dimanche, octobre 18, 2009

DIX ÉNIGMES PHILOSOPHIQUE À MÉDITER - 2

L’analyse sartrienne de la mauvaise foi est-elle satisfaisante?


Le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud (1856-1939), a placé un principe de déterminisme psychique au cœur de cette discipline.

Dans sa première mouture de la psychanalyse, appelée première topique, Freud expose une conception dynamique du psychisme humain dans lequel il distingue trois instances — l’Inconscient, le Préconscient et le Conscient.

Selon lui, des pulsions (notamment, la libido, ou pulsion sexuelle) situées dans l’inconscient, cherchent à se manifester à la conscience du sujet. Refoulées par la censure, elles réussissent à en tromper la vigilance et apparaissent, quoique déformés, dans la vie consciente du patient où elles peuvent être analysées comme autant d’indices d’un conflit intérieur. Freud étudie en ce sens des phénomènes comme les rêves, les actes manqués et les lapsus : en vertu du principe du déterminisme psychique, tous ces contenus manifestes peuvent se comprendre comme des versions déformées d'un contenu latent qui apparaît à la conscience après l'épreuve de la censure. Freud offre un célèbre apologue pour faire comprendre ce qu’il veut dire. « Supposez que dans la salle de conférences, dans mon auditoire calme et attentif, il se trouve pourtant un individu qui se conduise de façon à me déranger et qui me trouble par des rires inconvenants, par son bavardage ou en tapant des pieds. Je déclarerai que je ne peux continuer à professer ainsi ; sur ce, quelques auditeurs vigoureux se lèveront et, après une brève lutte, mettront le personnage à la porte. Il sera « refoulé » et je pourrai continuer ma conférence. Mais, pour que le trouble ne se reproduise plus, au cas où l'expulsé essaierait de rentrer dans la salle, les personnes qui sont venues à mon aide iront adosser leurs chaises à la porte et former ainsi comme une « résistance ». Si maintenant l'on transporte sur le plan psychique les événements de notre exemple, si l'on fait de la salle de conférences le conscient, et du vestibule l'inconscient, voilà une assez bonne image du refoulement.» Freud poursuit en indiquant que l’intrus, rageur, tentera de revenir dans la salle, au besoin en se déguisant ou en y pénétrant par la fenêtre.

Jean-Paul Sartre (1905-1980) a quant à lui fondé sa philosophie existentialiste sur le présupposé d’une totale liberté des êtres humains en vertu de laquelle je peux toujours choisir — et sur l’absolue responsabilité que cela implique. La psychanalyse, alors très populaire, représente donc pour lui une possible réfutation de son hypothèse du libre-arbitre humain. Sartre la confronte en deux moments.

Pour commencer, il affirme que la notion d’Inconscient et celles de censure et de refoulement présumés inconscients, sont conjointement inconsistantes : pour pouvoir opérer sur les pulsions, la censure doit décider de celles qu’elle laisse accéder à la conscience et de celles qu’elle refoule, tandis que ces pulsions, en se déguisant pour tromper la censure, témoignent de ce qu’elles poursuivent intentionnellement un projet : tout cela, conclut Sartre, suppose la conscience et ne saurait, par définition être inconscient.

Mais comment alors rendre compte de ces indéniables cas de troubles intrapsychiques, depuis ces choses que manifestement l’on sait et que l’on voit, mais sans les voir et y penser, jusqu’à ces gestes posés et qu’on ne s’explique pas et en passant par une multitude d’autres? Sartre. Et c’est par là que son propos est le plus original, propose que dans ces cas la conscience ruse avec elle-même, se ment à elle-même, se chosifie en se laissant croire qu’elle n’a pas le choix. Qui agit ainsi est selon Sartre de mauvaise foi. En des pages célèbres de L’Être et le Néant, il décrit finement ce subtil mécanisme, cet art « permettant de former des concepts contradictoires, […] qui unissent en eux une idée et la négation de cette idée».

2 commentaires:

Jean-Joël Kauffmann a dit…

Bonjour,

A lire sur Freud et la psychanalyse :

Jacques Van Rillaer, "Les Illusions de la psychanalyse", éd. Mardaga (1980).

http://www.amazon.fr/illusions-psychanalyse-Jacques-van-Rillaer/dp/2870091281/ref=sr_1_3?ie=UTF8&s=books&qid=1255871501&sr=1-3

Jacques Bénesteau, "Mensonges freudiens", éd. Mardaga (2002).

http://www.amazon.fr/Mensonges-freudiens-Histoire-d%C3%A9sinformation-s%C3%A9culaire/dp/2870098146/ref=pd_bxgy_b_text_b

JJK

Normand Baillargeon a dit…

@Jean-Joel: je connais bien ce dossier. Ce passage sur Sartre est d'sillleurs le seul de mon intro à la philo où la psychanlyse est évoquée.

Normand