mercredi, octobre 15, 2008

ENTRETIEN AVEC HILARY PUTNAM (1/2)

Ceci est la première partie d'un entretien avec Hilary Putnam qui paraît dans le dernier numéro de la revue Médiane. La deuxième et dernière partie paraîtra dans le prochain Médiane, ce printemps.

Présentation

Le philosophe américain Hilary Putnam (né en 1926) est professeur émérite à la Harvard University, de Boston.

À la fois mathématicien et philosophe, il est l’auteur d’une œuvre considérable, où il aborde tour à tour la métaphysique, la philosophie de l’esprit, la philosophie des mathématiques, la philosophie du langage et la philosophie des sciences, mais aussi les mathématiques et l’informatique. Cette œuvre majeure et incontournable a eu de profondes répercussions dans de nombreuses disciplines philosophiques et scientifiques.

Cet intellectuel aux travaux pointus a pourtant acquis une certaine célébrité quand une version contemporaine du scepticisme cartésien qu’il a imaginé, connue sous le nom de «cerveau dans une cuve», a inspiré les créateurs du film The Matrix. Ce sujet, avec d’autres, sera abordé dans la deuxième partie de l’entretien que Putnam a accordé à Médiane.

Dans première partie, qui suit, faisant défiler un grand nombre de figures majeures de la philosophie du XXe siècle, il revient sur son parcours philosophique et se situe par rapport au pragmatisme, à la philosophie analytique, au positivisme logique et à la philosophie continentale. Il expose ensuite les idées mises de l’avant par le fonctionnalisme, cette théorie majeure de la philosophie de l’esprit dont il a été un des principaux créateurs et promoteurs avant de donner les raison des réserves qu’il entretient aujourd’hui sur cette influente position.

L’entretien que le professeur Putnam a généreusement accordé à Normand Baillargeon a eu lieu à son bureau de Harvard, le 3 janvier 2008.


L’entretien


Un parcours philosophique


— Monsieur Putnam, vous êtes comme on sait un des plus importants représentants de la tradition analytique en philosophie, que vous avez contribué à définir. Cette tradition est en partie liée au positivisme logique. Ce dernier a-t-il été important dans votre formation ?
— En fait, j’ai été formé à la philosophie avant même d’être mis en contact avec les idées des positivistes logiques. MA formation philosophique a été acquise à l’Université de Pennsylvania, où le positivisme logique n’était pas représenté. Le principal philosophe du département s’appelait C. West Churchman . Il a d’ailleurs abadonné la philosophie pour la recherche opérationnelle, domaine dans lequel il a acquis une grande notoriété — il est mort il y a quelques années et il était presque centenaire. Philosophiquement, Churchman était une sorte de pragmatiste. Son professeur à lui avait été un élève de William James : retraité à cette époque, il vivait toujours à Philadelphie.

Ma formation a donc comporté un peu de pragmatisme. Mais la plupart des philosophes américains, à cette époque, n’appartenaient pas à des écoles. Le professeur qui m’a le plus influencé est sans doute Morton White . Mais on ne pourrait pas dire de lui qu’il était un positiviste logique : il était un proche de Quine et son champ d’intérêt était la philosophie américaine.
— Situons-nous dans le temps si vous le voulez bien? Durant quelles années se déroulent vos études?
— Ces études se déroulent de 1944 à 1948, l’année où j’obtiens mon baccalauréat.
— Et qu’en est-il du pragmatisme dans votre formation? On pourrait croire qu’à cette époque l’influence de Dewey décline.
— À l’échelle nationale, ce déclin de Dewey est sans doute réel. Mais où j’étudiais, le nom de Dewey n’était pas prononcé parce qu’on y enseignait une forme de pragmatisme dont personne n’entendait parler ailleurs, le pragmatisme de Singer . Singer avait lui-même fait une thèse sous la supervision de William James et il proposait une version quelque peu excentrique du pragmatisme. Je me souviens encore de West Churchman écrivant au tableau quatre préceptes qu’il attribuait à Singer. Les voici :

La connaissance des faits présuppose la connaissance des théories.
La connaissance des théories présuppose la connaissance des faits.
La connaissance des faits présuppose des valeurs.
La connaissance des valeurs présuppose la connaissance des faits.

— On retrouve dans ces préceptes le titre d’un de vos récents ouvrages : The Collapse of the Fact/Value Dichotomy .
— Exact. J’avais oublié tout cela pendant longtemps puis, lorsque je me suis de nouveau intéressé au pragmatisme, ce m’est revenu.
— Ceci dit, plus tard, vous allez rencontrer des gens comme Carnap , Hempel , et d’autres positivistes logiques ou membres du Cercle de Vienne.
— En fait, je suis allé à Harvard durant une année avant d’aller à UCLA. J’ai alors pris des cours de mathématiques. Pour être exact, il faudrait rappeler que j’ai eu deux carrières. J’ai obtenu le professorat (tenure) en mathématiques dans ce que je pense être la meilleure université au monde pour les mathématiques, à savoir Princeton. C’était en 1960-1961. Le fait d’avoir eu — et en un sens de continuer à avoir — cette double carrière me semble une excellente chose. À Harvard, j’ai donc suivi des cours de mathématiques. Mais j’ai eu aussi des cours de philosophie, notamment avec Quine . Ceci dit, même là, je n’ai jamais eu de professeur qui était un pur positiviste logique. Même Reichenbach n’était pas un positiviste logique. Il se définissait comme empiriste logique. Et dans son grand livre Experience and prédiction, il s’en prend à ceux qu’il appelle des positivistes — et il entend par là des phénoménalistes. De plus, s’il est une thèse centrale dans la pensée de quelqu’un comme Carnap, c’est bien l’idée que les concepts d’une théorie scientifique — des mots comme électron, gène, force gravitationnelle — sont des constructions : on pourrait croire qu’ils réfèrent à des inobservables, mais ils sont une manière abrégée de parler d’observables. Reichenbach s’en prenait à cette idée. Il pensait que ces entités inobservables étaient des entités inférées. Je pense que son alliance avec Carnap a été une erreur. Le fait qu’il ait coédité Erkenntniss , qu’il ait minimisé ses divergences avec Carnap a été une source de confusion. Carnap et lui sont des philosophes bien différents l’un de l’autre. Je les aimais tous deux comme personnes, mais j’ai plus d’affinités avec certaines des idées qu’on trouve chez Reichenbach qu’avec la pensée de Carnap.
— Des gens comme Reichenbach, certes, mais aussi Carnap et les autres, apparaissent à beaucoup aujourd’hui comme des modèles d’un discours philosophique qui s’est voulu clair et rigoureux, bien loin de tout obscurantisme. Cette manière de pratiquer la philosophie va marquer la tradition analytique.
— C’est exact. Et cela a joué un rôle très important. Mais, mes professeurs n’étaient pas de stricts positivistes logiques. Ils appartenaient plutôt, justement, au courant de la philosophie analytique, une expression qui est devenue d’usage durant ma vie. Quand j’étais étudiant, si on l’employait, c’était pour référer à tout autre chose que ce que cela désigne aujourd’hui : on désignait alors ainsi une minuscule école britannique regroupant des gens comme Russell , Moore et Broad . Carnap ou Hempel n’étaient pas considérés comme des philosophes analytiques. Ce n’est qu’avec la parution de l’anthologie Readings in Analytic philosophy éditée par Feigl and Sellars que l’appellation devint d’usage courant. Les anthologistes regroupaient sous cette catégorie des écrits de pragmatistes, d’empiristes logiques, ainsi que des textes de l’école britannique dont je parlais plus haut. L’idéal de clarté est présent partout. Mais la question est alors de savoir ce qu’inclut et ce qu’exclut l’appellation ‘philosophie analytique’. Pour Russell — et Quine était russellien en ce sens — l’idée centrale était que la logique mathématique moderne nous fournissait un outil qui permettrait de résoudre les problèmes philosophiques traditionnels. De ce point de vue, Quine a été le dernier russellien. Pour Carnap, la philosophie analytique, cela voulait dire que la philosophie se transforme en une science, à savoir la logique. Reichenbach, de son côté, pensait que notre tâche consiste à montrer ce que les théories fondamentales de la physique impliquent pour les problèmes métaphysiques traditionnels, en particulier sur la nature du temps, de l’espace et de la causalité. Bref, l’expression ‘philosophie analytique’ recouvre une grande variété de positions, exactement comme l’expression philosophie continentale. Ceci dit, à l’instar de Reichenbach, je n’ai jamais pensé que la tâche de la philosophie se réduise à l’analyse de concept.

Trois traditions philosophiques

— Malgré tout, on ne peut manquer de noter une profonde différence entre ces deux manières de faire de la philosophie que vous venez d’évoquer, la continentale et l’analytique. On pourrait facilement opposer celle de Russell d’un côté, misant sur la rigueur de la logique et des mathématiques, et, au même moment, celle de Bergson, beaucoup plus littéraire. Les débats récents autour de l’œuvre de Derrida , sont une bonne illustration de ces divergences qui conduisent parfois à de mutuelles incompréhensions : certains philosophes analytiques tiennent ainsi Derrida pour un véritable charlatan. Or, vous êtes justement un des rares philosophes issu de la tradition analytique, qui, loin d’être hostile à la tradition continentale, s’y est au contraire intéressé de près et a tenté de jeter des ponts vers elle.
— Il serait d’abord peut-être sage de distinguer ici non pas deux, mais trois positions, de manière à rendre justice à cette tradition allemande dont Habermas est aujourd’hui le chef de file, et qui n’appartient ni au modèle analytique, ni au modèle continental et pour laquelle nous n’avons, semble-t-il, pas de terme.
— Et Habermas justement, philosophe qui connaît bien la tradition continentale, connaît également fort bien la tradition analytique.
— Tout à fait. Il a consacré de nombreuses années à l’étudier et cela est tout à fait remarquable. Un philosophe allemand de mes amis aime à dire : «Nous, Allemands, faisons nos devoirs.» Ce par quoi il veut dire : nous lisons tout le monde. De ce point de vue, je suis comme les Allemands, je lis tout le monde, et je pense que c’est ce que les philosophes devraient faire. Cela n’implique pas que l’on soit d’accord avec tout le monde et n’empêche pas de rester critique. Russell, dont vous parliez, avait lu les philosophes idéalistes. Il avait lu Bergson et s’il en fait une critique décapante, il l’avait d’abord lu. On ne devrait pas se contenter de ne pas tenir compte des gens avec lesquels nous sommes en désaccord. Cette attitude, qui était celle de Bertrand Russell, a me semble-t-il été perdue avec la Première Guerre Mondiale. Il y a bien sûr des philosophes continentaux qui produisent des arguments, et Habermas est l’un d’entre eux. De même Saussure , qui est un des maîtres à penser de Derrida, était quelqu’un qui produisait des arguments. Mais Derrida, lorsqu’il lui arrive d’avancer des arguments, ne le fait pas de manière très soignée. Ceci dit, il ne faudrait ramener l’ensemble de la philosophie française à une seule et même chose. Foucault , par exemple, s’est intéressé aux jeux de langage et un de mes étudiants a même retrouvé une conférence prononcée en Italie et dans laquelle il recommande de s’intéresser de plus près à Wittgenstein .
— Justement : pourriez-vous élaborer quelque peu sur votre perception de Foucault et la réception de ses idées au sein de la philosophie analytique?
— Je pense que Foucault a raison d’avoir souligné l’historicité des concepts. Quelques philosophes analytiques ont été influencés par cette idée, le plus connu d’entre eux étant probablement Hacking , qui souligne, avec raison, qu’il n’y a pas de contradiction entre le fait d’analyser des concepts et celui de reconnaître qu’ils ne sont pas des entités platoniques éternelles et qu’ils changent avec le temps. D’un autre côté, Foucault se livre essentiellement à une histoire critique de certaines institutions — la clinique, la prison — et il s’appuie surtout sur l’histoire sociale. Il tire de son travail des conclusions beaucoup plus relativistes que je ne serais disposé à admettre. Mais ce relativisme avec lequel il flirte demeure une position philosophique.
— Et pour ce qui est de Derrida?
— Avec Derrida, c’est différent. Ceci dit, je reconnais avoir appris quelque chose de lui. Dans un de ses articles, il dit ceci qui me paraît juste : lorsque vous lisez un philosophe, assure-t-il, il faut porter attention non seulement à la thèse qu’il défend, aux types d’arguments qu’il met de l’avant — en somme : à toutes ces choses qui chères aux philosophes analytiques — mais aussi aux métaphores qu’il utilise, à ses tropes. Ce faisant, il vous arrivera de découvrir que les tropes contredisent la signification littérale de la thèse soutenue. J’ai par la suite rédigé un article dans une partie duquel j’essaie de montrer que c’est précisément le cas chez Quine. La philosophie de Quine est presque entièrement exprimée sous la forme de métaphores. Finalement, dans les textes de Quine, on ne trouve que peu d’équations, mais une surabondance de métaphores. [ADD : « Par exemple, Quine pretend que] Les référents, les significations, semblent « flotter ». Bref, les philosophes analytiques pourront apprendre quelque chose même d’un philosophe comme Derrida, qui est tellement éloigné de leur tradition.
— D’aucuns argueront par ailleurs que la tradition philosophique continentale se distingue aussi de la tradition analytique par l’étendue et la multiplicité des objets auxquels elle s’est intéressée, par exemple, l’art, la littérature, le politique, et ainsi de suite.
— Certes. Mais de tels objets étaient déjà au cœur de la réflexion de Dewey. Celui-ci a par exemple été un grand penseur de l’art — son ouvrage Art as expérience est un des plus grands livres d’esthétique — et il a même été conseiller de Barnes en matière de peinture pour sa célèbre collection . Mais, comme vous le savez, Dewey s’est aussi intéressé à la politique, à l’éducation et à bien d’autres sujets. On trouve un article de lui dans un numéro de l’International Journal of Ethics du début du siècle [NO : it’s the end of the 19th century. The article is « Moral Theory and Practice », The International Journal of Ethics, I (Jan. 1891), 186-203.]— je pense que c’était en 1903 [SHOULD BE 1891] — où il parle des grèves menées par des travailleurs, et des souffrances qu’eux et leurs familles endurent. C’est probablement avec la guerre froide qu’une certaine dépolitisation de la philosophie américaine s’est produite. Et on ne peut certainement pas dire qu’elle a été causée par la venue aux Etats-Unis des philosophes analytiques. Carnap était fortement politisé. Reichenbach était à la tête des jeunes socio-démocrates à la fin de la Première Guerre Mondiale et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il n’a jamais pu obtenir de poste universitaire décent.
— En fait, les membres du cercle de Vienne se situaient généralement à gauche.
— Tout à fait. On l’oublie parfois, mais Carnap et Neurath ont publié ensemble un manifeste, qui figure dans les œuvres complètes de ce dernier, et dans lequel ils soutiennent que l’empirisme logique est la philosophie de la révolution prolétarienne! [rires] Quand ils sont arrivés aux États-Unis, Charles Morris leur a fait comprendre que cela ne passerait pas ici et qu’ils devaient tempérer leur propos.
— Et vous-même, vous êtes issu d’une famille de gauche et vous avez durant certaines années été très militant. Qu’en est-il aujourd’hui?
— Je me contente à présent de donner de l’argent à diverses causes. Mais je maintiens toujours un intérêt pour les questions sociales et politiques. J’ai par exemple récemment écrit un texte sur l’université et un autre, plus récent encore, sur la guerre d’Irak.


Le fonctionnalisme


— Je voudrais maintenant aborder certaines de vos théories philosophiques par lesquelles vous avez fait de si importantes contributions à la discipline. Commençons, si vous le voulez bien, par ce fonctionnalisme, cette immensément célèbre et influente théorie de l’esprit que vous avez mise de l’avant, et dont vous êtes cependant devenu vous-même critique. De quoi s’agit-il exactement?
— J’ai raconté tout à l’heure comment mon parcours m’a doté d’une double formation, l’une en mathématiques et l’autre en philosophie. Le domaine des mathématiques dans lequel je travaillais dans les années cinquante et soixante était celui de la récursivité et de la calculabilité. En tant que mathématicien je connaissais donc fort bien le travail de Turing , ainsi que les machines de Turing. Ce que le fonctionnalisme va mettre de l’avant se comprend très bien depuis cette perspective. Pour l’essentiel, il s’agit de l’idée que l’on ne devrait pas concevoir les états mentaux — croire telle ou telle proposition, douter de quelque chose, vouloir quelque chose et ainsi de suite — comme des états du cerveau (ce que suggérait par exemple J. J. C. Smart ), mais plutôt comme la réalisation (implantation) d’états d’un programme (software). Ceci dit, ma critique du fonctionnalisme ne signifie pas que je le répudie. Je pense toujours que le fonctionnalisme constitue une intéressante porte d’entrée dans les problèmes de la philosophie de l’esprit en cette ère post-informatique en laquelle nous vivons. Mais c’est aussi une position trop simple et trop réductionniste. Un argument qui était soulevé contre l’ancienne théorie de l’identité du cerveau et de l’esprit, qui soutenait que les états mentaux sont des états du cerveau, concernait leur possible multiple réalisation (multiple realisability). Prenez par exemple la croyance qu’il y a plusieurs églises à Vienne. On a toutes les raisons de penser qu’elle peut être réalisée par plusieurs états cérébraux différents, par différents états physiques, neuronaux, par différentes configurations neuronales. Mais le fait est que cet argument peut être retourné contre le fonctionnalisme. Puisqu’il n’y a pas de raison de croire qu’il n’y a qu’un seul programme impliqué, on retrouve donc cette possible multiple réalisation (mutiple realisability) au niveau computationnel. Et c’est là une des raisons pour lesquelles je pense qu’un fonctionnalisme inspiré de la machine de Turing constitue une trop grande simplification.

[à suivre…]

(Propos recueillis et traduits par Normand Baillargeon, qui signe aussi les notes qui accompagnent ce texte)

7 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Certaines des théories de Putnam me heurtent.

Premièrement, la question du charlatanisme en philosophie. Pour moi, il paraît évident que toute philosophie qui n'est pas principalement, sinon exclusivement fondée sur les mathématiques (lesquels sont après tout la seule manière rationnelle et scientifique de connaître de manière objective la réalité qui nous entoure), peut être qualifiée de charlatanisme. Il faut donc rejeter avec vigueur toute la "tradition philosophique continentale" depuis au moins Bergson, comme étant principalement un discours vide de tout sens réel, même s'il est vrai que ce vide est parfois exprimé avec élégance (ce qui appelé dans ce texte une philosophie "littéraire"). Entre Bergson, Foucault, Derrida et Lacan, il n'y a pas de différence essentielle de nature, seulement une différence de degré dans le charlatanisme (lequel atteint des proportions particulièrement grotesques chez des gens comme Derrida ou Lacan). On n'est pas spécialement porté à faire preuve d'indulgence envers Putnam, qui trouve chez Derrida des "arguments", alors qu'on ne peut y trouver autre chose que des jeux de mots puérils et des dicours certes amphigouriques, mais creux et totalement vides de sens ; si c'est de l'humour, c'est un humour singulièrement déplacé. L'ensemble de la "philosophie" française depuis Bergson (à l'exception peut-être de Jacques Bouveresse) est une fraude intellectuelle d'une ampleur sans équivalent dans l'histoire connue, envers laquelle la seule conduite moralement justifiable est de mener une guerre sans concessions (on serait tenté de dire : sans merci).

Deuxièmement, quel doit être l'objet de la philosophie. L'argument selon lequel la philosophie devrait s'intéresser à "l’art, la littérature, le politique" ou à "l'histoire sociale" laisse sans voix. Ce sont des domaines qui n'ont pas de contenu intellectuel réellement significatif, et leur exploration n'est qu'une perte d'un temps et d'une énergie précieux (nous sommes tous mortels, en effet : il y a une limite très réelle à ce que peut accomplir un être humain pendant son court passage sur terre). La seule philosophie digne de ce nom devrait plutôt s'intéresser aux seules disciplines qui ont un contenu intellectuel significatif, et qui de plus peuvent avoir des conséquences très concrètes sur la manière dont nous pouvons agir sur le monde : c'est-à-dire, les mathématiques, et, secondairement, la physique. Ce sont les seules disciplines qui peuvent nous donner des pistes sérieuses sur la manière d'aborder des problèmes d'une importance cruciale pour nous, humains : à savoir, l'éthique, ou la manière dont le pouvoir est réparti dans nos sociétés. Demander des réponses concernant ces problèmes à des "disciplines" telles que "l'art" ou la "littérature" est à peu près de même nature que de consulter un horoscope pour savoir si on doit se marier ou non ; il s'agit là d'une régression majeure de l'esprit humain.

L'adage de l'Académie d'Athènes, "Que nul n'entre ici s'il n'est mathématicien", reste d'une actualité pressante devant la recrudescence des charlatanismes de toutes sortes, envers lesquels des personnalités telles que Bergson, Sartre, Foucault, Derrida, Lacan, ont fourni des cautions intellectuelles qui ont causé d'énormes dégâts.

Anonyme a dit…

Bonjour,

à HNK,

Je me souviens que Kant disait que l'intelligence et la sensibilité ne valent absolument rien si elle sont séparées l'une de l'autre.

Je pense bien que c'est ce qui arrive avec vous, dire que la littérature, l'art, tout autre chose humaine n'est que chose insignifiante et même, selon vous, objet de mépris, est selon moi, vouer un culte presque religieux aux mathématiques, à la physique, et on sait bien, du moins ici, les dégâts et ravages qu'engendrent celle-ci dans le monde.

Amazigh.

Anonyme a dit…

....et on sait bien, du moins ici, les dégâts et ravages qu'engendrent celle-ci (la religion) dans le monde.

Anonyme a dit…

désolé du sophisme, je viens de le remarqué, j'en avais pas l'intention.

je voulais dire attribuer aux sciences exactes une valeur exclusive et sans alternatives...

Anonyme a dit…

Bonjour,

à Amazigh :

La sensibilité n'est pas, à mon sens, incompatible avec la colère envers ceux qui servent de "prêtrise séculière" aux puissants. Particulièrement quand ces "prêtres séculiers" brouillent la limite entre le vrai et le faux en déroulant un discours vide de sens, lequel peut ensuite servir de justification théorique aux pires injustices et aux pires atrocités (comme cela s'est déjà vu dans un passé récent, cf. Heidegger et le régime nazi).

Les mathématiques, parce qu'ils sont susceptibles de démêler le vrai du faux, doivent servir de préalable indispensable à tout discours philosophique digne de ce nom. Il ne peut pas, à mon sens, y avoir de réelle compassion ou de réelle sensibilité envers ceux qui souffrent ou qui subissent l'oppression ou l'injustice quand on brouille la limite entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal.

Anonyme a dit…

Bonjour,

Un bon très exemple :
http://www.ababord.org/spip.php?article94

Amazigh.

Anonyme a dit…

Bonjour,

Quelques réflexions à propos de l'art :

L'art (en y incluant la littérature) n'a jamais été mieux défini que par des gens comme Oscar Wilde (1854-1900) : "Un livre n'est pas moral ou immoral. Un livre est bien ou mal écrit, et c'est tout." (Préface au "Portrait de Dorian Gray".) Ou comme Nicolas Boileau (1636-1711) : "Il n'est pas de serpent, ni de monstre odieux, Qui, imité par l'art, ne puisse plaire aux yeux." ("Art poétique".)

L'art se situe donc, pour reprendre une expression de Nietzsche, "au-delà du bien et du mal". Ce qui peut aboutir (et, en fait, ce qui a le plus souvent abouti) à présenter sous un jour séduisant ce qui est injuste et/ou immoral (comme, par exemple, la guerre, le meurtre, l'oppression de l'humain par l'humain). On se contentera de citer "L'Iliade", un des sommets de la littérature occidentale selon l'écrasante majorité des commentateurs, et qui n'est au mieux qu'une description complaisante des horreurs de la guerre, sinon une apologie en bonne et due forme.

L'art n'est donc pas une des plus belles conquêtes de l'esprit humain ; bien au contraire, en brouillant les repères entre le bien et le mal, entre le moral et l'amoral, il est surtout une des armes les plus efficaces au service des puissants qui veulent travestir leurs crimes. (cf. Louis XIV, Napoléon, et les empereurs romains.)