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dimanche, janvier 31, 2010

GOOGLE NOUS REND-T-IL STUPIDE?

La question a été posée par N. Carr dans un article de la revue The Atlantic, en 2008.

Il mérite réflexion et je suis tombé dessus en préparant un texte sur les usages du numérique en éducation, sujet sur lequel, sans aucunement nier des avantages évidents à ces technologies, je reste sur bien des plans sceptique, surtout compte tenu des coûts qui leur sont associés. J'y vois, souvent, une manière de naiveté positiviste qui attend de la technologie des solutions qu'elle ne peut donner à des problèmes qui sont plus profonds et d'un autre ordre. Quoiqu'il en soit, l'article de Carr a suscité bien des discussions dont on trouve écho ici.

À ce propos, Massimo Pigliucci vient de publier sur son blogue un texte qui me semble intéressant en ce qu'il suggère une manière par laquelle la thèse de la stupidité induite par Google trouve un début d'explication.

Pour suivre et apprécier son argumentaire, on peut tenter cette petite expérience sur ses amis.

Vous annoncez qu'il (ou elle) devra trouver la règle qui permet de construire une suite donnée. Vous leur en donnerez les premiers chiffres; puis, ils pourront risquer une nombre: s'il poursuivent la suite, vous répondrez: oui; sinon, vous leur direz: non. Ils peuvent recommencer autant de fois qu'ils le souhaitent. Quand ils croient avoir trouvé la règle, ils l'annoncent. Vous donnez ensuite le début de la suite: 2, 4, 6, 8.

Vos amis diront probablement: 10, 12, 14. Et, très vite, ils concluront que la suite en question est celle des nombres pairs.

Mais, pensez-y, ce n'est pas nécessairement le cas. En fait, ici, la règle était que le nombre suivant doit être plus grand que le nombre qui le précède. De sorte que si votre ami vous avait dit: 8 1/4; ou 13; ou 245; ou 3999; vous auriez à chaque fois répondu: oui. Et s'il avait dit: 7, vous auriez dit: non.

C'est bien entendu la raison pour laquelle on ne dit pas ces choses qui est intéressante. Ce qui semble se produire est qu'on trouve vite l'hypothèse qu'il faut poursuivre la suite en ajoutant 2 et qu'on s'y confine. Pour trouver la bonne règle, il aurait fallu envisager des hypothèses autres que celles avec laquelle on est parti. Mais on ne le fait généralement pas et on interprète toutes les données à la lumière de cette hypothèse.

Des lecteurs auront reconnu l'expérience rapportée par P. C. Wason dans : On the failure to eliminate hypotheses in a conceptual task (1960). Un expression destinée à devenir célèbre y apparaissait: biais de confirmation. Elle signifie que nous recherchons, remarquons et nous souvenons de ce qui conforte ce que nous croyons déjà.

Revenons à Google armés de cette idée.

Massimo donne un bel exemple. X a entendu dire que le féminisme a été créé par la CIA dans le but de contrôler le monde. Délirant, non? Certes. Mais X rentre chez lui et met dans Google: CIA feminism. Il trouve ceci. Et le premier lien donne des tas de preuves que ce complot est bien réel. Ce lien renvoie à d'autres liens, qui tous confortent la même idée.

Mais , direz-vous, X va avoir l'idée de mettre dans Google: CIA feminism debunk. Sans doute. Comme d'autres ont l'idée de dire, après 8: 217.

Massimo ajoute que le nouvel algorithme de recherche de Google risque d'empirer les choses.

Ce n'est là qu'une goutte d'eau dans l'argumentaire du papier que je médite; mais je la trouve jolie.