[Le 29 février dernier, j'ai été invité à m'adresser aux militantes et militants de Québec Solidaire réunis en congrès à Montréal sur le thème de l'avenir de la gauche. Voici ce que j'avais alors à dire. Une version de ce texte paraît dans le dernier numéro de la revue À Bâbord.]
Mesdames, Messieurs, et, vous me permettrez de le dire, chers amis,
Je suis très heureux et très honoré d’être parmi vous ce soir.
Quand Françoise David et Amir Kahdir m’ont proposé de venir échanger avec vous sur la gauche et ses défis, j’ai aussitôt accepté avec enthousiasme. D’abord parce que je ne peux rien leur refuser; ensuite parce Françoise elle même nous avait fait, à Jean-Marc Piotte et à moi, le grand bonheur de nous présenter ses idées précisément sur ce sujet dans un collectif intitulé Au bout de l’impasse à gauche; enfin parce que le sujet me semble intéressant et important – c’est d’ailleurs précisément pour cela qu’avec Jean-Marc j’ai voulu lui consacrer un livre.
J’ignore ce qui en est de Piotte, mais en lisant les textes qui composent notre livre, je me suis souvent dit que la question des défis de la gauche est complexe, complexe au point où je me suis trouvé bien chanceux, à titre de coordonateur de l’ouvrage, de ne pas avoir à produire moi-même un texte sur le sujet. Françoise, en m’invitant ce soir, me rend la monnaie de ma pièce. Et me voici embarrassé à mon tour. D’autant que je sais bien que tous et toutes vous réfléchissez beaucoup à ces questions, qui sont de celles qu’on ne peut éviter sitôt qu’on milite.
Mais je veux jouer le jeu et m’exprimer de la manière la plus simple et la plus complète possible; je veux aussi vous parler sur un ton personnel, en ne cachant ni mes convictions, ni mes doutes, ni mes incertitudes. En fait, si je devais donner un titre à ce texte, ce pourrait être : J’abats mon jeu.
Je ne reviendrai plus là-dessus, mais cela doit être dit et l’être en commençant : être de gauche pour moi et pour beaucoup de gens, je pense, c’est d’abord une certaine attitude éthique devant l’état du monde, une réaction, très vive et première, devant des choses comme l’injustice l’inégalité, la souffrance. Devant cela : «Et le silence en moi comme un carreau se brise», comme dit Aragon. Et c’est exactement cela. Il y a quelques semaines, des reportages ont fait état de la situation des enfants pauvres à l’école à Montréal. C’était et c’est absolument intolérable. J’ai hurlé et je le dis sans gêne, j’ai pleuré en lisant ces textes. Ces cris et ces larmes me rappellent que je suis encore vivant.
Mais la gauche c’est aussi la conviction, raisonnable, qu’on peut changer ces choses intolérables, qu’un monde meilleur, parce que sans elles, est possible. Les questions dont je veux parler, ce soir, sont donc: comment s’en tire-t-on dans ce combat; et : comment pourrait-on faire mieux.
En répondant à la première question, je dois dire que je trouve que nous sommes parfois bien sévères envers nous-mêmes, à gauche. Tout se passe comme si on cultivait parfois l’art de transformer une victoire en défaite, ou encore l’art subtil du pessimisme qui consiste à être confiant que tout va aller mal et plus mal encore. Je pose la question comme ceci. De mon vieux professeur Bunge, et parce que c’est commode, j’adopte une vision fonctionnaliste de la société, de toute société. Je vois donc des séries d’institutions qui remplissent des fonctions que je regroupe sous diverses rubriques : par exemple : économie – production, allocation de ressources, consommation; culture – production de sens; politique - dissémination des pouvoirs et prises de décision; parentèle : reproduction biologique, rôles différenciées ou non selon le sexe. Et je dois bien constater que sur bien des plans :
Primo, il existe bien une sensibilité de gauche, suffisamment définie pour qu’on puisse la reconnaître;
Deuxio : elle a fait, en quelques décennies, des progrès immenses et remarquables.
Il serait outrancier de ne pas le reconnaître et ce serait insultant pour nos devancières et devanciers qui ont milité pour obtenir ces gains. Sur les fronts de la lutte au sexisme, au racisme, sur celui d’une certaine sensibilité à l‘environnement, aux animaux, sur d’autres encore, nous avons fait et continuons de faire des progrès considérables; et globalement, ce qui l’a emporté sur tous ces fronts, c’est le point de vue de la gauche.
Certes, et je ne le sais que trop, il reste bien des combats à mener sur chacun de ces plans; mais il faut se rappeler, avec bonheur, ces importantes et grandes victoires. Militer, suggérait récemment Chomsky, c’est un peu come faire de l’alpinisme. On gravit un sommet : c’est une victoire. Mais arrivé là, on aperçoit un nouveau sommet, qu’on ne soupçonnait pas, et que nous devons à présent gravir. Nous nous remettons donc au travail. Mais souvenons-nous qu’on est parvenus à une certaine hauteur; et souvenons nous avec respect de ceux et celles qui nous y ont conduit.
Nous luttons aujourd’hui pour préserver notre système de santé public; c’est un urgent et gravissime combat; mais si on ne le menait pas il y a 50 ans, c’est qu’il n’y avait pas de système de santé public! La guerre en Irak est une abomination, la chose est généralement convenue et nous combattons cette infamie; mais il y a 40 ans, les premiers opposants et opposantes à la Guerre contre le Vietnam vous raconteront qu’ils et elles tenaient leurs rencontres dans des cuisines de maisons privées où deux ou trois personnes les écoutaient aimablement, mais sans trop comprendre de quoi elles parlaient quand elles utilisaient les mots : «Etats-Unis» et «agression» dans la même phrase. Nous avons donc gravi des sommets. Nous voyons aujourd’hui cet autre à gravir qui s’appelle : Mettre un terme à la Guerre en Irak; et nous soupçonnons derrière lui un autre sommet qui s’appelle: Traduire pour crimes de guerre et en invoquant pour cela les lois de Nuremberg G. W. Bush, le sieur Tony Blair et quelques autres.
C’étaient les fleurs. Je ne m’attarderai pas plus longtemps à ce beau bouquet que vous connaissez bien. Vous soupçonnez à présent le pot. Vous avez raison. Je nous en offrirai quatre. Mais avant, je dois vous avouer que je parle avec un certain sentiment d’urgence.
Je me refuse à céder à la panique ou au prophétisme catastrophique; je veux rester calme et rationnel. Mais à mon refus viscéral des injustices et des inégalités qui a fait de moi un militant, s’ajoute désormais la triste et terrifiante perspective que nos institutions tendent en même temps qu’à des guerres intolérables et qui pourraient déboucher sur une catastrophe nucléaire, à des conséquences graves et peut-être irrémédiables sur le plan écologique. Je manque de mots pour exprimer ce sentiment qui m’habite désormais et comme à chaque fois que je manque de mots, je me tourne vers un poète. Ce sentiment d’urgence que je ressens, voici comment l’exprimait le poète Rabindranath Tagore: «Ne voyez-vous pas la laideur mortelle qui éclate partout? Ne voyez-vous pas dans vos villes, dans vos rapports, le même masque monotone qui fait que nulle place n’est laissée à l’expression vivante de l’âme? La mort s’insinue morceau par morceau dans le corps de votre civilisation. La soif du gain ne connaît pas de limite à sa rapacité. Son seul objet est de produire et de consommer. Elle n’a de respect ni pour les êtres humains, ni pour la magnifique nature. Elle est impitoyablement prête, sans une minute d’hésitation, à rejeter la beauté et la vie hors d’elle-même, ou à les changer en argent. La présente civilisation commerciale de l’homme prend beaucoup de temps et d’espace pour tuer le temps et l’espace. Ses mouvements sont violents, son bruit agressif et discordant. Elle porte sa propre condamnation, parce qu’elle foule aux pieds l’humanité sur laquelle elle se tient debout.»
Voici à présent mes pots, c’est-à-dire les quatre directions dans lesquelles la gauche me semble devoir faire mieux si elle veut gravir les sommets qu’il est urgent qu’elle gravisse. En retenant une suggestion de mon ami Michael Albert, qui a, mieux que moi, le sens des métaphores, je vais les associer chacun à un objet. Ce sont :
1. Le porte-voix ou notre problème de communication
2. La longue vue ou notre problème de vision
3. Le pot de colle ou notre problème d’attraction-rétention
4. L’étoile du Nord ou notre manque … d’étoile du nord
***
1. Le porte-voix ou notre problème de communication
Une de nos missions centrales consiste à faire connaître des faits, à exposer des données, à corriger des erreurs, des omissions et ainsi de suite : en somme, à communiquer. Je soumets, sans pouvoir faute de temps le développer comme il conviendrait et en portant moi même le chapeau, que notre bilan, ici, pourrait être bien meilleur. Parmi les nombreuses raisons qui l’expliquent, j’en nommerai deux avant de dire ce que je voudrais qu’on fasse pour corriger cette situation.
La première raison m’a intéressé tout particulièrement en tant qu’universitaire et c’est une certaine rupture avec les idéaux de rationalité du Siècle des lumières par une partie de la gauche. J’ai écrit le Petit cours d’autodéfense intellectuelle en partie contre cela et je pense modestement qu’il répondait à une attente.
Mais la principale raison de notre faiblesse au niveau du porte-voix est la deuxième, qui est externe à nous. Les institutions dominantes ont compris depuis longtemps l’importance du contrôle idéologique et des sommes colossales y sont consacrées dans le cadre d’institutions qui y sont spécifiquement dévolues. Je ne vous rappellerai pas ce que vous savez toutes et tous sur la concentration des médias, sur les relations publiques, la publicité et ainsi de suite. Récemment j’ai tenu à faire republier un des textes fondateurs de cette tradition, Propaganda, d’Edward Bernays. C’est une lecture édifiante pour comprendre contre quoi on lutte. On peut diverger d’avis sur l’analyse plus fine du phénomène : mais ignorer son importance centrale serait suicidaire.
Comment, dans ces circonstances, rendre notre porte-voix plus efficace? D’abord en ne renonçant surtout pas à ce que nous avons de plus précieux : la raison, l’argumentation, les faits. Lisons The Lancet, par exemple, prestigieuse revue médicale. Découvrons y des études épidémiologiques crédibles sur les morts de civils en excès en Irak depuis 2003. Montrons comment un tel travail, scientifique, se fait et expliquons pourquoi il est plus crédible que celui de la Maison Blanche qui de toute façon assure ne pas compter les morts. Exposons le mensonge de l’une (50 000 morts) et mettons au grand jour la vérité de l’autre (plus de 650 000, il ya un an). Et ainsi de suite, sur 1000 sujets. Mais cela se fait et, manifestement, ne suffit pas. Parce que l’ennemi est puissant, parce qu’il est difficile de se faire entendre. Je suggère qu’une gauche crédible prendra ce problème très au sérieux et encouragerait du travail militant dans diverses directions pour le corriger : elle pourrait créer un très riche site web d’infos; soutenir la création d’un organisme de surveillance des médias qui interviendrait pour corriger erreurs, omissions, partialités et qui militerait pour faire entendre d’autres voix à la radio, à la télé, etc.; contribuer à créer un organisme de surveillance de firmes de relations publiques; aiderait les publications et médias indépendants. Vous aurez d’autres idées, j’en suis certain. De mon côté, je plaide depuis 15 ans mais sans succès pour la création d’un quotidien de gauche.
Mais je pense m’être fait comprendre sur ce premier chantier et j’en viens donc au deuxième: la longue-vue.
2. La longue vue ou notre problème de vision
Trop souvent, on pourra observer ceci. Demandez à une personne de gauche contre quoi elle est et elle vous donnera une longue liste de maux qu’elle combat, avec raison. Demandez lui ensuite en faveur de quoi elle est et la réponse sera infiniment plus courte et le plus souvent vague à souhait. C’est tout particulièrement le cas dans les deux secteurs où la gauche a été particulièrement pauvre, je pense : l’Économie et le politique.
Nous savons tous et toutes nommer, disons en économie, des maux que nous déplorons; mais qui saurait articuler de manière crédible une vision d’une économie saine, incorporant des valeurs qu’on souhaite implanter et promouvoir? Nous manquons terriblement de tout cela et sur ces deux plans, économie et politique nous devons être plus créatifs, plus innovateurs. Il y a à cet exercice des vertus pédagogiques importantes et nous avons alors quelque chose à proposer non seulement à court et à moyen mais aussi à long terme. Je déplore le peu de travaux en ce sens et le fait que ces types de réflexion n’irriguent pas plus toute l’action de la gauche. Vous le savez peut-être : j’ai de mon côté fait de mon mieux pour faire connaître l’économie participaliste de Michael Albert et Robin Hahnel ainsi qu’un modèle de politique participative de Steve Shalom. Ces deux visions vont dans le sens que je préconise (l’autogestion et la démocratie participative); mais bien d’autres directions restent à développer, explorer, implanter – je pense notamment aux différents modèles de coopératives. Il est urgent de faire ici montre d’audace et une gauche à mon goût alimenterait la réflexion sur tout cela et aiderait aussi à mettre sur pieds diverses expériences, avec, à chaque fois, l’ambition de sortir des cadres convenus. Il faut imaginer des lieus de travail non-hiérarchiques, ne visant pas le profit ou en tout cas pas le profit à tout prix, des manière différentes de produire et de consommer, de prendre des décisions. Ce sont de vastes chantiers et on les a trop négligés. Nous avons gagné de grandes victoires, je l’ai dit; mais sur ces plans, nous sommes faibles. Et en évoquant ces expériences qu’il faut tenter, j’ai déjà commencé à parler de mon troisième thème : le pot de colle.
3. Le pot de colle ou notre problème d’attraction-rétention
Nous tentons de comprendre le monde, dénonçons des injustices qu’on y trouve, en luttant contre diverses institutions, nous alertons nos contemporains, nous leur proposons des manières différentes de fonctionner. Nous voulons être entendus, écoutés : c’est le problème de L’attraction. Et ces gens qui sont venus nous voulons les garder avec nous, pour que le mouvement soit de plus en plus fort et finalement capable d’obtenir les changements qu’il cherche à gagner. C’est le problème du pot de colle. Il est crucial si on veut gagner. Et on ne milite pas pour perdre, mais pour gagner et je veux dire pas seulement pour préserver des gains, mais pour en remporter de nouveaux. Et pour cela il nous faut attirer et conserver des gens. Il nous faut mobiliser. Il nous faut un pot de colle.
Or là-dessus, nous ne sommes pas à la hauteur. En le disant, rassurez-vous, je ne veux surtout pas nier le rôle de l’idéologie et des institutions dominantes dans tout cela :il est central et se manifeste jusque dans le langage (on a tout fait, par exemple, pour que privé soit associé a positif, excellent, efficace et public à mauvais et inefficient; gogauche est une expression qui me donne des boutons; et je rage comme vous quand les médias ne couvrent pas, ou trop peu, ce qu’on dit et qu’on fait, même lorsque cela mobilise beaucoup de monde; ou quand je découvre que l’Institut Économique de Montréal peut émettre pour fins d’impôt des reçus à titre d’organisme de charité.
Mais je pense aussi que nous avons notre part de responsabilité dans notre malheur. Nous avons manqué de vision, d’abord, comme je l’ai dit et cela est impardonnable. Mais nous avons aussi parfois été, nous le sommes même peut-être encore trop : arrogants, sectaires, intransigeants, nous entredéchirant sur des points qui doivent paraître bien mineurs (parfois avec raison) vus de l’extérieur. Nous avons donné ainsi un piètre spectacle à celles et ceux que nous voudrions attirer. Michael Moore, le cinéaste bien connu, a suggéré il y a quelques années aux gens de gauche, et spécifiquement aux intellos comme moi, d’aller jouer au bowling et de faire de la danse en ligne. Je comprends le message et il a raison. Et pour faire amande honorable, je vous annonce que je prépare un livre sur le hockey.
Mais la question du pot de colle est plus vaste qu’une simple question d’image de respect des personnes. Il concerne aussi notre capacité, à gauche, d’être unifiés sur des questions de fond. La droite l’est. Malgré ses divisions elle sait faire front commun pour préserver ce qui lui est cher. À gauche, beaucoup moins, et je le déplore.
Il y a autre chose encore pour moi, derrière ce pot de colle, et qui concerne la rétention. Militer ne devrait pas nous donner qu’une satisfaction de type kantienne d’avoir fait son devoir ou le plaisir de côtoyer des gens sympathiques et de faire la fête de temps en temps. Je suis pour tout cela, on le fait déjà et c’est très bien ainsi. Mais militer devrait aussi donner des avantages concrets, et rapidement, et surtout à ceux pour lesquels on se bat d’abord : les plus faibles, le plus pauvres. Laissez-moi le dire autrement : le brave Coluche disait avoir fréquenté l’université pendant une très courte période et que s’il l’avait quittée, c’est parce que ses professeurs qui essayaient de lui vendre de l’intelligence n’avaient pas un échantillon sur eux. Eh bien voilà : je voudrais que nous ayons des échantillons. De solidarité. De générosité. D’équité. Je voudrais des actions qui préfigurent dès aujourd’hui ce monde de demain pour lequel nous nous battons. Je voudrais des corvées d’aide à ceci et à cela; de ces expériences économiques dont je parlais plus haut et pour lesquelles des travailleuses de chez Wall Mart quitteraient leur employeur en lui disant Bye bye Boss et ne m’appelle plus jamais «associée», pauvre Zouf; et mille autre choses — je fais confiance à votre imagination, mais toujours avec audace et sans avoir peur de rompre la cage dans lequel on voudrait enfermer l’oiseau de la pensée.
Mon exposé pourrait s’arrêter ici. J’ai dit l’essentiel de ce que je voulais dire. Mais je vous ai promis d’aller jusqu’au bout de ma réflexion et pour ce faire je vais donc sortir de mes tiroirs un objet que je ne sors pas en public d’habitude : une Étoile du nord.
4. L’étoile du Nord ou notre manque … d’étoile du nord
Ce que je veux dire ici n’est pas facile à exprimer. Cela concerne le fait que notre combat est un combat pour quelque chose qui nous dépasse — et je le dis sans qu’il y ait la moindre trace de religiosité en moi. Avec les années, c’est une réalité à laquelle je suis devenu de plus en plus sensible. Aussi, quand j’ai trouvé l’idée parfaitement exprimée chez Bertrand Russell, j’ai aussitôt voulu traduire et faire paraître son livre en français. Laissez moi donc vous lire ceci :
Le monde a besoin d’une philosophie ou d’une religion qui favorise la vie. Mais pour favoriser la vie, il est nécessaire d’apprécier quelque chose d’autre que la vie elle-même. La vie consacrée uniquement à la vie est animale, sans aucune réelle valeur humaine, incapable de préserver de façon permanente les hommes de l’ennui et de l’impression que tout est vanité. Si la vie doit être profondément humaine, il faut qu’elle serve un but qui semble, en un certain sens, en dehors de la vie humaine, un but impersonnel et au-dessus de l’humanité, tel que Dieu, la vérité, ou la beauté. Ceux qui favorisent le mieux la vie ne se proposent pas la vie comme but. Ils visent plutôt à ce qui semble une incarnation progressive ou un apport, dans notre existence humaine, de quelque chose d’éternel, de quelque chose qui apparaît à l’imagination comme situé dans un univers éloigné des luttes, des désappointements et des mâchoires dévorantes du Temps. Le contact avec ce monde éternel - même s’il n’existe que dans notre imagination — apporte une force et une paix fondamentales qui ne peuvent être entièrement détruites par les combats et les échecs apparents de notre vie temporelle. Pour ceux qui l’ont une fois connu, c’est la clef de la sagesse.
Mon Étoile du nord a été et reste l’anarchisme. Et je dois vous le dire : L’autogestion économique et la démocratie participative me paraissent encore des objectifs qu’on doit viser. Mais quoi que vous pensiez, je vous souhaite de découvrir votre Étoile du Nord. Voici la mienne , dans les mots d’une femme remarquable du XIXe siècle, Voltairine de Cleyre :
Oui, je crois que l’on peut remplacer ce système injuste par un système plus juste; je crois à la fin de la famine, de l’abandon, et des crimes qu’ils engendrent; je crois au règne de l’âme humaine sur toutes les lois que l’homme a faites ou fera; je crois qu’il n’y a maintenant aucune paix et qu’il n’y aura aucune paix aussi longtemps que l’humain règnera sur l’humain; je crois en la désintégration et la dissolution complètes du principe et de la pratique de l’autorité; je suis une anarchiste, et si vous me condamnez, je suis prête à recevoir votre condamnation.
Je vous remercie de m’avoir écouté.
lundi, juin 16, 2008
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8 commentaires:
Bonjour,
En regardant ce texte, ce qui me vient le plus en tête, c'est la proximité de point de vue avec ce que défend Michel Onfray (rationalisme, anarchisme...). A mon avis, vous devriez faire un livre ensemble. Si vous n'avez lu aucun de ses ouvrages, je vous conseille de lire "la puissance d'exister" (Grasset). C'est un livre bilan qui résume les différents domaines de sa philosophie. Comme ça si ça ne vous convient pas, vous évitez 40 autres ouvrages.
Continuez.
Bonjour,
Merci de ce mot. Et vous avez sasn doute raison: je devrais lire Onfray.
Normand
Bonjour M. Baillargeon,
Ne croyez pas un mot de ce que ce "Sylvain" vient de vous dire : Michel Onfray est un charlatan de la plus basse espèce qui tire une partie notable de ses revenus à faire des interventions devant les "chefs d'entreprise" et autres "entrepreneurs", en les caressant dans le sens du poil et en les encourageant à grands coups de Platon et d'Epicure. Quant à sa "pensée" "philosophique", elle consiste essentiellement en une version pseudo-libertine des élucubrations du tristement célèbre BHL (enfin, surtout célèbre en France). Bref, ce monsieur Onfray n'est qu'un exemple supplémentaire de la dégénérescence absolue de la "pensée" française depuis déjà une bonne trentaine d'années (en admettant que le structuralisme ait été autre chose qu'une farce et attrapes).
Continuez le combat et ne vous laissez pas séduire hors du droit chemin par les escroqueries intellectuelles françaises (et c'est un français qui vous le dit).
Bonjour,
Encore merci à vous Mr baillargeon de vos bon articles.
En réponse a mathieu, vous n'auriez pas un commentaire a faire à propos de l'université populaire qu'il a crée ?
Bonjour,
Je connais un tout petit peu l' université populaire d'Onfray; un mien ami y est allé et en est revenu très content de ce qu'il y a appris. Ça me semble a priori un fichtrement belle idée.
Normand
Je pense que l'université populaire doit être une expérience des plus enrichissante dès lors qu'on propose un savoir hors des sentiers scolastiques qui en rebute plus d'un. Cela donne une saveur très particulière au savoir présenté et qui est plus à même d'enthousiasmer les gens, plus particulièrement les jeunes.
Bonjour M. Baillargeon,
Le sceptique déclaré que vous êtes sera peut-être intéressé d'apprendre que l'Université "Populaire" du sieur Onfray enseigne la "pychanalyse", pseudo-science partout reconnue comme telle sauf en France.
Bonjour,
Je partage entièrement ce point de vue sur la psychanalyse. J'avoue aussi ne presque jamais lire de philosophes Français.
Normand
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