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mardi, octobre 07, 2008

SLAPP

[Une version remodelée de ce texte est parue dans Siné Hebdo]

S’il y a bien une chose que les institutions dominantes de nos démocraties libérales n’aiment guère, c’est que le public soit réellement informé des grands enjeux sociaux, économiques et politiques et les discutent sérieusement avant d’exercer une réelle influence sur les prises de décision: démocratie, oui, sans doute, mais pas trop. C’est ainsi qu’au Canada et aux États-Unis, comme ailleurs, tout un tas de mesures sont couramment déployées pour éviter le grave danger que présente ce que la Commission Trilatérale a déjà pudiquement nommé le «surcroit de démocratie», c’est-à-dire le fait que les gens se mêlent de ce qui les regarde.

Posséder les médias d’information est un de ces moyens, déployé par les corporations. Mais les États ne sont pas en reste : par exemple des fonctionnaires gênants sont mis à pied, des recherches sont commandées à des scientifiques complaisants, des données sont dissimulées, des textes supprimés et des rapports d’une immense importance sont rendus publics à des moments où ils ont le plus de chance de passer inaperçus.
Mais il arrive que tout cela ne suffise pas. C’est pour ces cas-là qu’a été imaginée une nouvelle stratégie, dont l’usage se repand à grande vitesse : les SLAPPs.

Ce sont des Strategic Lawsuit Against Public Participation et en français, ça se traduit par «poursuite bâillon», en d’autres mots par «ferme-ta-gueule».
Écosociété, une petite maison d’édition indépendante qui a notamment publié Noam Chomsky, en sait quelque chose. Ce printemps, on y publiait Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique. Le livre documente les agissements de sociétés aurifères canadiennes en Afrique. Ce qu’on y lit est terrifiant, mais les auteurs du livre assurent s’être appuyés sur des sources sûres : des documents de l’ONU, des rapports de Human Rights Watch, des dépositions faites au congrès des Etats-Unis, par exemple.

La réaction n’a pas tardé : on a d’abord cherché à interdire la publication du livre puis, quand Écosociété a refusé de céder, une SLAPP est tombée. En fait, deux.
En mai, Barrick Gold, qui est la plus grosse compagnie aurifère au monde, avec $1 , 73 milliards de profits nets en 2007, a réclamé six millions de dollars à Écosociété. En juin, rebelote, comme vous diriez chez vous : cette fois, c’est Banro, une société minière ontarienne, qui réclame cinq millions de dollars. Au total, onze millions sont exigés d’Écosociété, soit plus de 7 millions d’euros.
Avant même de commencer, le procès la cloue au sol. Écosociété doit mobiliser toutes ses ressources financières et humaines pour assurer sa défense. Pire : sa mission première, publier des livres d’intérêt public et susciter des débats de fond est sérieusement compromise, tandis que tous les autres éditeurs y penseront à deux fois avant de publier un livre qui s’attaque aux grandes corporations.

Les SLAPPs auraient existé durant le Guerre d’Espagne, on aurait interdit à Picasso de peindre Guernica et à Orwell de publier Hommage à la Catalogne.

Mais Écosociété prépare sa défense. Elle a reçu des tas d’appuis, par exemple de Hubert Reeves, de Richard Desjardins, de Naomi Klein, de Noam Chomsky et de nombreux autres. La petite maison d’édition en a grandement besoin. La démocratie, la vraie, celle dont il ne saurait y avoir de surcroît, également.

Pour appuyer Écosociété, visitez :[http://slapp.ecosociete.org/]