On peut montrer de manière très intuitive ce qu’Einstein va affirmer par une expérience de pensée impliquant une «horloge à lumière», qui permet de mettre en évidence l’idée de la relativité du temps et de retrouver, avec un outillage mathématique élémentaire, les formules de Lorentz-Fitzgerald qui sont centrales dans la théorie de la Relativité restreinte.
Notre horloge est bien spéciale. Elle comprend un émetteur de signal lumineux, un senseur (un détecteur de photon) et un miroir. Lorsque la lumière est émise, elle va jusqu’au miroir et revient au senseur, d’où elle fait repartir un nouveau signal. La durée de ce trajet peut être ajustée à volonté, en faisant varier la distance entre le senseur et le miroir. Disons qu’on la fixe à 150 000 kms. Nous imaginerons d’abord notre horloge immobile; puis en mouvement par rapport à un observateur immobile.
Tout cela peut être représenté comme suit :
Le faisceau lumineux part et revient : c’est le tic-tac de notre horloge, qui dépend de la distance parcourue par la lumière. Mais, dans le deuxième cas, pour un observateur immobile, la distance qu’il doit parcourir est plus grande et, en conséquence, les tic-tac sont espacés et l’horloge à lumière semble ralentir! On aura remarqué les deux triangles rectangles que dessine le parcours du faisceau lumineux dans le deuxième cas illustré plus haut. À l’aide du simple théorème de Pythagore, on peut calculer très précisément cette dilatation du temps. Ce calcul, dont nous passerons ici le détail, permet de retrouver la formule de Lorentz- Fitzgerald.
Le tableau qui suit replace en contexte cet effet relativiste. Il montre qu’à des vitesses inférieures à 16 000 kilomètres par seconde (relativement à l’observateur), les effets relativistes sont à peine détectables. Par contre, si la vitesse relative d’un objet pouvait atteindre 299 792 kilomètres par seconde (la valeur exact de c) , le facteur de Lorentz correspondant étant de 0 , le temps semblerait s’arrêter pour cet objet !
Outre cette dilation du temps, et l’équivalence masse-énergie, la Relativité restreinte prédit que deux autres conséquences bien étranges vont survenir lorsque les vitesses relatives approchent celles de la lumière : d’abord, que lorsque la vitesse d’un objet relative à un observateur augmente, sa longueur décroît; ensuite, que la masse d’un objet augmente avec sa vitesse (ce qui est lié à E = mc2 : plus de vitesse = plus d’énergie, donc plus de masse). Toutes ces conséquences ont été amplement confirmées et ces résultats de la Relativité restreinte sont aujourd’hui au principe du fonctionnement de bien des objets courants
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EINSTEIN ET LES GPS
Un GPS — c’est-à-dire un Global Positioning System ou Système de positionnement mondial — est un système fonctionnant par satellite et qui indiquera très précisément où une personne ou un objet se trouve, n’importe où sur la surface de la Terre. Or, on peut remercier Einstein pour cette précision. Voici pourquoi.
En raison de la vitesse des satellites utilisés par le GPS, les horloges qui s’y trouvent sont quelque 7 microsecondes par jour plus lentes que celles qui sont sur la terre; mais la force gravitationnelle sur le satellite fait en sorte que ces horloges sont aussi 45 microsecondes par jour plus rapides.
Pour que les données traitées par le GPS soient fiables, il faut donc apporter aux horloges une correction de 38 microsecondes.
Vous utilisez un GPS? Merci Einstein.
(D’après Philip Yam, «Everyday Einstein», Scientific American, Septembre 2004, page 55.)
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La Relativité générale
En 1915, dix ans après la parution de la théorie de la Relativité restreinte, Einstein met un point final à la théorie de la Relativité générale (RG). C’est son chef-d’œuvre et cette théorie extrêmement complexe (en particulier en raison de son formalisme mathématique) reste une des pièces maîtresses de la physique et de la cosmologie contemporaines — et notamment des travaux et recherches sur les lentilles gravitationnelles, les pulsars, les quasars, les trous noirs, la constante cosmologique et ainsi de suite.
Une des biographes d’Einstein, Françoise Balibar, a écrit : « [Avec la RG] Einstein a réalisé un tour de force. Si, en 1905, il n’avait pas expliqué l’effet photoélectrique ni exposé la Relativité restreinte, d’autres physiciens l’auraient fait un peu plus tard. Mais la théorie de la Relativité générale n’appartient qu’à lui seul. Combien de temps aurait-il fallu attendre pour avoir l’équivalent s’il n’avait pas existé? 50 ans? 100 ans?»
Je ne peux même pas tenter de donner ici ne serait-ce qu’une idée impressionniste de la Relativité générale, qui traite de tous les référentiels y compris ceux qui sont en accélération. Rappelons simplement qu’au cœur de celle-ci, on trouve une nouvelle expérience de pensée dont on peut donner une idée comme suit.
Imaginez vous trouver dans une pièce fermée dans un vaisseau spatial qui accélère à 1g — ce qui est l’accélération due à la pesanteur à la surface de la terre ( en moyenne, g=9.81 m/s²). Vous serait-il possible de distinguer entre être sur la terre et sur le vaisseau ?
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UNE CROIX D'EINSTEIN
Une galaxie à plusieurs noyaux — au lieu d’un seul ? Non. En fait, le champ gravitationnel de cette galaxie a agi comme une lentille qui dévie la lumière d’un lointain quasar pour former cette espèce de jolie fleur.
Observé d’abord en 1979, ce phénomène a été magnifiquement capté par le télescope Hubble en 1990.
Il s’agit d’une prédiction de la RG, d’où son nom.
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Dans la RG, développant ce qu’il appellera «la plus heureuse pensée de sa vie», Einstein répond non. Il montre l’équivalence entre attraction gravitationnelle et accélération et aussi que la distinction entre l’une et l’autre est arbitraire et dépend de nos référentiels (ce n’est cependant que lorsqu’il y a de très puissantes forces gravitationnelles que les prédictions de la RG diffèrent de celles de lois de Newton). Là où Newton envisageait un univers plat, avec des masses se déplaçant en ligne droite et à des vélocités constantes (à moins qu’une force n’agisse sur elles), Einstein propose un univers courbe et où les masses suivent les contours de cette surface courbe.
La RG prédisait que la lumière suivrait cette courbure de l’espace et ce phénomène est aujourd’hui bien documenté. Il a été démontré la première fois en 1919, par une expédition dirigée par Arthur Eddington qui confirmait les prédictions de la RG et propageait Einstein au faîte d’une notoriété qui l’accompagnerait le reste de sa vie.
Mais Einstein, cet innovateur qui bouscule toutes les certitudes, ne devait étrangement jamais accepter tout à fait l’autre grande théorie physique qui se développe à la même époque, la Mécanique Quantique (MQ) et les profonds et troublants bouleversements conceptuels qu’elle entraîne — et cela bien qu’il ait lui-même, par un de ses articles de 1905, contribué à enfanter cette théorie.
Venons-en à présent ce sujet.
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MADAME EINSTEIN ET LA RELATIVITÉ
Depuis une vingtaine années, quelques voix se font entendre pour affirmer que Mileva Maric-Einstein est la clé de l'énigme de l'Annus mirabilis.
Selon ces voix, elle aurait pris une part décisive dans la rédaction de trois articles de 1905 (ceux portant sur le mouvement brownien, l'effet photoélectrique et la Relativité restreinte). Cette thèse a été défendue dans un documentaire de la PBS intitulé : Einstein's Wife, qui lui a assuré une grande diffusion.
Ce serait, avouons-le, une découverte considérable. Une pionnière de l'entrée des femmes dans les carrières scientifiques de haut niveau honteusement pillée par son mari qui recueille, seul, toute la gloire après avoir occulté l’immense apport de son épouse!
Mais cette histoire n'aura été crédible que parce ses promoteurs ont pris avec les faits des libertés inadmissibles.
Et c’est pourquoi ce documentaire a fait l'objet de vigoureuses et décisives critiques, qui ont mis en évidence les nombreuses et graves faiblesses et erreurs historiques sur lesquelles repose sa thèse. Saisi d'une plainte, l'ombudsman de PBS vient de rendre son rapport. J'y renvoie pour les détails de l'affaire [http://www.pbs.org/ombudsman/2006/12/einsteins_wife_the_relative_motion_of_facts.html].
Au total, il semble clair que son épouse n'a été pour Einstein ni plus ni moins qu'une personne parmi quelques autres avec qui il a abondamment échangé et sur laquelle il s'essayait à présenter ses idées nouvelles de manière claire et compréhensible — notamment à ses propres yeux. Mais la légende présentée dans le documentaire, hélas, a fait bien des émules — d'autant que son site Internet propose des documents pédagogiques pour l'enseignement de la physique et de son histoire: on imagine les dégâts en classe ...
Historiquement, l'exclusion des femmes des sciences — et plus généralement de la vie intellectuelle (ou du moins la minoration de leur place dans tout cela) — est un fait largement avéré et tragique. Mais c'est un bien mauvais service à rendre que de réparer les injustices d'hier en se rendant aujourd’hui coupable de promouvoir des approximations, des demi-vérités, voire des falsifications.
L'histoire de sciences, la sociologie des sciences et la philosophie, depuis, disons, une cinquantaine d'années, ont considérablement enrichi notre conception de la science comme entreprise humaine, historiquement située et faillible. Mais ces apports dépendent précisément de la mise en oeuvre des principes sur lesquels la science elle-même repose: la rigueur; le respect des faits et de la vérité; la méfiance envers l'opinion et envers ces vérités confortables et qui consolent — celles qui doivent être démontrées deux fois, disait Jean Rostand!
La légende de madame Einstein était peut-être, pour certains, une telle vérité consolante. Mais cela ne suffit pas à faire de la bonne histoire des sciences.
Inévitablement, c'est un mot de Richard Feynman qui me revient ici en mémoire. Feynman, on s'en souvient, avait fait partie du comité qui avait enquêté sur l'explosion de la navette Challenger, en 1986. Selon lui, les estimations de fiabilité de la navette par la NASA étaient incroyablement irréalistes. Dans son rapport (minoritaire), il a cette phrase admirable: «Pour qu'une technologie soit efficace, la réalité doit avoir préséance sur les relations publiques: et cela parce qu'on ne peut pas tromper la nature».
De même, pour qu'une histoire, une sociologie et une philosophie des sciences soient crédibles et saines, les faits pertinents doivent avoir préséance sur nos convictions et préférences idéologiques.
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samedi, mars 14, 2009
ALBERT EINSTEIN (1879-1955), PHYSICIEN ET REBELLE (5/8)
Libellés :
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