vendredi, juillet 24, 2009

RAISON OBLIGE: COUVERTURE

Voici la couverture d'un livre qui sort à la rentrée, aux PUL
Je sortirai aussi à ce moment-là mes Écrits sur la réforme de l'éducation, aux PUM et Heureux sans dieu, un coming out athée dirigé avec Daniel Baril.


7 commentaires:

Jean-Joël Kauffmann a dit…

Bonjour,

C'est très bien d'être athée, mais comment alors expliquer la croyance en Dieu (ou en des dieux) ? La croyance en des entités surnaturelles pourrait-elle être, à l'instar du langage, une faculté biologique de notre cerveau acquise par le biais de l'évolution et de la sélection naturelle ? (cf. Pascal Boyer, "Et l'homme créa les dieux")

http://www.amazon.fr/lhomme-cr%C3%A9a-dieux-Pascal-Boyer/dp/2070426955

Normand Baillargeon a dit…

Bonjour,

La question que vous posez est difficile et importante. Je recopie ici, en deux entrés successives pour cause de longueur excessive, des extraits d'un texte de la revue Médiane que j'ai consacré justement aux «explications naturalistes» de la religion..

Normand

Deux avenues convergentes d'explications naturalistes de la religion ont tout particulièrement été explorées.
La première, qu’on pourrait appeler génétique, concerne l’explication de l’origine de la religion et des croyances religieuses.
Épicure puis Lucrèce, on s’en souviendra, avaient ici ouvert la voie, en suggérant que les religions sont essentiellement « une maladie née de la peur».
Avec sa fameuse Loi des trois états, Auguste Comte invitait pour sa part à considérer la religion comme un moment historiquement situé et désormais dépassé — d’abord par la métaphysique, puis par la science positive — de la compréhension du monde.
Marx et d’autres ont ensuite suggéré, en analysant sa fonction politique et idéologique, que la religion était à la fois une expression de la misère réelle et une protestation contre elle, un «soupir de la créature accablée par le malheur [et] l'âme d'un monde sans coeur » : bref, et selon la célèbre formule, un «opium du peuple».
Vint Freud, qui proposera que la religion est une forme de projection de l’image du père et de névrose infantile dont l’adulte et la société devront guérir pour devenir sains.
À ces hypothèses génétiques — et c’est la deuxième des avenues que je proposais de distinguer plus haut — se sont ajoutées des analyses qui proposent cette fois des explications naturalistes à des phénomène religieux présumés être, sinon inexplicables, du moins ne recevoir d’explication qu’en termes surnaturels.
Un travail en tous points exemplaire de ces démarches est celui qu’a accompli David Hume dans son examen critique de la notion de miracle. Ces miracles, explique Hume, sont par définition des « violations des lois de la nature». Or, notre connaissance de celles-ci, faillible sans doute, repose une vaste expérience, tandis que le miracle, fondé sur un témoignage, souvent unique, invoque lui aussi une expérience pour établir sa véracité. Or l’expérience montre aussi, très amplement, la faillibilité des témoignages, surtout s’ils portent sur le religieux et le merveilleux et plus encore si, par eux, un témoin devient très intéressant aux yeux des autres. Hume conclura: «Aucun témoignage n'est suffisant pour établir un miracle à moins que le témoignage soit d'un genre tel que sa fausseté serait plus miraculeuse que le fait qu'il veut établir».

Normand Baillargeon a dit…

[Suite]

La science contemporaine et la religion
La pensée scientifique récente, tout particulièrement à travers des disciplines comme la psychologie cognitive, la biologie et la psychologue évolutionniste, prolonge ces deux avenues de réflexion et propose de nouvelles explications naturalistes de la religion.
Les nouvelles explications génétiques cherchent notamment à rendre compte, en termes évolutionnistes, de la naissance et de la persistance de la religion. Un exemple, emprunté à R. Dawkins, permettra de saisir, sinon toute la substance, du moins la forme possible de ce type d’argument.
Un papillon de nuit qui en apparence s’auto-immole sur une bougie, suit, ce faisant, une règle de conduite qui lui a conféré un avantage évolutif en lui permettant de s’orienter la nuit sur des sources infiniment lointaines de lumière. Mais il le fait en ce cas dans des conditions nouvelles (celle de la lumière artificielle, récemment apparue) qui rend cette règle mortelle pour lui.
De même, suggère Dawkins, les croyances religieuses pourraient être une défaillance, un malheureux sous-produit de la règle recommandant de croire aux aînés, règle qui s’est avérée si utile aux fragiles petits de l’espèce humaine (et leur a épargné de faire par eux-mêmes l’expérience qu’il ne faut pas toucher aux serpents).
Sur le plan de l’explication naturaliste des phénomènes présumés surnaturels liés à la religion, d’innombrables études ont été menées. En voici un exemple.
On a réalisé des études expérimentales sur la neurobiologie des expériences dites mystiques qui ont permis d’établir les effets de la méditation et de la prière sur le lobe pariétal postéro-supérieur du cerveau, siège de la détermination par le sujet des limites de son corps : or, les descriptions des expériences «mystiques» ressemblent à s’y méprendre à ce que rapportent les sujets atteints de lésions à ces régions.
Et ce n’est pas tout .
• On sait par exemple que l’augmentation de l’éthylène dans l’organisme permet de faire l’expérience de véritables moments mystiques et que c’est justement ce que provoque la respiration pratiquée par les yogis ou encore … une faille géologique située à Delphes, en Grèce, précisément le lieu où vivaient et s’exprimaient de célèbres oracles!
• Des drogues comme la mescaline ou l’acide lysergique provoquent des hallucinations visuelles ou auditives que des cultures préscientifiques pourront aisément interpréter — et ont de fait interprété — en un sens surnaturel.
• Des déficiences importantes en vitamines C et B, qui étaient communes au Moyen-Âge, alors que les fruits frais étaient rares, peuvent provoquer des maladies qui causent des hallucinations.
• Le fait de se flageller fait produire aux plaies suppurantes des toxines hallucinogènes; le fait de jeûner a le même effet sur l’organisme.
• Par la prière et la méditation, on atteint un état de privation de stimuli sensoriels qui semble produire diverses expériences mystiques ou religieuses : mais l’expérience montre que des cuves de privation sensorielle dans lesquelles les sujets flottent dans l’eau provoque le même effet et de manière plus forte encore.

Michel Fafard a dit…

@Normand: Le problème avec les explications scientifiques sur l'existance de la religion c'est qu'elles n'aident pas à calmer l'angoisse de la mort. Mes parents et ma soeur et mon frère trouvent leur réconfort dans la religion, mais pour moi la mort est quelque chose d'angoissant et il m'est déjà arriver de ne pas dormir de la nuit à cause de cela.

Autrement dit, tant que les scientifiques ne donneront pas de réponses satisfaisantes pour calmer cette angoisse, les religions continuerons d'exister et moi d'être un agnostique anxieux et inquiet.

Normand Baillargeon a dit…

@ Michel. Je comprends c que vous dites et le partage largement.
Certaines de ces explications naturalistes se sont voulues expliciteemnt des manières de ne plus craindre la mort. Épicure par exemple, qui suggérait qu'il était irrationnel de la craindre puisque tant que tu es là, elle est absente et inversement. Mais c'est faire peu e cas de la mort des autres, notamment de ceux et celles qu'on aime et de ce qui annonce la nôtre (souffrance, maladie).

Vaste question...

Normand

Jean-Joël Kauffmann a dit…

Bonjour,

@ M. Baillargeon :

Merci de votre réponse !

JJK

Michel Fafard a dit…

@Normand: Merci de votre réponse. Je crois qu'il est plus facile de trouver des explications naturalistes à l'entraide et à l'altruisme, comme l'a fait Pierre Kropotkin, qu'à la mort, bien qu'elle fasse partie de la nature.