on appelle plus volontiers là-bas la «psychologie évolutionniste»; parmi ses défenseurs, on compte encore W.D. Hamilton (1936-2000), un biologiste qui a mis en évidence le phénomène de la sélection de parentèle (kin selection) et énoncé la célèbre loi qui porte son nom (nous reviendrons également sur ces concepts dans le prochain texte de cette série), ainsi que le biologiste et généticien John Maynard Smith (1920 –2004). Mais leur position a des opposants très en vue, au nombre desquels figure le biologiste Steven Rose (1938) ainsi que l’éthologiste Patrick Bateson (1938).
******************************************************************************************
E.O. Wilson (1929)
Un des moments mémorables de cette guerre des idées s’est produit en 1978, lors d’une réunion de l’American Association for the Advancement of Science durant laquelle E.O . Wilson donne une conférence sur la sociobiologie, cette discipline alors encore toute récente dont il est le créateur.
Dès qu’il commence à parler, une dizaine de membres de l’International Comitee Against Racism s’avance sur la scène en scandant: «Racist Wilson, you can’t hide; we charge you with génocide!» [Wilson le raciste : tu ne peux pas te cacher; nous t’accusons de génocide]. Une femme s’approche alors du conférencier et lui déverse de l’eau sur sa tête.
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Pour mesurer à quel point l’application à l’être humain des idées darwiniennes a pu être et peut encore être polémique, il suffira de se rappeler de cet épisode qu’on a pu appeler le premier péché originel de la biologisation de l’éthique : le darwinisme social.
( À suivre)
Le philosophe Daniel C. Dennett aidera à y voir clair.
Dans l’important livre qu’il a consacré à Darwin (2000), il a proposé de distinguer entre deux paradigmes ou modèles. Le premier repose sur la conviction naturaliste que Darwin a fourni un modèle théorique qui constitue un très singulier «renversement des modes de pensée habituels» et qui permet de comprendre comment, par exemple, il n’est pas nécessaire d’avoir de l’intelligence pour construire une belle machine; qu’un processus qui n’est pas lui-même intelligent et qui ne se fixe pas de but peut néanmoins générer quelque chose qui est intelligent et créatif; ou encore que la conscience, loin d’être l’origine de toute création, en est en fait la résultante, et même une résultante récente.
Ce modèle, qui s’appliquerait bien entendu à l’éthique, peut être pensé comme une accumulation de grues : certes, l’art, la conscience ou l’éthique, pour en rester à ces exemples, sont des réalités qui nous semblent bien éloignées des processus biologiques élémentaires et en ce sens être situés « tout là-haut, dans le ciel »: mais on parvient bien à cette hauteur en partant du sol et en élevant peu à peu, sur des durées très longues, de simples grues montées les unes sur les autres.
Les défenseurs de l’autre modèle constatent eux aussi la présence de ces objets «très haut dans le ciel» : mais ils refusent l’explication par des grues. Dennett suggère qu’ils en sont réduits ou bien à arguer que la naturalisation darwinienne est impossible pour tel ou tel objet ou, pire, à invoquer ce que Dennett appelle des «crochets célestes», des crochets auxquels ces objets sont suspendus — mais en ce cas, évidemment, la question se pose aussitôt de savoir à quoi ces crochets sont eux mêmes rattachés.
La confrontation entre les deux groupes joue simultanément sur de nombreux plans, à la fois scientifiques et idéologiques et concerne notamment la question de l’impact des idéologies sociales et politiques sur, sinon toujours la valeur cognitive des résultats de la science, du moins sur la détermination de ses objets d’étude et l’utilisation qui est faite de ses résultats (1
Elle s’est poursuivie jusqu’à nos jours, chaque camp pouvant avancer des noms prestigieux.
C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, les plus célèbres partisans d’une biologisation des sciences humaines en général, et notamment de l’éthique, sont probablement, de nos jours, E.O. Wilson (1929), le créateur de la sociobiologie et Robert Trivers (1943), à qui on doit le concept d’altruisme réciproque (nous y reviendrons dans le prochain texte de cette série); mais qu’on trouve parmi les opposants à ce programme — ou du moins parmi ses plus sévères critiques — le biologiste et généticien Richard Lewontin (1929), le paléontologiste et créateur de la théorie de l’équilibre intermittent Stephen Jay Gould (1941-2002), ainsi que l’écologiste et mathématicien Richard Levins.
Au Royaume-Uni, l’éthologiste et biologiste Richard Dawkins (1942), connu pour avoir proposé le concept de «gène égoïste», compte parmi les plus célèbres partisans de ce qu’on appelle plus volontiers là-bas la «psychologie évolutionniste»; parmi ses défenseurs, on compte encore W.D. Hamilton (1936-2000), un biologiste qui a mis en évidence le phénomène de la sélection de parentèle (kin selection) et énoncé la célèbre loi qui porte son nom (nous reviendrons également sur ces concepts dans le prochain texte de cette série), ainsi que le biologiste et généticien John Maynard Smith (1920 –2004). Mais leur position a des opposants très en vue, au nombre desquels figure le biologiste Steven Rose (1938) ainsi que l’éthologiste Patrick Bateson (1938).
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E.O. Wilson (1929)
Un des moments mémorables de cette guerre des idées s’est produit en 1978, lors d’une réunion de l’American Association for the Advancement of Science durant laquelle E.O . Wilson donne une conférence sur la sociobiologie, cette discipline alors encore toute récente dont il est le créateur.
Dès qu’il commence à parler, une dizaine de membres de l’International Comitee Against Racism s’avance sur la scène en scandant: «Racist Wilson, you can’t hide; we charge you with génocide!» [Wilson le raciste : tu ne peux pas te cacher; nous t’accusons de génocide]. Une femme s’approche alors du conférencier et lui déverse de l’eau sur sa tête.
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Pour mesurer à quel point l’application à l’être humain des idées darwiniennes a pu être et peut encore être polémique, il suffira de se rappeler de cet épisode qu’on a pu appeler le premier péché originel de la biologisation de l’éthique : le darwinisme social.
( À suivre)
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Normand Baillageon,
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science et éthique
vendredi, juin 05, 2009
L’ARITHMÉTIQUE ÉLÉMENTAIRE AVEC MARCEL PAGNOL: LA RECETTE DU PICON-CITRON-CURAÇAO
[Et un dernier...]
César : Eh bien, pour la dixième fois, je vais te l'expliquer, le picon-citron-curaçao. (Il s'installe derrière le comptoir.) Approche-toi ! (Marius s'avance, et va suivre de près l'opération. César prend un grand verre, une carafe et trois bouteilles. Tout en parlant, il compose le breuvage.) Tu mets d'abord un tiers de curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c'est joli. Et à la fin, un grand tiers d'eau. Voilà.
Marius : Et ça fait quatre tiers.
César : Exactement. J'espère que cette fois, tu as compris. (Il boit une gorgée du mélange)
Marius : Dans un verre, il n'y a que trois tiers.
César : Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers !
Marius : Eh non, ça ne dépend pas. Même dans un arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers.
César (triomphant) : Alors, explique-moi comment j'en ai mis quatre dans ce verre !
Marius : Ça, c'est de l'Arithmétique.
Marcel Pagnol, Marius, Acte I, scène 2.
César : Eh bien, pour la dixième fois, je vais te l'expliquer, le picon-citron-curaçao. (Il s'installe derrière le comptoir.) Approche-toi ! (Marius s'avance, et va suivre de près l'opération. César prend un grand verre, une carafe et trois bouteilles. Tout en parlant, il compose le breuvage.) Tu mets d'abord un tiers de curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c'est joli. Et à la fin, un grand tiers d'eau. Voilà.
Marius : Et ça fait quatre tiers.
César : Exactement. J'espère que cette fois, tu as compris. (Il boit une gorgée du mélange)
Marius : Dans un verre, il n'y a que trois tiers.
César : Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers !
Marius : Eh non, ça ne dépend pas. Même dans un arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers.
César (triomphant) : Alors, explique-moi comment j'en ai mis quatre dans ce verre !
Marius : Ça, c'est de l'Arithmétique.
Marcel Pagnol, Marius, Acte I, scène 2.
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Humour et mathématiques,
Normand Baillargeon
BLAGUES POUR MATHEUX ET MATHEUSES
[Encore un début de possible encadré]
— Le professeur de mathématiques: Supposons que la distance qu’on recherche est X.
— L’élève: Moi, je veux bien : mais qu’arrive-t-il si la distance n’est pas X?
***
Zénonphobie : La peur irrationnelle des séries infinies convergentes.
***
Quelle est la différence entre un mathématicien et un philosophe? Le mathématicien peut travailler avec seulement un stylo, un papier et une poubelle; le philosophe croit pouvoir se passer de la poubelle.
***
Qu’est-ce qui vit dans la mer et qui n’est pas orientable? Möbius Dick!
***
— Pourquoi la poule a-t-elle traversé la rue?
— Gödel : On ne peut pas prouver que la poule ait traversé la rue.
***
La vie est complexe : certains de ses éléments sont réels, d’autres imaginaires.
***
a= b
a 2 = ab
a2 – b2 = ab – b2
(a + b) (a – b) = b (a – b)
a + b = b
2 b = b
2 = 1
— Le professeur de mathématiques: Supposons que la distance qu’on recherche est X.
— L’élève: Moi, je veux bien : mais qu’arrive-t-il si la distance n’est pas X?
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Zénonphobie : La peur irrationnelle des séries infinies convergentes.
***
Quelle est la différence entre un mathématicien et un philosophe? Le mathématicien peut travailler avec seulement un stylo, un papier et une poubelle; le philosophe croit pouvoir se passer de la poubelle.
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Qu’est-ce qui vit dans la mer et qui n’est pas orientable? Möbius Dick!
***
— Pourquoi la poule a-t-elle traversé la rue?
— Gödel : On ne peut pas prouver que la poule ait traversé la rue.
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La vie est complexe : certains de ses éléments sont réels, d’autres imaginaires.
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a= b
a 2 = ab
a2 – b2 = ab – b2
(a + b) (a – b) = b (a – b)
a + b = b
2 b = b
2 = 1
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Humour et mathématiques,
Normand Baillargeon
COMMENT LA POULE... POUR MATHEUSES ET MATHEUX
[Début d'un possible encadré pour mon texte sur Humour et mathématiques. Cela vous en suggère-t-il d'autres? Commentaires et suggestions bienvenus.]
Comment la poule a-t-elle traversé la rue?
Zénon : La poule n’est jamais parvenue de l’autre côté de la rue.
Pythagore : Selon une diagonale, ce qui était le plus court chemin.
Newton : Selon une accélération que permet de déterminer avec précision une nouvelle branche des mathématiques dont je suis l’inventeur.
Leibnitz : Dont JE suis l’inventeur.
Einstein : Dans quel référentiel?
Weierstrass : En continu.
Fibonacci : En suivant un nombre d’or de lapins.
Descartes : Elle avait un bon plan.
Comment la poule a-t-elle traversé la rue?
Zénon : La poule n’est jamais parvenue de l’autre côté de la rue.
Pythagore : Selon une diagonale, ce qui était le plus court chemin.
Newton : Selon une accélération que permet de déterminer avec précision une nouvelle branche des mathématiques dont je suis l’inventeur.
Leibnitz : Dont JE suis l’inventeur.
Einstein : Dans quel référentiel?
Weierstrass : En continu.
Fibonacci : En suivant un nombre d’or de lapins.
Descartes : Elle avait un bon plan.
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Humour et mathématiques,
Normand Baillargeon
BLAGUES PAR AUTORÉFÉRENCE CONTRADICTOIRE
[Un possible encadré pour mon texte sur Humour et mathématiques. Est-ce le bon titre? Sont-elles bonnes et pertinentes? En connaissez-vous d'autres?Commentaires bienvenus.]
***
Des problèmes avec les mathématiques?
Appelez :
1-800-[(10x)(13i)^2]-[sin(xy)/2.362x].
***
Le saviez-vous? 87, 22369% des données statistiques prétendent parvenir à un degré de précision que les méthodes utilisées ne permettent pas de garantir.
***
— Je n’accepterais jamais d’être membre d’un club qui voudrait de moi comme membre.
—Tels sont mes principes : et si vous en les aimez pas, j’en ai d’autres.
(Groucho Marx)
***
Le sondeur : — Connaissez-vous le degré d’ignorance et de désintérêt du public pour les affaires publiques? Qu’en pensez-vous?
Le sondé : — Je l’ignore et je m’en fous.
***
Des problèmes avec les mathématiques?
Appelez :
1-800-[(10x)(13i)^2]-[sin(xy)/2.362x].
***
Le saviez-vous? 87, 22369% des données statistiques prétendent parvenir à un degré de précision que les méthodes utilisées ne permettent pas de garantir.
***
— Je n’accepterais jamais d’être membre d’un club qui voudrait de moi comme membre.
—Tels sont mes principes : et si vous en les aimez pas, j’en ai d’autres.
(Groucho Marx)
***
Le sondeur : — Connaissez-vous le degré d’ignorance et de désintérêt du public pour les affaires publiques? Qu’en pensez-vous?
Le sondé : — Je l’ignore et je m’en fous.
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Humour et mathématiques,
Normand Baillageon
INTRODUCTION À L'ÉTHIQUE: LA SCIENCE ET L'ÉTHIQUE (SUITE)
(La suite de la série sur l'éthique que je fais paraître dans Québec Sceptique. J'en ferai un livre quand elle sera terminée.]
LA NATURALISATION DE L'ÉTHIQUE: DARWIN
Que sommes-nous? Répondre à cette question n’est pas une des tâches, mais bien la tâche de la science.
E. Schrödinger (1935)
L’être humain deviendra meilleur quand nous lui aurons donné la possibilité de se voir tel qu’il est.
Anton Tchekhov
N’y a-t-il pas une véritable grandeur dans cette manière d’envisager la vie, avec ses puissances diverses […] une quantité infinie de belles et admirables formes sorties d’un commencement si simple [qui] n’ont pas cessé de se développer et se développent encore !
Charles Darwin (1859)
***
En 1859, Charles Darwin (1809-1882) publie L’origine des espèces.
L’idée d’évolution qu’il y défend avait été proposée auparavant. Mais c’est bien Darwin, le tout premier avec Alfred R. Wallace (1823-1913), qui en fait une véritable théorie scientifique qu’il fonde sur d’innombrables observations présentées dans le cadre de ce qu’il appellera un «long argumentaire».
Darwin avance la thèse désormais bien connue selon laquelle tous les organismes, avec leurs différentes caractéristiques, sont l’aboutissement d’un long et lent processus naturel de transformation (l’évolution) qui opère selon le mécanisme de la sélection naturelle.
Ces idées, on le sait, sont rapidement perçues comme un véritable acide dont certains pensent qu’il sera progressivement capable de tout assimiler. D’autres, même s’ils acceptent les thèses de Darwin, refusent pourtant cette conclusion.
La polémique est d’autant virulente que la thèse évolutionniste, cela est très clair pour Darwin, vaut pour notre espèce, y compris pour toutes ces caractéristiques dont nous pensons volontiers qu’elles nous définissent en propre.
On devine le scandale que va causer cette suggestion, que Darwin développe dès 1871 dans The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex (La descendance de l'homme et la sélection sexuelle) — un ouvrage, disons-le, plus spéculatif et audacieux que le précédent.
C’est ainsi qu’Alfred Russel Wallace, le co-découvreur de la théorie de l’évolution, va très typiquement insister pour soustraire divers éléments du champ d’application de la théorie évolutionniste — et il s’agit à chaque fois, de diverses formes d’accomplissements selon lui spécifiquement humains et dont la théorie de l’évolution serait irrémédiablement incapables de rendre compte : Wallace va citer en exemple l’art et la musique; la pensée formelle et les mathématiques; mais aussi nos tendances altruistes . Ce dernier élément est particulièrement notable et significatif, selon Wallace, dans la mesure où l’adoption d’un comportement altruiste suggère que les actions humaines ne peuvent être entièrement comprises dans les termes que met de l’avant un cadre d’explication évolutionniste.
Darwin, de son côté, maintient que les humains sont issus d’une espèce moins hautement organisée — possiblement, écrit-il, «un quadrupède à queue, poilu, aux oreilles pointées et probablement arboricole» et il s’efforce de montrer que des caractéristiques dont nous pourrions penser qu’elles sont spécifiquement humaines, ne le sont pas toujours ; et que si elles paraissent à première vue inexplicables en termes évolutionnistes, elles sont pourtant, elles aussi, un produit de l’évolution, ayant leurs racines dans les instincts sociaux et dans cette sociabilité dont on voit déjà des signes dans le comportement des animaux, depuis ces oiseaux qui s’occupent de leurs oisillons, jusqu’aux séances d’épouillage pratiquées chez des singes — en passant par une infinité d’autres exemples.
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Une caricature de l’époque raillant Darwin et citant justement pour ce faire le passage de La descendance de l’homme et la sélection naturelle dans lequel il est question du quadrupède arboricole évoqué plus haut.
La référence au «ver politique» s’explique quant à elle par le fait que Darwin a consacré ses derniers travaux et son dernier ouvrage à cet humble animal.
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Il reviendra avant tout à la biologie du XXe siècle de commencer à dénouer les redoutables problèmes à la fois scientifiques et idéologiques que pose l’application de la théorie évolutionniste à la moralité. On peut aujourd’hui dire qu’au terme d’une longue histoire qui s’est déroulée depuis un siècle et demi, et qui a été ponctuée de conflits et de débats souvent douloureux, l’explication darwinienne de l’altruisme est à présent au cœur de très nombreux travaux, notamment en primatologie, en psychologie évolutionniste, en sociobiologie, en éthologie et en éthique expérimentale et que des progrès remarquables ont été accomplis, donnant tous ensemble un cadre général pour le déploiement d’une théorie naturaliste de l’éthique.
Mais il faut aussitôt ajouter que de profondes réticences à ce projet, semblables à celles que formulait Wallace, n’ont cessé de se manifester et continuent de se manifester aujourd’hui encore. Il sera utile pour le comprendre d’insister sur le sens et la portée des débats qui ont entouré (et entourent toujours) l’application du darwinisme à des problèmes et à des questions de grande portée sociale et politique — comme l’éthique, justement.
(À suivre)
LA NATURALISATION DE L'ÉTHIQUE: DARWIN
Que sommes-nous? Répondre à cette question n’est pas une des tâches, mais bien la tâche de la science.
E. Schrödinger (1935)
L’être humain deviendra meilleur quand nous lui aurons donné la possibilité de se voir tel qu’il est.
Anton Tchekhov
N’y a-t-il pas une véritable grandeur dans cette manière d’envisager la vie, avec ses puissances diverses […] une quantité infinie de belles et admirables formes sorties d’un commencement si simple [qui] n’ont pas cessé de se développer et se développent encore !
Charles Darwin (1859)
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En 1859, Charles Darwin (1809-1882) publie L’origine des espèces.
L’idée d’évolution qu’il y défend avait été proposée auparavant. Mais c’est bien Darwin, le tout premier avec Alfred R. Wallace (1823-1913), qui en fait une véritable théorie scientifique qu’il fonde sur d’innombrables observations présentées dans le cadre de ce qu’il appellera un «long argumentaire».
Darwin avance la thèse désormais bien connue selon laquelle tous les organismes, avec leurs différentes caractéristiques, sont l’aboutissement d’un long et lent processus naturel de transformation (l’évolution) qui opère selon le mécanisme de la sélection naturelle.
Ces idées, on le sait, sont rapidement perçues comme un véritable acide dont certains pensent qu’il sera progressivement capable de tout assimiler. D’autres, même s’ils acceptent les thèses de Darwin, refusent pourtant cette conclusion.
La polémique est d’autant virulente que la thèse évolutionniste, cela est très clair pour Darwin, vaut pour notre espèce, y compris pour toutes ces caractéristiques dont nous pensons volontiers qu’elles nous définissent en propre.
On devine le scandale que va causer cette suggestion, que Darwin développe dès 1871 dans The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex (La descendance de l'homme et la sélection sexuelle) — un ouvrage, disons-le, plus spéculatif et audacieux que le précédent.
C’est ainsi qu’Alfred Russel Wallace, le co-découvreur de la théorie de l’évolution, va très typiquement insister pour soustraire divers éléments du champ d’application de la théorie évolutionniste — et il s’agit à chaque fois, de diverses formes d’accomplissements selon lui spécifiquement humains et dont la théorie de l’évolution serait irrémédiablement incapables de rendre compte : Wallace va citer en exemple l’art et la musique; la pensée formelle et les mathématiques; mais aussi nos tendances altruistes . Ce dernier élément est particulièrement notable et significatif, selon Wallace, dans la mesure où l’adoption d’un comportement altruiste suggère que les actions humaines ne peuvent être entièrement comprises dans les termes que met de l’avant un cadre d’explication évolutionniste.
Darwin, de son côté, maintient que les humains sont issus d’une espèce moins hautement organisée — possiblement, écrit-il, «un quadrupède à queue, poilu, aux oreilles pointées et probablement arboricole» et il s’efforce de montrer que des caractéristiques dont nous pourrions penser qu’elles sont spécifiquement humaines, ne le sont pas toujours ; et que si elles paraissent à première vue inexplicables en termes évolutionnistes, elles sont pourtant, elles aussi, un produit de l’évolution, ayant leurs racines dans les instincts sociaux et dans cette sociabilité dont on voit déjà des signes dans le comportement des animaux, depuis ces oiseaux qui s’occupent de leurs oisillons, jusqu’aux séances d’épouillage pratiquées chez des singes — en passant par une infinité d’autres exemples.
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Une caricature de l’époque raillant Darwin et citant justement pour ce faire le passage de La descendance de l’homme et la sélection naturelle dans lequel il est question du quadrupède arboricole évoqué plus haut.
La référence au «ver politique» s’explique quant à elle par le fait que Darwin a consacré ses derniers travaux et son dernier ouvrage à cet humble animal.
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Il reviendra avant tout à la biologie du XXe siècle de commencer à dénouer les redoutables problèmes à la fois scientifiques et idéologiques que pose l’application de la théorie évolutionniste à la moralité. On peut aujourd’hui dire qu’au terme d’une longue histoire qui s’est déroulée depuis un siècle et demi, et qui a été ponctuée de conflits et de débats souvent douloureux, l’explication darwinienne de l’altruisme est à présent au cœur de très nombreux travaux, notamment en primatologie, en psychologie évolutionniste, en sociobiologie, en éthologie et en éthique expérimentale et que des progrès remarquables ont été accomplis, donnant tous ensemble un cadre général pour le déploiement d’une théorie naturaliste de l’éthique.
Mais il faut aussitôt ajouter que de profondes réticences à ce projet, semblables à celles que formulait Wallace, n’ont cessé de se manifester et continuent de se manifester aujourd’hui encore. Il sera utile pour le comprendre d’insister sur le sens et la portée des débats qui ont entouré (et entourent toujours) l’application du darwinisme à des problèmes et à des questions de grande portée sociale et politique — comme l’éthique, justement.
(À suivre)
lundi, juin 01, 2009
ANDRÉ BRETON ET L’HUMOUR NOIR
[Un encadré pour l'ouvrage collectif: Je pense, donc je ris. Humour et philosophie, en préparation sous la direction de Christian Boissinot et moi-même. Vos commentaires sont les bienvenus.]
Tout le monde a une certaine idée de ce qu’est l’«humour noir». C’est que cette expression, d’abord technique et somme toute récente, comme on va le voir, est désormais passée dans le langage courant et figure même dans tous nos dictionnaires usuels.
Le Robert définit l’humour noir comme une «forme d'humour qui exploite des sujets dramatiques et tire ses effets comiques de la froideur et du cynisme»; le Larousse, de son côté, le donne pour un humour qui «souligne avec cruauté, amertume et parfois désespoir l’absurdité du monde».
Sans être strictement équivalentes, ces définitions pointent bien dans la même direction et cernent correctement cette réalité de l’humour noir que nous savons généralement identifier quand nous le rencontrons — un peu comme ce juge qui avouait ne pas pouvoir définir la pornographie, mais parfaitement savoir l’identifier quand il en voyait .
Pour vous en convaincre, voici d’ailleurs quelques exemples d’un humour que nous tendrons spontanément à ranger sous la bannière de l’humour noir :
• «Les familles, l’été venu, se dirigent vers la mer en y emmenant leurs enfants dans l’espoir, souvent déçu, de noyer les plus laids».(Alphonse Allais, après un voyage à bord d’un train bondé d’enfants)
• Potence pourvue d'un paratonnerre. (Lichtenberg
• C’est la première fois qu’elle fait plaisir à son mari. (Plaute. Dit par un personnage commentant la mort d’une harpie.)
• Je souhaite être incinéré. Conformément au contrat qui nous lie, 10% de mes cendres seront données à mon agent. (Groucho Marx. Cette phrase se trouve, paraît-il, dans son testament.)
• Mon seul regret dans la vie est de ne pas être quelqu’un d’autre. (Woody Allen)
• Les révolutions et les tremblements de terre dans les diverses parties du monde contribuent puissamment à développer la connaissance de l’histoire et de la géographie. (Aminado, Pointes de Feu, 1939)
C’est à André Breton (1896-1966), poète et théoricien du surréalisme, que l’on doit le concept d’humour noir. Breton le définit dans son Anthologie de l’humour noir, parue en 1940. L’usage de la locution se répandra très vite, au point où Breton pourra constater en 1950, dans la nouvelle introduction de son livre réédité, que si les mots humour noir «ne faisaient pas sens» en 1940, la locution «a [désormais] pris place dans le dictionnaire».
Mais que signifie exactement, pour son créateur, la notion d’humour noir? C’est une notion très complexe, comme on va le voir, et qui s’alimente à Freud, à Hegel et aux conceptions surréalistes.
Pour comprendre l’humour noir, il faut d’abord partir de cette singulière notion de hasard objectif, développée par Breton.
Par ce concept, Breton se proposait de penser «les rapports qui existent entre la nécessité naturelle et la nécessité humaine, corrélativement entre la nécessité et la liberté». Plus précisément, il dira que le hasard objectif est «la rencontre d’une causalité externe et d’une finalité interne». Disons simplement que cette catégorie permet au surréalisme de penser le monde comme une vaste réseaux de signes et de hiéroglyphes et de donner sens, voire d’expliquer, la provenance de ces coïncidences, de ce merveilleux, de ces correspondances, de ces faits étranges et de ces rencontres dont le poète ou l’artiste surréaliste est le témoin, l’interprète ou le médium par lequel ils se manifestent.
Breton pense en termes freudiens cette finalité interne et parle du hasard objectif comme de «la forme de manifestation de la nécessité extérieure qui se fraie un chemin dans l’inconscient».
Pour forger le concept d’humour noir, Breton utilise encore le concept d’humour objectif, qu’il emprunte à Hegel. Selon le philosophe, l’art romantique court le risque de buter sur deux écueils : celui d’une conception réaliste de l’art, qui se contenterait d’imiter la nature dans ses formes accidentelles, d’une part; d’autre part, celui de l’humour, entendu comme la «manifestation, à son plus haut degré, du besoin d’indépendance de la personnalité». La résolution de ces deux tendances est appelé par Hegel l’humour objectif : l’esprit s’absorbe dans la contemplation extérieure et l’humour, qui conserve son caractère subjectif et réfléchi se laisse captiver par l’objet.
La notion d’humour noir peut à présent être comprise.
Pour Breton, l’humour noir est la synthèse dialectique de l’humour objectif et du hasard objectif. L’humour objectif découvre dans le hasard objectif une manifestation exaltante et déroutante du monde extérieur qui génère une contradiction. Pour la surmonter, conformément aux enseignements de Freud sur l’humour, un mécanisme de défense se met en place qui préserve l’invulnérabilité du Moi. Breton écrit: «[…] le sphinx noir de l’humour objectif ne pouvait manquer de rencontrer, sur la route qui poudroie, le sphinx blanc du hasard objectif».
L'humour noir est en somme un des moyens par lesquels l’esprit parvient à se défendre contre l’inéluctable absurdité de l'univers en lui refusant toute prétention à s’imposer à lui. Il est comme l’écrira Achille Chavée, « la politesse du désespoir».
Pour en savoir plus :
BRETON, André, Anthologie de l’humour noir. Nombreuses éditions.
LEBRUN, Sébastien, Petit recueil d'humour noir, City Editions, 2008.
(N.B.)
Tout le monde a une certaine idée de ce qu’est l’«humour noir». C’est que cette expression, d’abord technique et somme toute récente, comme on va le voir, est désormais passée dans le langage courant et figure même dans tous nos dictionnaires usuels.
Le Robert définit l’humour noir comme une «forme d'humour qui exploite des sujets dramatiques et tire ses effets comiques de la froideur et du cynisme»; le Larousse, de son côté, le donne pour un humour qui «souligne avec cruauté, amertume et parfois désespoir l’absurdité du monde».
Sans être strictement équivalentes, ces définitions pointent bien dans la même direction et cernent correctement cette réalité de l’humour noir que nous savons généralement identifier quand nous le rencontrons — un peu comme ce juge qui avouait ne pas pouvoir définir la pornographie, mais parfaitement savoir l’identifier quand il en voyait .
Pour vous en convaincre, voici d’ailleurs quelques exemples d’un humour que nous tendrons spontanément à ranger sous la bannière de l’humour noir :
• «Les familles, l’été venu, se dirigent vers la mer en y emmenant leurs enfants dans l’espoir, souvent déçu, de noyer les plus laids».(Alphonse Allais, après un voyage à bord d’un train bondé d’enfants)
• Potence pourvue d'un paratonnerre. (Lichtenberg
• C’est la première fois qu’elle fait plaisir à son mari. (Plaute. Dit par un personnage commentant la mort d’une harpie.)
• Je souhaite être incinéré. Conformément au contrat qui nous lie, 10% de mes cendres seront données à mon agent. (Groucho Marx. Cette phrase se trouve, paraît-il, dans son testament.)
• Mon seul regret dans la vie est de ne pas être quelqu’un d’autre. (Woody Allen)
• Les révolutions et les tremblements de terre dans les diverses parties du monde contribuent puissamment à développer la connaissance de l’histoire et de la géographie. (Aminado, Pointes de Feu, 1939)
C’est à André Breton (1896-1966), poète et théoricien du surréalisme, que l’on doit le concept d’humour noir. Breton le définit dans son Anthologie de l’humour noir, parue en 1940. L’usage de la locution se répandra très vite, au point où Breton pourra constater en 1950, dans la nouvelle introduction de son livre réédité, que si les mots humour noir «ne faisaient pas sens» en 1940, la locution «a [désormais] pris place dans le dictionnaire».
Mais que signifie exactement, pour son créateur, la notion d’humour noir? C’est une notion très complexe, comme on va le voir, et qui s’alimente à Freud, à Hegel et aux conceptions surréalistes.
Pour comprendre l’humour noir, il faut d’abord partir de cette singulière notion de hasard objectif, développée par Breton.
Par ce concept, Breton se proposait de penser «les rapports qui existent entre la nécessité naturelle et la nécessité humaine, corrélativement entre la nécessité et la liberté». Plus précisément, il dira que le hasard objectif est «la rencontre d’une causalité externe et d’une finalité interne». Disons simplement que cette catégorie permet au surréalisme de penser le monde comme une vaste réseaux de signes et de hiéroglyphes et de donner sens, voire d’expliquer, la provenance de ces coïncidences, de ce merveilleux, de ces correspondances, de ces faits étranges et de ces rencontres dont le poète ou l’artiste surréaliste est le témoin, l’interprète ou le médium par lequel ils se manifestent.
Breton pense en termes freudiens cette finalité interne et parle du hasard objectif comme de «la forme de manifestation de la nécessité extérieure qui se fraie un chemin dans l’inconscient».
Pour forger le concept d’humour noir, Breton utilise encore le concept d’humour objectif, qu’il emprunte à Hegel. Selon le philosophe, l’art romantique court le risque de buter sur deux écueils : celui d’une conception réaliste de l’art, qui se contenterait d’imiter la nature dans ses formes accidentelles, d’une part; d’autre part, celui de l’humour, entendu comme la «manifestation, à son plus haut degré, du besoin d’indépendance de la personnalité». La résolution de ces deux tendances est appelé par Hegel l’humour objectif : l’esprit s’absorbe dans la contemplation extérieure et l’humour, qui conserve son caractère subjectif et réfléchi se laisse captiver par l’objet.
La notion d’humour noir peut à présent être comprise.
Pour Breton, l’humour noir est la synthèse dialectique de l’humour objectif et du hasard objectif. L’humour objectif découvre dans le hasard objectif une manifestation exaltante et déroutante du monde extérieur qui génère une contradiction. Pour la surmonter, conformément aux enseignements de Freud sur l’humour, un mécanisme de défense se met en place qui préserve l’invulnérabilité du Moi. Breton écrit: «[…] le sphinx noir de l’humour objectif ne pouvait manquer de rencontrer, sur la route qui poudroie, le sphinx blanc du hasard objectif».
L'humour noir est en somme un des moyens par lesquels l’esprit parvient à se défendre contre l’inéluctable absurdité de l'univers en lui refusant toute prétention à s’imposer à lui. Il est comme l’écrira Achille Chavée, « la politesse du désespoir».
Pour en savoir plus :
BRETON, André, Anthologie de l’humour noir. Nombreuses éditions.
LEBRUN, Sébastien, Petit recueil d'humour noir, City Editions, 2008.
(N.B.)
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