vendredi, juillet 24, 2009

HUMOUR ET MATHÉMATIQUES (1/3)

[Premier jet de mon texte sur ce sujet. Les notes de bas de pages sont omises. M'écrire si vous coulez le reproduire. Commentaires et correctifs appréciés. Mise en garde: c'est long...]

J’ai un moment hésité à intituler cet article Humour et mathématiques. C’est que je soupçonnais qu’en y apercevant le mot mathématiques, bien des gens, qui, à l’instar de Victor Hugo, ne se souviennent qu’avec angoisse ou douleur de leurs cours de mathématiques, ne sautent aussitôt par-dessus mon texte.
****************************************************************************************L’élève Hugo et les mathématiques :
J'étais alors en proie à la mathématique.
Temps sombre! enfant ému du frisson poétique,
Pauvre oiseau qui heurtais du crâne mes barreaux,
On me livrait tout vif aux chiffres, noirs bourreaux;
On me faisait de force ingurgiter l'algèbre.

Victor Hugo, « À propos d'Horace», dans : Les Contemplations, 1856.

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Mais il est inutile de le cacher : nous parlerons bien ici de mathématiques et d’humour. Dont acte. Et qui sait? La curiosité de certains lecteurs l’emportera peut-être et au: «Les mathématiques, il n’y a vraiment pas de quoi rire!», succédera une certaine curiosité («Comment peut-on rapprocher ces deux choses-là?»), qui les incitera à au moins aller jeter un œil sur ma prose.

Si cela a été votre cas, je vous souhaite la bienvenue et salue votre courage!

Rapprocher mathématiques et humour, cela peut bien entendu se faire de bien des manières. En voici deux que je ne poursuivrai pas longtemps ici et que je n’évoque qu’en guise de hors-d’oeuvre.

Rire des mathématiciens

La première serait de rire de travers réels ou présumés des mathématiciens et mathématiciennes . Certains de ceux-ci, à tort ou à raison, sont notoires et donnent en effet à rire ou à sourire. Les gags ainsi produits ne nécessitent typiquement aucun savoir mathématique particulier.

Les mathématiciens sont par exemple présumés être lunatiques et incapables de comprendre que telle ou telle démonstration ne soit pas immédiatement claire à chacun — et c’est là, il me semble, en pédagogie, une des sources des difficultés que tant de gens connaissent en mathématiques.

L’histoire qui suit illustre avec humour ces deux travers.

Le professeur de mathématiques


Une délégation d’étudiantes et d’étudiants se rend au bureau du professeur de mathématiques pour se plaindre de son enseignement.

— « Pour vous professeur, plaident-ils, tout est clair et évident, comme vous le dites souvent; mais pas pour nous. Vous allez trop rapidement et nous n’avons pas le temps de prendre des notes. Si vous donniez des exemples et si vous preniez le temps d’écrire au tableau, nous pourrions mieux vous suivre. Les choses pourraient alors nous sembler, à nous aussi, claires et évidentes».

Le professeur assure en prendre bonne note et il promet de changer.

Le lendemain il donne son cours, mais, emporté par son sujet, il procède encore une fois comme à son habitude.

Quand il a terminé son exposé, il dit : «Et comme vous voyez, tout cela est parfaitement clair et évident».

Cela lui rappelle sa promesse et il reprend aussitôt : «Clair et évident comme deux et deux font quatre». Et il va au tableau où il écrit : 2+2 = 4.



Rire avec les mathématiques

Une deuxième manière de rapprocher humour et mathématiques serait de rire grâce ou bien à des concepts ou bien à des noms de concepts mathématiques. Mais contrairement à ce qui précède, on ne pourra dans ces deux cas comprendre le gag que si on possède le savoir mathématique qu’il présuppose.

Voici des exemples d’un d’humour dans lequel un concept mathématique permet de faire une blague.

Celle-ci, dit-on, était contée avec délice par le logicien et philosophe Ludwig Wittgenstein (1899-1951).

Un mathématicien rencontre un collègue à bout de souffle qui récite :… 9, 5, 1, 4, 1, 3. Ouf!
Il lui dit : — Tu as l’air épuisé. Qu’est-ce qui t’arrive?
— Je viens de finir de réciter Pi à l’envers…


On le voit : ce gag ne marche que si la personne à qui on le conte connaît le concept mis en œuvre : Pi étant un nombre irrationnel, son développement est infini et on ne peut donc pas le réciter à l’envers .

Il en va de même de la blague suivante, qui présuppose un certain (bien qu’élémentaire) savoir mathématique :
— Le professeur de mathématiques: Supposons que la distance qu’on recherche est X.
— L’élève: Moi, je veux bien : mais qu’arrive-t-il si la distance n’est pas X?

Une toute dernière? Allons-y. Il n’est pas besoin d’un grand bagage d’arithmétique pour sourire en lisant ce mémorable extrait de Marius, de Marcel Pagnol.

La recette du picon-citron-curaçao

César : Eh bien, pour la dixième fois, je vais te l'expliquer, le picon-citron-curaçao. (Il s'installe derrière le comptoir.) Approche-toi ! (Marius s'avance, et va suivre de près l'opération. César prend un grand verre, une carafe et trois bouteilles. Tout en parlant, il compose le breuvage.) Tu mets d'abord un tiers de curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c'est joli. Et à la fin, un grand tiers d'eau. Voilà.
Marius : Et ça fait quatre tiers.
César : Exactement. J'espère que cette fois, tu as compris. (Il boit une gorgée du mélange)
Marius : Dans un verre, il n'y a que trois tiers.
César : Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers!
Marius : Eh non, ça ne dépend pas. Même dans un arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers.
César (triomphant) : Alors, explique-moi comment j'en ai mis quatre dans ce verre!
Marius : Ça, c'est de l'arithmétique .


***
Si ces blagues reposent sur des concepts mathématiques, on peut aussi, comme je l’ai dit, rire grâce aux noms de certains concepts mathématiques, qui permettent de faire des jeux de mots. En voici quelques exemples.

— Logarithme et exponentielle vont au restaurant. Qui paie l'addition?
— Exponentielle. Parce que logarithme népérien!


Le jeu de mot népérien/ ne paie rien repose sur l’adjectif «népérien» qui désigne un type de logarithme. Il est tiré de John Napier ou Neper (1550-1617), un mathématicien écossais qui en est généralement reconnu comme l’inventeur.

Et encore :

— Qu’est-ce qui vit dans la mer et qui n’est pas orientable? Möbius Dick!

Cette fois, le jeu de mot Moby Dick/ Möbius Dick est une référence au Ruban de Möbius. Celui-ci est si particulier (et si amusant?) que je ne résiste pas à la tentation d’en toucher un mot.

Prenez une bande de papier assez longue (disons 50 cm) et pas très large (disons 4 cm). Déposez-la sur la table puis, faites lui faire une demi-rotation et collez les deux extrémités avec du ruban adhésif.

Ce que vous venez de créer devrait ressembler à ce qui suit et est appelé Ruban de Möbius, en l’honneur de l’astronome Allemand qui l’a découvert au XIX e siècle. Votre création ressemblera à ceci :




Ce ruban est très étrange. En fait, vous pouvez parier tout ce que vous voudrez avec vos amis et sans risque aucun qu’ils ne parviendront pas en colorer une face d’une couleur et l’autre face d’une autre couleur. Hésitant? Vérifiez!

Le ruban de Möbius a en effet cette étonnante propriété de n’avoir qu’une seule face!

Vous le verrez bien en la suivant du doigt : vous revenez à votre point de départ. Quand cet exercice vous lassera, coupez votre ruban en deux dans le sens de la longueur : une surprise vous attend.
***
J’espère qu’on en conviendra: on peut tout à fait rire avec les mathématiques et le rapprochement entre humour et mathématiques n’est pas si incongru qu’il pourrait sembler de prime abord.

Ce je souhaite accomplir ici est cependant quelque chose d’un peu plus ambitieux: je voudrais en effet tenter de rapprocher des procédés humoristiques de certains types de raisonnements mathématiques.

Bien entendu, je ne soutiens nullement que les humoristes sont des mathématiciens qui s’ignorent ou que tous les mathématiciens soient drôles. Mais je voudrais néanmoins faire remarquer combien certains modes de pensée mis en œuvre quand on fait des mathématiques sont aussi à l’œuvre en humour, de sorte que la compréhension des uns aide à la compréhension des autres. C’est par un détour vers la philosophie des mathématiques que je dégagerai ces modes de pensée qui sont mis en œuvre en mathématiques et que je soutiendrai être aussi présents en humour: de sorte que ce texte sera l’occasion d’apprendre, avec humour j’espère, quelques notions de philosophie des mathématiques.

Je terminerai ce texte en présentant une thèse fort originale avancée par le mathématicien contemporain Allen Paulos dans son remarquable Mathematics and Humor (1980), qui suggère, très finement, que les mathématiques peuvent nous aider à comprendre pourquoi, en certains cas du moins, nous trouvons que quelque chose est drôle. Pour pleinement apprécier la thèse de Paulos, il faut cependant comprendre cette notion d’axiomatique qui est si importante en mathématiques et en philosophie des mathématiques : je me ferai un devoir et un plaisir de l’expliquer plus loin avant d’exposer ce que suggère Paulos.

Pour réaliser ce vaste programme, il nous faut commencer par toucher un mot de la philosophie des mathématiques, à laquelle nous demanderons de nous aider à rapprocher mathématiques et humour. Ici, comme c’est très souvent le cas en philosophie, c’est par Platon que tout commence et c’est à lui qu’il nous faut retourner.

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Comment la poule a-t-elle traversé la rue?

Comment de célèbres mathématiciens répondraient-ils à cette fameuse question? Je me suis amusé à imaginer quelques réponses possibles.

Zénon : La poule n’est jamais parvenue de l’autre côté de la rue.

Pythagore : Selon une diagonale.

Leibniz — Selon une accélération que permet de déterminer avec précision une nouvelle branche des mathématiques dont je suis le découvreur.
Newton — Dont JE suis découvreur.

Einstein : Dans quel référentiel?

Weierstrass : En continu.

Fibonacci : En suivant un nombre d’or de lapins.

Russell : En se rendant chez le plumeur, puisqu’elle ne se plumait pas elle-même.

Descartes : Elle avait un bon plan.

Gödel : La proposition : «La poule a traversé la rue » est indécidable.

Fermat : Je l’ai découvert, mais je n’ai pas la place pour l’écrire.

(N.B.)
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Le platonisme comme philosophie des mathématiques, ou : Les objets mathématiques existent, je les ai rencontrés!

On rapporte qu’à l’entrée de l’Académie (l’école qu’il avait fondée à Athènes) Platon (427-347) avait fait écrire : «Nul n’entre ici s’il n’est géomètre ».

L’anecdote nous indique l’importance des mathématiques pour le philosophe et la très haute estime qu’il avait pour elles. Platon est loin d’être le seul dans ce cas et bien des philosophes ont partagé son amour et sa fascination pour les mathématiques .
Ce qui fascinait Platon et qui fascine encore tant de gens, c’est que les mathématiques nous procurent un savoir certain et qui semble en outre indépendant de l’expérience. La proposition : 2 + 2 = 4 est irréfutable et me parait certaine dès lors que je la comprends ; de plus, je ne peux pas concevoir d’expérience qui la contredirait et je n’ai même pas besoin de l’expérience pour la savoir certaine. Pensez y : on s’inquiéterait pour la personne qui nous dirait avoir vérifié la chose et que 2 + 2 ne font finalement pas 4! Et pour la convaincre de son erreur, on devrait s’assurer qu’elle comprend bien, dans sa tête si je peux dire, ce que signifie 2, 4, +, et =.

Comment expliquer ces étranges caractéristiques du savoir mathématique? Platon avait une réponse à cette question, une réponse à laquelle de très nombreux mathématiciens restent attachés — on les appelle justement platonistes pour cette raison.

Ce que Platon suggère, c’est que les objets dont s’occupe les mathématiques, c’est-à-dire les nombres, les figures géométriques et ainsi de suite, existent réellement, indépendamment de nous, et cela même si on n’accède pas à eux à travers nos cinq sens mais grâce, disons-le simplement, à notre esprit. Quand nous faisons des mathématiques, pense Platon, nous accédons à cet autre ordre de réalité et nous le contemplons. Les idées auxquelles on accède alors sont pures, éternelles (on écrit en ce sens Idées avec une majuscule) et le monde auquel elles appartiennent est appelé par Platon le monde intelligible, par opposition au monde sensible, celui de tous les jours.

Les Idées mathématiques ne sont pas tirées du monde sensible : on les applique plutôt à lui et ce monde sensible n’est qu’un pâle reflet du monde intelligible. Dans le monde sensible, les cercles, les triangles, et ainsi de suite ne sont jamais parfaits : ils ne sont que de médiocres reflets des Cercles, Triangles, etc. éternels et parfaits et ne sont reconnaissables par nous que parce que nous avons déjà, en nous, l’Idée de Cercle, celle de Triangle, etc. Dans le monde sensible, dirait Platon, on observe bien des paires, mais pas le nombre 2 lui-même; et nous n’avons, à propos du monde sensible, que de simples opinions: le savoir mathématique véritable porte sur les Idées (mathématiques) du monde intelligible, dont, par l’esprit, nous pouvons découvrir des propriétés.

Le mot crucial est ici découvrir. Pour Platon, comme pour tant de mathématiciens et de philosophes, on découvre les objets mathématiques qui existent réellement, hors de nous (on appelle aussi cette position le réalisme). Voici un exemple qui devrait vous aider à sympathiser avec cette théorie à première vue étrange, voire improbable.
Pi, on l’a vu plus haut, est un nombre à développement infini. Or, si tenir Pi pour égal à : 3, 14159 est en pratique suffisamment précis pour tous nos calculs, l’établissement des décimales de Pi est un exercice auquel on se livre encore (il est utile, par exemple, pour tester la puissance et la fiabilité des ordinateurs). Jusqu’où est-on allé dans la découverte de ces décimales de Pi? La réponse, renversante, est qu’on en connaît aujourd’hui plus de mille milliards!

Supposons, par convention, qu’on connaît la mille milliardième décimale de pi et pas la suivante. On trouvera bien un jour cette nouvelle décimale, la mille milliardième et une. Supposons qu’on la trouve dans la minute qui suit. Le chiffre sera pair ou impair. Disons qu’il est pair. Diriez-vous qu’on a inventé qu’il est pair ou qu’on a découvert qu’il est pair? Le réaliste en philosophie des mathématiques ou platoniste, répond sans hésiter qu’on l’a découvert, que tout se passe comme si ce chiffre nous attendait et que nous sommes finalement « tombés dessus », si on peut dire.

Platon, dans sa philosophie qu’on appelle pour cela l’Idéalisme, va généraliser ce qu'il dit des mathématiques à toutes les autres Idées qui peuplent le monde Intelligible : comme il existe une Idée de Nombre dont nous n’apercevons que des pales copies dans le monde Sensible, il existe une Idée de Lit, une Idée de Cheval, mais aussi une Idée de Beau, une Idée de Vrai, et une Idée de Bien. Mais n’entrons pas plus avant dans cet aspect de la philosophie platonicienne et retenons simplement que Platon propose une immensément influente conception de la nature des objets et du savoir mathématique qui explique, en partie au moins, la fascination qu’elles exercent.

Reste cependant à dire comment nous développons ce savoir et comment nous en venons à contempler ces objets. La réponse la plus courante à ces questions est que le savoir mathématique est hypothético-déductif et se présente, idéalement, sous une forme dite axiomatisée. Il me faut brièvement expliquer tout cela avant de revenir à l’humour.

(Et s’il vous faut une petite pause avant de poursuivre, je vous invite à essayer d’identifier l’erreur dans le (mauvais) raisonnement qui suit. La solution est donnée à la fin de ce texte.)
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1. Posons :
a = b
2. Multiplions chaque côté par a :
a 2 = ab
3. Soustrayons b2 de chaque côté :
a2 – b2 = ab – b2
4. Mettons en facteurs :
(a + b) (a – b) = b (a – b)
5. Divisons par a - b :
a + b = b
6. Puisque a, par définition = b
b+ b= b
7. Et si 2 b = b, alors :
2 = 1
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Axiomatique et méthode hypothético-déductive

Beaucoup — et selon Martin Gardner, la plupart — des mathématiciens sont, à des degrés divers, des platonistes en ce qui concerne la nature et le mode d’existence des objets de leur science .

Mais en ce qui concerne cette fois la méthodologie des mathématiques et la manière dont sont établies ses propositions, une position philosophique très commune veut que les mathématiques soient une science formelle, utilisant la méthode hypothético-déductive et dont les résultats peuvent être présentés dans le cadre de systèmes particuliers appelés des axiomatiques. Rien de tout cela n’est vraiment très compliqué.

Une science formelle. L’idée est la suivante. Les différentes autres sciences étudient des objets du monde extérieur, des faits : elles sont factuelles. C’est ainsi que le biologiste étudie des êtres vivants, le physicien la matière et les atomes, le chimiste, les éléments et les molécules, le sociologue des sociétés. Mais les mathématiques, on la vu, n’ont aucun objet de cet ordre, qui serait donné dans l’expérience. Elles s’intéressent à autre chose qu’on peut appeler des formes. Un exemple rendra cela plus clair.

Un météorologue pourra vous dire, avec une marge d’erreur, s’il pleuvra ou non; un logicien, lui, vous dira qu’il pleuvra ou qu’il ne pleuvra pas et que cela est une certitude puisqu’on ne fait ici qu’appliquer au fait de pleuvoir la disjonction exclusive : «P ou non P», laquelle est toujours valide. Notez que l’on dit ici valide (qui est une propriété des formes indépendante de ce qui se trouve être ou non le cas dans le monde) et non vraie (qui est une propriété des propositions factuelles dépendant de l’état du monde).

Une science hypothético-déductive et axiomatisée. Les mathématiques utilisent en effet une méthodologie par laquelle certaines choses étant posées par hypothèse (on les appelle typiquement des axiomes), d’autres, (appelées typiquement des théorèmes) en sont déduites selon certaines règles. On appelle axiomatique un tel système.
De manière intuitive, on peut le définir comme comprenant : des termes premiers et non définis qui serviront à définir tous les autres; des propositions premières, qui serviront à démontrer toutes les autres; et des règles de manipulation. Historiquement le premier exemple, illustre, d’une axiomatique, est celui de la géométrie classique, qui a été l’oEuvre d’Euclide.

Voici un autre chef-d’œuvre du genre, l’axiomatique des entiers naturels de Peano. Le système ne comprend que trois termes non définis : zéro, nombre et successeur; et cinq propositions premières.

En voici une formulation simplifiée:
1. Zéro est un nombre
2. Le successeur d’un nombre est un nombre
3. Des nombres entiers distincts ont des successeurs distincts.
4. Zéro n’est le successeur d’aucun nombre.
5. Si une propriété est vérifiée par 0 et si, pour tout entier naturel qui la vérifie, son successeur la vérifie également, alors la propriété est vraie pour tous les nombres.

Interprétez zéro et successeur selon leurs sens usuels et vous obtenez grâce à cette axiomatique la suite des nombres naturels : 0, 1, 2, … à l’infini.

Je référerai à quelques reprises à cette notion d’axiomatique dans ce qui suit et j’espère donc que mes explications ont été assez claires. Pour le savoir, demandez-vous si vous êtes à présent en mesure de comprendre le bon mot de Bertrand Russell qui assurait :« Les mathématiques sont une science où on ne sait ni de quoi on parle, ni si ce qu'on dit est vrai».

Avec ces outils, revenons à présent à l’humour, avec quoi les mathématiques ainsi comprises présentent de notables similitudes.

8 commentaires:

NaOH a dit…

Bonjour,

Comment ça, 2 + 2 = 4 ?

Prenez donc vos nombres entiers, et rangez-les en 4 classes définies de la manière suivante :
[0] ceux qui sont divisibles par 4 (0, 4, 8, 12, etc.)
[1] ceux qui, divisés par 4, donnent 1 pour reste (1, 5, 9, 13, etc.)
[2] ceux qui, divisés par 4, donnent 2 pour reste (2, 6, 10, 14, etc.)
[3] ceux qui, divisés par 4, donnent 3 pour reste (3, 7, 11, 15, etc.)

On peut vérifier facilement que tous les nombres se rangent dans l'une ou l'autre de ces 4 classes (le reste d'une division par 4 est forcément 0, 1, 2 ou 3).

Prenez maintenant 2 nombres quelconques. Vous pouvez ranger chacun dans une classe. Vous pouvez aussi ranger leur somme dans une classe.

Vous verrez facilement que si l'un est dans la classe [0] (il est divisible par 4) et que l'autre est dans la classe [2] (le reste de sa division par 4 vaut 2), alors la somme est dans la classe [2], ce que l'on peut écrire :

[0] + [2] = [2] + [0] = [2]

Exemple : 12 est dans la classe [0] (12/4 = 3 reste 0), 26 est dans la classe [2] (26/4 = 4 reste 2).
12 + 26 = 38 est bien dans la classe [2] (38/4 = 9 reste 2)

De même si l'un est dans la classe [1] et l'autre dans la classe [2], alors la somme est dans la classe [3], ce que l'on écrit encore :

[1] + [2] = [2] + [1] = [3]

Exemple : 17 est dans la classe [1] (17/4 = 4 reste 1), 6 est dans la classe [2] (6/4 = 1 reste 2)

Ecrivons toutes les possibilités (le lecteur pourra vérifier « que ça marche », cette table d'addition) :

[0] + [0] = [0]
[0] + [1] = [1] + [0] = [1]
[0] + [2] = [2] + [0] = [2]
[0] + [3] = [3] + [0] = [3]
[1] + [1] = [2]
[1] + [2] = [2] + [1] = [3]
[1] + [3] = [3] + [1] = [0]
[2] + [2] = [0]
[2] + [3] = [3] + [2] = [1]
[3] + [3] = [2]

Eh oui ! [2] + [2] = [0]... dans certains cas !

Question : est-ce que ces nombres bizarres planent aussi dans le ciel des idées de Platon ?

A+

Normand Baillargeon a dit…

Bonjour,

Merci. Je ne connaissais pas. Il faut que je repasse ça à tête reposée et que je voie si ça se trouve dans le Monde des Idées...
;-)

Normand

Frédéric a dit…

[2] + [2] = [0]
[3] + [2] = [1]
...
C'est aussi le cas si on additionne 1 heure à 24 heures, il n'est pas 25 heures, mais 1 heure.

L'exemple de NaOH est dit modulo 4, le mien modulo 24. Rien de bien étrange dans le ciel...

NaOH a dit…

@ Frédéric

Rien de bien étrange, en effet. Mais on peut aussi faire une table de multiplication :

[0] * [0] = [0]
[0] * [1] = [1] * [0] = [0]
[0] * [2] = [2] * [0] = [0]
[0] * [3] = [3] * [0] = [0]
[1] * [1] = [1]
[1] * [2] = [2] * [1] = [2]
[1] * [3] = [3] * [1] = [3]
[2] * [2] = [0]
[2] * [3] = [3] * [2] = [2]
[3] * [3] = [1]

Et là, surprise, l'équation [x]^2 = [0] a 2 racines, [x] = [0], comme on pouvait s'y attendre, mais aussi [x] = [2]...
Parce qu'en effet :
[2] * [2] = [2]^2 = [0]

Greg a dit…

Oui Naoh a un petit peu devier le sujet, lol, c'est exactement comme le dit Frederic, on ne peut d'ailleurs pas enlever les crochets.
Ce n'est donc pas vraiment comparable avec le 2+2=4.


Sinon le raisonement de fin de l'article de NB correspond au raisonement par récurence, qui est le raisonement de base pour traiter tous les probles de suite logique.

1-je démontre que la relation est vrai au rang 1 : ("1. Zéro est un nombre", "4. Zéro n’est le successeur d’aucun nombre.")
2-Je démontre que si la proprité est vrai au rang n alors elle sera vrai au rang n+1 ("2. Le successeur d’un nombre est un nombre","3. Des nombres entiers distincts ont des successeurs distincts.")
3- Si la relation est vrai au rang n montre quelle est vrai au rang n+1, et que la propriété est vrai au rang 1 alors la propriété sera vrai quelque soit n>1 ("5. Si une propriété est vérifiée par 0 et si, pour tout entier naturel qui la vérifie, son successeur la vérifie également, alors la propriété est vraie pour tous les nombres.")

NaOH a dit…

@Greg

Mais si, on peut enlever les crochets et c'est très comparable à 2 + 2 = 4

Ce qui change, c'est seulement l'ensemble dans lequel ça se passe.

D'un côté les entiers Z munis de l'addition et de la multiplication, où 2 + 2 = 4 et de l'autre l'anneau Z/4 muni des mêmes opérations, où 2 + 2 = 0

Et c'était bien de l'humour, puisque j'ai commencé par : Comment ça, 2 + 2 = 4 ?

Unknown a dit…

Dans le cas d'un modulo 4, il va de soi que 2 + 2 = 0. D'accord, c'était un gag (cela aussi était évident). "Les gags les plus courts sont les meilleurs" dit l'adage...

Alors, une démonstration en 2 lignes (en fait 50, mais en modulo 4, cela donne 2...) ne peut que diluer un gag et le rendre pas mal trop laborieux...

NaOH a dit…

@Frédéric :
Dans le cas d'un modulo 4, il va de soi que...

Excellent, le gag !
Je n'avais pas compris de suite que c'était une parodie du texte cité par Normand :

« Pour vous professeur, plaident-ils, tout est clair et évident, comme vous le dites souvent; mais pas pour nous. Vous allez trop rapidement et nous n’avons pas le temps de prendre des notes. Si vous donniez des exemples et si vous preniez le temps d’écrire au tableau, nous pourrions mieux vous suivre. Les choses pourraient alors nous sembler, à nous aussi, claires et évidentes»...