mardi, décembre 02, 2008

FRANCE-QUÉBEC : LA «TOTAL»

[C'est paru dans Siné-Hebdo]

Cousins français, jusqu’à Montréal, dans nos médias, on nous inflige presque quotidiennement Sarkozy et Carla : permettez, retour des choses, que je vous parle de Paul Desmarais et de Power Corporation, histoire que vous compreniez un peu ce qu’on endure.

D’autant que ceux-là sont copains comme cochons, au point où Nicolas dit devoir en partie sa présidence à Paul. C’est-y pas beau, ça, comme amitié France-Québec?

Flash-back.

Au bord du découragement pour cause de carrière politique stagnante, Sarko se voit un jour offrir de voyager sur l’avion privé de Paul. Il fait alors la connaissance du créateur de Power, l’homme le plus riche du Québec.

Paul l’incite à ne pas lâcher, le conseille, l’invite à son domaine de Sagard, qu’il aime à décrire à son copain Albert Frère comme «à peine plus petit que la Belgique».

On y trouve de la grande bouffe, des spectacles privés d’artistes comme ceux du Cirque du Soleil ou Robert Charlebois, on y pratique (salauds!) la chasse à l’ours et à l’orignal: Sarko s’y refait un moral d’enfer et repart guilleret vers la présidence.

Celle-ci acquise, il n’oubliera pas son nouvel ami : Paul est présent à la réception au Fouquet’s en mai 2007 et reçoit en 2008 de Nicolas la Grand-Croix de la Légion d’honneur, un de ces affreux bout de tissu affublé d’une médaille dont ces gens-là raffolent.

Ce n’est qu’un début et Sarko aura bien d’autres occasions de prouver sa reconnaissance. Power est en effet, et entre autres, actionnaire de la pétrolière française Total, de la cimenterie Lafarge et du Groupe Suez.

Ces jours-ci, Power et Total font du tourisme pétrolifère au Soudan. En soudanais, tourisme et pétrole se disent d’un même mot : morts — prononcer : morts.

On a une idée de ce dont sont capables Total et Power en regardant ce qu’ils font en Birmanie — en birman, Birmanie se dit : Myanmar, et droits de l’homme : gégène. Ou en se rappelant que si le chemin de fer qui relie Qinghai au Tibet est doté de trains, c’est notamment grâce à Power Coporation. En mandarin, droit de l’homme se dit : balle dans la tête.

Une bien belle amitié et une bien belle histoire, je trouve et qui vaut bien celle de Sarko et Carla. Pas vous? Ah bon.

Tous gens-là, qu’on imagine sans trop en souffrir étouffées en avalant leurs médailles, étaient faits pour bien s’entendre, sous la bannière du profit et de l’exploitation. Unissez-vous? Il y a déjà longtemps que les capitalistes de tous les pays l’ont fait.

Oh, j’oubliais de vous dire: Paul est aussi un magnat de la presse au Québec, où il possède des tas de médias… ceux-là même où on nous parle inlassablement de Sarko et Carla. Mais jamais de Total et de Power.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

L'idée de ces gens riches et puissants dont le terrain de jeu est la planète me frustre au dernier degré. Je suis à lire Derrick Jensen et je vous laisser le soins d'imaginer ce qui me passe par la tête en penssant à cette poignée de gens irresponsables qui contrôlent nos destinées.

Anonyme a dit…

En voilà une bien belle histoire.

Faut l'imaginer raconter par une jeune maman à son enfant juste avant de s'endormir, avec le ton qui va bien et ça fonctionne plutôt pas mal.

Plus sérieusement, en un sens ça me rassure que vous ayez votre Rupert Murdoch au canada et bien sur d'un autre coté ça me rassure pas du tout.

Encore plus sérieusement en France, il y a peu, notre président à talonette a fait de grands discours sur sa volonté d'erradiquer les paradis fiscaux de la planète.... On nous prend vraiment pour des gros baltringues.

Mais jusqu'ou iront ils ?

Anonyme a dit…

J'en discutais récemment avec des amis (de Power Corp et Desmarais) et bien naïvement je me demandais pourquoi on entend pas plus parler de cet homme au bras si long. Il me semble qu'un homme riche au Québec, on aime ça en entendre parler...Pourquoi Le Devoir par exemple, ne pourrait-il pas faire sortir de l'ombre cet homme et les liens qu'il entretient? Il me semble que pour le bien de la démocratie cela serait intéressant que la population québécoise le connaisse et sache un peu dans quels cours il joue. Pourquoi pas une invitation à Tout le monde en parle, un article dans 7 jours, une enquête de Radio-Canada? Non, mais serait-il à ce point puissant que l'on ose pas parler de lui? Une petite enquête à la sauce Journal de Montréal? Rien!

À moins que l'on ne veuille pas briser l'illusion; personne ne voulant voir qui tire les ficelles dans un spectacle de marionnettes!!

Normand Baillargeon a dit…

@ Bazarboy,
Sarko contre les paradis fiscaux: je sens que je peux prédire l'issue du match :-)

Normand

Normand Baillargeon a dit…

@Matlak,

Vous avez bien raison. Dans le même ordre d'idée, j'ai souvent rêvé à un ouvrage racontant l'histoire réelle de Bombardier et décrivant comment cet assisté social s'est bâti.

Normand