lundi, mars 15, 2010

PHILOSOPHIE DE L'ÉDUCATION

J'y suis enfin arrivé, ou à peu près: je commence à travailler sur mon livre de philosophie de l'éducation. J'avais très hâte.

J'ai terminé en fin de semaine de traduire mon entretien avec Michael Walzer, qui ira dans un magazine et dans un prochain livre; le livre de Chomsky, Écrits sur l'université est en voie de complétion; Stéroïdes pour comprendre la philosophie doit être en train d'être imprimé; et mon anthologie de l'incroyance est en révision linguistique.

Je ne pourrai cependant pas travailler à ce livre de philosophie de l'éducation à plein temps : j'ai comme à chaque mois quelques articles promis à rendre; et je dois finaliser un dossier sur le cinéma de Falardeau pour une revue ainsi que la publication d'un collectif sur la laïcité. Mais tout de même, je suis très content de revenir à ce livre.

Ce matin, j'ai fait un premier jet de l'introduction. C'est un «work in progress», comme on dit. Commentaires bienvenus. Mes excuses s'il reste des coquilles. Je me demande surtout si c'est clair et alléchant, comme doit l'être une introduction.Le livre s,appellera sans doute: Introduction par les textes à la philosophie de l'éducation. Je vise autour de 400 pages.

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INTRODUCTION


La philosophie de l’éducation est une discipline très vaste et qui a derrière elle une longue et riche histoire.

On peut, au moins en première approximation, la définir comme un effort rigoureux et systématique de clarification conceptuelle visant à définir ce qu’est l’éducation et à en préciser les finalités et les moyens. La philosophie de l’éducation s’efforce de donner à ces questions des réponses synthétiques et cohérentes et qui prennent en compte le fait que l’éducation est une pratique présentant d’incontournables dimensions normatives, aussi bien éthiques que politiques.

La philosophie de l’éducation ainsi conçue est bien entendu d’abord une entreprise théorique : mais ses praticiens espèrent qu’en contribuant à la clarification des problématiques qu’elle examine, elle jouera un rôle dans la prise de décisions plus éclairées en éducation.

Cette quadruple ambition qui anime la philosophie de l’éducation — de clarification conceptuelle, d’inscription normative de sa réflexion, ses visées synthétiques ainsi que sa volonté de contribuer à la pratique — explique à la fois l’intérêt de la philosophie de l’éducation, mais aussi sa difficulté propre, qui s’explique notamment par l’ampleur des ressources théoriques qu’elle mobilise.

Tentons de donner une idée.

On y fait d’abord appel aux théories de ces philosophes du passé qui ont donné à l’éducation une place prépondérante dans leur système — il s’agit ici de Platon, de Jean-Jacques Rousseau, de John Dewey et de Richard Stanley Peters.

On y étudie également les idées de certains philosophes qui, sans avoir été aussi influents que ces quatre-là ou avoir accordé à l’éducation une attention aussi soutenue, ont néanmoins apportée des contributions non négligeables à la réflexion philosophique sur l’éducation : c’est par exemple le cas d’Aristote, de St-Augustin, de John Locke, d’Emmanuel Kant et de nombreux autres.

On y réfère encore, de manière prépondérante, à tous ces penseurs qui, sans être à strictement parler des philosophes, ont néanmoins, pour toutes sortes de raisons mais typiquement parce qu’ils furent des éducateurs ou de pédagogues, réfléchi philosophiquement à l’éducation : c’est par exemple le cas, cette fois encore entre de très nombreux autres, de Quintilien, de Coménius, de Froebel ou de Pestalozzi.

La philosophie de l’éducation mobilise également l’ensemble des disciplines philosophiques dans la mesure où leurs concepts et problématiques permettent d’éclairer certains aspects de l’éducation et des enjeux que sa pratique soulève. C’est ainsi que c’est à l’épistémologie que le philosophe de l’éducation demandera de l’aider à clarifier des concepts comme celui de savoir, mis en œuvre dans l’établissement d’un curriculum ou dans l’acte d’enseigner; c’est encore ainsi que c’est vers la philosophie politique que le philosophe de l’éducation se tournera pour méditer sur l’autorité d’éduquer et sur les responsabilités que confère cette autorité. La philosophie de l’éducation mobilise de la sorte toute la philosophie, depuis la métaphysique jusqu’à la philosophie de l’esprit en passant par l’épistémologie, l’éthique, l'anthropologie philosophique, la philosophie des sciences et la philosophie politique. C’est en ce sens que John Dewey a pu écrire que «l’éducation est le laboratoire dans lequel les distinctions philosophiques sont concrétisées et mises à l’épreuve ».

Finalement, la philosophie de l’éducation ne peut ignorer ces théories scientifiques, provenant typiquement des sciences humaines et sociales, et qui, que ce soit en raison de leur présuppositions ou de leurs résultats, présentent un intérêt philosophique en ce qu’ils contribuent à la tâche que se fixe la philosophie de l’éducation.

Cet ouvrage propose une introduction par les textes à ce vaste domaine. Il s’agit d’une introduction en deux sens de ce mot.

Pour commencer, je ne présupposerai aucune connaissance préalable de mes lecteurs et m’efforcerai de faire en sorte que la compréhension de ce que je présente ne demande rien d’autre qu’une attention à ce qui est contenu dans ces pages.

Mais cet ouvrage est également une introduction en ce sens qu’il n’ambitionne pas de couvrir l’ensemble de la philosophie de l’éducation et qu’il se limite à une présentation de quelques-unes de ses thématiques, ciblées pour leur importance.

Cette introduction à la philosophie de l’éducation est enfin une introduction par les textes au domaine. C’est que j’ai la profonde conviction que la philosophie s’apprend d’abord et avant tout par la lecture de textes de philosophes. C’est pourquoi j’ai tenu à organiser ce livre autour de textes classiques, que je présente thématiquement et dont je prépare, par des explications et des commentaires, la lecture.

Je me suis efforcé d’organiser de manière claire et didactique les diverses théories que nous aborderons dans ces pages, en les déployant selon les problématiques qu’elles cherchent à éclairer ou résoudre. C’est là, je pense une des originalités que peut revendiquer cet ouvrage. Une autre est de faire une place à la variété des ressources intellectuelles que mobilise la philosophie de l’éducation. À ce propos, je suis particulièrement heureux d’inclure dans ces pages de nombreuses références à cette riche tradition de philosophie analytique de l’éducation, souvent trop peu connue dans le monde francophone. On lira donc ici, et pour la première fois en français, certains textes classiques de cette tradition que j’ai traduits au bénéfice du lectorat francophone.

Décidons que le moment est venu d’indiquer à grands traits le contenu de cet ouvrage et la manière dont il est ventilé.

Il comprend trois parties.

La première présente comme autant de paradigmes fondateurs ces grandes définitions de l’éducation autour desquelles se sont cristallisés tant de débats en Occident.

Notre parcours commence avec les sophistes de l’Antiquité, se poursuit avec Platon, qui met de l’avant l’influent modèle libéral d’éducation. À travers les oeuvres de Rousseau de Kant, de Dewey, de Peters, nous en venons finalement à cette conception postmoderniste de l’éducation qui a exercé un si grande influence au cours de trois ou quatre dernière décennies.

La deuxième partie de l’ouvrage se penche sur les questions inter reliées du curriculum et de l’apprentissage. Ce dernier est rapporté aux grands courants de l’épistémologie classique, depuis le rationalisme jusqu’au pragmatisme, en passant par l’empirisme et le constructivisme. Une attention particulière est accordée aux conceptions postmodernistes de l’apprentissage, notamment à travers ce constructivisme dit radical, aux approches s’articulant autour du concept de compétences ainsi qu’au renouvellement de ces questions dans le cadre des sciences cognitives contemporaines.

Les problématiques liées au curriculum sont examinées à partir de la théorie des «formes de savoir» de Paul Hirst, qui propose une conception libérale type du curriculum, laquelle, comme nous le verrons, n’a cessé d’être attaquée et défendue.
Finalement, deux controverses relatives au curriculum font ici l’objet d’un traitement plus approfondi, par lequel j’espère montrer la nature de la contribution de la philosophie de l’éducation à des questions de lourde incidence pratique : ce sont la possibilité d’une éducation morale et la question de l’éventuel enseignement du créationnisme.

La troisième et dernière partie de l’ouvrage traite de problématiques qui apparaissent dans la relation qu’entretiennent l’État, la société et l’éducation.

Nous étudions pour commencer la question l’autorité d’éduquer et examinons les mérites de divers candidats putatifs à l’exercice de cette autorité.

Nous étudions ensuite les problématiques que soulèvent les responsabilités d’éduquer et notamment les questions de la justice et de l’équité dans la distribution de l'éducation.

Finalement, nous abordons les rapports entre le politique et l’éducation et tout particulièrement le rôle qu’il convient d’accorder à l’éducation dans la formation du citoyen.

11 commentaires:

Michel Fafard a dit…

Ça promait! Peut-être ce livre sur la philosophie de l'éducation sera ce que La méthode a été pour Edgar Morin, l'oeuvre d'une vie.

Fabien Nadeau a dit…

Coquille: saint Augustin...

Commentaire: Ça m'étonne toujours de voir quelqu'un écrire d'abord son introduction. Me semble qu'on devrait composer l'oeuvre, conclure, puis trouver la meilleure manière de l'introduire...

Mais au moins ça nous donne une idée du contenu, assez ambitieux, ma foi! Bonne rédaction!

Normand Baillargeon a dit…

Bonjour Fabien,Vous avez raison. Sauf que là, je porte ce livre en moi et le travaille depuis des années. J'ai dû, sans exagérer, rédiger 2000 pages (dont je sortirai au moins un autre livre: une histoire de la pédagogie). Alors, je sais très bien où je vais. Mais il se pourrait encore que je revienne à l'introp
à la fin de la rédaction.



Normand B.

Neomatapedien a dit…

Commentaire surement superflu, mais dans le paragraphe commençant par "La philosophie de l’éducation mobilise également l’ensemble des disciplines philosophiques dans la mesure où leurs concepts et problématiques permettent d’éclairer certains aspects de l’éducation et des enjeux que sa pratique soulève.", il pourrait aussi être fait mention de l'anthropologie philosophique.. Je sais, ça fait un peu philo collégiale, mais il me semble que la question de l'être humain est importantissime dans la réflexion sur l'éducation, étant donné que l'idée de ce qu'est l'être humain, et comment il se réalise, peut ou doit se réaliser, s'émanciper orientera radicalement les idéaux guidant l'éducation.. Je dis ça comme ça..

Normand Baillargeon a dit…

@Neomatapedien : vous avez raison. Une philosophie de l'éducation met en jeu une conception de l'être humain. Je vais le rajouter.

Votre nom, c'est en référence à la Vallée?

Normand

Neomatapedien a dit…

@Normand.

En plein dans le mille.

Auparavent 'néomontréalais', j'habite effectivement la Vallée depuis quelques années.

J'espère que vous nous ferez l'honneur d'une visite un jour.

Unknown a dit…

Bonjour! Une phrase a retenu mon attention : "C’est que j’ai la profonde conviction que la philosophie s’apprend d’abord et avant tout par la lecture de textes de philosophes". Pourquoi?
Comme vous et beaucoup d'autres, le vaste thème de l'éducation fait amplement partie de ma vie. Je pense comme vous qu'une approche de la philosophie de l'éducation suppose une connaissance de la philosophie politique. Jeune enseignant, je suis chaque jour stupéfait de constater un décalage entre les discours et les pratiques. J'ai 29 ans et me pose constamment la question de savoir comment inviter mes élèves à être de bons citoyens. Pour ma part, et en opposition radicale avec mes collègues (pas tous heureusement mais quand même...), je pense que le discours ne suffit pas. A passer du temps en salle des professeurs, nul ne peut échapper aux plaintes incessantes concernant le délitement des liens sociaux, la crise de l'autorité et le manque de respect. Et pourtant, mes collègues ne cessent de les moraliser et de les rappeler à l'ordre (sic). Force est de constater que ça ne marche pas. Tout enseignant s'octroie le droit de ne pas faire la queue à la cantine tout en exigeant des élèves qu'ils la fassent patiemment tout en souriant aux enseignants pressés de manger. Inutile de vous dire ce qu'en pensent les élèves.
La notion de "vie philosophique" que Michel Onfray place au centre de sa démarche de philosophie hédoniste est précieuse à mes yeux car elle suppose que l'intérêt d'une pensée de vaut que par sa potentialité d'existence. Ceci me fait penser aux partisans des pédagogies "institutionnelles" et notamment à leur slogan : "ne rien dire que nous n'ayons fait". Personnellement je m'attache à cette ligne de conduite même s'il m'arrive encore de tomber dans la facilité du beau discours.
Personnellement, les lectures qui me "parlent" le plus, donc celles qui m'invitent à faire évoluer ma pratique, correspondent à des récits d'expériences concrètes. A moi ensuite d'être vigilant en ce qui concerne la véracité de ce qui est écrit. D'où la lecture associée d'ouvrages "d'auto-défense intellectuelle" tels que les ont écrits La Boétie, Helvétius, Spinoza, Nietzsche, Guattari, Foucault (entre autres) et tels que vous les écrivez avec d'autres (Chomsky, Onfray, BHL... non là je plaisante!!).
Je m'arrête là et vous souhaite bon courage pour la suite!
Thibaut G.

safemeds a dit…

Je pense que l'éducation est la chose la plus importante et chacun doit avoir accès à elle. Blog Grande! Gardez affichage.

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