dimanche, décembre 06, 2009

VULGARISER DE LA PHILOSOPHIE

Comme je le disais dans une précédente entrée, je viens de terminer une introduction à la philosophie. Voici quelques réflexions et observations à ce sujet — ces notes n’intéresseront peut-être que moi.

Comme c’est si souvent le cas, le livre s’est transformé en l’écrivant. C’est qu’on découvre des choses qu’on ne soupçonne pas en écrivant et qu’on ne peut les découvrir qu’en écrivant. J’ai toujours pensé que je serais incapable d’écrire un roman et je suis admiratif devant les personnes qui le font — du moins les bons romans. Mais peut-être est-ce pour elles la même chose : ils et elles écrivent et puis ça vient. C’est en écrivant qu’on devient écrivon disait le brave Queneau… Encore un peu et je me lance dans un roman!

L’autre chose qui m’a frappée pendant que j’écrivais ce livre, c’est à quel point il est difficile de vulgariser. Notez bien que je ne dis pas que j’y parviens en général ou que j’y suis parvenu ce coup-çi. Mais il reste que même s’il s’agit d’un domaine que je connais particulièrement bien (pas de fausse modestie), en parler de manière claire est difficile. Il faut choisir les sujets qu’on va aborder et les sélectionner pour de bonnes raisons (ils doivent être fondamentaux mais accessibles); on doit trouver des exemples et de façons de les présenter à qui n’en a jamais entendu parler.
J’en ressors plus admiratif que jamais pour ces auteurs que j’estime et qui le font si bien : Martin Gardner (l’immense Gardner, à qui je dois tant); Richard Feynman (si vous enseignez la physique, ne pas le connaître est une grave carence); Bertrand Russell; et quelques autres.

J’en ressors aussi avec la conviction qu’il faut maîtriser un domaine pour l’enseigner et que c’est une grave erreur, au Québec, d’avoir à ce point dilué la formation disciplinaire des maîtres du secondaire. Une erreur, oserais-je dire, de gens qui soit n’ont pas de véritable formation disciplinaire solide, soit n’ont jamais essayé de vulgariser, soit n’accordent pas l’importance qui leur revient aux savoirs dans l’éducation (et peut-être les trois choses à la fois).

Finalement, et tout bien pesé, il reste que la philosophie est difficile, d’une vraie difficulté qu’on ne peut contourner. Sur ce plan, elle est comme les maths, que j’aime aussi si fort, même si je ne suis pas matheux ni très bon en maths. J’ai cependant noté une différence entre ces deux domaines — du moins pour moi (car il se peut que ce que je dis tienne à ce que je pratique des maths trop élémentaires). La voici.

Je n’oublie pas ce que je sais en mathématiques : ayant vu (pour parler comme le platonicien que je suis en mathématiques) la démonstration du théorème de Pythagore par Euclide, elle est comme saisie en pensée et pour de bon. En philo, par contre, des choses que j’apprends deviennent avec le temps nébuleuses si je n’y reviens pas. En écrivant ce livre (qui m’a pour toutes ces raisons pris pas mal plus de temps que je ne pensais au départ), j’ai plus d’une fois eu à retourner à des choses que je pensais savoir, que j’avais apprises, mais oubliées.

Mais bon, j’ai enfin fini.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Si je peux me permettre une coupure de citation (avec toutes les réserves de déformation que ça occasionne) :
«En philo, par contre, des choses que j’apprends deviennent avec le temps nébuleuses si je n’y reviens pas […] j’ai plus d’une fois eu à retourner à des choses que je pensais savoir […]».

Peut-être est-ce l’un des traits fondamentaux de la philosophie : nous faire voir les choses familières sous un aspect nouveau, comme le disait Russell dans un célèbre texte , nous aider à réapprendre le caractère controversé et non définitif des questions de sens, nous ramener aux questions plus qu’aux réponses, nous rappeler que la sclérose tient sans doute plus de l’obsession des réponses que de la vivacité des questions. Peut-être.

Au plaisir de vous lire.

Bien cordialement,
Patrice

Normand Baillargeon a dit…

@Patrice Létourneau: Fort intéressante observation, et que je vais méditer.(Et merci de la référence à Russell, mon petit préféré au XXe siècle:-)

Normand