lundi, octobre 27, 2008

HARRY HOUDINI (1874-1926) ET LE SPIRITUALISME - 7 et fin

Pensée critique et phénomènes paranormaux

Devant l’histoire du spiritualisme, une question se pose immanquablement : comment des gens qui possèdent à l’évidence la capacité à penser de manière critique, ont-ils pu succomber aux mirages spiritualistes. Question incontournable, puisque ce sont en certains cas des personnalités brillantes, éduquées et capables d’un travail intellectuel important et créateur qui ont chanté les mérites du spiritualisme. Qu’on en juge sur cette liste de quelques éminents supporters : William James (1842-1910), le grand philosophe et psychologue américain; Sir Alfred Arthur Wallace (1823-1913), le co-découvreur, avec Charles Darwin (1809-1882) de la théorie de l’évolution par sélection naturelle — en plus du spiritualisme, il a défendu la phrénologie; Sir William Crookes (1832-1919), un des plus éminents scientifiques du XIX ème siècle; Sir Oliver Lodge (1851-1940), physicien ayant contribué au développement de la télégraphie sans fil; Sir William Barrett ((1844–1925), professeur de physique au Royal College of Science de Dublin, qui sera parmi les fondateurs de l’ American et de la British Society for Psychical Research; Charles Richet, (1850-1935), professeur au Collège de France et Prix Nobel de médecine en 1913; et de nombreux autres, sans oublier bien entendu de Sir Arthur Conan Doyle lui-même, qui était, rappelons-le, médecin avant d’être écrivain et d’inventer ce parangon de rationalité qu’est Sherlock Holmes.

Comment donc comprendre l’absence de pensée critique de ces personnes devant les médiums? Le sujet est complexe et il y a sans doute plusieurs explications à considérer. Dans des travaux dont il a proposé une synthèse dans un récent article paru dans Skeptical Inquirer , D. Alan Bensley suggère pour sa part que penser de manière critique demande non seulement la maîtrise d’habiletés, mais aussi la volonté de les mettre en œuvre. Cette distinction conceptuelle permet de concevoir comment, pour toutes sortes de raisons elles-mêmes complexes, des individus peuvent fort bien, dans certaines circonstances, ne pas utiliser leurs habiletés.


La mort de Houdini


À l’automne 1926, Houdini est à Montréal. Le 8 octobre, il y a donné un spectacle au Princess Theatre. Le lendemain, il a présenté à l’Université McGill une conférence sur son travail de démystificateur. Le 22, Joselyn Gordon Whitehead, un étudiant de l’université McGill, lui rend visite dans sa loge au Princess Theatre.

Houdini pouvait et l’avait répété durant sa conférence, recevoir sur le ventre des coups de poing de n’importe qui — à condition de se préparer à les recevoir. Whitehead lui demande si cela est vrai. Houdini, qui est en train de lire son courrier répond distraitement que oui. L’étudiant s’élance et frappe quelques coups au ventre de Houdini, qui n’a pas eu le temps de se préparer. Le magicien ressent une grande douleur, qu’il pense musculaire. Il souffre en fait d’un rupture de l’appendice, qu’il tardera à soigner et qui dégénérera. C’est elle qui l’emportera.

Il est mort, confiera son épouse, en parlant de Robert Ingersoll — un auteur et conférencier qui a consacré sa vie à défendre l’agnosticisme et la libre-pensée et qui était un de ses héros. C’était le jour de l’Halloween, le 31 octobre 1926. Houdini avait 52 ans.

Il avait convenu d’un code avec son épouse, un code qu’il utiliserait pour communiquer avec elle et qui lui permettrait de détecter les charlatans parmi les médiums qui prétendraient la mettre en contact avec son époux décédé. Après des années d’échec des médiums, l’un d’eux donna effectivement le bon code : d’abord stupéfaite, Bess se souvint qu’à cette date le secret avait été éventé.

À chaque anniversaire de sa mort, Bess et des amis tentèrent de leur côté d’entrer en contact avec Houdini. Le 31 octobre 1936 eut lieu la dernière tentative et Bess mit alors fin à l’expérience, convaincue que son époux ne la contacterait pas. «C’est fini, dit-elle. Bonne nuit Harry».

Le mouvement sceptique doit énormément à Houdini. Mais il est bien triste de constater qu’il trouverait aujourd’hui encore de quoi occuper tout son temps, s’il pouvait reprendre son travail là où il l’avait laissé. Les spiritualistes contemporains ont certes changé de nom et ils s’appellent désormais des «channelers» (ce qu’on peut rendre par : canaux de communication — avec les morts, bien entendu) ou des «clairaudients» : mais ils font essentiellement les mêmes promesses à leurs innocentes et fragiles victimes qu’ils bernent d’aussi affligeante manière. Fort heureusement, d’autres, comme Randi, ont repris le flambeau.

Bibliographie


Ouvrages de Houdini


Sauf erreur, Houdini a publié neuf livres, dont deux privément. Les trois suivants ont directement rapport avec le sujet de cet article.

HOUDINI, A Magician Among the Spirits, Harper and Row, New York and London, 1924.

HOUDINI, Miracle Mongers And Their Methods: A Complete Exposé, E.P. Dutton & Company, New York, 1920.

HOUDINI, Houdini exposes the Tricks Used by the Boston Medium «Margery», Adam Press, New York, 1924.

Devenue introuvable, cette brochure semble en totalité reprise dans:

HOUDINI, Houdini on Magic, Edité par Walter B. Gibson et Morris N. Young, Dover Publications, New York, 1953. Pages 134-161. L’ouvrage compte quelques autres pages (pp.120-133) qui seront utiles aux personnes qui voudraient connaître quelques-uns des trucs utilisés par les médiums.

Ouvrages sur Houdini

BRANDON, Ruth, The Life and Many Deaths of Harry Houdini, Pan books, Basingstoke and Oxford, 2001.

CANNELL, J.C., The Secrets of Houdini (1931), réédition : Dover, New York, 1973.
(Hardcover)

KALUSH, William et SLOMAN, Larry, The Secret Life of Houdini: The Making of America's First Superhero, Atria, Ville?, 2006.

MILBOURNE, Christopher, Houdini. The Untold Story, Thomas Y. Crowell Company, New York, 1969.

POLIDORO, Massimo, Final Séance. The Strange Friendship Between Houdini and Conan Doyle, Prometheus Books, New York, 2001.
THE AMAZING RANDI et SUGAR, B.R., Presenting Houdini. His Life and Art. The World’s Most Mystifying Magician, Greatest Jailbreaking Escape Artist, Debunker of Flase Spiritualists, Grosset and Dunlap, New York, 1976.




Ouvrages sur le spiritualisme

BRANDON, Ruth, The Spiritualists. The Passion for the Occult in the Nineteenth and Twentieth Centuries, Random House, New York, 1983.

DOYLE, A. Conan, On the Edge of the Unknown, London, 1930.

KURTZ, Paul, (Éditeur), A Skeptic's Handbook of Parapsychology, Prometheus Books, New York, 1985.

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bonjour M. Baillargeon,

Un grand merci pour cette série d'articles sur Houdini dont je ne soupçonnais pas le combat contre le spiritualisme.

Yves Le Bail (Évreux)

Normand Baillargeon a dit…

Bonjour, Yves,

Merci à vous de prendre le temps de m'écrire pour me le dire.

C'est effectivement un sujet mal connu. James Randi ainsi que Penn and Teller font de nos jours ce travail, avec encore uen fois humour et inrtelligence.Jetez-y un oeil: ça vous aintéressera probablement.

J'ai toujours dans ce type de démarche vu une belle (et amusante) leçon de pensée critique.

Cordialement,

Normand B.